AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Carlos Drummond de Andrade (62)


Pour la dernière fois je contemple la ville.

Je peux encore renoncer, ajourner la mort,

ne pas prendre cette voiture. Ne pas partir pour.

Je peux revenir, et dire : mes amis,

j'ai oublié un papier, le voyage est annulé (...)

(Extrait de Mort dans l'avion)
Commenter  J’apprécie          160
QUADRILLE

Jean aimait Teresa qui aimait Raymond
qui aimait Maria qui aimait Joachim qui aimait Lili
qui n’aimait personne.
Jean partit aux Etats-Unis, Teresa au couvent,
Raymond mourut dans un accident, Maria resta
vieille fille,
Joachim se suicida et Lili se maria avec J. Pinto
Fernandes
qui n’avait rien à faire dans cette histoire.
Commenter  J’apprécie          93
Quand les corps passeront,
je serai seul
à raconter le souvenir
du sonneur, de la veuve et du microscopiste
qui vivaient sous la tente
et n'ont pas été retrouvés
à l'aube.

cette aube
plus de nuit que de nuit.

(Fin de Sentiment du monde,1940)
Commenter  J’apprécie          170
AU MILIEU DU CHEMIN

Au milieu du chemin il y avait une pierre
il y avait une pierre au milieu du chemin
il y avait avait une pierre
Au milieu du chemin il y avait une pierre

Jamais je n'oublierai cet événement
dans la vie de mes rétines fatiguées.
Jamais je n'oublierai qu'au milieu du chemin
il y avait une pierre
Il y avait une pierre au milieu du chemin
au milieu du chemin il y avait une pierre.
(1930)
Commenter  J’apprécie          112
Carlos Drummond de Andrade
RÉSIDU
(extrait)

De tout il est resté un peu.
De ma peur. De ton aversion.
Des cris bègues. De la rose
est resté un peu.

Il est resté un peu de lumière
capturée dans le chapeau.
Dans les yeux du malfrat
un peu de tendresse est restée
(très peu).

Peu est resté de cette poussière
dont ton soulier blanc
s’était couvert. Il est resté peu
d’habits, peu de voiles déchirés
peu, peu, très peu.

Mais de tout il reste un peu.
Du pont bombardé,
de deux brins d’herbe,
du paquet
-vide- de cigarettes, est resté un peu.

Car de tout il reste un peu.
Il reste un peu de ton menton
dans le menton de ta fille.
De ton silence âpre,
il est resté un peu, un peu
sur les murs courroucés,
dans les feuilles, muettes, qui grimpent.

Il est resté un peu de tout
sur la soucoupe en porcelaine,
dragon pourfendu, fleur blanche,
un peu de ride est resté
sur votre front,
portrait.

(...)


RESÍDUO
(fragmento)

De tudo ficou um pouco
Do meu medo. Do teu asco.
Dos gritos gagos. Da rosa
ficou um pouco.

Ficou um pouco de luz
captada no chapéu.
Nos olhos do rufião
de ternura ficou um pouco
(muito pouco).

Pouco ficou deste pó
de que teu branco sapato
se cobriu. Ficaram poucas
roupas, poucos véus rotos
pouco, pouco, muito pouco.

Mas de tudo fica um pouco.
Da ponte bombardeada,
de duas folhas de grama,
do maço
-vazio-de cigarros, ficou um pouco.

Pois de tudo fica um pouco.
Fica um pouco de teu queixo
no queixo de tua filha.
De teu áspero silêncio
um pouco ficou, um pouco
nos muros zangados,
nas folhas, mudas, que sobem.

Ficou um pouco de tudo
no pires de porcelana,
dragão partido, flor branca,
ficou um pouco
de ruga na vossa testa,
retrato.

(...)


Traduction: Eduardo Reis ( Creisifiction )
Commenter  J’apprécie          186
[...]

Et les paroles seront serves
d'étrange majesté. Tout est étrange.
Médite, par exemple,
les herbes,

tant que tu es encore petit et que ton instinct, souple, joyeusement s'aventure
jusqu'au cœur des choses. Pourquoi est venue, que peut,
combien dure

cette discrète forme verte, parmi les formes ?
Et imagine être pensé
par l'herbe que tu penses. Imagine un lien, une affection
sourde, un passé

articulant les bêtes à leurs visions, le monde à ses problèmes ;
imagine le roi avec ses angoisses, le pauvre avec ses diadèmes,

imagine un ordre nouveau : tout désordre nouveau qu'il sera, ne sera-t-il pas beau ?
Imagine tout : le peuple, avec sa musique ; avec sa donzelle,
le petit oiseau ;

l'amoureux, avec son miroir magique ; l'amoureuse, avec son mystère ;
la maison, avec sa chaleur propre ; la séparation, avec son visage austère ;

le physicien, le voyageur, le rémouleur, l'Italien diseur de
bonne aventure, et son manège ; le poète, toujours un peu compliqué ; le parfum natif des choses et son arpège ;

l'enfant qui est ton frère, et la spontanéité de sa science
aux yeux liquides et bleus, faite de malicieuse innocence,

qui parcourt en ce moment des énigmes extraordinaires ;
pour ta part, la recherche
te sollicitera un jour, message bouleversant dans la brise.

Il faut créer de nouveau, Luís Maurice. Réinventer yorubas et latins,
et les plus sévères inscriptions, et autant d'enseignements et
les modèles les plus fins,

par cette façon la vie nous grandit et nous devons l'affronter
avec des moyens puissants.
Mais qu'elle soit humble, ta vaillance.

[...]

(extrait de "À Luis Maurice, l'infant") - pp 165-167
Commenter  J’apprécie          170
Pénètre sourdement dans le royaume des mots.
Là se trouvent les poèmes en attente d'être écrits.
Ils sont figés, mais il n'y a pas de désespoir,
il y a calme et fraîcheur sur leur surface intacte.
Les voici seuls et muets, à l'état de dictionnaire.
Vis avec tes poèmes, avant de les écrire.
Reste patient, s'ils sont obscurs.
Calme, s'ils te provoquent.
Attends que chacun se réalise et se consume
avec son pouvoir de parler
et son pouvoir de taire.
Ne force pas le poème à se déprendre des limbes.
Ne ramasse pas par terre le poème qui s'est égaré.
N'adule pas le poème. Accepte-le
tout comme il acceptera sa forme définitive et concentrée dans l'espace.
Approche et contemple les mots.
Chacun d'eux a mille faces secrètes sous sa face neutre
et te demande, sans égard pour la réponse,
pauvre ou terrible, que tu lui feras:
as-tu apporté la clé?

(Extrait du poème "Recherche de la poésie")
Commenter  J’apprécie          364
CONGRÈS INTERNATIONAL DE LA PEUR

Provisoirement nous ne chanterons pas l'amour,
qui s'est réfugié plus bas que les souterrains.
Nous chanterons la peur, qui rend stériles les embrassades, nous ne chanterons pas la haine car elle n'existe pas, seule existe la peur, notre mère et compagne, la grand-peur des sertões, des mers, des déserts, la peur des soldats, la peur des mères, la peur des églises, nous chanterons la peur des dictateurs, la peur des démocrates, nous chanterons la peur de la mort et la peur d'après la mort, et puis nous mourrons de peur et sur nos tombes pousseront des fleurs jaunes et craintives.
Commenter  J’apprécie          326
« Consolation sur la plage :

 allons ne pleure pas…
L’enfance est perdue
La jeunesse est perdue
Mais la vie n’est pas perdue.

Le premier amour est passé
Le deuxième est passé
Le troisième est passé
Mais le cœur persiste.

Tu as perdu ton meilleur ami
Tu n’as tenté aucun voyage
Tu ne possède ni maison, ni bateau, ni terre,
Mais tu as un chien.

Certains mots durs,
Prononcés doucement, t’ont blessé.
Jamais, ils n’ont jamais cicatrisé.
Oui mais, et l’humour ?
L’injustice ne se résout.
A l’ombre de ce monde fourvoyé
Tu as murmuré une protestation timide.
Mais d’autres suivront.

Tout bien compté, tu devrais
Te jeter une fois pour toutes dans les flots.
Tu es nu sur le sable, dans le vent…
Dors mon petit. 

**
Tudo somado, devias
Precipitar-te, de vez, nas aguas.
Estas nu na areia, no vento…
Dorme, meu filho.”
Commenter  J’apprécie          427
Carlos Drummond de Andrade
Eau-Couleur


Liquide est le Pays de la Couleur ; il est
dans l’aniline des bocaux de pharmacie.
Tout juste un regard, et je plane sur le vert
non pas le vert forêt, mais le vert d’outre-vert.
Et dessous la cloche le bleu est une baie.
Je voudrais y naître ; je suis en train de naître.
Du jaune je traverse la lagune d’or.
La couleur est l’étant ; le reste, bavardage
Commenter  J’apprécie          21
Carlos Drummond de Andrade
L’an passé


L’an passé n’a pas passé,
il continue incessamment.
En vain je fixe de nouveaux rendez-vous.
Tous sont rendez-vous passés.
Les rues, toujours de l’an passé,
et les gens, les mêmes aussi,
avec les mêmes gestes et les mêmes paroles.

Le ciel a exactement
les couleurs connues de l’aurore,
du plein soleil, de la dérive du jour
comme au plus répété de l’an passé.

Bien qu’enterrés, les morts de l’an passé
on les enterre tous les jours.
J’écoute les peurs, je compte les libellules,
je mâche le pain de l’an passé.

Et il en sera toujours ainsi désormais.
Je ne parviens pas à évacuer
l’an passé.
Commenter  J’apprécie          30
Carlos Drummond de Andrade
La métaphysique du corps


La métaphysique du corps s’entr’aperçoit
dans les images. L’âme du corps
module en chaque fragment sa musique
de sphères et d’essences
au-delà de la simple chair et de simples ongles.

Dans chaque silence du corps on identifie
la ligne du sens universel
qui à la forme brève et transitive imprime
la solennelle marque des dieux
et du rêve.

Parmi les feuilles, on surprend
dans la dernière nymphe
ce qui dans la femme est encore branche et rosée ;
et, plus que nature, pensée
de l’unité initiale du monde :
femme plante brise mer,
son être tellurique, spontané,
comme si elle était un rameau de l’arbre
infini qui condense
le miel, le soleil, le sel, le souffle âcre de la vie.

Dans l’extase et le tremblement plonge le regard
devant la lumineuse fesse opalescente,
la cuisse, le ventre sacré, assigné
à l’office d’exister, et puis tout ce que le corps
résume de l’autre vie, plus florissante,
dans laquelle nous avons tous été terre, sève et amour.

Voici ce que révèle l’être, dans la transparence
de l’enveloppe parfaite.
Commenter  J’apprécie          21
Carlos Drummond de Andrade
Entre l’Être et les Choses


Eau et amour, ohé l’amour, où est l’amour,
demandé-je au vent large, à la roche impérieuse,
et je me livre à tout, quand dans cette fraîcheur
de chose vive s’amatutine le jour.

Aux âmes, nullement, les âmes vont planant,
et, oubliant la leçon qui déjà s’esquive,
font de l’amour une humeur, et font caressant
et tendre ce qui a nature corrosive.

Dans l’eau et la pierre l’amour laisse gravés
ses hiéroglyphes et ses messages, ses
vérités les plus nues comme les plus cachées.

Même les éléments, pris par l’enchantement,
ne savent l’amour qui les point, et les poignant,
fait un brasier ardent dans le jour finissant.
Commenter  J’apprécie          20
Carlos Drummond de Andrade
La minute suivante


Nudité, dernier voile de l’âme
qui cependant demeure celée.
Le langage fertile du corps
ne la détecte ni la déchiffre.
Mais au-delà de la peau, des muscles,
et des nerfs, et du sang, et des os,
elle esquive l’intime contact,
le mariage floral, l’étreinte
divinisante de la matière
grisée et enivrée pour toujours
par cette sublime conjonction.
Pauvres de nous, mendiants affamés:
Nous ne pressentons que les reliefs
de ce banquet au-delà des nues
si contingentes de notre chair.
C’est pourquoi triste est la volupté
dans la minute suivant l’extase.
Commenter  J’apprécie          20
Carlos Drummond de Andrade
Grand monde


Non, mon cœur n’est pas plus grand que le monde.
Il est bien plus petit.
En lui pas même ne tiennent mes douleurs.
C’est pourquoi j’aime tant à me raconter.
C’est pourquoi je me déshabille,
c’est pourquoi je me crie,
c’est pourquoi je fréquente les journaux, je m’expose crûment dans les librairies
j’ai besoin de tous.

[…]

Jadis j’ai entendu les anges,
les sonates, les poèmes, les confessions pathétiques.
Jamais je n’ai entendu voix humaine.
En vérité je suis fort pauvre.

Jadis j’ai voyagé
en des pays imaginaires, faciles à habiter,
des îles sans problèmes, épuisantes pourtant et conviant au suicide.
Mes amis sont partis pour les îles.
Les îles perdent l’homme.
Quelques uns pourtant en ont réchappé et
ont rapporté la nouvelle
que le monde, le grand monde grandit de jour en jour,
entre le feu et l’amour.

Alors mon cœur aussi peut grandir.
Entre l’amour et le feu,
entre la vie et le feu,
mon cœur grandit de dix mètres et explose.
– Ô vie future ! nous te créerons.
Commenter  J’apprécie          200
"Certains mots durs,
prononcés doucement, t'ont blessés.
Jamais, ils n'ont jamais cicatrisé.
Oui mais, et l'humour ?"
Commenter  J’apprécie          300
"Je ne devrais pas te le dire
mais cette lune
mais ce cognac
nous bouleversent en diable."
Commenter  J’apprécie          312
CONGRÈS INTERNATIONAL DE LA PEUR

Provisoirement nous ne chanterons plus l’amour,
il s’est réfugié plus bas que les souterrains.
Nous chanterons la peur qui stérilise les étreintes,
nous ne chanterons plus la haine car elle n’existe pas,
il n’existe que la peur, notre mère et notre compagne,
la grande peur du sertão, des déserts, des océans,
la peur des soldats, la peur des mères, la peur des églises,
nous chanterons la peur des dictateurs, la peur des démocrates,
nous chanterons la peur de la mort et la peur d’après la mort,
puis nous mourrons de peur
et sur nos tombes surgiront des fleurs jaunes apeurées.
Commenter  J’apprécie          50
POÈME À SEPT FACES (1930)

Quand je suis né, un ange tors
un de ceux qui vivent dans l’ombre
a dit : Tu vas, Carlos ! être gauche dans la vie.

Les maisons épient les hommes
qui courent après les femmes.
L’après-midi serait peut-être bleu
s’il n’y avait tant de désirs.

Le tramway passe bondé de jambes :
jambes blanches noires jaunes.
Pour quoi tant de jambes, mon Dieu, demande mon cœur.
Pourtant mes yeux ne demandent rien.

L’homme derrière sa moustache
est sérieux, simple et fort.
Il ne parle presque pas.
Il a quelques rares amis
l’homme derrière ses lunettes et sa moustache.

Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné
si tu savais que je n’étais pas Dieu
si tu savais que j’étais faible.

Monde, monde vaste monde,
si je m’appelais Raymonde
ce serait une rime pas une solution.
Monde, monde vaste monde,
plus vaste est mon cœur.

Je ne devrais pas te le dire
mais cette lune
mais ce cognac
nous bouleversent en diable.
Commenter  J’apprécie          11
Segredo

A poesia é incomunicável.
Fique torto no seu canto.
Não ame.

Ouço dizer que há tiroteio
ao alcance de nosso corpo.
E´ a revolução? o amor?
Não diga nada.

Tudo é possível, só eu impossível.
O mar transborda de peixes.
Há homens que andam no mar
como se andassem na rua.
Não conte.

Suponha que um anjo de fogo
varresse a face da terra
e os homens sacrificados
pedissem perdão.
Não peça.
Commenter  J’apprécie          20



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Carlos Drummond de Andrade (58)Voir plus

Quiz Voir plus

Grégoire Delacourt ou David Foenkinos

Charlotte ?

Grégoire Delacourt
David Foenkinos

10 questions
25 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}