AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Annick Le Scoëzec Masson (45)


Annick Le Scoëzec Masson
Puis, les ans passant, ce furent aussi de ces poètes à la langue fleurie, montés des autres bouts du royaume des Francs, et dont le chant se répandait, rivière au dégel, rhétorique langoureuse, non pour dire les joutes, la charge, choc et mêlée sous une pluie de flèches, non plus les veines tranchées, les cercles décrits par l’épée, la boue et les destins s’achevant sous les cabrements, mais la vie bouillant dans les corps et les cœurs, le sentiment habituellement dû au seul Seigneur, le fluide poussant l’une vers l’autre les âmes, dans une maîtrise qui n’était plus celle des armes, mais des plus hautes envolées de l’esprit.
Commenter  J’apprécie          30
- Comme il fait froid, dit la dame, comme il fait froid toujours !
- Voulez-vous qu’on ajoute à votre chambre un brasero ? Bientôt finit l’hiver...
- Non, rien ne saurait mieux réchauffer mon âme que vous entendre. La fleur de givre à ma fenêtre ne m’est alors plus décembre, mais nez espiègle du printemps. Chantez, Ariane, chantez encore pour que mon cœur dégèle, pour que le sang à nouveau en moi coule ! Chantez ce poème...
La suivante prépara sa vielle en courbant le genou. Elle tendit les cordes sous l’archet.
- « Tant ai le cœur plein de joie, que tout pour moi change de nature. Fleur blanche, vermeille et claire, me semble la froidure... Tant au cœur d’amour, de joie et de douceur, que l’hiver me semble une fleur et la neige verdure ! »
Les notes s’évaporèrent après avoir tenu un moment dans l’air.
- Oui, parlez-moi de lui, de ce troubadour, de la légende..., soupira la dame.
- Celle du cœur mangé ?
Elle tressaillit :
- Oh, non, par pitié ! Tant de finesse, côtoyer tant de cruauté !
- C’est jalousie, Madame ! Jalousie qui retourne en nous le loup prêt à tout dévorer... Nul n’en est à l’abri et les médisants sont légion.
Commenter  J’apprécie          150
On dit que le château de Tréhogonteuc fut bâti en une seule nuit par des êtres venus des profondeurs de la forêt. Ce n’étaient pas de ces créatures qui peuplent sources ou feuillages, au front bombé sous la résille, joncs graciles des bords de rivière. Ennemies du soleil, les korriganes se matérialisaient dans les émanations des marais lorsqu’une clarté parvient à fendre la ténèbre qui pèse sur les fourrés, de ce côté-là du bois. Elles jaillissaient alors avec des cris, vacillaient un instant au-dessus des tourbières, puis franchissaient à la vitesse de l’éclair les landes, les vallons, les taillis et les hautes futaies de Bréchéliant, pour planter leurs griffes dans les tempes des endormis, et leur ravir le peu d’âme dont ils se souvenaient. Après s’en être fait des colliers, après avoir tourné sur elles-mêmes comme des louves en ouvrant grandes leurs bouches folles, elles repartaient avant les lueurs du jour, vers les bas-fonds où elles enfouissaient leur butin à jamais.
Commenter  J’apprécie          160
Annick Le Scoëzec Masson
Elle arrive pieds nus sur la mousse,
cliquetis à son bras,
froissement de hanches.
Son voile accroché aux branches
dénude son front haletant.
Sans un mot elle étend
son corps lourd sur la rive.
L’attente a pris un goût de rien.
Un rire soudain
crève son tympan.
Commenter  J’apprécie          10
À vous attendre, le premier mitan de nuit
passa tel un frisson
le temps qu’il parcourt la ligne
allant de mes reins à mon front.
Le reste fut longue errance
dans les sables infinis
de mon chagrin.
Commenter  J’apprécie          30
Oh, chut, tais-toi, ne dis mot !
C’est bien moi le voleur, l’ingrat !
Moi qui flirtais avec les filles,
dans les eaux folles de la Yamouna.
Je t’ai laissée trop longtemps,
guettant en pleurs derrière les grilles
du palais d’été quand le vent
descendait mugissant, en vrille,
depuis les sommets encore blancs.
Je t’ai laissée errer, honte à moi,
dans Vrindâvan, seule, ses dangers,
quand tu allais guidée par le regret
de tous nos plus joyeux émois.
Quant au mépris de ta renommée,
tu interrogeais fière les vieilles
non pour leur demander conseil
mais si d’aventure elles avaient vu dans l’air
pieux passer le souffle du dieu bleu.
Hélas, nul n’osait te le dire.
Personne, l’entendras-tu sans rougir ?
Car ces propos sont pur mentir.
N’as-tu pas rêvé, Râdhâ,
l’émouvant repentir
de ton amoureux Krishna ?
Commenter  J’apprécie          30
C’est le miel soyeux de ta bouche
Madhava, que je sentais sur ma peau
en marchant,
pareil à l’air de la nuit,
à ce flottement de lune
entre les branches du cannelier,
enveloppant toute chose
de l’infini bruissement
de ton être vivant.
C’est le murmure de tes lèvres
que j’écoutais dans la dense obscurité,
la chaleur de ton haleine
à mes oreilles.
Et pourtant,
j’avais beau te chercher sans crainte aucune
dans les bois sauvages de Vrindâvan,
parmi les ronces et les taillis,
je me retrouvais seule, une ombre longue à mes côtés,
au milieu de la verte, de la plate
immensité.
Commenter  J’apprécie          30
Cette fois, c’était elle qui était mordue, faisaient les observateurs, et cela excitait plus encore leur curiosité car, à l’allant de sa personne, à cet éclat qui s’en dégageait toujours, ces amours avaient ajouté un je ne sais quoi de mélancolique auquel la maturité apportait ses atouts. Personne, alors, ne regretterait les soirées où elle harponnait ses galants de la manière qui avait fait écrire dans ses Mémoires à l’un de ses admirateurs : «Ses amants, Mme de C. les choisit le plus souvent parmi les bohèmes de la Butte Montmartre, les assidus du Chat Noir ou de L’Âne-Rouge, les farceurs du cirque Medrano, les débauchés du Bal des Quat’z’Arts, les adorateurs de la Goulue, ceux que l’on voit jaillir dernièrement comme des coquelicots dans un salon à la mode de la Nouvelle Athènes, comme chez cette Mme de R., par exemple. Ancienne lorette ambitieuse, notre « éberluée d’alcôve », ainsi dénommée par un chroniqueur opiomane et nyctophile, est devenue, une fois les boiseries de son home refaites avec un luxe tapageur et juste ce qu’il faut de japonaiserie, la poétesse « pélléastre et saphique de l’avenue Frochot ». Mme de R. taquine la muse. Au fond, qui s’en plaindrait puisque personne ne l’écoute et que l’on rit à ses dépens. À défaut de gâter ses hôtes de nourritures authentiquement spirituelles, ce sont de vrais festins des dieux qu’elle offre en échange d’un semblant d’attention. Tout le monde sait que tout le monde y va, que le lieu est inévitable et que la représentation se trouve dans la salle. Le samedi soir au son du piano, Mme de R. décline ses litanies pendant que, derrière les rideaux, s’ourdissent les drames les plus sombres, - dénonciations politiques, avalanches de carrières dégringolant à la lueur d’un délit d’initiés - tandis que les oreilles se tendent vers la trahison d’un secret d’alcôve ou le récit de l’une ou l’autre coucherie. Dans le théâtre élisabéthain qui se joue en coulisses, pendant que la morne voix s’enfle soudain comme la promesse d’un orage, les faces-à-main se posent sur des visages goguenards, dissimulant joutes et fusées, persiflages et railleries les plus garces. On entend alors s’élever la parole suave de celle qui excelle dans l’art du spectacle : « Où donc se trouvent les water closets, cher Johnson ? Ces ‘roses moribondes dans le soir effondré’, ces ‘amours mûrissant sous l’aube parfumée’, j’en ai la vessie toute émotionnée. » Qui doute alors un seul instant que l’intérêt pour le sieur tellement flatté qui repart dans ce beau sillage ne s’effondrera pas aussi vite que le parfum des roses poétiques de la maîtresse de maison ? Mais qu’importe, parce que M. de C. possède le talent d’offrir au monde, sans jamais lasser, une plastique qui le dispute seulement au piquant d’un esprit que l’on s’arrache en tout lieu. »
Commenter  J’apprécie          30
Cheval à la bouche dure,
descendu au galop avec l'éclair,
abîme dans la nuit,
d'où viens-tu ?
Ce n'est pas le tonnerre
que j'avais d'abord perçu,
mais ce long cri de torrent des montagnes,
de furieux tremblement.
Minérale, implacable,
ta crinière se hérissait dans la tempête.

(p.49 - extrait de "L'ORAGE")
Commenter  J’apprécie          100
Les narines dilatées par le thé des montagnes,
une bouffée de terre grasse,
d'herbe humide et de tourbe fumée,
il s'affaissa sur le lit de brique rouge,
parmi les coussins brodés
de pruniers des frimas.


(p.21 - extrait de "EN COULISSE")
Commenter  J’apprécie          60
Une touche de vert et de rouille,
La nacre .d'un gris sale où transpire
la palette de l'Iris:
c'est le bain des buffles dès que le soleil frappe,
un oiseau debout sur chaque dos .

Dans le village un barbier
rasait le crâne d'un vieillard au teint clérical,
ne lui laissant qu'un toupet
pour le lier avec le ciel .
P65 Eros
Commenter  J’apprécie          40
le cri noir des corbeaux
sur des hordes de chiens.
Dans ces becs puissants,
Dans cette eau incapable de laver,
le jour s'éteint: il est trois heures.
Un linge gris sèche sur des mètres de fil
et les bouffées qui montent de l'asphalte
Sont comme des trainées d'opium
Où le désir s'enroule , s'anéantit
dans la chaire pourrie d'une mangue.
Bombay 2 P16
Commenter  J’apprécie          10
des hommes bavardaient avec des gestes lents ...
portant assis leurs mots
pour les voir éclore à la surface du ciel ...
Commenter  J’apprécie          80
Il revoit le bras rond posé devant les
yeux
et le duvet où jouait un reflet.
Tout en haut de l’échauguette,
étendue au-dessus de la vallée,
une marque rose sur sa cheville nue.
("Rasamanjari")
Commenter  J’apprécie          10
Dans cette orgie de blancheur je me suis
assise
et Mahâvîra, je l’ai vu :
c’était ce tremblement
dans la vapeur dorée d’un jardin
immobile,
les herbes folles et bleues,
la masse charnue d’une poignée de
glaïeuls,
le vibrato d’un après-midi
où tu posais dans l’ombre pour la photo,
entre les canaux
sous un feuillage liquide
quelque part
du côté de Shâlimâr.
("Le Brahmine", p.61)
Commenter  J’apprécie          20
Une jambe repliée sous la cuisse,
l’autre en suspens,
il trône
dans la moirure que glisse
la pénombre.
Il regarde, tourne et retourne ses doigts
où poussent les rubis,
ses ongles, coquillages
du fond des océans.
À son oreille tremble une perle
couleur de lune et ses yeux sont
salamandres.
("Rasamanjari", p.
Commenter  J’apprécie          20
Je n’ai pas besoin d’inventer
l’autre côté du ciel :
dans mes heures immobiles parfois
je le vois
à l’intime jointure des choses.
(Ecole moghole, p. 36)
Commenter  J’apprécie          10
Des hommes bavardaient avec des gestes
lents,
villageois en sursis dans un répit de l’air,
portant assis leurs mots
sur la paume renversée de la main,
les accompagnant un instant
un peu au-dessus d’eux-mêmes
pour les voir éclore à la surface du ciel.
("Aurangabadad", p. 25)
Commenter  J’apprécie          10
* Il rêvait. *



Quand il s'éveilla
au bruit des cordes pincées,
à l'odeur de vieilles roses tombées
sous la pluie,
rosée de nuit,
à la suave érosion de l'aube sur sa peau,
brûlure glissée au long de son dos,
il était devenu
papillon.



(p.36 - "LE CITHARISTE")
Commenter  J’apprécie          110
Comme le héros du livre, je rêvais de lointains. Je connaissais ce pays.


(p.46)
Commenter  J’apprécie          60



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Annick Le Scoëzec Masson (18)Voir plus

Quiz Voir plus

Protéger votre ordinateur !

Combien de temps tient en moyenne un ordinateur sans antivirus ni pare-feu avant d'être infecté ?

05 minutes
12 minutes
24 minutes
38 minutes

10 questions
108 lecteurs ont répondu
Thème : Protéger votre ordinateur efficacement et gratuitement : guide pratique (pour les débutants, les distraits et les hésitants). de Adam MolarrissCréer un quiz sur cet auteur

{* *}