Bert Hellinger

Il est fréquent que ceux qui méditent se mettent à l'écart du quotidien Ils cherchent autre chose. L'illumination par exemple. Mais celle-ci est comme détachée du normal. Quand je vois quelqu'un méditer, je me demande ce qu'il cherche.

La méditation peut être recueillement et donner de la force. Se recueillir signifie que j'intègre la plénitude de ce qui est dans mon regard, dans ma sensation, dans mon consentement. Faire le vide en soi, c'est le contraire du recueillement. Il se peut que je perde le contact avec le tout en faisant le vide. C'est ce qui arrive souvent.

H. s'adressant au public : Pour ce travail, je n'ai besoin que de peu d'informations. Ce qui m'intéresse, ce sont les événements marquants et non ce que les gens pensent ou font. Il a dit quelque chose d'important : ses parents se sont séparés. Il pourrait également s'agir de la mort d'un frère ou d'une soeur, ou encore de l'exclusion ou du rejet d'un membre de la famille. Citons encore les hospitalisations dans la prime enfance, les complications lors de la naissance ou la mort de la mère en couches. Voilà ce qui importe.

Et qu'en est-il de ceux qui sont dans l'adversité ?
Il arrive, dans le cas d'un sort contraire comme celui d'une mère qui aurait un enfant handicapé, que certains parlent de malheur pour la mère et pour l'enfant. Mais si la mère tout comme l'enfant assument leur destin tel qu'il se présente, alors ils y gagneront en force et en noblesse. Cela a bien plus de poids que le bonheur ordinaire.

La thérapie corporelle permet de provoquer le relâchement de la tension musculaire et, de la sorte, de mener à bien le mouvement qui avait été interrompu. Je puis encore amener le client  retourner en esprit au lieu où l'élan a été suspendu : il redevient enfant, va vers sa mère et lui tend la fleur. On assiste alors à l'accomplissement du geste d'amour jadis empêché, et la tension se relâche. C'est ainsi que des méthodes thérapeutiques différentes peuvent très bien avoir les mêmes objectifs et atteindre les mêmes résultats.

Rilke est d'avis que lorsque nous pleurons les enfants morts jeunes, nous entravons leur envol au lieu de le faciliter. Il nous est loisible de les laisser partir puisque nous savons que nous les suivrons.

Cela voudrait dire que faire sa constellation familiale fait perdre sa candeur, donc son innocence ?

Le secours nous vient de la réalité si nous osons la contempler en face. Lorsqu'elle apparaît au grand jour, on ne peut s'y dérober. Certains refusent de suivre le chemin qu'elle leur montre, mais ils ne peuvent plus agir en toute innocence. Ils savent clairement ce qu'ils font. Ils ne peuvent plus continuer à se comporter de la même manière avec bonne conscience.

L'enfant transgresse sans cesse des interdits au cours de son développement. [...] Mais si les parents permettent tout à l'enfant, celui-ci ne peut pas gagner en force d'âme. Il lui faut transgresser des interdits pour s'épanouir. Le moi en est chaque fois renforcé. En même temps, l'enfant reste lié sur un autre plan à ses parents.

.. la question réelle est : Qu'est ce qui donne du poids aux humains ? Je dis qu'on le voit tout de suite. LEs plus engagés, ce sont ceux qui ont des enfants. Ce sont encore ceux qui ont le plus de consistance.
[...]même quand les parents maltraitent leurs enfants ? Il me semble nécessaire de faire la part des choses !Même dans ce cas. Le simple fait d'avoir des enfants et de s'en occuper et d'essayer de bien les élever, c'est cela qui est grand

Est-ce que votre éducation catholique a exercé une influence sur votre façon de poser des questions ?
Non. Ce qui importe, c'est ce que la phénoménologie m'a permis de découvrir sur la conscience.

Votre oeuvre est très discutée. Comment réagissez-vous à la critique ?
C'est très simple : si elle contribue à faire du bien, je l'accepte.

Le bien, c'est ce qui soulage, console et éjouit, ou atténue la souffrance. Mais je constate parfois qu'il vaut mieux se tenir à l'écart, ne pas intervenir? Le bien, ce n'est donc pas toujours faire le bie,, c'est encore s'en abstenir.

Dès qu'on remarque de la confusion dans le groupe ou que celui-ci ne fonctionne pas comme il devrait, il faut tout d'abord rechercher si quelqu'un en a été exclu. On l'y réintroduit alors.

Est-il possible de modifier le cours du destin ?
Evidemment. Modifier le cours du destin, ce n'est pas s'y opposer ! Parfois, c'est le destin lui-même qui porte en soi ce qui en corrigera le cours. Mais si je vois que le temps n'est pas venu, je n'interviens pas.

Le destin, c'est encore accepter les conséquences de ses actes et sa culpabilité. C'est accepter qu'on a tel conjoint, telle profession et les enfants qu'on a. C'est consentir à ce qu'on ne vive pas éternellement et qu'on ne puisse éviter les échecs Tout cela fait partie du destin personnel? Je n'interviens pas. Je fais ce que le client doit faire : je dis oui à ce destin. Et, ce faisant, je suis en mesure d'apporter mon aide au client dans le cadre des limites qui sont les siennes.

Je n'aime pas les considérations d'ordre général. Loin de moi l'intention de poser en forme ce que je ne fais que constater dans le domaine thérapeutique, où les effets sont contrôlables. En travaillant avec des familles, je me demande toujours où et comment il faut placer les membres pour qu'ils se sentent bien. Est-ce l'homme ou la femme qu'il faut mettre devant ? Je cherche la réponse lors des mises en place systémiques. Dans 70% des cas, les membres de la famille sont plus à l'aise quand le père est mis devant, dans 30% des cas seulement quand c'est la mère.

La vision holistique du réel inclut ce qui est perdu, même si cela n'existe plus ou ne peut plus être rappelé à la vie.

Il n'y a surabondance de vie que sur les rivages de la mort. Disons-le tout cru : c'est parce que les progrès de la médecine nous préservent d'une mort prématurée que la plénitude nous est refusée.

Il va de soi que la femme, en raison de l'expérience quelle fait de la grossesse et de l'accouchement, prend conscience de sa signification. Elle n'est pas imbue de sa personne, elle est consciente de sa signification. Le vécu de l'homme n'a pas cette  profondeur. Il la cherche d'une autre façon. Il lui faut toujours mettre sa virilité à l'épreuve, ce dont la gemme n'a pas besoin. C'est le plus souvent dans la société d'autres hommes qu'il le fait.