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Citations de Beate Teresa Hanika (20)


Peut-être que beaucoup d'autres auraient agi comme moi, beaucoup auraient peut-être aussi pensé: "Ça, je supporte encore, encore un jour, et encore un, demain je parlerai, ou après-demain, ou peut-être un autre jour." On ne se rend pas compte que le secret grandit avec soi chaque jour, et que chaque heure qui passe le rend plus gros et plus indicible encore.
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"La vieillesse ne m'a pas surprise. Je m'attendais à ce qu'elle déferle sur moi, comme une pluie diluvienne qui emporte, noie et éteint tout sur son passage. Mais elle est venue si furtivement qu'aujourd'hui encore, certains jours, je suis stupéfaite par mon propre reflet. Par ma peau ridée, qui donne l'impression que mon corps a mystérieusement rapetissé. Trop de peau, pas assez de chair. La surprise, ça a été mon dos. A un moment donné, il s'est mis à me faire mal et a décidé de ne plus arrêter. Mes plantes de pieds sont rêches et mes poils pubiens inexistants. Ce qui facilite les choses, c'est que je n'ai jamais été belle".
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Certains fruits étaient mangés par les vers, et j'ai décidé de fermer les yeux, histoire de montrer qu'au fond le monde aussi fermait les yeux pour ne pas voir le mal.
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L'odeur d'imptience flottait dans les branches des saules, l'île crissait et bruissait, et les filles laissaient l'air vibrer entre elles, en se déposant leurs histoires au creux des mains comme des petits cadeaux bien emballés.
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Je voudrais te raconter une histoire. Je sais qu'elles sont passées de mode. Je n'en ai pas entendu depuis la fin du siècle au moins. A part celle-là. elle parle d'amour et de liberté, et il n'en faut pas plus pour faire une bonne histoire.
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Papa pose ses couverts de part et d’autre de son assiette et se racle la gorge. Je suis assise en face de lui. À son air, je comprends qu’il ne va pas parler des vacances, mais de quelque chose de plus important, de plus complexe. Une main glacée me tord le ventre.

— Vous savez que votre grand-père ne va pas bien d’un point de vue santé, dit-il. Depuis que grand-mère est morte, il n’est plus que l’ombre de lui-même.

Je jette un regard furtif en direction de Paul, lequel continue imperturbablement de manger. Il se penche sur son assiette, se fourre un morceau de viande dans la bouche et mâche.

— Votre mère et moi, nous pensons qu’il ne peut plus se débrouiller tout seul.

Je manque d’éclater de rire. « Votre mère et moi ! » Ma mère, elle s’en contrefiche de grand-père ! Elle le dé­teste ! Elle n’en pense rien, en tout cas rien de gentil. Elle ne se ferait jamais de soucis à son sujet ! Jamais !

— Nous avons décidé qu’il allait emménager chez nous. Il va prendre la chambre de Paul.

L’espace d’un instant, la main se transforme en poing, et ce poing me frappe avec une telle violence que j’en vomis presque, là, à la table du déjeuner.

— Je ne peux pas y croire ! dis-je en essayant de capter le regard de maman. Tu ne peux pas avoir décidé ça, maman ! Tu détestes grand-père ! Tu ne peux pas vouloir qu’il habite chez nous ! Personne ne veut ça ! Personne !

Je me redresse lentement, les mains au ventre. Tout me fait mal. C’est comme si le morceau de viande que je viens d’avaler allait dévorer mon estomac, comme si quel­qu’un m’avait donné à boire de l’acide nitrique à la place du jus de pomme.

— Ne fais pas ta bête, Malvina ! dit Paul.

Lui aussi finit par poser sa fourchette sur le côté.

— Où veux-tu que grand-père aille ? reprend-il. Il n’a plus que nous, tu le sais bien !

— Il n’a qu’à aller dans une maison de retraite, dis-je d’une voix blanche. C’est fait pour ça, les maisons de retraite !

Je sais que ça sonne cinglé, froid et insensible, et c’est exactement comme ça que je me sens aussi. Les autres ne disent rien. Papa secoue la tête. Paul plisse les yeux. Il ne s’est pas souvent mis en colère contre moi, presque jamais, une fois seulement, même, parce que j’avais cassé le cadeau qu’il destinait à sa copine, un porte-clé. Il était vraiment furieux, mais ça n’a pas duré longtemps, parce que j’étais petite et stupide, à l’époque. J’avais peur qu’il ne m’aime plus, qu’il ne me lance plus jamais dans les airs, qu’il ne parle plus jamais avec moi. Et maintenant j’ai de nouveau peur. Il y a déjà tellement de choses de gâchées. J’ai déjà claqué tellement de portes derrière moi. Je crains que plus personne ne puisse jamais les rouvrir toutes. Surtout pas Paul. Et papa non plus. Maman et Anne ne comptent pas. Elles n’ont jamais été là. Je ne sais pas pourquoi, mais il n’y a jamais eu que grand-mère, grand-père et moi. Pourquoi pas Anne ? Comment a-t-elle échappé à tout ça ? Je recule d’un pas.

— Tu ne peux pas vouloir ça, maman !

Je ne sais pas très bien moi-même ce que je veux dire par là – qu’elle ne peut pas vouloir qu’il emménage chez nous ou qu’elle ne peut pas vouloir qu’il m’embrasse, qu’il me touche, qu’il vienne dans ma chambre. S’il s’installe chez nous, je ne serai plus en sécurité nulle part. Il viendra dans mon lit la nuit, il entrera dans la salle de bains quand je prendrai ma douche, il m’épiera dans tous les coins, chaque seconde de chaque jour jusqu’à sa mort.

Maman hausse les épaules d’impuissance. Quand papa décide de quelque chose, il a toujours gain de cause, on le sait tous. Il ne me reste pas beaucoup de temps pour parer à ce malheur. Le temps d’un déjeuner de Pâques, très exactement, et pas une seconde de plus. Quand le repas sera fini, ce sera le point de non-retour : grand-père aura vite fait d’emménager. Cette idée brouille ma capacité de penser clairement. Je cherche fébrilement les mots qui pourraient exprimer ce que je tiens enfermé en moi et que je pourrais prononcer sans mourir de honte. Comme que je lutte pour les trouver, je sens le regard de Paul rivé sur moi. Il s’est adossé à sa chaise, les bras croisés. Je manque de courage. Il faudrait que je sois vraiment téméraire pour dire ce que je veux dire en affrontant ce regard.

— Il m’embrasse, dis-je.

Je les sens reculer, s’éloigner, s’échapper. Ils ne veulent pas m’écouter, et si par le plus grand hasard ils le voulaient quand même, il faudrait que je sois plus précise, beaucoup plus précise. Ça ne suffit pas, qu’il m’embrasse, c’est loin de suffire. Il faudrait que je dise aussi qu’il met sa main sur mes seins, qu’il met sa langue dans ma bouche, qu’il fait des choses que je ne veux même pas imaginer, et encore moins faire. Peut-être que ça ne suffirait toujours pas. Peut-être ne comprendraient-ils toujours pas.

— Allez, arrête un peu ! dit Anne en riant. Ne fais pas ta chochotte !

Paul et papa se joignent à elle, soulagés que tout soit si simple et qu’ils n’aient pas à réfléchir à ce que je viens de dire.

— Ça va passer, dit papa.

Il dit ça d’une voix compréhensive, comme si je souffrais d’une maladie. Il se montre bienveillant et compatissant, oui, c’est ça : bienveillant et compatissant. Paul hoche la tête et recommence à manger. Son menton reluit de gras. Cette scène me semble abjecte.
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J'accroche mon panier au guidon et je commence à pédaler ; ce n'est pas si facile, parce que le panier bringuebale et que je dois faire sacrément attention à ne pas perdre l'équilibre. En réalité, je ne devrais rien accrocher au guidon, c'est beaucoup trop dangereux, mais aujourd'hui ça m'est égal. Je dois traverser la ville, descendre une côte raide - le Mont de Potence, elle s'appelle. Avec la vitesse, je me laisse aller en roue libre, le visage fouetté par le vent.

Je me demande si je devrais fermer les yeux, comme le fait Lizzy de temps en temps. Pour m'énerver.
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Et je comprends que personne, en réalité, ne me prend au sérieux, parce que je ne crie pas assez fort.
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L’obscurité a avalé cet acte étrangement tendre et silencieux. La noirceur de notre cave l’a occulté comme s’il n’avait jamais eu lieu. Pourtant, les lèvres de Franz étaient vraies, jeunes et tièdes. Elles ont couru sur ma bouche, mes commissures, mon menton à l’aveuglette jusqu’à ce que je lui rende son baiser, ce que j’ai fait comme seule une jeune fille en est capable et ensuite plus jamais.
Sans calcul ni préméditation, pour le simple plaisir du baiser. Nous nous sommes embrassés longuement et avec curiosité, sa bouche avait le goût du sommeil et de la terre que je lui avais fait avaler l’après-midi. Je retenais mon souffle avec sa main sur ma joue, ma nuque et mes cheveux de gnome, en me demandant si c’était vraiment moi qu’il voulait embrasser.
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L’Allemande, c’était autre chose.

Elle ne semblait pas connaître d’horaires fixes. Son emploi du temps ne répondait à aucune règle. Parfois, elle restait absente toute la journée et la moitié de la nuit. Quand elle rentrait, elle se traînait à bout de forces en haut de l’escalier jusqu’au petit appartement sous les toits. Je l’imaginais s’allonger juste derrière la porte et se rouler en boule comme un animal après une partie de chasse. Comme une fouine, peut-être, une belette ou un opossum.
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Je dirai toujours ce que je pense, et je serai en colère plutôt que triste. Je crierai si fort que tout le monde aura peur de moi et prendra la fuite si j'en ai envie.
Même mes parents, même mon grand-père, tout le monde!
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La mère de Lizzy dit toujours:
- Il faut veiller à ce que les histoires, dans sa propre vie, finissent bien. On peut grandement y contribuer. Il faut prendre des décisions. Il faut avoir suffisamment de courage pour essayer de nouvelles choses. Il ne faut pas se cahcer derrière son petit doigt. Il faut savoir encaisser les échecs. Surtout, il ne faut pas écouter les conseiles idiots!
Et quand elle dit la dernière phrase, elle fait un petit sourire narquois qui signifie, qu'il faut tojours suivre sa rporpe idée à soi, et pas celle des autres.
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"JE M'APPELLE MALVINA ET J'AI QUATORZE ANS.
Je suis Malvina, la gardienne du droit, la courageuse Malvina, qui ose sauter, même dans le vide. J'ai sauté, et en bas il y avait Lizzy, Traque, madame Bitschek, la maman de Lizzy, et même Anne. D'autres se sont enfuis. Paul par exemple, et mes parents. Ils ont eu honte de ce qui s'est passé. Moi je sais que je n'ai pas à avoir honte."
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« Je plisse les yeux. Par la fente, je vois confusément s’approcher les lumières des feux comme des bougies de Noël. Les maisons défilent à ma droite et à ma gauche. Quelqu’un crie quelque chose, quelqu’un qui est sur le bas côté entre les voitures et qui me fait signe. Bien sûr, je ne vois qu’une tâche bleue et floue, rien d’autre, mais j’entends qu’on m’appelle.
-Hé, Petit Chaperon rouge ! »
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« L’hiver est fini. Sur une poutre, un merle chante le soir. Le jour est tombé, le monde est plein de dangers. J’aimerai m’endormir, m’endormir pour toujours. »
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... Pola prit conscience de deux choses.
D'une part, que même les gens qui ne lui avaient jamais semblé subir leur destin ne souffraient. Comme lorsqu'on est surpris par une mère qui fond en larmes ou un professeur qui prend soudain un visage humain.
D'autre part, qu'on peut s'interdire de penser et de sentir en se concentrant sur autre chose.
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Rien ne me rendait plus heureuse ni plus euphorique qu’une journée d’été avec Franz. Il ne s’abaissait jamais à m’adresser la parole, car j’étais trop jeune, trop gnome, trop vilaine. Mais il me pourchassait, et je le pourchassais.
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C’est drôle de voir ce qui nous reste en mémoire, car je ne me souviens pas de la terreur, des hurlements des sirènes, des bombardements qui traversaient Vienne comme un frisson, une trépidation, un sifflement, à croire que la ville gémissait sous l’effet de la violence. Je me souviens du bruit des bombardiers et me rappelle être restée dehors longtemps, bouche bée, au milieu d’un champ détrempé par le printemps, avec mes bottes maculées de boue et Hitler sous le bras qui venait juste de sortird’hibernation, à regarder les avions, ce vaste front qui progressait au-dessus de Vienne. Je les observais sans peur et sans palpitations, avec seulement l’odeur de la terre humide et labourée dans les narines.
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L’emploi du temps de la Russe était toujours le même. Réglé comme un coucou. Elle dormait toute la matinée, parce que les répétitions commençaient tard à l’Opéra. Et elle rentrait à une heure d’autant plus avancée que les représentations finissaient au milieu de la nuit. J’entendais le léger cliquetis de la porte qu’elle refermait avec précaution – pour ne pas me réveiller. Un jour, j’ai essayé de lui expliquer que ce n’était pas nécessaire.
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Je n’aimais pas la Russe. C’était une fille simple qui venait de la frontière de la Mongolie, avec un visage presque asiatique, un corps souple et léger. Aussi souple que le roseau qui ploie en frémissant sur les eaux noires du lac Baïkal.
Aussi léger que les libellules qui se posent sur ta main dans un froissement d’ailes. Elle était sérieuse et tranquille. Et elle ne ramenait pas d’hommes à la maison. Jamais. Elle était peut-être rentrée chez elle après s’être esquinté les pieds à force de danser. Elle avait beau ne pas faire d’histoires, je ne l’aimais pas.
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