Citations de Annie François (150)
Seulement, c’est siffler ou fumer, les deux actions étant à la fois proches et contradictoires. Certes, siffleur et fumeur arrondissent la bouche en cul de poule, mais l’un inspire tandis que l’autre souffle.
C’est sans. Sans filtre. Je prétends que mes mégots de trois centimètres retiennent autant de goudrons et de nicotine que ce bout de papier pressé qui se consume dans les cendriers avec une odeur répugnante. Je crois candidement m’épargner le pire en laissant mon grand filtre de tabac plutôt qu’en fumant jusqu’au bout des cigarettes filtres. La casuistique du fumeur est inépuisable.
La théorique humiliation d’avoir à quémander une cigarette, censée les retenir sur la pente de la rechute, se transforme vite en outrecuidance.
Les pauvres vous taxent. Les copains vous tapent. Ils me tapent sur les nerfs, ces fumeurs à la manque ou, pire, ces fumeurs en manque programmé. Je déteste leur air contrit, repentant, agressif et triomphal : J’essaie d’arrêter de fumer. Alors je n’achète plus de cigarettes. Mais là, je craque. Tu sais ce que c’est, toi, au moins.
La cigarette peut être « la meilleure amie de l’homme »dans d’autres circonstances ordinaires de tension. Ainsi, tout citadin rencontrera un jour ou l’autre un groupe jugé hostile et qu’il ne saurait contourner sans décupler sa propre pétoche. Dans ce cas, sortir une cigarette et aborder le groupe en demandant du feu. La courtoisie veut que le paquet circule dans le petit cénacle. C’est une sorte de calumet de la paix à usage urbain. Rien de mieux pour désamorcer une possible querelle.
Une peccadille pour quelqu’un de libre ; un quasi-drame en prison où la cigarette est la meilleure amie de l’homme. » On trouvera à redire à cette dépendance, mais on ne me fera pas croire que le tabagisme, actif ou passif, est pire en prison que l’abus de tranquillisants, la drogue, le viol, le Sida, la peur.
La cigarette est l’ami du bricolo et le sèche-larmes des petits enfants malhabiles.
Un paquet de n’importe quelle marque, utilisé à bon escient, peut remplacer une pharmacie et autres impedimenta.
Au réveil, nul n’ignore les vertus laxatives de la cigarette qui dispense du recours aux sachets de Sorbitol.
On ne peut plus fumer dans aucun hôpital, sinon bientôt de l’herbe à titre thérapeutique. Je pourrai toujours rouler mes Gauloises comme des pétards. Mais je suis sûre que les salauds vont nous servir leur kif en génoise mollasse ou, comme dans l’hygiénique Suisse, en gélule.
Un jour, j’ironisai avec mon médecin en disant que ce qui me fatiguait, dans sa chimiothérapie, c’était d’aller fumer sur la terrasse attenante au parloir, désormais non-fumeurs.
Le problème est qu’on ne peut pas mesurer l’effet d’un analgésique quand on n’a plus mal. N’empêche, il doit y avoir quelque chose. Il faut qu’il y ait quelque
chose. Un palliatif. Un palliatif bien avant la phase finale. La douleur aide à
mourir, mais inutile d’anticiper.
On peut aller au cirque sans pratiquer la haute voltige…
Héroïne, cocaïne me paraissaient très aléatoires quant à la qualité, d’un accès trop sulfureux, d’un rituel encore alourdi par la multiplication des accessoires, d’une hygiène douteuse et d’un prix qui dépassait de beaucoup mes moyens.
Une dame ne fume pas le cigare.
C’est incroyable que vous perdiez de l’argent à saloper un papier qui me
rapporte des fortunes .
Mai 68 a été une rude épreuve pour les fumeurs. Certes, on trouvait alors sous les pavés la plage, mais même sur le sable – au propre ou au figuré – les tabagistes fument. Taraudés par le spectre de la pénurie, ils se conduisirent en stockeurs de guerre. Ce n’est pas tant que les cigarettes manquaient, c’est qu’elles pouvaient manquer. Les mères de famille prévoyantes faisaient des provisions de sucre, d’huile, de conserves ; les banlieusards entassaient des jerricans d’essence ; les fumeurs emmagasinaient des cartouches de leurs cigarettes préférées.
La seule saloperie qu’ait jamais faite ma grand-mère a été de mourir juste avant son quatre-vingt-dixième anniversaire que nous voulions fêter fastueusement. Personnellement, je pense que sa longévité tenait moins à
une vie sans addiction qu’à son addiction à la marche à pied et à la bonne
humeur.
Que la faculté offrît à manger et fumer contre un don de sang prouvait bien que le pâté et le tabac n’étaient pas si nocifs pour la santé. Ce raisonnement était confirmé par le fait qu’à l’époque l’armée fournissait des paquets de Troupes aux troupes. Or, son mari et son fils étaient morts pour la patrie. Mais pas du fait du tabac
Quand on n’a pas eu le sou,on déteste les gens qui mégotent.
Les amis ne sachant pourvoir à tout, il me fallait multiplier les astuces pour me fournir en objets de première nécessité : piles de transistor, par exemple. Une cousine ayant prétendu qu’un coup de chaud les regonflait, j’avais placé mon poste sur le radiateur. Bien sûr, le plastique fondit. Pour maintenir les piles en place, je devais les coincer avec des pièces d’un centime en nickel. Soit, pour deux piles, seize centimes, à savoir le prix des P4 (quatre unités de Parisiennes, la marque de cigarettes la moins chère) auxquelles j’étais réduite la plupart du temps.