Anne Mette Hancock

Vous avez remarqué cette façon qu'ont les riches de regarder les domestiques et les serveuses? Sans réellement les voir. (…) Les filles comme moi sont tout simplement invisibles pour ces gens-là. (P.369)

"Putain, je n'y crois pas!" s'exclama-t-elle en roulant des yeux. "Tristan et Iseult sont des amants du Moyen Age, comme Héloïse et Abélard.
- Ca va peut-être te surprendre, répliqua Schäfer, mais je n'étais pas né en ce temps là. Je n'ai pas eu le plaisir de rencontrer les cinglés dont tu ma parles. (P.282)

- Ce n'est pas de sa faute à elle si elle a été créée avec ce type de besoins. Elle n'a pas choisi de sentir le cadavre. Elle ne fait que jouer avec les cartes que la nature lui a distribuées et elle en joue bien. C'est une question de survie.
- Admettons". Héloïse lui sourit. "Personnellement je préfère les tulipes (...). P. 220

"- C'est à dire que la plupart des individus s'éloignent très peu des stéréotypes. La pute heureuse, le politicien honnête, le champion non dopé? Vous pouvez les sortir de votre tête. Ils n'existent pas.
- Et le journaliste objectif?"
Schäfer retint un éclat de rire. (P.98)

Je sais que ce n'est jamais une bonne idée d'affirmer quoi que ce soit sans en être sûr. Tu vois un sac de classe à un endroit et des bouquins jetés dans un buisson à un autre et tu en conclus aussitôt que le sac est vide. Tu peux parfaitement avoir raison. Je dis simplement que tu peux aussi avoir tort et que le sac n'est pas forcément vide. Qu'il a peut-être servi à transporter un objet d'un point A à un point B pour des raisons que nous ne connaissons pas encore. Tu sais ce qu'on dit des suppositions.

- Heloise ! Martin dit que je triche !
- C'est parce qu'il est mauvais perdant, dit Heloise

C’est très bien d'espérer le meilleur, mais [il] vaut toujours mieux être prudent et s'attendre au pire. Les gens sont un peu fous, Lulu !

La température à Copenhague oscillait depuis plusieurs jours autour de zéro degré, mais la violence du vent donnait aux habitants l'impression de vivre l'hiver le plus froid du siècle. Les rues étaient désertes. On se serait cru dans une ville fantôme.

La plupart de ses collègues masculins évitaient de parler de leur travail à leur femme. En débauchant, ils rangeaient les événements de leur journée de boulot dans une petite boîte mentale bien fermée, qu'ils laissaient à l'hôtel de police. Ils rentraient chez eux, en banlieue, manger des fricadelles et du gratin de chou blanc, échangeaient des banalités et regardaient des séries Netflix avec bonbonne. Le lendemain, ils retournaient au bureau et ils rouvraient la boîte.

En temps normal, il lui aurait laissé entendre par un vocabulaire choisi ce qu'il pensait de son attitude, mais aujourd'hui il se contenta de sourire derrière une mâchoire verrouillée, parce que Connie lui avait expliqué récemment que la meilleure manière de répondre à ce type d'insolence était d'utiliser une arme inconnue au Danemark : l'amabilité.

Mais alors qu’elle avancait vers lui, l’image se transforma sous ses yeux comme ces œuvres d’art qu’on nomme anamorphose. Un objet qui ressemble à une chose vue sous un certain angle et qui se dissout et se transforme en autre chose lorsqu’on le regarde sous un angle différent. Cela ne pris que quelques secondes. L’homme leva ses yeux en l’entendant approcher. Leurs regards se croisèrent, et elle sut.

C’était un frêle vieillard aux cheveux presque entièrement blancs, hormis quelques touffes grises aux tempes. Un vieil homme amaigri. Il était assis, les épaules tombantes et la tête basse, sa colonne vertébrale apparaissant nettement sous son T-shirt élimé, comme les pointes sur le dos d’un stégosaure.

Héloise le vit d’abord de dos et se demanda si on ne l’avait pas fait entrer dans la mauvaise pièce. L’homme assis à la table métallique sous la lumière fluorescente du néon qui clignotait au-dessus de sa tête n’était pas son père.

(...) elles avaient pleuré l’une et l’autre (et pleuré, et pleuré) lorsque les parents d’Heloise avaient annoncé leur intention de divorcer, l’été entre leur CE1 et leur CE2.
« Nous deux, on ne divorcera jamais », avait déclaré Gerda ce jour-là. Elles se l’étaient juré et avaient mêlé leur sang pour entériner ce pacte. Vingt-sept ans plus tard, elles étaient encore là.

Elles étaient inséparables depuis le jour de leur rencontre.
À dix ans, elles avaient fumé ensemble leur première cigarette, cachées dans les trous des haies de hêtres du parc de Kongens Have et, pendant tout le temps qu’avait duré leur scolarité, elles étaient tombées amoureuses des mêmes garçons à tour de rôle. L’une avait haï avec passion les ennemis de son amie, adoré sa famille avec encore plus de ferveur – et réciproquement –, (...)

Il n'existe qu'un seul sourire véritable : c'est le sourire de Duchenne. ... / .... Quand une personne est gaie et qu'elle sourit, cela provoque simultanément la contraction consciente et inconsciente de deux muscles : celui appelé le grand zygomatique - c'est celui qui soulève les commissures des lèvres - et le muscle orbiculaire de l' œil , qui fait monter les joues et fait apparaître les rides du rire. Le premier part de l'endroit du cerveau qui dirige nos mouvements libres et conscients. Le deuxième naît dans celui qui commande les émotions. ... / ... En d'autres termes, on ne peut pas faire semblant d'avoir les rides du rire. Le sourire commercial - parfois appelé sourire de l'hôtesse de l'air - ne vient pas des yeux. Seule la bouche est étirée vers le haut . ( p 272 / 273 )

- (...) Tu sais ce qu'on dit des suppositions ...
- Qu'elles sont mères de toutes les erreurs.

"Va savoir. Il ne se passe pas un jour sans que je m'étonne de constater à quel point le monde déconne. Pendant que les gens postent leur salade d'avocat sur Instagram en déjeunant dans les restaurants de la capitale, les évènements les plus monstrueux se déroulent dans des appartements juste au-dessus de leur tête."

"TROUVEZ LE!" La voix de Jens Bjerre résonna dans l'obscurité hivernale. Terrifiée et mouillé de larmes. "TROUVREZ MON FILS!"

Depuis que le gouvernement avait décidé de laisser l’armée reprendre une partie des tâches incombant normalement à la police, la brigade criminelle s’était vu attribuer plus d’hommes qu’il n’en fallait. C’était un peu comme si un nouveau riche ayant fait sa fortune dans le rap se retrouvait tout à coup avec une maison bien située au bord du Sund : un luxe inhabituel que les policiers craignaient qu’on leur retire. Et ils ne se faisaient pas d’illusions. Le service ne tarderait pas à retourner à l’âge de pierre.