Citations de Anna Dubosc (16)
“ Elle prend des notes en français ou en japonais.Parfois, juste un mot sur une page, parmi plusieurs pages blanches. Faut aérer. Il ne faut pas remplir, pas compter, c’est les pauvres qui font ça. La hantise de ma mère. Comme s’il suffisait de ne pas compter pour être riche et qu’elle était seule à avoir pigé ça. ”
“ On fait les choses correctement quand on manque d’imagination, c’est la pire tare au monde. ”
“ Tout est tellement vétuste, les moignons de robinets qu’on ne peut ouvrir qu’avec une clé anglaise, les fils électriques qui se baladent, les feuilles agrafées autour des ampoules en guise d’abat-jour... ”
“ Je peux quasiment tout supporter, sa connerie, sa méchanceté. Son désespoir, non, ça me terrasse. Je préfère quand elle m’emmerde. Au moins, ça fait diversion, ça brouille mon amour. ”
“ Tout ce qu’elle a intégré, elle peut le désintégrer. C’est aussi fascinant qu’observer les progrès d’un nourrisson, le même processus à l’envers. ”
“ Parfois j’aimerais qu’elle meure.Je me dis qu’il faudrait qu’elle meure là, tout de suite, qu’on en finisse. J’y pense dans la rue, quand elle traîne ou quand elle se fâche ou qu’elle prend son air harassé. Puis j’imagine le monde soudain vide d’elle. Non, impossible. Il faudrait qu’elle meure pour de faux, pas pour toujours. ”
“ Je me sens précipitée dans sa vieillesse et dans la mienne, par ricochet. ”
"Cet horrible cauchemar se transforme en rêve merveilleux. Cette sensation fait partie de moi. le bonheur confine à l'effroi et l'effroi au bonheur. Il n'y a pas l'un sans l'autre.
C'est la tempête.Je m'arrête et j'entre dans une chapelle,en attendant que ça se calme.Je regarde un type qui se signe et qui va s'asseoir pour prier.Je l'envie.Mois aussi ,je voudrais croire.
"Cet horrible cauchemar se transforme en rêve merveilleux. Cette sensation fait partie de moi. le bonheur confine à l'effroi et l'effroi au bonheur. Il n'y a pas l'un sans l'autre.
C'est la tempête.Je m'arrête et j'entre dans une chapelle,en attendant que ça se calme.Je regarde un type qui se signe et qui va s'asseoir pour prier.Je l'envie.Mos aussi ,je voudrais croire.
On va à la papeterie à côté. On prend le journal et des carnets. Elle adore les carnets, elle en a plein son sac. Elle note les numéros, les adresses de restos, des expressions, les films, les livres qu’on lui recommande. Et puis des phrases de quelques lignes, ce qu’elle a vu, ce qu’elle a entendu. Toutes ces notes, ces carnets qui ne donneront plus d’histoires, ça me serre le coeur, comme si Koumiko était un poulet sans tête courant dans tous les sens.
Elle prend des notes en français ou en japonais. Parfois, juste un mot sur une page, parmi plusieurs pages blanches. Faut aérer. Il ne faut pas remplir, pas compter, c’est les pauvres qui font ça. La hantise de ma mère. Comme s’il suffisait de ne pas compter pour être riche et qu’elle était la seule à avoir pigé ça.
Tant qu'elle est en vie et qu'elle perd la tête, j'aurai envie d'écrire pour aller plus vite que l'oubli.
Lui restait confiné dans sa salle de montage, une petite pièce aux volets constamment fermés, imbibée par l’odeur de ses cigarillos. La fumée s’enroulait autour des pellicules suspendues à des fils tendus entre les murs. C’était comme entrer dans une jungle : la jungle de son autarcie. Rien ne l’en détournait.
Quand on se désamoure, tout est désamour, c'est fractal.
Je sors de la salle de bain. Elle dort. Je la couvre, elle se pend à mon cou. Oh, j’y crois pas ! Bon, o.k., t’as gagné. Je la prends dans mon lit, elle se blottit contre moi : « Ma maman, ma maman d’amour… Je veux que tu viens dans mon rêve. -Alors ferme les yeux. »Et elle s’endort, les bras et les jambes en étoile de mer.
J’avais la sensation que plus rien jamais n’arriverait, que j’étais bloquée, emmurée, que je rentrerai plus en France. Mais ça m’était égal. Tout m’était complétement égal, tant que les choses restaient en suspens. Ça dépendait de moi. Je veillais sur les miens comme un geôlier, je ne les laisserais pas s’échapper.
C’est un jour très spécial, confus et limpide, heureux et malheureux, transparent et opaque, fragile, tragique. Dans la vie, en dehors de la vie, je monte l’escalier. Dans la vie, en dehors de la vie, je resterai ici quelques temps. Dans la vie, en dehors de la vie, je déférai ma valise, j’achèterai un petit réchaud.
Je pleure en marchant. Je lui parle, je lui dis de revenir. Je regarde le ciel, les arbres, les voitures, les immeubles, et encore le ciel et les arbres. Elle ne peut pas être nulle part. Il me manque un sens pour appréhender ce vide, cette immensité qui s’en fout.
Parfois j’aimerais qu’elle meure. Je me dis qu’il faudrait qu’elle meure, là, tout de suite, qu’on en finisse. J’y pense dans la rue, quand elle traîne ou quand elle se fâche ou quand elle prend son air harassé. Puis j’imagine le monde soudain vide d’elle. Non, impossible. Il faudrait qu’elle meure pour de faux, pas pour toujours.
Il fait nuit, les rues sont désertes. On entend seulement les oiseaux et le bruit de nos pas… On longe une ancienne voie ferrée. Ça sent la campagne et les feuilles brulées. Une patrouille de chauve-souris exécute un éclatement. Reformation puis tonneau barriqué… On traverse une passerelle. La tour Eiffel scintille au loin. Il est sept heures, je suis en retard.
Le cri des canards se perd dans la brume. Les usines flottent au loin. Une colonne de fumée monte dans le ciel.