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Citations de Anne-Marie Jeanjean (36)


Glisser comme des papillons

Londres se prélasse dans la beauté des teintes de l’automne.
Sous un ciel bleu clair les feuilles dorées glissent ici et là
Comme des papillons sur les collines du Tibet.
Et entre une averse ou deux me donnent le mal du pays.

Les mouettes chantent le changement de saison ici, et il me manque la mélodie des coucous en juin où
le printemps se met à naviguer sur la mer de l’été.

Le soir descend après une journée affairée
et les gens aspirent à l’arome familier d’un Irish coffee
et se détendent dans les cafés.

Alors qu’ils s’apaisent avec leur tasse favorite ils évoquent les souvenirs de l’été dernier
Et les possibilités et les attentes du prochain hiver.
La vie, c‘est ou l’été ou l’hiver et le reste, des voyages.

Je suis trop loin pour chanter les chants de la terre qui me manque et les gens que j’aime,
pourtant je peux jouer les notes de leurs souvenirs sur les cordes de mes nerfs.
La mémoire n’est pas ce que l’on n’oublie pas, mais ce que l’on chérit.
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Bhaiya

Pour moi il est Bhaiya, notre coq de village.

Je ne connais ni son âge ni son nom, mais cinq gosses font la différence entre nous.

Il est un père qui a versé son enfance à la pauvreté et aux préjugés.

Pourtant il n’a cessé de rêver d’un avenir clément pour ses enfants même quand son plafond crevassé laisse filtrer des cauchemars et que son sol nu est envahi par des rats et des fourmis.

Parfois l’eau de pluie a pris le mauvais tournant pour le jeter dans les flots.
Bhaiya ne pleure pas parce qu’il sait qu’il n’y pas suffisamment de sel dans ses larmes.

Il ne hait ni ne craint les voleurs et les cambrioleurs tant qu’ils ne viennent pas avec les bulldozers des mafias du développement.

Leur idée de progrès est une mine ensevelie sous les os et le sang d’hommes et de femmes humbles et ces mines sont pleines d’arcs en ciels psychédéliques : démocratie, développement et modernisation.

Deux générations d’honnête labeur ne lui ont rien rapporté ; pas même un abri décent et le pain quotidien.

Il travaille sur une tour après l’autre
et leurs portes, le travail achevé, claquent l’une après l’autre sur son dos.

Et il se fond dans les brumes de l’oubli
soulevant de la poussière mais pas un sourcil.

* Bhaiya signifie frère en hindi.
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Losar*, oui, malgré tout

Nous sommes des Tibétains
et nous n’oublions pas notre Losar
mais nous renonçons à ses couleurs
en laissant l’obscurité définir notre existence.

Rien de favorable pour ce Losar.
Car il y a des flammes de la liberté
mais contrariées par des feux.
Entre les deux, la tragédie de la vie.

Les massacres sont déchainés chez nous
et le sang coule à travers nos villages.
Les balles balaient les belles vies.
Quand les coupables commandent la loi.

Jeune Tenzin,
jeune Dolma,
Pas de Losar joyeux pour vous.
Même notre beurre a un goût amer.

Pas de festivité mais solidarité.
Pas de plaisir mais des pleurs.
Pas de recul mais avancée.
Tout pour la voix de nos martyrs ;

Comme notre Losar annonce un nouvel horizon.
Soyons unis pour une seule cause,
Par la pensée et par l’action.
Dans le haut esprit de Rangzen.

Rangzen nous est due de naissance.
Elle doit être nôtre dans la vie.
Battons nous pour elle.
A la vie et à la mort.
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Palden sonam
Héritage

Il n’est nul besoin que notre proche voisin nous dise qui est notre mère ; elle parle dans le silence de nos gênes et nous la comprenons dans la rougeur de nos joues et la chaleur de notre cœur ; amour et compassion.

A nos amis notre identité unique ne sera jamais chauve souris au lieu d’oiseau.

Nos ancêtres ont encodé notre identité dans le langage des souvenirs que de temps immémorial détient notre pays bien-aimé
Un savant ne saura jamais lire nos manifestations génétiques sans d’abord étudier notre Tsampa [5]. Notre texture se tient dans nos goûts.

Chaque grain de sable
chaque gouttelette d’eau
et chaque brin d’herbe
nous a maternés et nourris en esprit et en bonté.

Nous sommes les fils et les filles des nuages blancs qui glissent de Machu [6]
dans l’Amdo vers Drichu [7]
dans le Kham pour finalement verser leurs orages sur Kyichu [8] dans l’U-stang.

Leur amour et leur ardeur nous portent et le vent qui souffle en rafales des glaciers du Tibet est notre accoucheuse.

Nous sommes doux comme le murmure de l’aimée à minuit et forts comme les ailes d’un aigle au combat.

Nous sommes la création artistique de notre pays ; notre fierté est haute comme les collines de l’Himalaya, notre cœur grand comme les vallées du Tibet et notre sang court au rythme de nos fleuves bleus. Sans fin à notre héritage et lignage.

Nous sommes nés pour aimer les très bas et guider les égarés.

La libération est un langage intrinsèque à notre idée de l’existence *dont nous nous départons alors que le chemin du nirvana brille à l’horizon oriental.

Nous sommes les Bodhisattvas qui aimons notre thé au lait.

*NdP : Ici je m’efforce d’exprimer l’idée que les Tibétains se font de la vie et de sa finalité : dans l’idéal nous croyons que les êtres humains peuvent se libérer du cycle des existences ou samsara ; de même que la terre brille plus fort quand le soleil brille à l’est, nous nous libérons de l’obscurité de l’ignorance cause de toutes les souffrances en atteignant l’éveil. Quand la lumière du nirvana ou éveil brille comme le soleil l’obscurité de l’ignorance disparait.
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Un Lotus

Il fait un froid d’enfer
et je frissonnais comme une herbe sur un rocher
les os douloureux sous la peau
la peau emmitouflée sous un pull et une veste

Comme je me forçais d’aller à mes cours
un gamin des rues jouait sur le bord de la route
sans la moindre chemise correcte sur son dos maigre
mais avec un sourire parfait sur ses lèvres gercées

Il était là, un lotus
au milieu du froid, de la faim et de la soif.
Il y a de la beauté à défier la réalité
comme un lotus épanoui au milieu de la boue.
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Palden Sonam est ce qu’on aurait nommé en d’autres circonstances, elles aussi dramatiques, un « pupille » non de la nation mais ici d’une association humanitaire française, APACT (Association Paloise Pour l’Aide à la Culture Tibétaine) qui à l’instar d’autres associations semblables d’autres pays vient depuis plusieurs décennies en aide, moralement et financièrement à des réfugiés tibétains, en Inde ou au Népal : vieillards, moines et moniales ; principalement à des enfants et des adolescents qui poursuivent des études d’abord dans des TCV (Tibetan Children’s Villages) puis dans des universités indiennes, afin de retrouver un semblant de vie normale et une activité sociale. Certains de ces jeunes gens s’installent en Inde, d’autres émigrent en Europe ou aux Amériques (le Canada offre chaque année d’accueillir plusieurs centaines de jeunes Tibétain(e)s sous réserve qu’ils s’y installent définitivement). D’autres, un tout petit nombre, décident de revenir au Tibet sans connaître le chinois qui est devenu la langue officielle de leur pays.


Nation montagne

Nous appartenons aux montagnes.

Notre mère était une roche ogresse qui était tombée amoureuse du singe de la compassion. Nous sommes une belle famille.

Nos montagnes sont coiffées de neige. Nous nous appelons le peuple à la tête noire et aux joues rouges.

Quand les bottes chinoises ont marché sur note terre avec leurs drapeaux rouges et leurs bannières rouges, nous n’avons pas apprécié.

Vite notre sang a lavé leurs drapeaux et leurs mains. Rouge, chaud, toujours vivant. Notre peuple n’est pas mort, mais il est assassiné. Il y a une grande différence entre le travail de la nature et le mal.

Après des décennies de poussière folle et de feux étrangers, nos montagnes sont devenues chauves.

Nos cheveux noirs ne peuvent l’empêcher. Nous aussi nous ressemblons à quelque chose d’autre.

Les gens des montagnes vivent au-dessus des nuages mais nous savons où s’étend le sol. La sagesse de nos ancêtres veut que nous devions respecter même la dignité d’un seul brin d’herbe.

Quand j’étais enfant, ma mère me disait que tout nuage a une histoire à porter.
Où ? lui demandais-je ? Les enfants ne doivent pas poser de questions, répondait-elle.

Elle me disait aussi que Milarepa méditait dans une grotte de montagne et survécut grâce à des feuilles de bétel.

Je ne lui demandai pas comment.

J’appris aussi de ma mère qu’il y a une petite fille sur la lune et que chaque fois que la lune est pleine elle va chercher de l’eau. Contemplant la pleine lune qui navigue dans le ciel bleu clair du Tibet je la vois toujours. Je ne sais s’il s’agit d’un fait ou d’un acte de foi.

Quand j’ai étudié les sciences à l’école, la première fois que j’ai vu une cartographie de la lune je me suis demandé si quelqu’un d’autre voyait la petite fille sur la lune. Elle doit être grande maintenant.
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Palden sonam



Un Lotus

Il fait un froid d’enfer
et je frissonnais comme une herbe sur un rocher
les os douloureux sous la peau
la peau emmitouflée sous un pull et une veste

Comme je me forçais d’aller à mes cours
un gamin des rues jouait sur le bord de la route
sans la moindre chemise correcte sur son dos maigre
mais avec un sourire parfait sur ses lèvres gercées

Il était là, un lotus
au milieu du froid, de la faim et de la soif.
Il y a de la beauté à défier la réalité
comme un lotus épanoui au milieu de la boue.
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Palden sonam

Nation montagne

Nous appartenons aux montagnes.

Notre mère était une roche ogresse qui était tombée amoureuse du singe de la compassion. Nous sommes une belle famille.

Nos montagnes sont coiffées de neige. Nous nous appelons le peuple à la tête noire et aux joues rouges.

Quand les bottes chinoises ont marché sur note terre avec leurs drapeaux rouges et leurs bannières rouges, nous n’avons pas apprécié.

Vite notre sang a lavé leurs drapeaux et leurs mains. Rouge, chaud, toujours vivant. Notre peuple n’est pas mort, mais il est assassiné. Il y a une grande différence entre le travail de la nature et le mal.

Après des décennies de poussière folle et de feux étrangers, nos montagnes sont devenues chauves.

Nos cheveux noirs ne peuvent l’empêcher. Nous aussi nous ressemblons à quelque chose d’autre.

Les gens des montagnes vivent au-dessus des nuages mais nous savons où s’étend le sol. La sagesse de nos ancêtres veut que nous devions respecter même la dignité d’un seul brin d’herbe.

Quand j’étais enfant, ma mère me disait que tout nuage a une histoire à porter.
Où ? lui demandais-je ? Les enfants ne doivent pas poser de questions, répondait-elle.

Elle me disait aussi que Milarepa méditait dans une grotte de montagne et survécut grâce à des feuilles de bétel.

Je ne lui demandai pas comment.

J’appris aussi de ma mère qu’il y a une petite fille sur la lune et que chaque fois que la lune est pleine elle va chercher de l’eau. Contemplant la pleine lune qui navigue dans le ciel bleu clair du Tibet je la vois toujours. Je ne sais s’il s’agit d’un fait ou d’un acte de foi.

Quand j’ai étudié les sciences à l’école, la première fois que j’ai vu une cartographie de la lune je me suis demandé si quelqu’un d’autre voyait la petite fille sur la lune. Elle doit être grande maintenant.
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Palden sonam

Sens de la perte

Nous avons perdu notre liberté
et fui notre patrie.
Plus nombreux sont les réfugiés
mais non les combattants de la liberté.

Nous avons crié notre douleur, notre destin
Mais oublié de faire rugir la lutte.
Jamais les larmes ne laveront le sang versé
ni vague espoir nous mener vers les collines de la liberté.

Criez pour elle si votre langue n’est pas coupée,
Levez vos mains pour elle si elles ne sont pas tranchées
Gardez-la en mémoire si votre cerveau n’est pas vidé de ses cellules
Et vivez-là s’il vous reste un soupçon de dignité.
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Palden sonam

Sous la lune

Le vent gémit
Et les arbres tremblent
Feuilles basses sur le sol
Tombant à ma sensation de nu
Pleurer les perdus
Et guérir les blessures
Qui hantent mon cœur brisé
Souffrir en silence
Derrière son absence
Ma patrie bien-aimée

Ce soir sous la lune
je compte les jours de mon exil
Luttes et études
Dans un étrange pays étranger La
maison est suspendue à mon espoir
Trop proche pour y penser
Mais trop loin pour aller

Maintenant mon cœur est lourd
Et l'esprit est agité
Mon corps est au bord de l'explosion
Frustration et fatigue remplie
J'avais été trop patient avec le passé
Maintenant je ne peux pas supporter le présent
Un enfer avec un masque céleste
Comment je dois voir le futur ?
Trop sombre et lointain
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Palden sonam

L'agonie

Les organes de ma mère sont infestés d'insectes sauvages et je ne peux pas la protéger.
Je suis en colère contre mon propre sentiment aigu d'impuissance.

Les mots n'ont jamais été aussi brisés
Et les voix si silencieuses qu'elles le sont maintenant.

J'attends une révolution entre les lignes
et briser l'iceberg des indifférences.

Mes amis me disent à maintes reprises qu'ils voient
mes blessures et ressentent mes douleurs et mes humiliations.

Mais attendez, je suis plus déconcerté maintenant que béni
lorsque vos actions sont plus et souvent déterminées
par les bénéfices immédiats que par les principes droits.

Je m'attarde dans l'agonie du dilemme,
Ne connaissant pas les amis des ennemis
Quand je saigne de la poitrine aussi bien que du dos.
Où dois-je pointer le majeur?

***

Pour l'amour,
mon cœur se brise comme une glace
Et pour la
liberté Il saigne comme une rivière

***

Le pays est mort.
Vive notre compassion!

***

Chère autoroute,
Emmène-moi vers la bien-aimée,
la fierté de ses montagnes me manque,
La liberté des rivières
Et la chaleur d'une patrie
Il n'y a pas d'orphelinat aussi froid que l'exil.
Ne me laisse pas dans les limbes sombres.
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Palden Sonam

Torture à minuit

Ils ont violé ma nuit
et tué mes rêves.
L’obscurité n’a rien vu.

Les moustiques m’ont chassé.
Hors de cet esprit intranquille
Qui se soucie de ce qu’ils font ?

Est-il une autre existence hors de cet exil ?
Je dis « exister », non pas « vivre ».
Je ne commettrai pas le crime de vivre.

Une chambre ne peut remplacer un foyer,
c’est une question de cœur
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Palden Sonam


Bateau de papier

Les pluies tombant par torrents ont précipité une ville dans une inondation soudaine,
sans surveillance comme une attaque surprise de guérilla.
Rien n'est laissé de côté et intact.

Ceux sur les routes ont prié; certains pour la miséricorde et d'autres pour un miracle.

Les bus, les voitures, les vélos et tout a rampé comme un soldat blessé gémissant et grinçant dans l'eau. Leurs plongeurs ont envoyé des teintes rougeâtres lugubres le long des rues et leurs klaxons lugubres n'ont ni arrêté les pluies ni accéléré leur vitesse. La nature décide de ce qui est le final et l'inévitable.

Les minuscules trous sur les murs envoyaient de petits ruisseaux à l'intérieur de la pièce et des chutes d'eau sur les murs. Ce n'était pas grave même si votre loyer était dûment payé. La pluie avait ses raisons et l'eau, son cours.

J'ai couru sauvagement après mes t-shirts et mes serviettes pour réparer les trous infidèles.

La résistance court dans les veines en colère d'un réfugié expulsé de son pays natal.

Et j'ai refusé que mon existence temporaire soit emportée comme un bateau en papier après avoir été répété à maintes reprises que notre pays s'était aussi écrasé comme un bateau en papier. Je ne veux rien qui se passe comme un bateau en papier, sombrant dans l'oubli historique.

Il n'y a rien dans mon nom mais j'aspire quand même à une reconnaissance.

Je suis vivant et en colère.

Huit cent quarante-trois miles de chez moi pendant une dizaine d'années et plus, parfois je me cogne la tête contre le mur pour m'assurer qu'il peut encore sentir le coup.

Pendant ce temps, le journal était livré à cinq heures du soir. Chaque jour a sa propre surprise.

Mais la surprise ne définit pas la vie d'un réfugié, l'humiliation le fait.
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Palden Sonam

Oui Hong Kong

Oui Hong Kong,
dans votre noble voyage
Pour la démocratie et la dignité
Liberté et justice
La route peut être difficile
Et même le temps être sauvage
Mais votre horizon est clair
Vos espoirs sont vivants et la tête haute
Et votre détermination défie toute chute

Oui Hong Kong,
la tempête de l'oppression approche
Avec les gaz lacrymogènes et les voyous
Et la menace de violence éclate
Avec les chars et les mitrailleuses
Les zombies de l'APL ont soif de
leurs doigts qui piquent sur les déclencheurs
Mais que peuvent-ils faire?
Ils peuvent vous briser les os
Mais jamais votre esprit L'esprit de
Hong Kong pour la démocratie
Et l'esprit de l'homme pour la liberté
Ils sont innés, non injectés
Par conséquent, ils ne peuvent être
ni rejetés ni éjectés

Oui Hong Kong,
le vent de la démocratie est lancé
Il ne s'arrêtera jamais
Il soufflera sur Hong Kong
Et frappera Shanghai
Pékin aime aussi la brise
Nous pouvons entendre ses chuchotements
Liberté et franchise
Nous pouvons voir son avenir
Hommes libres et société juste

Oui Hong Kong,
le monde est tombé amoureux de vous
Pour vous apportez des espoirs à l'humanité
Alors que votre adversaire ne crée que des peurs
Par vos actions pacifiques
Nous pouvons voir l'avènement d'une nouvelle ère
L'aube de la démocratie
Et le crépuscule de la dictature
L'aube vit dans le jour
Et le crépuscule meurt dans la nuit
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Chen Li

Souvenir (chant en taïwanais)

Face aux fleurs du printemps je songe à elle.
Son souvenir est comme une goutte de rosée : au souffle du vent
je le sens si léger.
Prises dans mon rêve sont les ombres denses et noires des arbres.
Ces rêves de jeunesse si insouciants, quand reviendront-ils ?

Je songe à elle. Je la vois en rêve.
Les vieux jours volent vers moi comme des ombres.
(Les vieux jours volent vers moi comme des ombres.)
Ô ma bien-aimée, où es-tu ? Pourquoi ne puis-je te retrouver ?

Face aux fleurs du printemps je songe à elle.
Son souvenir est comme une goutte de rosée : au souffle du vent
je le sens si léger.
Prises dans mon rêve sont les ombres denses et noires des arbres.
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Chen Li

Exercices de haut vol
— d’après César Vallejo

“là-bas, nous avons dormi ensemble tant de nuits dans ce lieu”
 

Là-bas
depuis une telle hauteur nous nous retournons vers la terre
ton souffle surplombe le mien

nous
marchons contre le vent, avec les étoiles
qui font l’école buissonnière

avons dormi ensemble
aux longues et sombres époques préhistorique et antique et nous sommes soudain réveillés
à la lumière de la modernité


tant de
toisons dorées moites et brillantes, et, appelé par les lèvres de toute la Voie Lactée,
ton nom


nuits
médailles, mots
estampés, imprimés

dans ce
(oui, ce) gigantesque entrepôt avec le temps pour pilier, où secrètement s’amoncellent
tonnerre, éclairs, nuages et pluie

lieu

 
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Chen Li

Chant d’une somnambule

Je dors sans me savoir endormie
Je vis sans savoir que la vie est un rêve

Je parcours la terre les yeux fermés sans savoir
que je marche sur une coquille d’œuf
de toutes parts les précipices glissants du rêve
me séduisent jusqu’à me réduire en miettes

Je m’approche du chevet de mon amant,
mets du dentifrice sur une brosse à dents pour lustrer ses chaussures
préparant notre voyage d’alliance
il dort sans savoir comme notre longue nuit est pleine de rêves

Je m’approche de la fenêtre de ma rivale
tire le rideau, tranche la gorge de
son coq, tords le ressort de son réveil
en lui souhaitant sommeil éternel et nuit infinie

Je vis sans vouloir vivre en paix
Je dors sans vouloir m’assoupir
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Chen Li

Sur l’île
Une mouche vole sous le nombril de la déesse vers du papier tue-mouches poisseux.
Comme le jour martèle doucement la nuit
de son outil néolithique encore intact, notre cher ancêtre doucement tambourine

Nous ne mourons pas, nous ne faisons que vieillir
nous ne vieillissons pas, nous changeons seulement de plumage
comme la mer de couverture
dans un berceau de pierre à la fois antique et jeune

Sa canne à pêche, arc-en-ciel à sept couleurs s’incline doucement du ciel
pour pêcher tous les rêves flottants

Ah ! Sa canne à pêche est un arc à sept couleurs
pointée vers tous les poissons noirs et blancs envolés du subconscient

Trop long est le jour, trop brève la nuit
trop lointaine la vallée de la mort
Chères sœurs, laissez aux hommes
les champs de taros, laissez-nous la sueur
coiffez vos têtes de pioches comme de cornes
et devenez chèvres à l’ombre des arbres

Tu es chèvre,
moi aussi
loin des hommes, loin du labeur,
folâtrons à l’ombre des arbres .
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Chen Li, né à Hualien, Taiwan, en 1954, est diplômé du département d’anglais de l’Université Normale Nationale de Taiwan. Considéré comme « l’un des poètes de langue chinoise les plus novateurs et les plus stimulants d’aujourd’hui », il est l’auteur de 14 recueils de poésie, ainsi qu’un écrivain de prose prolifique et un traducteur. Avec sa femme Chang Fen-ling, il a traduit en chinois plus de vingt volumes de poésie, issus de l’œuvre de Sylvia Plath, Seamus Heaney, Pablo Neruda, Octavio Paz, Wislawa Szymborska, Tomas Tranströmer et Yosano Akiko. Titulaire de nombreux prix (parmi lesquels le Prix National de Littérature et d’Arts et le Prix de littérature de Taiwan) dans son pays,

aux enfants de Taiwan


Cette île s’appelle Taiwan
C’est la palette d’un peintre :
Des langues multiformes
émettent des sonorités multicolores
qui se fondent dans la belle île chamarrée.

On y voit des femmes sur la plage
lâcher leurs cheveux comme des vagues,
danser et chanter
le merveilleux valacingi a ganam.

Belles sonorités, belle île,
belles couleurs, belle peinture.
Délions nos langues nouées
Peignons de voyelles colorées

Parlons Minnan, Hakka
les dialectes du Shandong, du Shanxi, du Hebei...
Atayal, Puyuma,
Rukai, Tsou, Thao, Saisiyat, Paiwan...

Belles sonorités, belle île,
Belle Taiwan, beaux parlers.
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LÜ DE-AN (吕 德安)

Baleine

Par une nuit d'hiver, un groupe de baleines se dirigea vers le village,
prenant possession de la moitié de la terre, tranquillement,
comme les montagnes à nos portes. Ils ne partiraient pas
Peu importe combien nous avons essayé de les convaincre. Que faut-il faire?
Sombre, têtu, insensible. Alors nous avons simplement crié
dans les trous profonds de leur bouche.
Mais ce que nous avons entendu, c'était surtout nos propres voix.
Nous avons essayé d'éclairer leurs yeux avec des lampes: une mer interdite.
Nous avons essayé de peser leur poids mystérieux,
la force partie, devenant rien, un néant sans fin.
Que faut-il faire? Ils ne voulaient tout simplement pas partir.
Ils voulaient juste vivre avec nous.
Ils ne nous permettaient même pas d'apporter la marée du matin
avant le petit déjeuner.
Ces créatures, aussi énormes que Dieu
nous ont bloquées, retardant le temps.
Lorsque nous avons ouvert la fenêtre, la mer était à quelques mètres.
Mais à leurs yeux, nous pouvions voir qu'ils ne l'ont pas bien accueilli -
ils ont créé un suicide historique.
Décédés. Leur mort et leur poids ont
longtemps opprimé la terre
comme les montagnes à nos portes. Les gens apportaient leurs outils,
descendaient des échelles, décidés à prendre la graisse
et à en faire de l'huile à lampe pour l'église.
Le reste irait aux familles. Puis, comme pour creuser des trous,
un trou en conduit à un autre, chacun se déplaçant dans sa propre direction.
Comme si on creusait dans la terre, mais plus on creuse, plus il y a de terre.
Si vous frappez des pierres (os douteux),
enlevez-les et construisez-les dans des murs - afin qu'ils deviennent
fanés, deviendront de l'histoire, deviendront des ruines - hélas,
partout, partout sentiraient le poisson
et la vérité mentholée, même aujourd'hui,
ils sont toujours convaincants,
contrairement aux baleines - ils sont soudainement apparus comme nuit,
méfiant et déprimant.
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