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Critiques de Aurélie Jeannin (196)
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Préférer l'hiver

Un lieu : la forêt.

Une saison : l'hiver

Une narratrice.

Une mère et sa fille ( la narratrice ) qui tentent de se relever chacune du deuil d'un fils.



Ce premier roman est sans concession, comme le choix de ces deux femmes qui quittent le monde pour se réfugier dans une forêt qui va absorber leur rage, la douleur physique, les tourments de l'âme et leur effondrement intime que constitue le deuil d'un enfant.



« J'avais décidé d'arrêter de penser. Seule l'extrême et insondable peine pouvait me le permettre. La complexité de mes émotions, au moment de l'arrachement suprême, avait atteint un tel niveau que tout semblait s'être éteint en moi. Ne plus rien ressentir était une autre façon de mourir. J'étais devenue atone. Et puis, la nature m'avait réveillée. Les bruits légers, fondus dans la vie. Les animaux partout. Ignorant ma peine. Actifs, sans décorum inutile, sans fioriture. Des modèles de présence et mes guides permanents. »



La très belle idée de ce roman réside en cette symbiose entre la nature pétrifiée, la rugosité de l'hiver, la présence de la forêt et ces deux femmes en souffrance qui ne parviennent à survivre que dans ce lieu extrême, dépouillée de toute humanité. La paix du froid. Tout est d'une grande justesse dans cette analyse du deuil qui explore aussi bien le rapport au corps, la féminité, la relation mère-fille, la transmission. Tout appelle à l'introspection dans ce lieu, ce qui donne une ambiance littéraire très singulière, un peu hypnotique, qui m'a rappelée ( même si le point de départ et le contexte son très différents ) Dans la forêt de Jean Hegland.



Un roman d'ambiance donc. Un roman de styliste avant tout. Aurélie Jeannin écrit vraiment très très bien, d'une plume précise et ciselée, tour à tour poétique et percutante. Je lis toujours avec à portée de mains des petits bouts de papier pour marquer les passages marquants ... et là, j'en avais sélectionné un nombre très élevé !



« Se détacher à ce point des choses est un apprentissage infini. Maman et moi n'attendons plus rien, ni visites, ni surprises. Nous ne sommes plus dans le projet. Notre façon d'être, à chacune, puis les drames qui ont bouleversé nos vies, nous ont en quelque sorte forcées à devenir des êtres du présent. Cela s’est fait à notre insu mais aussi de façon très volontaire et tenace. Ne pas ruminer le passé, ne pas se projet dans le futur, vivre ici et maintenant est sans conteste l'effort le plus important que j'ai jamais eu à fournir. Et je crois qu'il en est de même pour Maman. C'est à ce prix que nous tentons de surmonter nos deuils, l'une et l'autre. On ne se relève qu'au présent, à chaque pas, à chaque geste. C'est mon sentiment. On ne tient pas vraiment debout, on se relève, on retombe et on se relève. Et on le fait à chaque seconde. Tout cela mis bout à bout fait que nous tenons debout. En restant dans le passé, on tombe en arrière, et rien ne nous retient. Si on se projette, on tombe en avant, dans ce trou incertain que représente l'avenir. Il faut être dans le présent, de façon absolue, profonde, totale, pour, à défaut de continuer de vivre au moins ne pas mourir. »



Un premier roman vraiment prometteur pour inaugurer la toute nouvelle collection «  Traversée » de la maison d'édition Harper Collins.



Lu dans le cadre d'une masse critique privilégiée.
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Les Bordes

Comme tous les ans en juin, les Bordes se réunissent à la ferme familiale du même nom, pour un pique-nique en bord de lac. Avec son mari et ses deux jeunes enfants, Brune, la narratrice, y retrouve son beau-frère et les siens, mais surtout ses beaux-parents qui la détestent. Le week-end est donc pour elle une épreuve, qu’elle redoute d’autant plus que, mère anxieuse et sur-protectrice, elle envisage la ferme et ce coin de campagne comme des lieux de tous les dangers, souvenirs obligent...





Si le monologue de Brune est l’occasion d’abattre, avec une bonne dose de vérité dérangeante, tous les clichés de la maternité heureuse, l’on ne tarde guère à trouver cette mère au bord de la rupture un rien exaspérante dans l’excès de ses alarmes, son obsession de la perfection et ses crises émotionnelles qui sapent d’ailleurs définitivement son autorité. C’est que, chez Brune, la maternité est le révélateur de failles profondes, l’explosif qui fait sauter les couches de protection dont elle était parvenue à s’envelopper dans un semblant d’équilibre. La charge d’âmes renvoie brutalement à la figure de la jeune femme son manque de confiance en elle et ses angoisses, laissant à nu une vulnérabilité dont le lecteur s’irrite avant d’en comprendre la raison, enracinée aux Bordes depuis le temps de l’enfance.





Décortiqués en profondeur dans leur psychologie, les personnages nous sont livrés dans leur vérité brute, révélant sans fard la violence sous-jacente qui peut empoisonner les relations familiales, au gré de drames et de blessures jamais cicatrisées, surinfectées par les non-dits où couvent chagrin, amertume et colère. Imparable parce qu’enfermée dans le huis clos de l’intimité, la méchanceté y atteint d’autant plus facilement des paroxysmes, que chacun se pense victime, cherche un coupable à sa souffrance, et qu’un enfant facilement culpabilisable fait un parfait bouc-émissaire. D’abord agacé par ce qui paraît à première vue de pusillanimité chez Brune, le lecteur sombre peu à peu avec elle dans l’ambiance délétère des Bordes, bientôt convaincu que le pire reste à venir. Et c’est désormais la même prescience du danger qu’il partage avec la jeune mère.





Aucun de ses personnages n’échappe à l’impitoyable scrutation d’Aurélie Jeannin. Tous éclairés sans concession dans leurs peurs, leurs frustrations et leurs manipulations affectives, ils dessinent un tableau accablant de noirceur, indéniablement convaincant, de la nature humaine dans ce qu’elle a de plus intime : la sphère familiale, lieu de tous les amours et de toutes les haines.


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Préférer l'hiver

C’est un huis clos sombre, l’histoire de deux femmes, mère et fille, contée par la plus jeune, qui nous révèle peu à peu ce que les a conduit à cette forêt, où elles vivent de peu, hantées par le souvenir de leurs drames passés.



Le lien qui les unit est fort, étayé par le deuil qui les a atteintes, la perte de leurs fils. C’est peu à peu, au fil des révélations de la narratrice que l’on découvrira les circonstances de ces drames



Si la forêt est hostile, elle est néanmoins sinon domptée, au moins apprivoisée, et pourvoie à leurs besoins qui sont peu importants. L’ambiance n’est pas sans rappeler Dans la Forêt de Jean Hegland, même si le contexte est différent.



Ce qui est le plus touchant est le portrait que dresse la narratrice de sa mère : derrière les mots tendres et l’art de réenchanter les failles, on perçoit toute la fragilité de cette femme, veillie avant l’âge par la souffrance.



Les épreuves passées ne protègent pas de nouveaux dangers, et c’est une fois de plus une terrible événement qui viendra les atteindre au coeur de leur refuge.





Ce premier roman se démarque par une écriture sublime, ciselée, et terriblement efficace; La construction est très habile et nous conduit pas à pas vers la compréhension de cette histoire pas banale.





Très belle découverte.


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Préférer l'hiver

Ce livre m'a rappelé le livre de Jean England "Dans la forêt" même si ce n'est pas la même histoire, le point commun est sur la solitude de deux femmes en pleine forêt à des kilomètres de la ville. Mais dans ce roman c'est plus plombant puisque le récit se passe en plein hiver, comme l'indique le titre, et leur environnement naturel est désolant. Deux femmes, une mère et sa fille, vivent au coeur d'une forêt sauvageonne où rien n'est facile même pas de survivre. Elles-mêmes ont eu chacune la perte d'un enfant. Les liens mère-fille sont gommés et chacunes essayent de survivre face à cette nature hostile. Très vite dans le récit est évoqué un coup de téléphone reçu qui annonce une mauvaise nouvelle mais ce n'est qu'au deux tiers du livre qu'on apprend l'information du message reçu. J'avoue que c'est un peu frustrant et en attendant il ne se passe quasiment rien à part le silence, la solitude et le froid intense. Je ne suis pas vraiment rentrée dans ce roman où alors par petites touches. Je reconnais, pour ce premier roman, que l'écriture est ciselée, très bien écrite et décrite. Mais ayant un peu le moral en berne, cela m'a été pénible de le finir.

Ayant lu plusieurs livres du même style, j' ai peut être une certaine lassitude pour ces romans. Désolée pour ceux et celles qui ont adoré ce livre et je peux complètement le comprendre.
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Les Bordes

Ça commence avec un trajet en voiture. Une lutte de tous les instants pour se concentrer sur la conduite, et tenter d’ignorer les deux pestes qui s’agitent sur les sièges à l’arrière. Ne pas crier, reste calme. Mission quasi-impossible, d’autant que la destination n’est pas de celles qui font rêver : le pique-nique annuel aux Bordes, tradition incontournable de cette belle-famille, les Bordes, qui parade avec ce nom de famille qui les ancrent sur leur territoire.



Si les enfants sont ingouvernables, l’ambiance à la ferme est très hostile. Sans mots, il y en a peu à franchir les lèvres, l’inimitié transpire, travers les murs sales et les sols usés et cette chambre restée fermée depuis des années.



Pour cette femme qui lutte avec une anomalie neurologique rare, qui transforme son quotidien en une lutte attentionnelle permanente, l’angoisse est chevillée au corps. Elle est constamment dans la projection des dangers potentiels et innombrables, qui pourraient atteindre ses enfants. Angoisse d’une mère, sous-tendue par un passé traumatisant, et un présent qui lui prouve chaque jour dans son travail de juge d’instruction que la menace n’est pas uniquement une lubie de névrosée.



Ce roman provoque une tension extrême, de tous les instants à l’unisson avec cette mère inquiète, qui entraine le lecteur dans cette quête du piège inattendu, qui pourrait nuire à sa progéniture. Et on craint avec elle le moment où quelques secondes d’inattention précipiteraient le récit dans l’ horreur, ou pas. Futur inconnu pour un présent caché.



C’est aussi le récit de l‘ambivalence d’une femme, épuisée par le désir de bien faire, faille sur laquelle s’appuient les enfants pour la tyranniser, jour et nuit. L’envers du décor de la maternité.



C’est un récit qui prend aux tripes, avec l‘intensité d’un thriller, alors que le fond de l’histoire restitue des détails du quotidien si familiers.



Très efficace.


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Préférer l'hiver

Préférer l'hiver est un livre dont j'ai lu la première page parce qu'une sollicitation extérieure m'y a incitée, et la centaine d'autres, parce qu'une nécessité intérieure m'y a obligée. C'est un roman absolument sans concession, qui explore la douleur jusqu'en ses moindres replis, ne recule devant aucun sentiment indicible, ne craint pas d'affirmer qu'il écrit l'ineffable – car c'est entièrement vrai, il le fait.



Le sujet fait absolument horreur : la perte d'un enfant. Vous pensez que rien ne saurait moins inciter à lire un livre que de savoir que c'est cette idée qu'il va vous obliger à affronter ? J'ose l'écrire : vous auriez tort. le livre est trop court, on en redemande, on voudrait accompagner ces femmes plus loin encore dans l'hiver – ou alors, atteindre le printemps avec elles.



Pourquoi ? Je crois que c'est à cause de l'écriture d'Aurélie Jeannin, des mots qu'elle trouve, des expressions qui explorent des zones d'ombre que nous croyions bien cachées, qui les font surgir et les nomment, et que nous reconnaissons comme étant aussi les nôtres. C'est aussi parce que son écriture n'est pas uniquement celle des tourments invisibles, elle est aussi celle du corps : elle est très incarnée, très physique. Elle hurle, elle frappe, elle va tout au bout du besoin et des désirs de violence, de meurtre et de destruction, elle ose tout et on va au bout de tout avec elle.



C'est en quelque sorte le mariage réussi de Donald Ray Pollock et de Stefan Zweig, ce qui est un tour de force dont je n'aurais jamais osé imaginer la possibilité : Le diable, tout le temps, mais aussi La lettre d'une inconnue. La confrontation avec l'horreur des pires expériences humaines, mais dans une quête intime et lente, qui englobe l'exploration du sentiment amoureux. Alors évidemment, vous pouvez ne pas le lire, pour échapper à la violence du drame d'une inconnue. Mais si vous évitez cette expérience, ce n'est pas au drame d'une autre que vous échapperez : c'est à la possibilité que ce livre offre de donner un nom aux drames qui vous hantent, vous.



Je n'ai rien contre l'idée que le feel-good existe, mais quand on lit un livre comme celui-là, on se rappelle qu'on est vraiment en droit d'exiger énormément plus de la littérature, d'exiger une expérience extrême qui n'a rien à voir avec les bons sentiments. Dans un moment d'apaisement, Aurélie Jeannin écrit « Maman distingue les écrivains et les romanciers. Elle dit que les romanciers savent raconter des histoires. Que ce qui importe aux écrivains, ce sont les mots, leur enchaînement et leur rythme. Ceux qui excellent dans les deux, elle les appelle les auteurs. » Aurélie Jeannin est sans conteste un auteur.
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Les Bordes

Tragédie d'une mère au bord de la rupture

*

Avec un titre pareil, je vous laisse imaginer que la lecture de ce roman ne parle pas de moments joyeux et légers.

En effet, il raconte les pensées d'une maman angoissée (à l'extrême) telle que nous pouvons en rencontrer dans ce monde stressant.

Moi même maman de 3 ados, je me suis parfois retrouvée dans certaines réflexions et situations.

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Ce roman se déroule de manière linéaire, scandé par chapitres horaires, de manière rationnelle (comme pour faire écho à l'esprit très "rigide" de la narratrice). Cette façon de découper le récit m'a donné une oppression, une impression étouffante de rentrer dans sa tête.

Une tête remplie de peur, d'effroi même, de doutes mais aussi d'amour fulgurant et inconditionnel. Cette mère est dans tous les superlatifs.

*

Le personnage de cette femme (dans sa maternité) est somme toute assez classique dans la littérature, mais ici il est transcendé, exagéré, amplifié jusqu'à l'élever en situation de tragédie.

Le lieu également, est synonyme de danger, de huis-clos oppressant (avec toute la belle-famille toxique).

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Impossible de lâcher ce livre jusqu'à la fin. Je voulais absolument connaitre le secret de ce traumatisme occulté. Et surtout comprendre jusqu'où peut aller l'être humain quant à la transmission du malheur.

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PS: j'ai lu un roman similaire récemment, avec ces mêmes interrogations d'une mère aux abois. @Une femme intérieure d'Helen Phillips

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Préférer l'hiver

La saison de tous les dangers



Un premier roman pour lancer une nouvelle collection. Avec Préférer l’hiver Aurélie Jeannin nous entraîne au fond d’une forêt où vivent deux femmes prêtes à affronter la solitude et l’hiver. Mais jusqu’à quand?



Une femme n’est pas coutume, commençons par parler du style plutôt que de l’histoire. C’est en effet par l’écriture que tient ce récit dépouillé, à l’image de la saison qu’affrontent les deux femmes au cœur de ce roman et dont toutes les caractéristiques imprègnent les pages. Cet hiver qui est à la fois le symbole de la lenteur, du dépouillement, de la froideur et de la mort qui hantent la mère et sa fille à laquelle Aurélie Jeannin a accordé le rôle de la narratrice: «J’ai du mal à parler de Maman au présent, même si nous vivons toutes les deux, chaque jour que Dieu fait, dans cette cabane en bois au milieu de rien d'autre que des arbres. Maman est à la fin de sa vie, même si elle n'est ni très vieille ni très malade. Elle est vivante, et je vis près de son corps, mais son esprit est déjà ailleurs. (…) Je sais qu'elle a ce fantasme absolu. Parvenir à saisir pleinement et entièrement les choses. Parvenir à les saisir d'un seul et même regard, dans leur complexité infime et leur reliance totale.» 

Plus la saison va avancer et plus la situation va devenir difficile, calquée sur cette nature immobile. Au fil du récit on comprend la raison qui les a poussées à chercher ce refuge, loin du monde. Le «monde» qu’elles fuient leur a pris leurs hommes: «Mon frère est mort et mon fils avant lui. Son fils et son petit-fils. Maman découvre ce que crée en soi la perte d’un enfant, et ma peine à moi est ravivée de façon viscérale. Primitive et bestiale. (…) Survivre n'est tenable qu'ici. L’isolement, le travail physique, la solitude et la connexion aux éléments sont des béquilles. Nous vivons avec une quantité infime de ressources et de biens. Et je me surprends parfois à remercier je-ne-sais-qui que tout cela nous soit arrivé en hiver.»

Une ascèse voulue qui accompagne leur peine, un manteau blanc de neige comme un linceul pour un deuil dont «on ne peut pas faire de littérature».

Ne reste alors que l’essentiel, les quelques mots échangés, la gestion des réserves qui ne cessent de s’amenuiser, une relation qui elle aussi s’atrophie…

De ce roman de la survie Aurélie Jeannin fait un brillant exercice de style et si on est saisi par ce jeu de funambule sur un fil très fragile, c’est que l’on partage cette douleur à la lecture, ce mal qui les ronge. On voit les tristesses éternelles, la spirale infernale: «On ne reprend pas une vie après la mort de son enfant, on avance emporté par le courant glacé. On flotte à la surface, on coule parfois mais on ne redevient jamais ce marcheur sur la berge, serein, qui avance à son rythme en regardant le paysage. Nous, les endeuillés sans dénomination, nous sommes charriés par les flots, nous avons le regard brumeux et l'âme lessivée. Nous ne vivons pas vraiment. Demain ne nous ramènera pas nos enfants. C’en est fini d’eux. L'histoire est celle-ci. La leur et la nôtre.» 
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Préférer l'hiver

A propos d'un homme qu'elle a aimé, la narratrice déclare : « Il m'a enseigné tant de choses en étant juste lui-même qu'il m'a légué, je crois, un souvenir par jour. »

Parmi ces choses : « arrêter (...) la lecture d'un livre que je n'aime pas. »

Je lis ça 4 pages avant la fin, et ça m'énerve de ne pas avoir osé.

.

J'attendais... mais quoi ?

.

En vrac, les idées et sentiments qui m'ont traversé l'esprit au cours de cette lecture interminable :

• qui a placé ce roman en tête de gondole des polars ?

• le deuil, je préfère ne pas en entendre parler, surtout celui-là, la perte de fils (x 2 : pour la narratrice et pour sa mère)

• la neige c'est beau quand ça tombe, c'est doux & cotonneux, j'ai réappris cela jeudi, mais la lumière crue ensuite est flippante, et ce blanc qui recouvre tout ne me convient pas, je veux du vert-nature et des couleurs vives, chatoyantes

• idem pour l'isolement dans un tr*uduc du monde en plein hiver, entourée d'animaux sauvages, où les plus proches voisins sont à des kilomètres - méfiants, taiseux et... armés

• flippante aussi cette forme de régression qui consiste à retourner vivre avec sa mère, même si les rapports d'autorité sont gommés après les drames qu'elles ont vécus

=> donc identification avec la narratrice impossible.

.

En reprenant mes notes, je vois que j'ai savouré le début, relevé beaucoup de phrases. Ensuite, je me suis enlisée dans cet hiver sans fin ; les états d'âme de cette femme en quête de soi m'ont ennuyée. A partir de quand ?

.

Je pensais conclure avec ce passage, lorsque j'aimais encore ce roman :

« Je ne cherche pas à ce que l'on me raconte une histoire. Je veux que cela soit divinement écrit. Je veux sentir l'équilibre parfait des tournures. le poids des mots qui se pondèrent dans les phrases. Je veux cette fluidité qui transporte. » (p. 41)

.

Je garde l'idée, mais pour préciser que j'ai besoin d'une histoire, moi, quitte à trouver le style bancal.
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Préférer l'hiver

Une fille, la narratrice, vit avec sa mère, dans la forêt, pratiquement en autarcie : elles font pousser leurs légumes, coupent leur propre bois pour faire du feu. Aucun confort donc, mais en harmonie parfaite avec la Nature qu’elles respectent. Pas très loin, sur le domaine, il y a un lac, des poissons, mais des ragondins que les voisins leur conseillent d’éradiquer.



Elles vivent chichement, la fille se rend de temps à autre au supermarché acheter de la farine, ou des aliments qu’elles ne peuvent pas produire. Elles mangent très peu, il fait froid dans la maison.



Au départ, toute la famille a vécu ici. Ils étaient heureux : le père, la mère, la narratrice et son petit frère. Mais, il y a eu des drames. A une époque, ils sont allés vivre à la ville, car la fille voulait faire des études, mais elle avait l’impression d’y étouffer. Ils revenaient le week-end à la cabane. La mère, à une période partait, on ne sait où parfois plusieurs semaines et grand mystère.



Le père a fini par partir, dans trop donner de nouvelles et des drames sont survenus : la fille, qui a été en couple a perdu son enfant, et son frère est mort plus tard. On ne sait pas pourquoi, ils sont morts, elle parle du moment où le téléphone a sonné pour annoncer la mort de son frère et de la manière dont sa mère a réagi…



En fait l’auteure s’attache aux ressentis plutôt qu’aux faits eux-mêmes, la manière de vivre le deuil : elles ont chacune perdu un fils et la mère ne semble pas être sensible à la souffrance de sa fille lorsque l’enfant est mort. Comme si des deuils pouvaient être plus traumatisants que d’autres alors qu’il s’agit de la perte d’un enfant les deux fois.



Elles vivent toutes les deux seules, lisent beaucoup, souvent à haute voix, chacune à leur tour, mais quand une lecture est personnelle on n’en parle pas. Elles communiquent au travers des mots des autres.



L’hiver occupe une grande place dans l’histoire, tout est froid et blanc, le silence règne, apaisant les souffrances ou leur laissant toute la place. Les deux femmes se sont totalement renfermées sur elles-mêmes, plus personne ne vient les voir : isolement complet, deuil supplémentaire, refus de la vie ?



Aurélie Jeannin propose une réflexion sur la vie, sur la manière dont le chagrin peut nous emmurer vivants, terrés au fond d’une grotte qui peut être notre propre maison, qu’elle soit ou non isolée dans la forêt sous la neige. On peut s’enfermer ainsi, en se coupant du monde extérieur qu’on ne comprend plus et se mettre en mode survie. C’est aussi une ode à la Nature, cette forêt qui occupe une place importante dans le roman qu’il faut traiter avec respect pour que l’harmonie soit toujours là.



C’est le premier roman d’Aurélie Jeannin et il est bluffant, l’écriture est belle, pleine de poésie, l’analyse des ressentis de ces deux femmes, (ainsi que leur relation souvent réduite au strict minimum), est abordée avec beaucoup de maturité.



J’ai enchaîné la lecture de ce roman, quelques jours après avoir terminé, « Le consentement » et, même si le registre est loin d’être gai car je sentais le froid de l’hiver s’insinuer dans tout mon corps, et même temps que je comprenais intimement ce qu’avait voulu exprimer l’auteur. C’est une belle découverte.



Un grand merci à NetGalley et aux éditions Harper-Collins France qui m’ont permis de lire ce roman et de découvrir une auteure pleine de talent.



#PréférerLhiver #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Préférer l'hiver

Deux femmes, la mère et la fille, se terrent dans une cabane au fond d'une forêt. L'une a perdu un fils, l'autre un frère et un fils. Elles se sont coupées du monde et sont revenues vivre là où la vie avait été plus clémente pour elles. Elles tentent d'y survivre, sous la menace de l'hiver et de la forêt, mais ne font que s'enfoncer dans la dépression...



Trois personnages principaux dans ce roman : la mère, la fille, qui est également la narratrice, et la forêt, qui semble ici dotée d'une vie autonome et menaçante, animée par la faune et la flore.

Et beaucoup d'absents : le père, qui les a abandonnées, le frère et le fils décédés, et tous ceux qui ont traversé leur vie d'avant la forêt. Tous ne sont évoqués que par bribes...



L'histoire, une tranche de vie qui n'a pas de fin, qui se termine sur une suite à construire, est racontée du seul point de vue de la narratrice, sans aucun dialogue. Elle ressemble à une longue introspection sur le vécu quotidien éclairée de flash back sur un passé qui semblait plus heureux. Les autres, y compris la mère, n'interviennent qu'à travers les ressentis de la fille.



L'écriture n'est pas facile. Elle n'est pas exempte de poésie, mais semble aussi lourde que la menace de la forêt dans l'environnement des deux femmes.



Un roman déroutant, dont le thème central est la vie brisée d'une femme, écrit en pointillé de sorte qu'on ne comprend pas toujours d'où vient sa dépression, ni ou tout cela nous mène...



Merci à Babelio et Harper Collins de m'avoir permis de découvrir cette auteure et ce roman.
Lien : http://michelgiraud.fr/2020/..
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Préférer l'hiver

Recluses à deux, une mère et sa fille vivent en pleine forêt dans une cabane perdue.

Et pour renforcer cet enfermement, Aurélie Jeannin a choisi de situer l'histoire en plein hiver.

Le froid et la neige constituent ainsi le décor de ce huis-clos original.

Pourquoi la mère et la fille ont-elles fait ce choix ?

Qu'est-ce qui a bien pu les pousser à se terrer ainsi ?

Le lecteur le découvre petit à petit. Les réponses à ces questions sont distillées au fur et à mesure, à petites doses savamment calculées.

Coupées du monde mais dans un face à face permanent. Drôle de situation.

La fille observe la mère pour la comprendre mais surtout, dans un jeu de miroir, pour se comprendre elle-même.

Manifestement meurtries, les deux femmes ont besoin de cet isolement qu'elles s'imposent pour surmonter ce qu'elles ont vécu.

La forêt semble à première vue inquiétante, mais n'est-elle pas finalement un écrin protecteur ?

Va-t-elle aider nos deux personnages ou va-t-elle les perdre ?



Préférer l'hiver est bien construit, mais surtout, magnifiquement bien rédigé.

Aurélie Jeanin nous offre un texte à l'écriture travaillée, précise et poétique.

Préférer l'hiver est un livre dont le fond est bien moins important que la forme. Il ne fait pas partie de ceux que je qualifie de "marquants" mais sa lecture a été un merveilleux moment : j'ai savouré la prose de l'auteur.

Un premier roman plus que prometteur, Aurélie Jeanin a du talent !

Merci à Babelio pour la rencontre organisée dans le cadre du lancement de la nouvelle collection "Traversée" de l'éditeur Harper Collins, que je remercie pour son envoi.
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Préférer l'hiver

Je remercie chaleureusement les éditions HarperCollins ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance.

Aurélie Jeannin signe avec « Préférer l’hiver« , un premier roman ensorcelant, mélancolique, d’une écriture profonde, sensible et grave qui convoque les émotions les plus intimes de deux femmes au cœur de cette histoire : une mère et sa fille. Paru dans la nouvelle collection « HarperCollinsTraversée« , « Préférer l’hiver » est un roman qui s’apprivoise, une plongée dans la psyché de ces deux femmes, qui ont pour point commun d’avoir perdu chacune un fils. Elles veulent surmonter leurs deuils à l’une et à l’autre car « survivre n’est tenable qu’ici ». Voilà trois ans qu’elles sont là, éloigné du village, du monde, dans leur cabane en pleine forêt. Pour les gens du village, notamment ceux du bar, elles sont les perdus du coin. La fille est la narratrice. Son frère est mort tout comme son fils. C’est elle qui dresse le portrait psychologique de sa mère avec une rare finesse, mais également celui de son frère, d’elle-même enfin qui s’est perdue afin de combler le vide, l’abîme indescriptible qui l’habitait. C’est un roman sur le deuil, la meurtrissure, la blessure qui fait suite au décès d’un être cher, mais également sur le cheminement intérieur qui accompagne toute tentative de reconstruction après un traumatisme. « Mon cœur a connu la paix du froid » nous confie t’elle. C’est dans un abandon total au présent qu’elles évoluent : « Il faut être dans le présent, de façon absolue, profonde, totale, pour à défaut de continuer à vivre, au moins ne pas mourir ». Mère et fille cohabitent dans cette cabane, au milieu de la forêt. Le climat est angoissant, la lutte pour la survie est un fardeau moins lourd à porter que le poids du deuil. C’est un combat âpre que celui de vivre intensément et uniquement le présent pour ne : »pas ruminer le passé, ne pas se projeter dans le futur, vivre ici et maintenant ». La nature a repris ses droits, sa liberté en envahissant l’espace de la propriété. Une nature qui est un personnage à part entière de cette histoire. Leur vie n’est plus qu’ascèse et renoncement, travail et solitude. Le coup de fil annonçant la mort du frère de la narratrice a tout changé. Sa mère s’est tue pendant dix sept jours. Une mère cérébrale qui a « toujours pensé avant d’être » mais qui leur a également enseigné, à son frère et elle, de voir au delà des apparences. Un passage, au début de « préférer l’hiver » incarne au plus près ce que vivent ces deux femmes, il s’agit de cette image de l’étang de la propriété qui se vide peu à peu, de ces poissons asphyxiés par les algues qui transforment ce lieu en « une grande masse verte ». J’y vois là, la métaphore de l’impuissance des êtres à modifier leur destinée, le poids de cette dernière avec au bout du chemin l’inéluctable mort et l’oubli. Les poissons étouffent comme cette mère et sa fille perdues au cœur de cette forêt. Un roman puissant, magnétique, servi par une écriture d’une rare finesse psychologique. C’est sombre, douloureux et incontestablement « Préférer l’hiver » est une expérience de lecture fascinante et entêtante.
Lien : https://thedude524.com/2020/..
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Préférer l'hiver

Une lecture aux notes très introspectives. Deux femmes se sont retirées dans la campagne au coeur de la forêt à distance de toute civilisation.



Ces deux femmes sont mère et fille et on comprends qu'elles veulent se mettre au vert, pour oublier et s'oublier.



Les blessures qu'elles portent sont immenses en leurs cœurs.



On ne trouve pas de dialogues dans ce livre, il n'y a que deux personnages et elles sont taiseuses....



C'est par la narration des pensées de la fille que l'on découvre cette histoire. Celle-ci fait son introspection, elle nous livre ses pensées.



On ressent alors ces deux femmes dans leur silence et dans leurs ressentis.



On ne sait pas grand chose de leur vie d'avant ou si peu. On sait que es deuils les ont mis à terre. La perte d'un enfant est leur point commun de douleur (un fils, un petit fils, un fils, un frère et un père absent).



Ce retrait de la société est comme une pause, une retraite essentielle qu'elles ont souhaitée.



L'écriture d'Aurélie Jeannin est très belle et j'ai aimé observer et presque entendre les pensées de ces deux femmes qui sont hors du monde.



J'ai eu le sentiment comme si la mère attendait encore la naissance de sa fille. Il est question en effet de renaissance et de résilience.



Toutes les pensées sur le deuil sont émouvantes et sensibles.



Ce roman à le silence de l'introspection, on ne refait pas l'histoire, on la prends à l'instant T.



Un événement va bousculer un peu cet endormissement, cette hivernation et va heurter les deux femmes qui vont devoir se bouger pour survivre.



Ce livre est parsemé également de belles pensées sur nos amis les livres qui en l'occurrence sont ici les seuls compagnons des deux femmes.



Cette lecture mettant le silence en exergue, j'ai eu paradoxalement l'envie de la déclamer à haute voix tant les mots avaient une belle résonance. L'écriture de l'auteure s'y prêtait à l'heure où les mots semblaient de trop entre ces deux femmes unies par les liens du sang et de la douleur.



Un roman que j'ai pris plaisir à ressentir.

Un roman d'atmosphère au cœur de l'hiver

où des femmes vivent malgré tout.

Un beau livre qui nous parle de deuil et de renaissance.



#PréférerLhiver #NetGalleyFrance

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Préférer l'hiver

A la suite de plusieurs événements tragiques, une mère et sa fille ont choisi de vivre recluses dans une cabane en forêt. À distance du monde réel, ces deux femmes taiseuses et blessées au plus profond d'eux même explorent leur douleur et luttent, au cœur d’un terrible hiver, où vivre reste la seule chose qui compte.



Au cours de longues journées où la lecture,le travail physique, l'écriture, la nature seront les seules activités à réaliser pour ne pas sombrer, la mère et la fille trouveront la voie pour se reconnecter et d'aller vers une improbable résilience et apaisement.



Le roman d' ’Aurélie Jeannin Préférer l'hiver a très joliment inauguré la toute nouvelle collection de fictions françaises « Traversée » aux éditions HarperCollins .



Un premier roman étonnant de maitrise et de puissance mélancolique, à la plume magnétique, ode à la nature sauvage, à la féminité et à notre incroyable force de survivre après les épreuves !
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Préférer l'hiver

Ce que j’ai ressenti:



Tu es tout ce qu’il me reste, l’Hiver. En ville, c’est insupportable, alors je préfère… M’éloigner, me recentrer…Je me suis donc perchée sur la plus haute branche de l’arbre et j’ai contemplé la beauté d’une œuvre: Préférer L’Hiver.



Je ne savais pas qu’on pouvait mettre tout son être au bord de son cœur…Aurélie Jeannin m’y a invitée et aussi fou que cela puisse paraître, je dédie à son livre, cette déclaration d’amour…Je veux tellement être excessive, pour une fois. J’ai succombé à l’Hiver, juste pour éprouver la connexion, pour appréhender les émotions en dormance. Je me suis jetée contre les parois de mon âme pour deviner la force de mon Intérieur. En explorant les bienfaits de l’immobilité, j’ai touché un peu du froid, libéré les silences… Je me suis offerte à l’hibernation sans aucune retenue, j’ai connu la paix dans les marges, j’ai trouvé un trésor dans ces pages…



De toute façon, je n’aurais rien voulu de moins que tout ça. J’ai aimé démesurément les creux et les bosses, le blanc et le silence, les cicatrices et la toile interconnectée, le froid et les lectures du soir, les arbres et les racines, l’évidence et la résilience. J’ai même Préférer l’hiver, à toute autre saison. J’aurai voulu un petit coin dans leur cabane, et même le ragondin je l’aurais adopter… Je n’aurais rien voulu de moins que tous les mots splendides de Aurélie Jeannin, tout le sublime des émotions qu’elle nous communique. J’ai embrassé la forêt, embraser mes émois dans ceux de ces femmes. Je n’ai pas reculé devant la rage, ni le chagrin, je les ai accueilli à bras ouverts. De toute façon, je n’aurai rien voulu de moins que de me perdre dans leurs labyrinthes, faire coller le mien aux leurs, parce que le temps de cette lecture, l’hiver te saisit bien trop intensément, et il ne peut en être autrement. Je n’aurai rien voulu de moins que le coup de cœur que j’ai ressenti…



Je me suis épuisée au cœur de mon être à trop vouloir comprendre. Comprendre moi et puis Elles. Si semblables et si différentes. Si entières et si mystérieuses. Autant volcaniques, étonnamment hypersensibles. Mère et fille, femme et vivante, et quelque part dans tout ça, moi… Elles et moi, si profondément mères et femmes, écorchées dans nos écorces. J’ai attrapé des vérités de moi en elles, donné mes parts d’amour pour soigner leurs plaies, essayé de nous atténuer la douleur du deuil. Ensemble, souffrir en communion du manque. Force est de constater qu’il n’y avait rien à comprendre, juste à ressentir. J’étais là avec elles, et ce temps cristallisé devient précieux. C’est toute la puissance de ce livre, comme elle vient te percuter sans que tu puisses l’intellectualiser. C’est à prendre et à n’en rien laisser parce que des lectures envoûtantes comme ça, il y en a si peu…



Je me suis assise auprès de mon cœur, tout à côté du précipice et j’ai fait une traversée éprouvante mais je confirme que j’ai toujours Préférer l’Hiver.





Ma note Plaisir de Lecture 10/10
Lien : https://fairystelphique.word..
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Préférer l'hiver

Si vous recherchez de l'action, une histoire trépidante, je vous conseille de ne pas ouvrir ce livre.

Si comme moi, vous êtes une lectrice « contemplative » qui aimez les romans d'ambiance où les choses sont suggérées plutôt que clairement énoncées, « Préférer l'hiver » mérite amplement que vous vous y attardiez.



Ce roman nous parle de solitude, volontairement choisie par la narratrice et sa mère. Une maison à l'écart du village, en bordure d'une forêt, une vie en quasi autarcie, sans souci du qu'en dira-t-on.

« Ils croient nous connaître sans jamais nous avoir adressé la parole. Ils ne sont pas timides ou discrets. Ils ont le cerveau bas et le coeur las. Maman et moi ne les aimons pas. »



Un drame les a éloignées de leurs vies. Chacune a perdu un enfant.

« Survivre n'est tenable qu'ici. »

« Se détacher à ce point des choses est un apprentissage infini ».



Les livres meublent et comblent leur solitude.



« Préférer l'hiver » est une histoire de fuite, de deuil et de solitude qui ne tombe jamais dans le larmoyant.



Pour conclure ce billet je vais utiliser une citation du livre qui résume parfaitement mon ressenti : « Je ne cherche pas à ce que l'on me raconte une histoire. Je veux que cela soit divinement écrit ».



Et c'est le cas, les mots sont choisis avec minutie. Certaines phrases sont tellement belles que je me suis surprise à les relire plusieurs fois.



En voici quelques unes :

« Il m'a bâti une vie de rêve que je n'ai même pas été capable d'honorer de mon bonheur ».



« Comment nommer le sentiment amoureux ? Sa puissance fragile rend tout absolument impérieux. Aimer entièrement est une chance. »



« L'hiver n'est pas un ennemi. C'est une période où l'on se déplace moins, qui apporte le calme et la paix. »



Aurélie Jeannin m'a emmené vers une terre sauvage et je m'y suis sentie merveilleusement apaisée comme engourdie par « L'hiver qui n'est pas un ennemi. »



Merci à NetGalley et aux Editions Harper Collins.

#PréférerLhiver #NetGalleyFrance

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Les Bordes

Il était là, chez mon libraire. Un peu à l'écart sur son présentoir, entre Jardin et Joffrin.

Devant lui, une pile de ces nouveautés aux couvertures criardes qui inondent aujourd'hui les têtes de gondoles, ces livres aux titres farfelus et aux histoires faciles qui font ployer les rayonnages et qui se vendent à la tonne.

Lui était seul, discret.

Sagement, il m'attendait.



J'avais déjà beaucoup aimé Préférer l'hiver (le premier roman d'Aurélie Jeannin), j'avais déjà fait connaissance avec l'univers singulier de cette jeune romancière et goûté à la grande qualité de son style, alors je n'ai pas hésité une seconde !

Grand bien m'en a pris : dès l'entame j'ai retrouvé cette plume si particulière, vive et intimiste, qui aiguillonne en profondeur, qui met l'intégralité du texte en tension, qui éblouit mais qui oppresse, aussi.

Car chez Jeannin on ne s'amuse pas. On se questionne, on se dépouille, on se met à nu. Et forcément on souffre, parfois.



Ce n'est pas Brune, l'héroïne des Bordes, qui vous dira le contraire. Mariée, deux enfants, une sensibilité à fleur de peau, Brune est juge d'instruction. Elle sait le poids de la fatalité, elle a traité nombre d'affaires dramatiques, vu survenir nombre d'accidents soudains, imprévisibles, dévastateurs. Rien d'étonnant alors à ce qu'elle vive en apnée, toujours en alerte, dans l'attente fébrile du prochain danger - fortuit mais inéluctable - qui guette ses chers enfants, Hilde (8 ans) et Garnier (4 ans).

Pour elle ça ne fait aucun doute : "Nul n'est à l'abri, jamais. Nul ne peut compter sur le fait que les tragédies se construisent tranquillement, ont des fondements qui les nourrissent jusqu'à leur éclosion. Il est impossible de se préparer. le pire n'a besoin de rien d'autre que d'advenir."



Adviendra-t-il aux Bordes, dans ce lieu-dit de malheur, sur cette terre maudite au climat pesant, chargée de souvenirs douloureux ?

C'est là qu'elle conduit chaque année sa progéniture, dans une belle-famille qui la déteste. le temps d'un séjour éprouvant (le temps d'une journée plus exactement, où chaque heure qui passe est soigneusement décomptée), Brune nous fait partager ses angoisses de mère, ses doutes et son épuisement, sa lutte de chaque instant pour tenir Hilde et Garnier à l'écart d'un monde qu'elle sait semé d'embûches. À la seconde où son aînée a vu le jour, elle a appris à repérer ces "incertitudes suspendues, planant au-dessus d'elle, qu'elle devrait être prête à esquiver", elle a compris d'instinct qu'il lui faudrait "saisir au vol ses enfants pour leur éviter le vide, leur barrer les chocs."

Et puis il fallu les aider à grandir, se montrer toujours disponible, supporter leurs caprices, leurs colères, leurs disputes, jongler avec des emplois du temps de plus en plus serrés, essayer de répondre à toutes leurs sollicitations, ne jamais préférer l'un à l'autre, les protéger de tout, s'effacer derrière eux, s'oublier...



Voilà sa vie de mère.

Voilà l'équilibre fragile qu'elle s'efforce de maintenir, écartelée en permanence entre deux puits sans fonds : l'amour inconditionnel qu'elle voue à ses enfants et la crainte irrationnelle qu'il ne leur arrive malheur.

Voilà la douloureuse fébrilité qui un jour ou l'autre étreint tous les parents, "l'angoisse absolue d'avoir mis en jeu plus grand que soi, l'angoisse absolue d'avoir tout à perdre".



Quelle vision glaçante de la maternité !

Heureusement ici, la lumière est dans l'écriture, dans ces phrases courtes, fortes, poétiques, qui relèguent presque l'histoire au second plan tant elles monopolisent le plaisir et l'attention. Des phrases qui pulsent comme les battements d'un coeur anxieux, un coeur de mère en souffrance, écrasée par sa charge mentale et le poids des responsabilités, épuisée d'avoir sans cesse à tout mettre tout en oeuvre pour que la vie ne dérape pas, que le pire passe au large et épargne les siens.

Voilà quoi, Aurélie Jeannin a des mots qui me touchent. Qui me touchent vraiment.



En bref, les Bordes est un texte poignant, qui traite en beauté de sujets sensibles et qui nous rappelle, s'il en était besoin, qu'on ne peut pas tout contrôler...

Avec ce deuxième roman (à déconseiller peut-être aux futures mamans ?), celle que l'on commence à qualifier de "nouvelle voix de la littérature française" m'aura à nouveau conquis !

Jamais deux sans trois ?
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Préférer l'hiver

De l'hiver, certains le qualifierait d'enfer blanc tandis que pour d'autres, il s'agirait d'une pause salvatrice, une saison suspendue dans le temps. Et c'est bien à travers ce second qualificatif que se complaisent les deux personnages féminins de ce roman. Dans leur coeur ne règne plus que le froid du deuil face auquel elles sont désormais coutumières. Retirées du monde agité de la ville, mère et fille s'enlise inexorablement dans une profonde et réelle excursion des sentiments. Là où réside le silence de l'hiver, la cabane bordée d'une forêt qui les abrite, voit défiler les souvenirs et les derniers battements de vie de ses femmes à la mélancolie mordante. D'une langue riche et envoûtante, Aurélie Jeannin réussit à nous transporter dans une nature magnifiée malgré une poésie parfois insaisissable. Un premier roman sans concession proposé par les éditions Harper Collins que je remercie chaleureusement. 



De ce huis-clos hivernal et mélancolique, il faut retenir le long et fastidieux travail de deuil qui s'exerce autour de ces deux femmes meurtries. de la perte d'un enfant, la tombe d'une perte de soi se creuse lentement, inexorablement. Et c'est au détour de phrases magnifiques que la réflexion sur l'existence se fait palpable. 



Narratrice sans nom, la fille parle de sa mère, cette femme insaisissable dotée d'une honnêteté personnelle sans précédent. du couple qu'ils formaient avec son père, personnage fantôme relégué à la presque folie, elle décortique peu à peu leur relation pour expliquer la sienne. C'est donc dans une solitude quasi-monacale que ces deux femmes explore leur chagrin respectif, la tristesse en étendard.



De cette atmosphère sauvage où certains sens comme l'ouïe ou la vue sont mis en avant, l'hiver devient un personnage à part entière. Au rythme de la forêt, la Mère et la Fille se confondent à la saison, pour ne faire qu'un, camouflées par une rudesse qu'elles pensent dompter. Mais à l'image des poissons de leur étang envahi par d'épaisses algues, l'asphyxie les gagne peu à peu. Alors que l'esprit s'embrume, l'abattement atteint les corps.



Dépeint comme "nature writing", ce roman très littéraire peut paraître un peu hermétique tant sa langue est soutenue. Mais en le fractionnant en de nombreux et très courts chapitres, Aurélie Jeannin, parvient à alléger son histoire pour mieux la sublimer. Le coup de coeur n'est pas passé loin...



Quelle gourmandise ai-je associé à ce roman ? Pour le savoir rendez-vous sur le blog !
Lien : http://bookncook.over-blog.c..
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Préférer l'hiver

Difficile de résumer un roman aussi atypique que Préférer l'hiver. Une mère et une fille, ayant chacune perdu leur enfant, se réfugient dans une cabane en forêt. C'est l'hiver.

Il m'a semblé que le froid, les bruits étouffés, les paysages de neige, répondaient au froid de l'âme qui les envahit peu à peu.

J'ai beaucoup aimé cette lecture très originale, le manque d'action, et l'ambiance polaire, pesante, qui progresse tout au long du roman.

L'écriture est très précise, ciselée.

Un roman différent.



Je remercie les Editions Harper Collins de m'avoir fait découvrir cet ouvrage de la collection Traversée.
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