Anne-Marie Jobin

Inspirez-vous les uns les autres, mais résistez à l'envie de donner prise à ce petit démon intérieur qui s'appelle Comparaison !

Vous est-il déjà arrivé de vous sentir oppressé, courant d'un rendez-vous à l'autre, brandissant une liste de tâches qui n'en finissait plus ? Vous est-il déjà arrivé de vous sentir complètement aliéné devant la façon dont se déroulait votre vie concrète ? de sentir que quelque chose n'allait pas tout en étant incapable de changer les choses ? Avez-vous déjà obtenu quelque chose que vous désiriez depuis longtemps, mais de vous sentir peu après toujours insatisfait ou même totalement vide ? Si, oui, vous n'êtes pas le seul. Ces expériences sont presque universelles dans notre culture. Il semble que nous ayons du mal à résister à l'agitation ambiante, que nous soyons déchirés entre l'envie de faire toutes sortes de choses et un profond désir de mener une vie qui aurait plus de sens, où les choses pourraient être savourées lentement, où nous serions plus en contact avec ce qui compte vraiment ... mais qui nous échappent souvent.

Rappelez-vous qu'être créatif, ce n'est pas vous inscrire à un cours de plus ou multiplier les originalités. Etre créatif requiert simplement une écoute attentive de ce qui émane de votre vie intérieure et un lent travail de mise en oeuvre de vos rêves.

Je crois en effet qu'en multipliant les langages d'expression, on multiplie les voie d'accès à la source de sa créativité. En fait, plus on a de langages, plus on ouvre de portes vers le monde souterrain qui nourrit tant le processus créateur.

Je lui fis part de mon désir de faire mes valises, de mes rêves nocturnes qui me disaient que chez moi c'était ailleurs, et elle me dit fermement : "Ne bouge pas, reste où tu es." Je me mis à pleurnicher : "Mais je m'ennuie de l'océan !" Elle prononça alors une phrase qui allait me suivre longtemps : "Ce dont tu t'ennuies, c'est de l'océan de ton propre Soi." Cela ne me plaisait pas trop d'entendre cela mais je savais qu'elle avait raison et que je ne pouvais plus croire que partir allait me satisfaire vraiment.

Comment l'art nous aide-t-il à voir plus clair dans notre vie ? Voici, à mon avis, les quatre raisons principales qui expliquent les effets bénéfiques de la démarche : le relâchement de l'énergie ; la distanciation ; l'effet-miroir ; et le contact accru avec ce que je nomme le plus vaste. Tous ces aspects bénéfiques de l'expression artistique peuvent être observés à un moment ou à un autre du processus créateur.

Quand nous voulons construire notre vie à l'image de nos rêves, les arts et l'écriture sont des alliés formidables, quelle que soit la nature de ces rêves.

... anecdote [concernant le problème du perfectionnisme] : le mari d'une artiste professionnelle qui se sentait stressée par les exigences de son métier, eut l'idée de faire des soirées de bad art. La consigne était de créer des choses de "mauvais goût". S'ils se surprenaient à avoir un élan vers le beau, ils devaient aussitôt "gâcher" leur création. Ils se sentaient tous les deux très stimulés par ces soirées, et le travail de la femme s'en portait mieux. Bientôt, des amis se joignirent à eux, et ces soirées eurent tellement de succès qu'ils durent en restreindre l'accès. Pourquoi ces soirées de bad art réponde-elles au besoin de tant de gens ? A mon avis, c'est une réponse à la pression de performance que nous sentons ou subissons. Nous avons besoin de jouer, de relâcher la pression, de nous donner droit à l'imperfection.

Et quand vous hésiterez devant le chemin à prendre, posez-vous la question que Carlos Castaneda a rendue célèbre « Ce chemin a-t-il un coeur ? » Si la répinse est oui, suivez-le ; si c'est non, oubliez-le. Castaneda dira encore ceci :
Pour moi, rien ne compte que de voyager sur les chemins qui ont du coeur, sur n'importe quel chemin pourvu qu'il ait du coeur. Alors j'avance, et la seule chose qui vaille la peine à mes yeux est de le suivre jusqu'au bout. Et là, je voyage – regardant, regardant, le souffle coupé.

Les personnages
Cette technique consiste à créer une métaphore sous la forme d'un personnage, à partir d'un trait de personnalité, d'une émotion, d'une dynamique intérieure, etc. Il s'agit donc en quelque sorte de caricaturer certaines de vos caractéristiques, pour arriver à les voir plus clairement, à gagner de la distance et ainsi çà moins vous identifier aux rôles que vous jouez. Ce travail avec vos sous-personnalités vous permettra d'entrer en relation de façon dynamique avec des parties de vous, d'en faire sortir certaines de l'ombre, de répondre aux besoins de certaines autres, de comprendre mieux pourquoi vous agissez de telle façon dans telle situation, etc. Vous verrez que de traduire qui vous êtes en personnages élargira votre perspective et donnera très souvent une bonne dose d'humour. Le simple fait de devenir plus indépendant face à vos sous-personnalités est libérateur et vous aidera à faire des choix différents, à respecte davantage votre globalité. Il ne s'agit pas de ridiculiser des parties de vous-même, mais d'en devenir davantage témoin afin d'arriver à mieux orchestrer l'ensemble de ce que vous êtes. Cette technique est libératrice et thérapeutique, mais aussi très stimulante pour l'imagination et la créativité.

Après plusieurs années de travail avec cette métaphore [l'iceberg], j'ai choisi de nommer ce lieu du dessous "le plus vaste" plutôt qu'inconscient ou inconscient collectif parce que j'avais l'impression qu'ainsi je sortais du jargon de la psychologie et j'ouvrais encore plus d'espace. Plus je sortais de mes théories, plus j'entrais en relation avec l'énergie féconde et mystérieuse du dessous, et plus les frontières dessus/dessous se dissolvaient.

N'est-ce pas ironique que le fait de prendre son temps puisse causer de la nervosité ? Avec la pratique, cependant, la roue se met éventuellement à tourner moins vite et l'agitation s'atténue.

La patience, c'est donc savoir attendre, c'est accepter le rythme naturel des choses tout en continuant sereinement à faire les gestes nécessaires à la croissance de ses projets. C'est ainsi qu'elle se distingue de la passivité ou de l'inaction, puisqu'on continue à pratique, à travailler.

[L'outil] le plus utile, à mon avis, est celui qui vise à démasquer la voix critique interne en la personnifiant [...]. Cette manoeuvre permet de mieux la reconnaître quand elle se présente et d'entrer en relation avec elle plutôt que d'en être la victime. Une femme, dans un atelier, l'avait dessinée en corbeau noir sur son épaule, constamment en train de lui crier à l'oreille. Une autre avait dit : "J'ai un militaire intransigeant à l'intérieur de moi", et elle avait dessiné une forme simple aux épaules carrées, sans visage, tout en noir. Ces images m'avaient frappée, parce qu'elles permettent de ressentir de façon claire l'énergie assommante et épuisante de la voix critique.

Quand on accepte les mouvements naturel du cycle [de l'énergie création], les tensions tombent et les noeuds se dénouent d'eux-mêmes. Quand on affirme que c'est O.K de ne pas être toujours productif, on désamorce la tension résultant du refus de ce qui se passe.

Je remarquais aussi que le simple fait d'avoir de façon régulière une permission totale de m'exprimer librement m'apaisait profondément. Je commençais à constater, de différentes façons, l'incroyable pouvoir équilibrant et guérisseur du processus créateur.

La mort-renaissance. Pensez à l'étape de vie que vous êtes en train de traverser. Posez-vous les deux questions suivantes : Qu'est-ce qui meurt en ce moment dans ma vie ? et Qu'est-ce qui est en train de naître en ce moment dans ma vie ? illustrez ces deux questions sur deux pages séparées. Sur une troisième page, combinez les deux dessins dans un cercle, puis écrivez vos réflexions.

A mon avis, un des apports les plus positifs du journal créatif est le développement de notre lien avec notre sagesse intérieure. Les moyens simples que nous utilisions pour lui donner voix sont non seulement très puissants, mais aussi très nourrissants et rassurants.

Le personnage. Créez un personnage caricatural à partir de votre voix critique : qu'il soit sévère et intransigeant, ne permettant jamais de jouer et exigeant toujours davantage. Dessinez-le ou décrivez-le, donnez-lui un nom, puis arrache la page et prenez l'habitude de place ce personnage hors de la pièce quand vous faites votre journal. Voyez comment cela change votre pratique.

La métaphore est la substitution d'une idée par une autre, souvent plus imagée. Elle permet de sortir des limites du "je" (je me sens... j'ai fait ceci, cela...) en devenant temporairement autre chose. Le langage métaphorique est un outil extraordinaire à ajouter aux techniques du journal créatif parce qu'il s'appuie sur le pouvoir du symbole et passe par l'imaginaire et l'intuition.