« j’écris aussi loin que possible de moi .
« Que l’infatigué
persiste – qu’au revers de la langue
ce qu’elle ne désigne pas mais couvre
se fasse jour par un corps sans voix de
mots ."
Parole, le silence qui la porte, c’est le souffle – et souffle qui l’emporte, aussi bien .
" Seul celui qui a peu de moyens a quelque chose à dire ."
« C’est en cessant de vouloir parler aux autres avec le langage des autres que peut-être, alors, un autre sera touché ."
« et parfois la vaisselle de la terre
croule
comme une maison
pied sur soi
par d’autres chemins
… on marche
sur la prunelle des pierres
l’air
qui se modèle
sur moi
sans arrêt
me modèle
je desserre
la bouche
de la terre
elle parle par flaques
et je comprends
son langage de lumière
ce qui est en moi
est enterré aussi
dehors
Le jour qui s’ouvre à cette déchirure, comme un feu
détonnant. Pour qui s’arrête auprès des lointains. Le
même lit, la même faux, le même vent.
J’occupe seul cette demeure
blanche
où rien ne contrarie le vent
si nous sommes ce qui a crié
et le cri
qui ouvre ce ciel
de glace
ce plafond blanc nous nous sommes aimés sous ce plafond.
Cession
Le vent,
dans les terres sans eau de l’été, nous
quitte sur une lame,
ce qui subsiste du ciel.
En plusieurs fractures, la terre se précise. La terre demeure stable dans le souffle qui nous dénude.
Ici, dans le monde immobile et bleu, j’ai presque atteint ce mur. Le fond du jour est encore devant nous.
Le fond embrasé de la terre. Le fond
et la surface du front,
aplani par le même souffle,
ce froid.
Je me recompose au pied de la façade comme l’air bleu
au pied des labours.
Rien ne désaltère mon pas.
Séparé de la montagne par l’air que j’ai à respirer, mais la montagne c’est l’air encore. L’air aux lèvres entr’ouvertes, comme accroché. Là, je heurte.
LE MOTEUR BLANC, XV
Ce qui demeure après le feu, ce sont les
pierres disqualifiées, les pierres froides,
la monnaie de cendre dans le champ.
Il y a encore la carrosserie de l’écume
qui cliquette comme si elle rejaillissait
de l’arbre ancré dans la terre aux on-
gles cassés, cette tête qui émerge et
s’ordonne, et le silence qui nous ré-
clame comme un grand champ.
ICI EN DEUX
Extrait 4
... sur la vélocité
ici
comme immobile
si
emporté
je ne suis pas confondu entièrement
jusqu’à l’arrêt même
avec
la vélocité.
... le volet brûlant
éclaire
…
ICI EN DEUX
Extrait 3
... cela
est proche
puisque
la substance en moi qui souffle
est
la même
que
l’autre des lointains.
... à grands pas
mes pas
dans ceux du bleu
de
façon à ce qu’ils soient
sans vestige.
…
ICI EN DEUX
Extrait 2
...et tel
qu’arrivé
à une plage de la hauteur
souffle
suspendu
le plus haut
sans
que lui le vent ait eu
à
reprendre souffle
apparaît
plat.
…
ICI EN DEUX
Extrait 1
.... que
tu te déplaces
alors
ou non
sur
l’enjambée
la hauteur
ici
reprend.
... plage
du
plus haut
comme
sans qu’ici le vent
ait
à reprendre
souffle
moi-même arrêté.
…
1
Le ciel étoilé a des constellations rares et pro-
digieuses qui ont pour mission de se rapprocher
sans cesse et doucement des mondes misérables
et de les éclairer peu à peu d'un jour qui com-
mence par être crépusculaire et qui arrive à être
flamboyant ; il y en a d'autres également subli-
mes qui ont pour fonction, non de s'approcher,
mais d'attirer, double effort, double et terrible
labeur. Les unes descendent, les autres font
monter. Les unes s'engouffrent dans les ténè-
bres, les autres se mettent à suer des flots de
lumière ; celles-ci se jettent à la nage dans le
firmament et ramènent du fond de la nuit des
étoiles pâles et échevelées ; celles-là, sans se
déranger, se changent en feux de paille et de
fagots dans le grand âtre noir et réchauffent les
pauvres noyés . Ô constellations bonnes et
fortes qui se font les servantes de la hideuse
morgue du châtiment ! Ô bons astres qui s'attel-
lent aux astres égarés ! Soleils qui se font chiens
d'aveugle ! Globes qui se font sébilles ! Lumiè-
res qui se font fidèles à des yeux fermés ! Pléia-
des, planètes, rayons, flambeaux, vivantes splen-
deurs, lions de flamme, ourse de feu, scorpions
d'escarboucles, verseaux de diamant !
p.11-12