J’ai commencé ce roman hier soir, et je l’ai lu quasiment d’une traite.
Excellent ? Oui, sans aucun doute. Effrayant ? Oui, aussi.
L’auteur, avocate spécialisée dans les droits de l’enfant, ex-ministre de la justice, dresse un portrait sans concession de son pays et de sa police, absolument débordée. Les policiers accordent toute leur attention aux meurtres (encore heureux), mais en sont réduits à classer les affaires de viols, faute de preuves. Les analyses prennent du temps, et si le coupable n’est pas déjà fiché, il ne court quasiment aucun risque d’être arrêté, à moins d’être un étranger. C’est bien connu, dans ce pays où tout va bien, ce pays pas raciste du tout, le coupable est forcément un étranger, en attente de régularisation. De là à dire qu’ils sont responsables de la montée de la criminalité dans le pays, il y a un pas que certains policiers ont déjà franchi allégrement – et je ne vous parle pas de ceux qui abusent de leur petit pouvoir.
Fait rare dans les romans policiers, cette oeuvre n’est pas centrée sur le coupable – pour ma part, j’en ai plus qu’assez de lire ce qui se passe dans le cerveau tordu du tueur – mais sur la victime. Contrairement à certains livres "bien de chez nous", la victime ne se remet pas immédiatement de ce qu’elle a vécu, elle n’est pas prête du tout à pardonner à celui qui a brisé sa vie. Essayer de se reconstruire ? Il faudrait d’abord qu’elle parvienne à vivre, à parler, à se confier à la personne qui lui est la plus proche. Seul problème : cette personne, c’est son père, et il souffre autant que sa fille de la voir ainsi. Ni l’un ni l’autre ne peuvent parler de ce qui est arrivé, encore moins se parler. Très vite, devant l’inertie et l’impuissance de la police, ils mènent leur enquête, chacun de leur côté, animé non par le sens de la justice (que fait-elle pour eux) mais par la vengeance.
Pas de vengeance dans ce beau pays scandinave, dit-on. Pas de violence, pas de brutalité. Les mots, crus, sont là pour prouver le contraire. Pas de racisme non plus – mais la joie de dénoncer un voisin que l’on juge suspect. La France des années quarante n’a pas le monopole de la dénonciation.
Bienheureux ceux qui ont soif est une œuvre âpre, qui donne une image sans concession de la Norvège.
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