AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Anne-Marie Desplat-Duc (321)


Cependant, cette rencontre ouvrit les yeux de ma mère. Elle se dit qu’elle était sotte d’accepter d’habiter dans une prison. Elle n’avait rien à se reprocher, elle ! D’autant que, au lieu de s’amender, mon père ne renonçait pas à sa passion : le jeu. Il jouait avec ses geôliers, perdait beaucoup, et demandait à son épouse d’intercéder auprès de ses parents et amis pour trouver de l’argent.

Notre mère s’installa donc avec mon frère et moi dans une masure insalubre adossée aux remparts de Rennes où la lumière ne pénétrait jamais. C’était tout ce qu’elle avait pu dénicher. Mon père avait depuis longtemps mangé sa dot pour réaliser ses plans et régler ses dettes de jeu. Ma mère n’eut même pas les moyens de me mettre en nourrice et elle me donna le sein pour que je ne meure pas de faim. Ce qui, pour une femme de sa condition, était inconcevable. Marie ne s’en vanta pas pour ne pas ajouter cette honte à celles déjà vécues. De toute façon, qui aurait pu s’en douter ? Sa famille et celle de son époux semblaient vouloir ignorer la misère dans laquelle elle se débattait et personne ne s’occupa de nous.
Commenter  J’apprécie          10
J’arrivai au monde trois ans après Josselin.

On me baptisa dès le lendemain. Mon parrain, un lointain cousin de mon père, et ma marraine Françoise de Talhouet-Séverac, demi-sœur de ma mère, avaient accepté de me porter sur les fonts baptismaux par charité. Fréquenter mon père était déshonorant. Avant son emprisonnement, Françoise enviait Marie d’avoir épousé un aussi jeune et joli garçon alors qu’elle devait se contenter d’un époux de cinquante ans. À présent, elle la plaignait.

– Ma pauvre amie, une prison n’est pas un lieu propice pour la bonne éducation des enfants !

– J’espère en la clémence du roi.
Commenter  J’apprécie          10
Si vous lisez ce qui va suivre, c’est que ma tante a eu raison de me pousser à conter mon histoire.

Un jour que nous bavardions de choses et d’autres et que je lui confiais combien j’avais apprécié La Princesse de Clèves, le roman de Mme de La Fayette, elle me dit :

– Ma chère Agathe, votre vie est bien plus passionnante que n’importe quel roman. Vous devriez l’écrire.

– Oh, non, me défendis-je, je ne saurais point.

– Tant que vous n’aurez pas essayé, vous ne pouvez l’affirmer.

Cette répartie me piqua au vif. Après tout, j’avais peut-être, moi aussi, l’étoffe d’un écrivain ! Et puis, même si je ne l’avais pas, ne serait-ce pas distrayant de relater ma vie ?

Je trempai donc ma plume dans l’encrier de mes souvenirs. Au début j’hésitai, ne me rappelant pas certains détails, certaines anecdotes. Mille fois je faillis abandonner, déchirer les feuillets. Petit à petit, je me pris au jeu et je finis par achever ce récit. Je n’ose dire ce roman, bien que, par moments, emportée par l’exaltation, j’aie inventé quelques situations qui me paraissaient plus belles, plus poignantes ou plus drôles que celles réellement vécues. Mais qui me contredira ?

Et si vous, lecteur, avez ce texte imprimé entre les mains, cela signifie que je suis devenue une romancière.
Commenter  J’apprécie          10
Je me souviens fort bien du jour où il quitta la maison. Je n’avais presque pas dormi de la nuit. Je perdais en lui plus qu’un ami. Il était la seule personne qui me comprenait vraiment et la seule (en dehors de mon père) qui m’aimât un peu. Je

Commenter  J’apprécie          10
L’année de mes dix ans, le monde s’écroula autour de moi.
Luc-Henri fut admis au collège Saint-Thomas de Rennes. Mon oncle avait décidé que puisqu’il n’avait pas les moyens de lui acheter une charge à la cour et encore moins un régiment pour qu’il entame une carrière militaire, il entrerait dans les ordres.
C’était, pour lui, pour nous, la fin d’une longue période de liberté. Il se soumit pourtant, parce qu’il n’avait pas le choix. Il lui fallait absolument un établissement pour assurer son avenir.
Commenter  J’apprécie          10
Le comble fut qu’ils m’empêchèrent de monter sur un canot que Trouin avait l’intention d’emprunter, sous prétexte que j’allais leur porter malheur.
— Les filles, tout comme les lapins, sont interdites sur les vaisseaux, m’apprit René. Les premières perturbent l’équipage et les seconds rongent les cordages. On ne doit même pas prononcer le mot à bord sous peine des pires sanctions.
Ivre de colère, je me ruai sur Trouin, qui détachait l’embarcation de la bite d’amarrage. Ne s’attendant pas à mon attaque, il fut projeté à l’eau. Luc-Henri se pencha pour lui tendre la main et, à son tour, je le poussai à la mer. Après quoi je montai seule sur l’embarcation et je m’éloignai du quai à la rame sous les encouragements et les rires des marins qui avaient assisté à la scène.
De ce jour, je participai à toutes les expéditions que Luc-Henri et René entreprirent en mer et je suis assez fière de dire que lorsque c’était mon tour de jouer le capitaine, je savais parfaitement me faire obéir de mes hommes et diriger le bateau pour éviter les écueils, les bancs de sable, et louvoyer entre les grands vaisseaux amarrés au port.
Commenter  J’apprécie          10
Ce fut la période la plus heureuse de mon existence.
Souventes fois, Luc-Henri me prenait sur son cheval et nous galopions jusqu’au port de SaintMalo pour admirer les vaisseaux.
Commenter  J’apprécie          10
C’est à ce moment-là que je vis moins souvent mon père. Je n’en connais pas la raison exacte. J’ai ouï-dire 1 par les domestiques, qui sont toujours au courant de tout, qu’il faisait sa cour au roi pour obtenir une charge, car il n’y avait plus d’argent à la maison. J’eus le sentiment qu’il me délaissait et j’en souffris. Fort heureusement, mes liens avec Luc-Henri s’étaient renforcés. Je crois qu’il me considérait comme son égale. Cela me ravissait. Son père souffrait d’une sorte de maladie de langueur habituellement propre au sexe féminin et il ne quittait guère sa chambre.
Commenter  J’apprécie          10
Je bredouillai un vague « je regrette » et je tournai prestement les talons.
Je me promis de tout faire pour éviter de croiser ce garçon.
Commenter  J’apprécie          10
Je n’avais pas peur des chevaux et, bien décidée à lui montrer que je n’étais pas une poule mouillée, je lui saisis le pied, l’arrachai de l’étrier et le tordis. Il poussa un cri et tomba dans la boue. Il se releva aussitôt et bondit sur moi. Je l’esquivai. Mais sa deuxième attaque me fut fatale et il me renversa sur le sol. Je lui donnai force coups de pied et de poing pour me libérer, il m’en rendit autant. C’est mon père qui nous sépara.
Commenter  J’apprécie          10
Aussitôt, je détestai ce Luc-Henri qui, parce qu’il était né garçon, faisait le bonheur et la fierté de ses parents quand je n’en faisais que le malheur.
Quand il arriva, il me coula un regard narquois qui semblait dire : « Pouah ! une fille ! »
Je plantai mes yeux noisette dans les siens sans rougir. Je crois me souvenir que c’est lui qui baissa la tête.
Au début, il m’ignora et je fis de même.
Commenter  J’apprécie          10
J’en perdis l’envie de vivre pendant plus d’un an. Je n’avais plus d’appétit et je passais mes journées à dormir. Seules les sorties avec mon père me tiraient de ma torpeur. Mais ses affaires l’occupaient trop à mon goût et il me semblait qu’il me proposait moins souvent de l’accompagner.
Est-ce que lui aussi se désintéressait de moi ? N’étais-je pas assez garçon ?
C’est Luc-Henri, mon cousin, qui me sauva. Pourtant, je dois avouer que notre première rencontre avait tout de celle du chien qui croise un chat de gouttière.
Il avait deux ans de plus que moi et venait de perdre sa mère d’une fièvre tierce 1. Son père, qui peinait à se remettre de la mort d’une femme tendrement chérie et qui, en plus, était couvert de dettes, se réfugia chez nous autant pour échapper à ses créanciers que pour ne pas se retrouver seul dans une grande bâtisse au cœur de la campagne malouine 2.
Lorsque mon père m’annonça son arrivée, je m’étonnai que nous ayons presque le même prénom.
Commenter  J’apprécie          10
Elle est donc destinée à entrer dans un couvent, et s’il arrive aux oreilles des religieuses que notre fille se conduit comme... comme un garçon, aucune congrégation ne l’acceptera.
Commenter  J’apprécie          10
Mon père souhaitait un fils afin qu’il prenne la succession. Ma mère, elle, fut plutôt heureuse de ma venue ; elle espérait une fille qui lui ressemble, c’est-à-dire belle, blonde, le teint clair, et avec qui, l’âge venant, elle parlerait tissu, fanfreluches, bijoux. Las, elle déchanta dès que je sus marcher ou plutôt courir.
Je n’aimais rien tant que parcourir la grève dans les embruns. Me montrer crottée et échevelée dans le salon où elle brodait ne me gênait point. Et porter une tenue défraîchie et des bas reprisés ne m’indisposait pas.
— Qu’ai-je fait à Dieu pour avoir une fille telle que vous ! se plaignait-elle.
N’ayant point de réponse à cette question, je baissais la tête.
— Vous n’avez rien de moi, aucune beauté, aucune grâce, et si votre père continue de se ruiner sur la mer, vous n’aurez même pas de dot. Que ferat-on de vous, alors ?
Chaque fois ses remarques me blessaient. Afin qu’elle m’aimât, j’acceptais sans rechigner que Mariette, ma nourrice, me coiffe, m’habille, me poudre, me parfume, puis je restais de longues heures assise sur un ployant tandis qu’elle devisait avec des dames venues lui faire visite. C’était pour moi un véritable exploit de ne point bouger alors que j’apercevais la lande par la fenêtre.
Mon père était mon allié.
Il s’était bien rendu compte que je n’avais rien de commun avec ma mère, mais que je goûtais 1, comme lui, la mer et le vent. Aussi, les après-dîners, il me faisait monter en croupe et nous galopions sur la grève ou nous allions sur le port admirer ses vaisseaux.
— Quel dommage, me disait-il, que vous ne soyez point un garçon. J’aurais eu beaucoup de plaisir à vous apprendre tout ce qui fait un homme d’honneur.
Commenter  J’apprécie          10
Après le départ de Louise et Charlotte, leurs lits avaient été attribués à Olympe et Éléonore, ce qui avait renforcé les liens que j’entretenais avec ces deux jaunes. Et comme Olympe avait des affinités avec Gertrude, et Éléonore avec Henriette, notre cercle s’était agrandi. Jeanne, amie de Louise depuis leur enfance, et qui souffrait de son départ, s’était rapprochée de moi, qui étais aussi une amie de Louise. Ainsi, en perdant Louise et Charlotte, j’avais découvert cinq autres amies.
Certes, ces amitiés nouvelles n’étaient pas aussi fortes que celles qui existaient entre Louise, Charlotte, Hortense et moi, mais je retrouvais quand même dans nos discussions, nos rires, nos confidences le soir dans le dortoir, un peu de la complicité qui nous avait si bellement unies.
Je dois l’avouer, la solitude m’effrayait. Non point la solitude du corps, car nous n’étions jamais seules à aucun moment dans cette maison, mais la solitude du cœur. J’avais besoin d’êtres à aimer et que l’on m’aimât en retour. Je n’aurai pas l’impudeur de parler de l’amour charnel pour une personne de l’autre sexe, ni même de l’amour galant. Non, j’avais besoin de partager de la tendresse avec mes semblables, de me sentir utile et appréciée. Ma mère, dans ma petite enfance, m’avait offert tout son amour, et j’avais envie de faire de même. J’avais espéré pouvoir chérir Victoire, mais le temps passait et elle ne venait pas.
Commenter  J’apprécie          10
Mlle du Pérou nous fit donc une nouvelle lecture de la pièce. Nous en goûtâmes mieux que la première fois l’ampleur tragique, et certaines d’entre nous laissèrent couler leurs larmes. Au milieu de l’acte cinq, la cloche annonçant vêpres nous fit sursauter tant nous étions prises par le texte. Mlle du Pérou s’arrêta à regret, et des murmures de déception nous échappèrent.
— Nous reprendrons la lecture demain. Pour l’heure, oubliez Athalie pour ne penser qu’à la prière, nous conseilla notre maîtresse.
Commenter  J’apprécie          10
Contrairement à ce qui se passait d’habitude, la cloche annonçant la fin de la récréation fit naître des sourires sur toutes les lèvres des élèves de la classe jaune. Nous regagnâmes notre classe en cachant l’excitation qui nous habitait afin de ne pas nous attirer les réprimandes de notre maîtresse. La plupart d’entre nous firent semblant de s’intéresser à leur ouvrage, mais nous guettions toutes les bruits de pas dans le corridor, et plusieurs se piquèrent le doigt, lâchèrent leur broderie ou emmêlèrent leurs fils.
Commenter  J’apprécie          10
Catherine du Pérou s’embrouillait, émue à la perspective de rencontrer celui à qui elle vouait une admiration sans bornes. Elle toussota afin de reprendre ses esprits et termina :
— ... qu’il faut nous en montrer dignes. Aussi, lorsqu’il entrera dans la pièce, vous lui ferez votre révérence sans excès, vous resterez bien droites et attentives lorsqu’il lira, et vous n’applaudirez que si Mme de Maintenon en donne le signal.
— Ne craignez rien, mademoiselle, nous serons parfaites ! promit Éléonore.
Au réfectoire, mes camarades se lançaient des œillades, soupiraient et se dandinaient sur leur banc, visiblement au supplice de devoir garder le silence imposé par le règlement.
Par chance, la pluie, qui était tombée la veille sans discontinuer, avait cessé, et la récréation eut lieu dans le parc.
— Qu’est-ce que je vous avais dit ! s’exclama
Éléonore.
— Je suis contente, contente, contente ! chantonna Jeanne en tournoyant.
— Sans le théâtre, la vie n’a plus de goût. J’aimerais pouvoir jouer chaque soir sur la scène de la Comédie-Française et être applaudie par tout Paris !
rêva Olympe.
Je ne pus m’empêcher de lui faire remarquer :
— Olympe, oubliez-vous que les comédiens sont exclus de l’Église !
— Oh, non ! Cela m’effraie, mais point assez pour que j’abandonne mon rêve !
— J’ai ouï dire que Molière avait été enterré de nuit, murmura Henriette comme si prononcer le nom du comédien excommunié était un péché.
Commenter  J’apprécie          10
Quelques jours plus tard, alors que nous allions prendre nos ouvrages de broderie, rangés dans les casiers, Mlle du Pérou nous annonça :
— M. Racine viendra après-dîner vous lire sa pièce et...
Plusieurs d’entre nous ne purent retenir des cris de joie qu’elle arrêta d’un geste autoritaire de la main :
— Voyons, mesdemoiselles, de la tenue ! gronda notre maîtresse.
— C’est que nous sommes si heureuses d’entendre du théâtre, s’excusa Olympe.
— Je vous comprends. M. Racine est un grand dramaturge ! Qu’il ait accepté d’écrire pour notre maison un... un nouveau chef-d’œuvre... est un honneur que... enfin que...
Commenter  J’apprécie          10
Furieuse, Gertrude quitta le cercle que nous formions, assises au pied d’un chêne. Hortense me posa une main compatissante sur le bras et murmura :
— Ses paroles ont certainement dépassé sa pensée, elle ne voulait pas vous blesser.
Depuis que nous avions donné la comédie devant le Roi et la cour, rien n’était plus comme avant. Une sourde jalousie était apparue et minait quelques amitiés. Cependant, je pardonnai à Gertrude, parce que le pardon est le signe d’une belle âme et que je souhaitais de tout cœur atteindre la sagesse à défaut de la perfection.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Anne-Marie Desplat-Duc Voir plus

Quiz Voir plus

les Colombes du Roi soleil

qui est l'heroïne du tome 2

Olympe
Louise
Charlotte
Henriette

4 questions
124 lecteurs ont répondu
Thème : Les Colombes du Roi-Soleil, Tome 1 : Les comédiennes de monsieur Racine de Anne-Marie Desplat-DucCréer un quiz sur cet auteur

{* *}