Citations de Aude Walker (18)
Au mois de juillet de cette année-là, je me mets à chercher du boulot pour trois raisons précises : me faire pardonner ma note minable au bac que je viens de rater pour la deuxième fois, gagner l'argent qui manque à la maison afin d'éviter à ma sœur la prostitution déguisée que pratique ma mère en rabattant des milliardaires monégasques et, surtout, surtout : me tirer du domicile pour éviter d'assassiner ladite pute de mère. Donc, quand au Pôle Emploi de Nice, une fille au brushing flottant me met sur la piste d'une mission d'intérim dans le nucléaire, c'est comme si elle m'ouvrait les portes du dernier niveau de "The Legend of Zelda".
Quand Jack avait lancé le projet, comme souvent, elle n'avait pas su exactement quel était son avis sur la question. Un enfant : comment savoir si on en a envie. Si on se met à se demander pourquoi, tout devient imprécis et flottant, un paysage peint à l'eau. Parce que la transmission. Parce que faut pas s'encroûter. Parce que faut sauver le monde de l'ignorance. Parce qu'un couple, il lui faut des projets. Parce que gros ego de merde, que faire de toutes ces projections, et faut bien laisser une trace. Parce que je vais mourir seule dans la putréfaction. Parce que.
On était nus. Tous, nus. Mère, fils et fille, nus. Et on échouait à déceler chez cette femme aux seins magnifiquement étoilés de gouttelettes d'eau de mer et aux joues rougies par l'amour, la trace d'une mère. Je suis une bonne mère. Derrière le tableau de famille naturiste, Adam Catz-Wurtzel se rhabillait prestement. Il sautillait, le pied coincé dans la jambe de son pantalon de lin blanc, évitant de regarder qui que ce soit.
Maintenant, elle me serre dans ses bras. Pas une mère, un échafaudage arachnéen. Assan est parti se changer. un frisson me marbre l'échine. La glacière aux langoustes commence à peser son poids entre mes bras. Elle sépare nos deux corps et rend la respiration difficile. Mère et fille, dans une étreinte givrée, tanguent au bord d'une falaise de silence. Je peux sentir son parfum dans son cou. Ce soir, les femmes ont peur et leur parfum devient fort. L'air est saturé de fragances paniquées. Le visage échoué sur l'épaule de Véra, je les renifle toutes, ces peurs. Au fond à droite, accoudée au meuble carbonisé, celle de June est marine.
Tu étais une femme pragmatique qui ne m'a transmis que de la peur rationnelle. Et cette peur m'a fait vivre dans le formol.
C’est rare de parvenir à gagner sa vie par le biais d’une rébellion sauvage. Je gagne des montagnes d’argent et des groupes de kids crient mon nom dans la rue, parce que je dis merde à mon père et à l’autorité.
Dans les fauteuils de son petit théâtre pathétique et humain, Ella avait de quoi passer tranquille le long hiver de son adolescence.
Depuis hier, le ciel est monté à l'envers, comme si la nuit ne s'arrêtait jamais de tomber, dès dix heures du matin.
Aucun risque maintenant de faire durcir ton visage à la rapidité du ciment et de l'eau qui cristallisent et d'entendre les portes de ton cœur se fermer aussi violent que celles du métro, comme chaque fois que moi, les autres humains, le monde, nous qui ne faisons jamais suffisamment attention, nous te blessions. Je vais t'écrire.
Ce soir-là, je ressemble à un garçon de douze ans souffrant de Progeria, cette maladie provoquant le vieillissement prématuré. Mes gestes sont hirsutes, mon rap inintelligible, mon sourire à l’envers. Je suis gangsta et je veux shooter tout le monde, mais je suis incapable de tenir sur mes jambes.
Sur Jackass, l’alcool est un accessoire de travail. Pour faire passer la douleur, pour faire monter la connerie à son apogée, pour dormir entre les prises.
On a rigolé tous les trois. C'était bien comme un bain de mer au mois d'avril.
Alors ça le petit, ça l'a tué. Il a bien évidemment un rire de fontaine magique.
Pendant deux ans, j'ai été un secret. Comme près de trente mille ouvriers français qui travaillent dans les centrales nucléaires, j'ai été une donnée indéchiffrable planquée derrière des barbelés. J'ai vécu branché à des dosimètres, des appareils qui mesurent la dose radioactive reçue par un individu exposé à un rayonnement ionisant. Portés au poignet, à l'annulaire comme une alliance morbide, ou à la poitrine, ces appareils calculent le mal en permanence et le potentiel de mort dont on est porteur. Pratique, mais super-déprimant. Déprimant, mais super-addictif.
Clown américain malade, ça y est, je me noie dans mon costume de soie, devenu trop grand pour moi.
Des personnes squattent mon esprit et m’ordonnent de cesser de respirer. Ils revêtent tous mon visage, mais dans des costumes différents et s’agitent comme des beaux diables à l’intérieur de moi. Un Massaï fait danser ses fourmis rouges, un Fakir mange les braises dans lesquelles il vient de se rouler et un Papou se tranche le nez avec un couteau.
Le but est de se mettre dans les situations les plus dangereuses ou les plus absurdes avec les animaux. A moi, les fourmis rouges, les scorpions, les lions et les mygales !
Mes shows sont hallucinants. Sur scène avant la projection, je mets le feu.
Les filles arrivent chez moi belles et debout et referment la porte quelques mois ou années plus tard, laides et rampantes.