AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Annick Le Scoëzec Masson (45)


Je feuilletais l'un de ces livres quand, entre les lignes, ces voix...


(p.16)
Commenter  J’apprécie          70
[...]
Parce que j'ai beau te regarder,
tu peins sans sourciller,
la forêt, ses nuages et la pluie,
mille monts aux nombreux arbres rouges,
les cloches d'un monastère plein de brume,
et les brouillards, les murmures
qui hantent là-haut,
tout en haut sur les sommets,
ledit Pavillon Haut.


(p.85, fin du dernier poème "JADE CHERCHAIT TOUJOURS")
Commenter  J’apprécie          130
[...]
Du pavillon où nous arrivions,
il ne restait plus,
à pinceau levé,
qu'un seul trait,
ébauché
comme on fait un signe.


(p.18, extrait de "DES VENERABLES AUX PIEDS CROTTES")
Commenter  J’apprécie          120
[...]
Je voyais la ronde
des poussières sous mes doigts,
pensais :
"Si tu sais regarder
à l'intérieur,
c'est tout le paysage
qui s'élargit
aux quatre coins des perspectives.
Le passé est là tout entier
qui se dépose autour de toi,
chaque particule,
l'éclat d'une vie qui
passa la frontière invisible
en un lointain jadis.
Le monde est en train de passer en toi.
[...]


(extrait de "L'ARBRE AU-DEHORS", p.13-14)
Commenter  J’apprécie          50
Un après-midi d'hiver,
j'étais allongée dans la chambre,
l'épaisseur de bruits ordinaires.
Je ne dormais ni ne veillais,
suspendu le moi qui songe
à autre chose que soi-même,
et ne se rappelle plus quoi.
Quand un son, peu à peu,
s'imposa... Il semblait venir de très loin...
De tout près.


(p.7) [prélude]
Commenter  J’apprécie          50
[...]
Des paroles fracassantes
traceraient sur les pages
la pureté de leurs signes,
se formeraient des paysages,
ondoiements
intacts et anciens.
Une bulle de silence heureux
alors
s'évaderait par la fenêtre.



(p.15-16, "SIGOU LE CHAT SAVAIT", extrait)
Commenter  J’apprécie          120
Shuimo

Il peignait.


Ciel dégagé, rosissant au loin,
se grisant soudain,
se couvrant de brume,
vapeur de rivière
qui s'élève enfin jusqu'au lendemain.

Pins étirés noirs
regardant devant,
clous échevelés,
frange irrégulière sur le crêt des monts,
squelettes dessinés sur les nuées,
molle écharpe mauve qui se détend,
se dissout vers l'Est,
rôde près des arêtes
en se défaisant.

Un nuage énorme, masse violacée,
dresse à l'arrière-plan
son galbe au vertige
de vive montagne,
de roc écrasant.

Ses contours se découpent en se chevauchant.

La lumière faiblit,
fleurs de cerisier
emportées,
léger vent levé.

Feuillage étagé d'une poignée de cèdres,
géants rapetissés, enchevêtrés.

Une silhouette infime est arrêtée
comme s'interrogeant
sur un sentier.

Lueur ténue derrière les nues,
la lumière n'est plus.

Et puis flotte encore
la ligne confuse
qui ne sépare plus
le haut et le bas.
Car elle n'est plus rien
qu'ombre diffuse,
le vaste trou
du noir.
Commenter  J’apprécie          100
– Pourquoi maintenant,
l'éclat
qui m'a toujours tant émue
ne m'apporte-t-il plus
le ravissement
de cet autre temps.
Est-il vraiment perdu ?
Et quand s'est-il perdu ?
Commenter  J’apprécie          60
Eau, montagne,
pluie et vent,
neige, brouillard,
les mille parades de l'automne
et du printemps,
le souffle puissant
des éléments,
l'immuable et le fugitif,
l'être immobile
et la course sempiternelle du changeant.
Commenter  J’apprécie          50
Là, au milieu des bois,
il n'est point de jour ni de nuit,
juste une suite d'instants comme des perles,
la lumière qui tour à tour fuit
et puis déferle.
Commenter  J’apprécie          50
Tout là-haut, où me cache la brume,
il est un jardin d'iris et de pluie,
de givre, de rosée, d'herbe bleue, de vent long.
Une maison simple avec un écritoire,
du vin, un peu de riz
suffisent
au marcheur que je suis.
Commenter  J’apprécie          60
Et mon œil se leva sur la ligne oscillante,
il s'ouvrit en grand, entraînant avec lui
mon cœur et tout mon être vide,
prêt à se laisser ravir
par l'illusion née
d'une clarté fracassante.
Commenter  J’apprécie          50
L'automne arrivait. Je regardais le ciel changer.
Commenter  J’apprécie          40
L'arbre au-dehors

L'arbre vint à moi.
Comme un petit oiseau, un chien, un chat.
Sur la terrasse où j'étais assise,
ses branches poussées depuis le bas
par un peu d'air léger,
s'accrochaient à ma frange.
Derrière, sous la véranda,
une rumeur de vent de plaine,
de conversations inlassables.
Des pétales tombaient à mes pieds.
L'arbre contait bien des choses
que je ne saurais dire.
Ses odeurs énergiques
de sève en ruisseaux, d'écorce saignante,
me soulevaient.
Je perdais consistance,
mes yeux infirmes s'ouvraient.
Je voyais la ronde
des poussières sous mes doigts,
pensais :
«Si tu sais regarder
à l'intérieur,
c'est tout le paysage
qui s'élargit
aux quatre coins des perspectives.
Le passé est là tout entier
qui se dépose autour de toi,
chaque particule,
l'éclat d'une vie qui
passa la frontière invisible
en un lointain jadis.
Le monde est en train de passer en toi.
Personne ne te le volera».
Commenter  J’apprécie          140
L'heure du chat (2)

Sigou le chat savait.
Il savait que,
dans le silence des heures pleines,
lectures et songes de sieste,
quand l'arbre frappait en grinçant à la vitre,
que le soleil traquait l'ombre
dans la chambre,
blottis contre ma taille
– étoffes froissées, voix éteintes, soupirs et balbutiements –
tous les présents s'ouvraient en même temps,
pièces en enfilade
de la vaste demeure
où nous étions devenus
vagabonds.
Commenter  J’apprécie          60
Fu de Wang Weï

Les courbes d’un relief
au-dessus des nuées.
La vapeur de rivières
parmi les rizières.
Des villages au flanc
de montagnes grasses.
Hérons au vol bas.
Quelque aurore,
une soirée automnale
sur l’enclos
à l’arrière-saison.
Le pavillon retiré sur une éminence.
Le « il y a »,
le « ce qui est ».

Et puis,
la mélancolie des amis partis,
qu’on ne verra plus,
et cette envie
de flâner sans fin,
ne plus vouloir rentrer,
retourner toujours aux bois familiers
me font penser
aux miniatures
de très riches heures,
celles des frères de Limbourg,
pour le duc de Berry.
Commenter  J’apprécie          30
Jade le savait-il ?
Un jour, quelqu’un
percevrait ce duo de cithares
sur le tombeau des Ming.
Quelqu’un, feu et glace,
chercherait sa trace
dans la fièvre grise,
le tumulte des rues.

Le siècle basculerait encore
dans un vide éperdu.
Murmures, halètements,
rires, étoffes froissées,
frottements de pieds nus
sur les dalles ?

Plutôt les cris,
le mouvement machinal
de milliers de pas
sur le quai,
l’orage
des foules hagardes.
Commenter  J’apprécie          40
(Joseph ! Pourquoi l’avait-il emmenée faire une promenade dans la réserve ? Il se sentait le cœur pris d’une indolence heureuse, disait-il, tellement nouvelle. Peut-être l’arrivée de l’été. Quelque chose dans le poudroiement de la lumière qui transmuait la végétation, lui dictait son point d’équilibre. Elle marchait sur la route en faisant claquer ses chaussures plates, indifférente au son commun qui couvrait à intervalles réguliers le bruissement des roseaux, de la folle avoine et des roses sauvages. Peut-être son regard était-il aimanté par la silhouette de l’ancienne cité portuaire, comme un point de repère pour le maintien de sa démarche hautaine. Il l’avait attrapée par le poignet, tenait sa main prisonnière puis l’ouvrait, la déplissait en la caressant avec la sienne. Avec l’ongle de son index, il parcourait les lignes qui la sillonnaient.
- Il vaudrait mieux s’arrêter au pied des murailles.
- Pourquoi ?
- Une superstition. Je ne veux pas prendre le risque.
Le vol d’un héron stria le bleu. Il cligna des yeux du côté de Brouage qui lui apparaissait tout à coup comme le mirage d’une ville après une longue traversée de désert. Il cilla sur la violente explosion des couleurs autour d’eux, eut la brutale impression que les rouges hurlaient. Il se rendit compte tout à coup : “Mon Dieu, il n’y a pas un seul arbre ici !” Elle soupira, s’épongea à son tour le front d’un air accablé : “Les rêveurs, moi, à la longue, qu’est-ce que ça me barbe !”)
Commenter  J’apprécie          40
Pourtant, à mesure qu’il avançait, que les souvenirs surgissaient en rafales - des images, des voix, la voix de tous ses disparus -, il pensait aussi aux autres, les morts en sursis dont il partagerait bientôt le sort. Tout cela, se disait-il, pour quelle victoire ? Il n’y a pas de victoire. Qu’en ai-je à faire, d’ailleurs ? Rien qu’une énième guerre dont le sens nous échappe, loin qu’il est de nous, placé entre les mains de la postérité. Rien qu’une énième avancée dans l’aventure des techniques, une nouvelle formidable accélération de l’histoire, un moyen radical de faire changer les choses. Après, évidemment, plus rien ne serait comme avant. Mais de quelle platitude mensongère pouvait-il se prévaloir quand le drame de tous ces gosses, se faisait-il, c’est qu’ils vont au casse-pipe dans un mécanisme de régulation qui requiert leur peau. Ils les sentait marcher autour de lui, de ce pas aussi ferme et décidé, la tête pleine de chimères, et pensait au moment où certains pleureraient comme les enfants qu’ils sont et que lui, il ne pourrait pas leur expliquer que tout avait été prévu avant même leur naissance. « Moi, leur disait-il en imaginant la conversation qu’il n’avait pu avoir, en perdant la vie, je la gagne ! Je la gagne, nom de D… ! » Si seulement, il avait pu leur faire savoir qu’ils pourraient s’abriter derrière lui, qu’il leur offrirait son corps en guise de bouclier, que lui, il était vraiment venu pour cela, pour se laver de tout un tas de vieilles dettes, et d’une obligation aussi, peut-être, à l’égard de celui par qui il avait vu le jour, parce que plus rien, dans ce monde borné de la jouissance, ce cénacle de géants furieux, d’aigles et de poissons voraces, rien n’avait de sens et que, même ceux qui en profitaient, ceux qui n’y croyaient pas, eh bien…. « Moi, les gars, je ne vais pas vous dire que ça sert à quelque chose, non, je ne vais pas vous raconter ça. Ni vous chanter : que sont les guerres devenues ? Parce que son temps, on est bien obligé de se le coltiner. Alors, cherchez en vous, les mômes ! Appelez-ça devoir si ça vous va. Oui, devoir, c’est ce que l’on doit ! Moi, en perdant la vie, je la gagne. Je gagne une terre pour mes os, une terre, c’est ce qu’on appelle… »
Commenter  J’apprécie          30


Tout à coup je fis volte-face :
elle arrivait, sa horde de chevaux
déchaînés depuis l’horizon,
pressant leurs corps sur le fleuve,
les secouant comme des poches de
cendre,
tandis que les rives molles de la Yamunâ
se fondaient dans le ciel.
Des buffles traversaient, impavides,
déplaçant des montagnes vieilles dans la
brume
et le songe vide d’un roi
au bord de leurs croupes flasques.
Toute l’eau tombée délayait le paysage
dans un lavis de livre ancien.
Il y avait, bien sûr, le Tâj Mahal,
de l’autre côté des flots furieux,
soudain fulgurant
et qui semblait brûler la page,
s’en découper pour n’y laisser
qu’un profil de tombeau.
Il y avait encore, devinée entre les
pierres,
la respiration de l’esthète reclus,
ses longs regards sur l’ire des dieux,
ses pensées mornes dans le marbre creux
des fontaines,
dans le pan des murs ciselés,
s’agitant soudain avec une rare
précipitation,
prisonnier de l’instant sacré
sous le seul cri des singes.
("La mousson", p. 73)


Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Annick Le Scoëzec Masson (18)Voir plus

Quiz Voir plus

Les fourberies de Scapin acte 1

Dans quelle ville la pièce se déroule-t-elle ?

A Rome
A Paris
A Aix-la-Chapelle
A Naples

8 questions
425 lecteurs ont répondu
Thème : Les fourberies de Scapin de MolièreCréer un quiz sur cet auteur

{* *}