Dans cette histoire criminelle qui touche de près Louis XIV, le Roi demande à Louis Alexandre Bontemps de mener une enquête "moderne". Qu`est-ce que cela signifie en cette fin de 17ème siècle ? Comment se résolvaient les enquêtes à la cour du Roi ?
Je ne suis pas une grande spécialiste du droit au 17è siècle, mais en résumé, à cette époque lorsqu`on était accusé d`un délit quelconque, on devait prouver son innocence. Aujourd`hui, le tribunal doit apporter la preuve de la culpabilité du suspect. C`est en demandant au héros du roman de fonctionner de cette manière que Louis XIV veut expérimenter ce qu`il appelle une enquête « moderne ». Bien sûr, cela relève de la fiction. Dans mon scénario, il fallait que je trouve un moyen pour justifier le fait que le roi ne confie pas l`enquête au chef de sa police, mais au héros qui n`a rien à voir avec la police.
L`histoire commence par la découverte du corps sans vie d`Appolline de Flez-Cluzy. Comment présente-t-on ce type de macabre découverte à des jeunes lecteurs ? Quelles limites vous imposez-vous dans la description de ce genre de scènes ?
Je ne m`interdis rien, à priori, mais je n`ai pas non plus envie de me lancer dans le genre « gore ».
En l`occurrence, ce qui arrive à la malheureuse victime dans Les Bosquets de Versailles, tome 1 : le crime de L’Encelade, est suffisamment horrible et décrit avec bon nombre de détails. L`imagination du lecteur fait le reste. Et d`ailleurs, le lecteur peut même aller au-delà de ce que j`ai imaginé ! Parfois même, moins on en dit, plus l`imagination du lecteur fonctionne.
Si le personnage de l`enquêtrice amateur Adélie de Lazenay est fictif, l`autre enquêteur Louis Alexandre Bontemps a véritablement existé. Que sait-on de lui ? Quels traits connus de son caractère avez-vous gardé ?
On sait qu`il était le filleul de Louis XIV, et qu`il a eu la survivance de la charge de son père : Premier valet de chambre du Roi. Je n`ai gardé du personnage réel que le nom, même si dans le roman il doit prendre un pseudonyme (Mourlhame Kapell), son âge, sa filiation. Pour le reste, son caractère, son aspect physique, j`ai laissé vagabonder mon imagination.
Adélie de Lazenay est une jeune femme pleine de ressources qui participe grandement à l`enquête. En quoi ces deux héros sont-ils complémentaires ?
Ils sont différents, donc complémentaires. Chacun ayant des qualités que l`autre ne possède pas forcément. Adélie, est plus fantasque que Mourlhame Kapell, plus observatrice aussi, et un peu rebelle. Et elle est peintre.
Comme Louis Alexandre Bontemps et Louis XIV, de nombreux personnages du roman ont réellement existé. D`autres ont été inventés pour l`occasion. Pourquoi ne pas avoir repris que des personnages historiques ? le fait d`introduire des personnages de fiction vous a-t-il apporté une liberté supplémentaire ?
Tous mes romans sont construits de cette manière :
• une fiction,
• une toile de fond que j`essaie de rendre proche de la réalité de l`époque,
• des personnages ayant existé,
• des personnages de fiction.
Cela est absolument nécessaire à l`intrigue que j`invente. Évidemment, le fait d`avoir des personnages de fiction me donne plus de liberté. Si je devais avoir uniquement des personnages réels, je serais obligée de tenir compte de leur véritable caractère, de leur biographie, et l`histoire ne serait peut-être pas aussi romanesque.
Il y a un de mes livres où l`on rencontre un seul personnage de fiction. C`est Le sourire de Marie-Adélaïde paru en décembre 2013. Il s`agit là d`un roman, certes, mais qui se rapproche d`une biographie romancée.
Vous avez écrit de nombreux ouvrages jeunesse se déroulant à Versailles à la cour du Roi Louis XIV. Qu`est-ce qui vous intéresse dans cette période de l`Histoire de France ? Est-ce un roi qui vous fascine ?
Ce n`est pas Louis XIV qui me fascine, c`est le château de Versailles pour lequel j`ai une grande passion depuis l`enfance. Je l`ai visité pour la première fois vers l`âge de six ans, et je l`ai toujours considéré comme un lieu de vie, et non comme un musée. Le mode de vie de cette époque m`intéresse particulièrement, à tous les niveaux. Notamment le mode de vie à la Cour de Versailles.
Vous écrivez des romans à destination de la jeunesse depuis de nombreuses années. Percevez-vous une certaine évolution des attentes et des goûts de ce lectorat particulier ?
Mes lecteurs sont essentiellement des lectrices. Mais cela pourrait bien changer avec cette nouvelle série policière.
Comme tous les jeunes, mes lecteurs aiment les séries, ils aiment rêver, s`évader, partir à la découverte d`univers inconnus, fantastiques. Ils aiment avant tout la lecture-plaisir c`est-à-dire qu`ils préfèrent les romans aux livres documentaires.
A-t-on une chance de retrouver ce couple d`enquêteurs dans d`autres volumes des Bosquets de Versailles ?
Bien sûr ! Une série de trois livres est prévue. Peut-être plus.
Les deux enquêteurs se verront confier les enquêtes successives.
Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?
Tous !
Quel est l`auteur qui vous a donné envie d`arrêter d`écrire (par ses qualités exceptionnelles...)?
Aucun ! Au contraire, les livres fabuleux m`enthousiasment et me donnent encore plus envie d`écrire.
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
Le dictionnaire.
Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
Les mémoires de Saint-Simon, Les fleurs du mal de Charles Baudelaire, Derniers poèmes d`amour de Paul Eluard, et les poèmes de Rainer Maria Rilke.
Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?
J`avoue… C`est L’Odyssée d`Homère !
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?
C`est une perle, mais certainement pas méconnue : Le trafiquant d`épaves de Robert Louis Stevenson.
Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?
Peut-être celui que je n`ai pas encore lu…
Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?
Il y en a plusieurs, mais celle-ci m`interpelle particulièrement :« Qu`importe de violer l`Histoire, pourvu, qu`on lui fasse de beaux enfants » Alexandre Dumas (à qui l`on reprochait de malmener la grande Histoire dans ses romans).
Et en ce moment que lisez-vous ?
Mille et un carats de Vivianne Perret, chez Librairie Vuibert.
La belle de l’Étoile de Nadia Galy, chez Albin Michel.
Et des poèmes de René Char.
Découvrez "
Les bosquets de Versailles, tome 1 : Le crime de L`Encelade" de
Annie Pietri aux éditions
Bayard Jeunesse :

A l'occasion du Salon du livre de Montreuil 2021, Annie Pietri vous présente son ouvrage "Scoop à Versailles. Vol. 2. Enlèvement à la ménagerie" aux éditions Gallimard-Jeunesse.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2562220/annie-pietri-scoop-a-versailles-vol-2-enlevement-a-la-menagerie
Note de musique : © mollat
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Cette enfant au beau regard sombre, doux et profond déroutait la marquise. Elle ne ressemblait en rien aux servantes qui l'avaient si mal servie jusque-là et qu'elle avait renvoyées sans pitié.
Marie-Adélaïde revint dans la chambre. Un grand sourire éclairait son visage, et découvrait des dents fort mal rangées et pas très propres. Elle se précipita vers son écritoire, saisit une plume et du papier, et commença à tracer maladroitement ses lettres. On eût dit une enfant de six ans, appliquée, peinant à chaque mot, la pointe de la langue dépassant de ses lèvres, en signe d'effort et de concentration extrême. TRois lignes plus tard, elle soupourdait la feuille de sable pour sécher l'encre, la pliait et faisait fondre de la cire pour fermer la lettre en y apposant son cachet.

-Encore manqué ! Triompha Clémence en évitant de peu un deuxième pot de fard, qui alla se fracasser sur le grand miroir au-dessus de la cheminée. Maladroite comme tu l'es, tu ne serais même pas capable de remporter une poupée de chiffon à la foire !
-Pintade ! Siffla Alix en bondissant pour traverser le lit qui la séparait de Clémence. Si jamais je t'attrape !
Et elle se lança aussitôt à la poursuite de sa sœur, qui courait déjà vers la porte de la chambre en riant au éclats.
-Qu'est ce qui se passe, ici ? S' écria Léontine, qui entra au même instant, arrêtant les jumelles dans leur élan. C'est pas Dieu possible ! Toujours à se battre !
En voyant la crème à l'huile d'amande douce qui glissait lentement le long du miroir et s' étalait sur le marbre de la cheminée, au milieu des brisures de porcelaine, la servante reprit en levant les bras au ciel :
-Si c'est encore permis de voir ça ! À votre âge ! Vous n'êtes pas plus raisonnables à quinze ans que vous ne l'étiez à six !
La beauté triomphante, la reine de coeur du plus grand roi du monde se tordait de douleur sur sa chaise percée.
« La promenade avait bel et bien commencé. Le cortège s’attardait sur les terrasses plantées d’orangers, de jasmins et de grenadiers. Le roi raffolait des jardins du Trianon, où l’harmonie des couleurs rivalisait de splendeur avec le parfum des fleurs. »
Elle approcha le baume du visage de l'enfant. Une petite plainte s'échappa de sa gorge et elle sursauta en grimaçant. Elle écarquilla ses grands yeux noirs et se mit à vomir son souper de la veille qui n'avait point été digéré. Carla se précipita pour soutenir sa tête tandis que Marie-Louise attrapait la cuvette qui se trouvait sur la table de toilette. Mais il était trop tard. Les draps et la courtepointe étaient maculés de vomissures. Aussitôt après, Colomba fut prise d'une épouvantable quinte de toux qui la laissa au bord de l'étouffement et lui fit cracher une petite quantité de sang. Carla posa aussitôt ses mains sur la poitrine et le dos de la petite pour apaiser les douleurs qui devaient la tenailler. La duchesse, admirative, la regarda faire sans rien dire.
« En matière de parfum, j’espère que tu sauras te montrer à la hauteur. J’aimerais que tu composes pour moi une eau de senteur qui s’accordera avec les heures chaudes de l’été. »
Parce que les grands de ce monde sont irréprochables ! Jamais on ne doit les rendre responsables, même de leurs propres maux. Alors, nous autres médecins parlons de la chaleur, du froid, de l'humidité de l'air, des trop longues promenades à cheval, des astres, et que sais-je encore... Que veux-tu, le roi aime les belles femmes, blondes, grasses et aussi goinfres que lui ! Un beau jour la gloutonnerie les tueras, tu verras !
La sorcière haussa les épaules, bâilla bruyamment et se frotta les yeux, qu'elle avait peine à garder ouverts :
- Je monte dans ma chambre. Quand tu auras terminé, tu viendras me prévenir.
- C'est que... j'ai peur de rester seule ici, madame. Avec la morte...
La Voisin considéra sa fille avec mépris et regarda la forme allongée, drapée de blanc, sur l'établi. Elle ressortit de sa poche la bourse de cuir rouge et vint se planter à côté de la dépouille. Elle égrena lentement les vingt écus sur le drap blanc, tout le long du corps sans vie.
- C'est à cette jeune personne que nous devons d'avoir autant d'or, ne l'oublie pas. Et puis, dans l'état où elle se trouve, je t'assure qu'elle ne peut pas te faire grand mal ! Quelle pitié, tout de même, que tu ne t'accoutumes pas aux cadavres ! Dans un métier comme le nôtre, c'est indispensable.

-Ma bien-aimée! s'exclama Antonin. Vous voilà enfin! Cela fait presque trois semaines que j'espère votre réponse: m'accordez-vous votre main ou allez-vous me laisser encore longtemps dans cette incertitude qui me fait perdre le sommeil et l'appétit?
-De nos jours, le mariage est rarement affaire de sentiments, vous le savez comme moi. J'ai donc résolu de ne pas vous épouser...
Antonin se précipita vers sa cousine et la saisit par les poignets:
-Alix! Comment est-ce possible?
-Il se trouve que j'ai d'autres projets.
- Vous n'allez tout de même pas entrer au couvent! Pas vous!-Je n'en ai pas la moindre envie, soyez rassuré au moins sur ce point. Antonin je vais me marier mais pas avec vous.
-Son nom! s'exclama le jeune homme.
-Il s'agit de monsieur d'Hémonstoir...
-Je... Je vous demande pardon? souffla Antonin, interdit.
-Vous avez bien entendu.
-Est-ce votre mère qui vous pousse à une telle alliance?
-Personne ne m'y oblige.
-Alors ce que je craignais c'est révélé exact: c'est à cause de mon père.
-Non! Jamais je ne vous ai confondu avec Henri-Jules.
L'air accablé, Antonin lâcha les mains d'Alix et fit quelques pas dans le salon.
-Vous n'y songez pas sérieusement! gémit-il après un moment de réflexion. Monsieur d'Hémonstoir est un homme respectable et fortuné, mais il est vieux...
-Il n'a que 65 ans.
-Soit 47 années de plus que vous... Dans une dizaine d'années, tout au plus, vous serez veuve. Une veuve riche, jeune et délicieuse, certes! Mais à quel prix! Votre banquier doit être chauve sous sa perruque! Ses dents, enfin le peu qu'il lui reste, sont gâtées, et son haleine est insupportable. Il est petit, bedonnant, toujours mal rasé et, à la moindre émotion, il perd la voix et ne trouve plus ses mots!
Antonin s'approcha de sa cousine, la saisit par la taille et l'attira contre lui. Leurs visages étaient si proche qu'Alix sentait le souffle du jeune homme sur son visage.
-Comment ferez-vous... reprit-il troublé et un peu hésitant, pour... l'embrasser?
Le regard d'Alix, jusque là si sérieux, se mit à pétiller de malice.
-Comme cela, mon cousin! murmura-t-elle en posant ses lèvres sur celles d'Antonin.