L'Assassinat d'Hicabi Bay de Alper Caniguz éd:Mirobole
Xavier vous parle de son coup de coeur polar du moment. Voir de l'année !
Il lui manquait juste un peu d'expérience pour atteindre une certaine maturité. Ou pour être corrompu à souhait. En fait, la dernière option paraissait plus vraisemblable.
Ce samedi était un jour de pluie ordinaire. Après un petit déjeuner tardif, mon père s'est plongé dans ses mots croisés et ma mère dans sa lessive. Comme tous les travailleurs de la classe moyenne, ils passaient leur semaine à attendre le week-end, et le week-end à s'ennuyer de leur travail. Ils ne verraient même pas arriver leur dernère heure-ou la victoire ultime du système.
- De toute façon, je ne suis pas venu ici pour te ramener à la maison ! Je me suis dit qu'on pourrait partager un verre ensemble, entre père et fils.
J'ai bien vu qu'il essayait de dissimuler sa joie. "Ce n'est pas un endroit pour les enfants.
-La maternelle non plus, pourtant vous m'y avez bien envoyé."
Il était né laveur de voitures. Mais la vie l'avait condamné à devenir épicier, tout comme elle avait condamné de formidables maraîchers à être députés. Le système tue les talents.
« Comme un chat je me suis faufilé doucement jusqu’au salon. Mon père ne s’est même pas aperçu que j’étais auprès de lui. Assis là, son verre de raki à la main, il avait le regard figé sur des lieux très anciens. A la lueur de la lune, ses yeux bleus brillaient plus que jamais. L’eau reflète la lumière, en effet. Jusqu’à ce jour, jamais je n’avais vu un tel chagrin sur le visage d’une personne. »
À l’approche de mon anniversaire, j’ai passé le plus clair de mon temps posté à la fenêtre, à observer les gens au-dehors. Ils traversaient la vie tantôt accélérant, tantôt ralentissant, et émettaient toutes sortes de bruits, le regard sans cesse en mouvement. J’étais malade à l’idée qu’un jour je deviendrais l’un d’eux. Malheureusement, il n’y avait aucune autre issue possible ; le temps s’écoulait, inexorable, et je vieillissais vite.
Je me suis toujours étonné qu'on puisse considérer les enfants comme des êtres beaux, innocents et naïfs. Quand je regarde ces gamins, je ne vois que les aspects les plus vils et violents de l'humanité. D'ailleurs, je ne me sens pas vraiment différent. Seulement, j'ai de la chance de savoir exprimer ma laideur intérieure de manière plus raffinée.
Je comprends la vie, seulement, je ne parviens pas à m’y résigner.
Serrant encore très fort mon pistolet dans la main, je me suis affaissé et j'ai commencé à rire. Je vivais les jours les plus intenses de ma vie. J'étais entouré d'ennemis qu'il fallait combattre et de femmes qui voulaient être aimées. Certes, mon pistolet était en plastique. Mes femmes aussi. Mais c'était toujours mieux que rien. (p.116)
Ils pouvaient traficoter à leur guise, ça ne me concernait pas. Moi, j'étais amoureux, que demander de plus ? (p. 54)