Anne-Marie Jobin

Dans le processus créateur, il n'y a pas à proprement parler d'erreurs, puisque tout est une occasion de créer et de recréer. Les erreurs font partie de l'apprentissage.

Les désirs nous nuisent quand ils appartiennent à l'ego, ou quand nous nous accrochons tant au résultat escompté que le processus se transforme en lutte.

Si vous êtes harcelé par des pensées négatives empoisonnantes, consolez-vous, vous faites partie de la grande majorité des créateurs.

Le mental n'est pas mauvais en soi, nous en avons besoin pour organiser nos vies et faire nos comptes, mais une de ses caractéristiques est qu'il bavarde en périphérie du présent, créant des réalités qui n'en sont pas, devenant source de distraction, et bien souvent de grande pollution. On a d'ailleurs parfois l'impression qu'il ne s'arrête jamais, et beaucoup témoignent de ce que leurs moments de paix viennent du fait que, pour quelques instants, leur petite boîte à paroles s'est tue, et qu'ils ont pu être complètement absorbés dans le présent.

Qu'est-ce qui vous donne envie de fuir la tâche que vous avez pourtant choisi de faire ? Qu'est-ce qui se passe au moment même où vous sentez que vous décrochez, que vous vous laissez distraire ? Y-a-t-il des désirs ou des peurs qui vous traversent ? Quelle est l'histoire que vous vous racontez ?

... il arrive que l'on confonde une absence d'élan pour une tâche avec une difficulté de concentration. Si une activité vous répugne, votre élan créateur ne suivra pas, c'est normal. Si vous êtes agité, il faudra peut-être aussi vous poser la question des vrais appels. Si par contre votre projet vous est cher, mais que vous avez tendance à vous laisser distraire, développez des trucs pour vous aider à concentrer votre énergie. Rappelez-vous que, sans la poussée de la concentration, rien de bien grand ne voit le jour.

... quand nous nous identifions aux résultats de nos actions, nous sommes beaucoup plus vulnérables à la critique, parce que c'est comme si c'était nous qui étions critiqués ou attaqués, comme si c'était notre valeur qui était remise en question.

L'essentiel, je crois, est de vous demander, quand vous vous engagez dans quelque chose : "Ce choix a-t-il du sens pour moi."

Si vous sentez que la peur du succès vous coupe les ailes, demandez-vous d'abord comment vous définissez le succès et assurez-vous que vous êtes bien en lien avec votre coeur et non empoisonné par des images factices de réussite.

Que faire de cette peur [de l'échec] paralysante, si nous voulons que l'énergie de vie circule en nous ? Pour se guérir de ce frein à l'expression et à la création, il faut encore remettre tout en perspective. Qui sommes-nous vraiment et qu'est-ce finalement que l'échec ? Même si nous "rations" tous nos projets, perdrions-nous le droit à la création, notre droit d'essayer et d'explorer ? Perdrions-nous notre valeur intrinsèque ? Il faut sans cesse se rappeler que nos projets ne sont pas nous-mêmes. Quand un projet avorte, ce n'est pas nous qui mourons, c'est simplement une forme dans la matière qui se désintègre pour se transformer ou pour laisser place à autre chose.

Penser en termes d'échec ou de réussite nuit considérablement au flot naturel de notre énergie, parce que nous sommes sous tension, centrés sur le résultat de nos actions plutôt que sur le processus présent.

... Que l'on soit programmé pour l'échec ou la réussite, quand l'enfant n'est pas honoré pour ce qu'il est tout simplement, le résultat est le même. L'expression spontanée est paralysée et le désespoir est susceptible de s'installer.

Même vos espaces les plus sombres ont des cadeaux pour vous. S'ils réclament votre attention, c'est qu'ils ont quelque chose à vous dire. En les amenant à la conscience, vous les apprivoisez, et peu à peu, ils peuvent devenir des partenaires de création et non plus des embûches.

Les gens qui participent à mes ateliers sont souvent étonnés de e qui émerge d'eux-mêmes, comme s'ils ne se doutaient pas de la richesse qu'ils portent. En effet, ce qui émerge des créations est souvent plus intelligent que ce qui est perçu par le moi conscient. C'est pourquoi cela nourrit autant. Et plus nous sentons cette intelligence à l'oeuvre, moins nous avons peur de l'inconnu.

A mon avis, ce qui nous fait le plus peur, ce sont les sentis puissants qui dorment en nous. En effet, qu'est-ce qui arriverait si nous touchions des désirs inavoués, des aspects méconnus de nous-mêmes, des souvenirs refoulés, des monstres cachés dans l'ombre ? Nous sommes morts de trouille, mais pourtant, dans ces zones enfouies, il y a une énergie phénoménale. Il n'y a pas que de l'ombre, il y a aussi de la lumière. Peut-être que notre vision profonde est retenue à l'intérieur. Ou que la solution à tel problème se présenterait si nous osions faire face à la charge de colère qui la couvre.

... Faire les choses de façon inhabituelle allège le processus, ouvre des horizons nouveaux et stimule énormément l'énergie créatrice et le plaisir de créer. Si vous voulez accueillir l'énergie un peu chaotique de votre créativité,n vous devez oser briser les chaînes de vos habitudes.

Si vous réfléchissez quelques instants au moment où s'est installée une de vos habitudes négatives ou dépendances, vous verrez qu'en général elles ont constitué une sorte de protection contre quelque chose d'inconfortable. Elles vous ont aidé à vous apaiser, à vous distraire, à vous engourdir un peu. En répétant souvent ce geste qui se voulait pacificateur, il est devenu une habitude qui, éventuellement, a peut-être créé un cercle vicieux : plus vous vous rassurez avec votre geste, plus vous avez du mal à supporter les situations qui vous le font rechercher. L'habitude se renforce alors, et la dynamique s'enracine davantage.

... pour croire en nous-mêmes profondément, il nous faut cesser de nous identifier à l'ego. Nous sommes l'espace sous-jacent à notre histoire personnelle, et non à notre histoire.

Pour réapprendre à croire en soi-même et arrêter d'envoyer les toxines du doute dans le courant créateur, on doit se munir de l'antidote du doute : la foi. Nous devons réapprendre à nous donner de la valeur, développant une fois inébranlable dans le fait que nous avons droit à la vie, à notre part de bonheur, et ce, même si on nous a fait croire le contraire. Au-delà de notre histoire personnelle, si nous sommes ici, c'est que la vie nous a voulus.

Nous sommes plus que nos visions et nos désirs de création. Nous sommes plus que ce que nous faisons dans le monde. Aucune mission ne nous est vraiment demandée. Qui sommes-nous quand nous ne faisons rien ? J'ai accompagné un jour une musicienne qui était bloquée et qui voulait à tout prix écrire de la musique, mais n'y arrivait pas. Je lui ai demandé si elle pourrait s'aimer même si elle n'écrivait plus une note de sa vie. Elle ne savait pas quoi dire. Toute sa valeur était attachée au fait qu'elle faisait de la musique. Je lui ai dit : Aime-toi au-delà de tes créations. Quand tu seras en paix avec le fait de ne rien composer, la bonne musique viendra. Ne la force pas.