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Citations de Andy Mulligan (33)


C’est là qu’on les attend, avec la vue sur la mer.
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Bon, par où commencer ?

Mon jour de chance-malchance, celui où tout a basculé ? C’était un jeudi. Gardo et moi, nous étions près d’une des grues – des monstres, avec douze roues énormes, qui sont capables de grimper sur les collines. Elles ramassent les ordures et les soulèvent si haut que vous ne voyez même pas jusqu’où et puis elles lâchent tout. Elles s’occupent de tout ce qui arrive et on n’est pas censés travailler près d’elles parce que c’est dangereux. Les gardiens tentent de nous tenir à l’écart à cause des orages d’ordures. Mais si on arrive à être les premiers – faut dire qu’on évite de monter dans les camions-bennes parce que ça, c’est très dangereux : j’ai connu un gosse qui y a laissé son bras –, alors ça vaut le coup de rester tout près du monstre. Les camions déchargent, les bulldozers poussent les déchets jusqu’aux grues et elles nous les amènent tout là-haut, à nous qui sommes assis au sommet de la montagne.
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« Qu’est-ce que tu as, Gardo ?

– Du stupp. Et toi ? »

Je retourne le bout de papier.

« Du stupp. »

Il faut que je vous dise : je suis un garçon-poubelle en short. Je travaille le plus souvent avec Gardo et, à nous deux, on est des rapides. Certains gosses, les plus petits, et puis les vieux, ceux qui ne savent plus, ils ne font que fouiller et fouiller, comme s’il fallait tout retourner. Mais dans tout ce stupp, il faut être capable de repérer très vite le papier et le plastique, et je me débrouille pas trop mal. Gardo est mon partenaire, on travaille toujours ensemble. Il veille sur moi.
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Le caoutchouc, c’est bien aussi. La semaine dernière, on a reçu une livraison imprévue de vieux pneus. En quelques minutes, il n’y en avait plus un seul – les adultes nous ont chassés, nous les petits, et ils ont tout pris. Un pneu à moitié usé, ça peut valoir un demi-dollar, et avec un pneu mort, on fait tenir le toit de la maison, suffit de le poser dessus. Il y a aussi les restes de fast-food, mais c’est un petit commerce à part. Gardo et moi, on n’y touche pas, ça se passe à l’autre bout de la décharge, où il doit bien y avoir une centaine de gosses qui s’occupent des pailles, des gobelets et des os de poulet. Tout est trié, nettoyé, emballé puis pesé et vendu. Les camions les rapportent en ville et ça continue à tourner. Les bons jours, je gagne deux cents pesos. Les mauvais, cinquante peut-être. On vit comme ça, au jour le jour, en espérant ne jamais tomber malade. On s’accroche. Oui, on s’accroche parce que la vie tient au crochet qu’on a dans la main et qui nous sert à fouiller les ordures.
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Je suis un trashboy, un garçon-poubelle, depuis que j’ai l’âge de me déplacer tout seul et de ramasser des choses. À trois ans, je triais déjà.

Je vais vous dire ce qu’on cherche.

Du plastique, parce qu’on peut tout de suite en tirer de l’argent... au kilo. Le mieux, c’est le plastique blanc. On en fait une pile. Après, il y a le bleu.

Du papier, s’il est blanc et propre – pour pouvoir le nettoyer et le faire sécher. Le carton aussi.

Des boîtes en fer, et tout ce qui est métallique. Du verre, à condition que ce soit des bouteilles. Les vêtements ou n’importe quel bout de tissu – on trouve un tee-shirt de temps en temps, un pantalon, et ces sacs qui servent à trimbaler des choses. Ici, on s’habille surtout avec ce qu’on trouve dans nos montagnes, mais la plus grande partie, on en fait des tas qu’on pèse et qu’on vend. Vous devriez me voir dans ma tenue de combat : un jean coupé et un tee-shirt trop grand pour pouvoir le remonter sur ma tête quand le soleil tape fort. Mais pas de chaussures. D’abord, parce que je n’en ai pas, et ensuite parce qu’on a besoin de ses pieds pour sentir. L’école de la Mission s’est démenée pour nous obtenir des souliers montants, mais la plupart des gars les ont vendus. Les ordures sont molles et nos pieds durs comme des sabots.
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Vous voulez venir voir ? Venez, venez, mais, Behala, vous la sentirez bien avant de la voir. Et pourtant, elle est grande. Elle fait au moins la taille de deux cents terrains de football, ou alors de mille terrains de basket. Je ne sais pas, on dirait qu’elle s’étend jusqu’au bout de la Terre. Et je ne sais pas non plus la part de stupp qu’il y a dedans, mais les mauvais jours, c’est comme s’il n’y avait que ça, et passer sa vie les pieds là-dedans, à respirer ça, à y dormir... Oui, peut-être qu’un jour on trouvera « quelque chose de bien ». Oui.
Et voilà, ce jour est arrivé. Il m’est arrivé.
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« Qu’est-ce que tu as là ? je demande à Gardo.
– À ton avis, petit ? » dit Gardo.
Je sais déjà. Ce joli petit paquet bien emballé ? C’est du stupp, et voilà Gardo qui repart, en s’essuyant les mains sur sa chemise, et qui espère dénicher quelque chose qu’on pourra vendre. Tous les jours, soleil ou pluie, on marche dans les collines.
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« Mais vous devez bien trouver des choses intéressantes ? m’a demandé quelqu’un. Ça doit bien arriver, non ? »
C’est qu’on a des visites parfois. En général, des étrangers qui viennent voir l’école de la Mission qu’ils ont ouverte il y a des années et qui fonctionne encore, plus ou moins. Je souris toujours et je dis :
« De temps en temps, monsieur ! De temps en temps, madame ! »
En fait, ce que je veux dire, c’est : Non, jamais... ce qu’on trouve tout le temps, c’est du stupp.
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Cet endroit, ils l’appellent Behala et c’est la ville-poubelle. Il y a trois ans, c’était Smoky Mountain 1, mais Smoky Mountain est devenue si terrible qu’ils l’ont fermée et qu’ils nous ont repoussés plus loin sur la route. Les ordures s’entassent, des Himalayas – on pourrait grimper sans jamais s’arrêter, et beaucoup le font : monter, descendre, traverser les vallées. Nos montagnes démarrent juste au bord des marécages, près des quais, tout un monde d’ordures fumantes. Je suis un des gamins de la décharge qui trient tous les trucs que la ville jette.
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Je m’appelle Raphael Fernández et je vis dans une décharge.

Les gens me disent : « Tu ne dois jamais savoir ce que tu vas trouver, à fouiller comme ça dans les ordures ! Et si c’était ton jour de chance, aujourd’hui ? » Je réponds : « Ne vous inquiétez pas, je sais déjà ce que je vais trouver. » Je le sais parce qu’on n’a jamais rien trouvé d’autre depuis toutes ces années que je fais ce travail, c’est-à-dire onze ans. Nous, on appelle ça stupp, c’est notre mot pour désigner la fiente des hommes et je ne veux offenser personne. Je ne cherche pas à accuser qui que ce soit, ce n’est pas mon but ici. Mais il y a beaucoup de choses qui sont rares dans notre belle ville, comme par exemple l’eau courante et les toilettes. Alors, quand il faut y aller, on fait comme on peut. Les gens, enfin la plupart des gens, vivent dans des boîtes, et les boîtes sont empilées les unes sur les autres. Quand ils vont aux toilettes, ils font ça sur une feuille de papier avant de jeter leur emballage tout frais à la poubelle. Après, les poubelles sont ramassées. Partout en ville, elles sont chargées dans des bennes, sur des camions ou même dans des trains – vous seriez stupéfaits de voir la quantité d’ordures que cette ville fabrique. Des montagnes et des montagnes, qui finissent toutes ici avec nous. Les camions et les trains ne s’arrêtent jamais, et nous non plus. On escalade, on rampe, on trie et on trie.
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Je m’appelle Raphael Fernández et je vis dans une décharge.
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Vous voulez savoir à quoi ça ressemble, six millions de dollars ? Je vais essayer de vous le dire.

Pour moi qui étais assis devant, ça ressemblait à manger et à boire, ça ressemblait à une autre vie : quitter la ville pour toujours. Ça ressemblait à partir, et ça ressemblait à l’avenir. Non, je ne sais pas à quoi ça ressemblait!
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On s’accroche. Oui, on s’accroche parce que la vie tient au crochet qu’on a dans la main et qui nous sert à fouiller les ordures.
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