LE FEU ET LA LUEUR
extrait 2
Au début de la poitrine froide et blanche où ma phrase
se place,
au-dessus du mur, dans la lumière sauvage.
À la fois le vent et le corps de la pierre, bec par où la
terre se dessine, ou plutôt disparaît.
Dans l’immense feu blanc qui me sert de chambre,
l’air manque, l’air demeure aride.
Paroi d’air
au-dessous de la terre soulevée
hors des atteintes de l’air
tout est détruit
comme un peu d’air
dans une main ouverte
montagne
presque rien
montagne
dont nous suivons la montée
vert-de-grisée.
LE FEU ET LA LUEUR
extrait 1
Cette profondeur,
cette surface dont un champ
compose l’aile.
Le jour, papillon glacé.
J’ai suivi le jour, je l’ai traversé, comme on traverse les
terres
Matière froide
éparse
matinée froide
éparse
tout s’est refait
déchiré
ce qui est aujourd’hui
d’un autre registre
sous ces froides tentures
sur le plateau des terres.
Du bord de la faux
Extrait 2
II
La montagne,
la terre bue par le jour, sans
que le mur bouge.
La montagne
comme une faille dans le souffle
le corps du glacier
Les nuées volant bas, au ras de la route,
illuminant le papier.
Je ne parle pas avant le ciel,
la déchirure,
comme
une maison rendue au souffle
J’ai vu le jour ébranlé, sans que le mur bouge.
Face de la chaleur
EMBRASURE
Notre visage, comme un mur, heurté par le même feu.
Comme le froid dans l’horizon compact.
J’effleure, sur la terre serrée, ce front qui se hisse à côté
de moi.
L’autre distance qui fait écho au front, à travers cette
trop grande chaleur, comme le corps infime de l’été.
Tout fuit à travers l’eau immobile, les souffles de l’air.
La route liée nous est rendue en feu.
Je ne me suis habitué au jour
qu’à la fin du jour.
Le feu brûle aujourd’hui sous un autre nom.
Face de la chaleur
SCINTILLATION
Ce feu qui nous précède dans l’été, comme une route déchirée.
Et le froid brusque de l’orage.
Où je mène cette chaleur,
dehors, j’ai lié le vent.
La paille à laquelle nous restons adossés, la paille après la faux.
Je départage l’air et les routes. Comme l’été, où le froid de l’air
passe. Tout a pris feu.
Le jour qui s’ouvre à cette déchirure, comme un feu détonnant.
Pour qui s’arrête auprès des lointains. Le même lit, la même
faux, le même vent.
André DU BOUCHET – La Pierre bleue (DOCUMENTAIRE, 1993)
Un film réalisé en 1993 par Laurence Bazin.