TEL PÈRE, TEL FILS...
Qu'est-ce que "LA" paternité ? À quoi tient-elle ? procède-t-elle d'une vision universelle et constante ? Est-elle innée ou sociale ? C'est, par un propos ainsi qu'une méthode absolument indirects qu'inattendus que l’ethnologue et sociologue polonais Bronislaw Malinowski va tenter, dans la première moitié du XXème siècle, de répondre à ces questions toujours actuelles.
Ayant découvert certaines populations peu influencées par la colonisation aux îles Trobiand dans l'archipel d'Entrecasteaux (des îles appartenant à l'espace socio-culturel de la Papouasie-Nouvelle Guinée, en Mer des Salomon), il va procéder à sa manière, aujourd'hui encore un peu pratiquée, d'observation participante, c'est à dire en s'immergeant, avec le moins d'a-priori possible, et en participant directement à la vie quotidienne des populations étudiées.
Ainsi va-t-il découvrir que malgré une assez bonne connaissance de la physiologie de l'être humain, les trobiandais n'ont aucune espèce de compréhension du phénomène de reproduction des êtres en général ; Le chercheur donne l'exemple des cochons domestiques qui, d'après la légende locale, se reproduiraient par eux-mêmes, les verrats étant systématiquement castrés avant la fin de leur croissance. En réalité, les truies étant laissées libres de divaguer, ce sont les cochons sauvages qui les inséminent. Fait que les îliens refusent tout à fait d'admettre, la viande de cochons sauvage étant réputée tabou...). Mais cette méconnaissance du rôle de l'homme comme géniteur est totalement dénié par ces aborigènes, ne reconnaissant aucune valeur - autre que lubrifiante, lors des rapports - au liquide séminal.
Il faut dire que cette culture -que l'on qualifierait aujourd'hui de "première", appellation que Bronislaw Malinowski aurait très certainement réfuté - est d'un type peu courant, même si désormais bien déterminé : c'est, citons l'auteur, «une société matrilinéaire, ou la descendance, la parenté et toutes les relations sociales sont considérées uniquement à partir de la mère, où les femmes détiennent une part considérable dans la vie tribale, où elles occupent une position clé au cours de certaines activités économiques, cérémonielles et magiques.»
Ainsi, la communauté de naissance n'est pas celle où est né l'enfant mais celui d'où vient la mère. De même, le frère de la mère (si elle en a un, bien évidemment) revêt-il un rôle au moins aussi important que le père physiologique.
Pour autant, et sans que soit jamais associé père et filiation - les enfants pré-existent dans des espèces de limbes et descendent jusqu'au ventre fécond par la tête ; et si les menstrues cessent, c'est seulement en raison d'un mouvement de flux et de reflux du sang permettant à cet "esprit" d'enfant de mieux faire son chemin -, son importance sociale est parfaitement reconnue par ces peuplades. Ainsi l'enfant ne doit - du moins, ne devrait - jamais venir en dehors d'un mariage dûment célébré et reconnu. Un homme, défini père de fait, doit être au côtés de la femme et de l'enfant pour participer à son éducation, à la recherche de nourriture, etc.
Le scientifique reconnait par ailleurs un fait pour le moins surprenant et auquel il ne peut apporter aucun élément de réponse : alors que la sexualité est très libre dans ces communautés, qu'il est, de toute manière, avéré qu'une femme ne doit plus être vierge pour que cet enfant-esprit vienne en elle, que cette défloraison se déroule manifestement bien avant toute relation matrimoniale et que, par ailleurs, aucune méthode de contraception n'est pratiquée (puisque le sperme n'est lui-même pas reconnu), les calculs statistiques auxquels Bronislaw Malinowski lui a démontré que les naissances hors mariage était très inférieures aux occidentales ! (ce qui convainc encore un peu plus les autochtones de la véracité de leurs croyances).
Au-delà de la découverte de fonctionnement sociaux aux antipodes des nôtres, c'est tout une manière de penser le monde - en tout les cas, la paternité - que notre polonais remet en question dans ce petit texte très étonnant. Le promoteur de ce qu'il nommera lui-même "le fonctionnalisme", se situant intellectuellement dans la lignée du grand sociologue français Emile Durkheim pose les premières pierres du relativisme sociologique que nous connaissons aujourd'hui. Et s'oppose littéralement à une vision évolutionniste des sociétés, ainsi qu'à la thèse diffusionniste qui lui succédera (ce qui lui sera d'ailleurs plus tard reproché, son jusqu'au boutisme rendant ses thèses par trop figées).
Se posant la question de la paternité, de sa connaissance et de sa reconnaissance, du mariage en tant qu'institution, il montre par l'exemple qu'aucun modèle n'est universel, que d'autres manières de voir ces sujets (et bien d'autres) sont possibles, qu'une famille n'est pas, définitivement, celle promue par tel ou tel mouvement réactionnaire se proclamant les défenseurs indispensables et "naturels" d'un type précis de famille, promus seul modèle "véritable".
Il suffit de lire ce petit ouvrage pour découvrir qu'il existe des multiplicités de conception du monde, des relations sociales, etc, loin des volontés uniformisantes ambiantes...
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Ardu à lire et comprendre pour une novice comme moi.
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La sexualité et sa répression dans les sociétés primitives se veut la réfutation des théories freudiennes de la sexualité. Dans ce but, l'ethnologue Bronislaw Malinowski entreprit entre 1915 et 1918 une enquête dans l'archipel mélanésien des Trobriand. Cette étude sur le terrain est considérée comme l'un des moments fondateurs de l'anthropologie moderne.
Néanmoins quand on s'attaque à une théorie, la moindre des choses serait d'en avoir compris les rudiments. Dans son ouvrage, chaque preuve que Malinowksi croit accumuler contre Freud est au contraire un argument à l'appui de ses théories. Chacune de ses démonstrations prouve l'inverse. A la longue, un tel aveuglement est consternant.
Ainsi, croyant établir l'inexistence du complexe d'Oedipe, Malinowksi fournit les preuves que ses objets dépendent de la structure familiale. S'il découvre ainsi sa variabilité... il confirme du même coup son existence.
Il pense encore réfuter Freud grâce à l'exemple suivant, faisant juste étalage d'une totale méconnaissance des hypothèses qu'il prétend attaquer. Les Trobriandais, qui seraient dans l'ignorance totale des mécanismes de la paternité physiologique, expliqueraient leur fondation par ce mythe : dans une caverne sombre, une goutte d'eau détachée d'une grande stalactite est à l'origine des premiers hommes. Ils restent longtemps dans le noir, se multiplient. Finalement, manquant d'espace et de nourriture, ils décident de trouver la sortie, donnant naissance à ce peuple. Rapportant cette légende – dans lequel toute personne ayant un minimum de bagage psychanalytique voit immédiatement, à travers le symbolisme sexuel proposé par Freud (grotte, stalactite, goutte), l'image d'une fécondation et de l'accouchement et donc la validation implicite des principes de connaissance inconsciente et de refoulement – Malinowski est persuadé qu'il tient un argument fort contre l'inconscient freudien.
Je ne jette jamais un livre, c'est un sacrilège. Cet ouvrage est un des rares que j'ai mis à la poubelle tellement il m'a déçu. J'en avais entendu dire du bien. Je n'y ai trouvé que dogmatisme, manque de conscience professionnelle, étroitesse d'esprit et, il faut le dire, une certaine stupidité.
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