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Citations de Catherine Millet (98)


On se croit dans une pièce close jusqu'à ce qu'une paroi coulisse découvrant une enfilade d'autres pièces, et si l'on avance, d'autres parois s'ouvrent et se referment et si les pièces sont nombreuses, les manières de passer de l'une à l'autre sont incalculables.
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Je suis docile non par goût de la soumission, car je n'ai jamais cherché à me mettre dans une position masochiste, mais par indifférence, au fond, à l'usage qu'on fait des corps.
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« J’apprenais que chaque sexe appelait de ma part des gestes, voire des comportements différents. » (p. 17)
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Catherine Millet
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"Le sexisme bienveillant est toujours accompagné d’un sexisme hostile"

Les femmes seraient-elles plus prisonnières du regard de l’homme que l’inverse ?

C. Millet. Les hommes sont eux aussi victimes du diktat des normes. Chez eux, ça se traduit par l’obsession de la performance sexuelle. Chez les femmes, c’est peut-être plus lié à l’identification à une image, qui relève d’un certain narcissisme.

Peut-on vraiment opposer un modèle français de galanterie, de séduction, à un modèle anglo-saxon plus puritain dans un monde de plus en plus mondialisé ?

C. Millet. Il y a une part de jeu dans la séduction. La galanterie (un mot assez désuet), le libertinage à la française, cela fait partie de ce jeu. Et les femmes qui savent jouer savent répondre comme elles le veulent à la galanterie. Ce projet de loi en Suède, où il faut un consentement explicite, est ridicule et a aussitôt soulevé des moqueries.

Ovidie. Je connais bien la Suède. Le pays a connu une libération sexuelle très forte et a vu un retour de bâton dans les années 1980. Avec donc une convergence des religieux conservateurs et des féministes. Je me souviens d’une femme dans un lovestore dont le magasin avait été attaqué par des féministes qui lui reprochaient de vendre « 50 Shades of Grey » et de faire la promotion du viol. Je ne crois pas qu’on puisse en arriver à ce stade-là en France. Quant à la galanterie, je n’y suis pas sensible. Le sexisme bienveillant est toujours accompagné d’un sexisme hostile. Ça ne mange pas de pain, ouvrir une porte, c’est donner un os à ronger, dans un cadre où l’égalité n’existe pas !

Ovidie, vous questionnez la féminité en évoquant des sujets très concrets. Les règles. Les poils. Aujourd’hui encore, une mannequin d’Adidas qui pose les jambes non épilées provoque un tollé sur les réseaux sociaux. Quand Patti Smith posait déjà aisselles non épilées dans les années 1970.

Ovidie Pour moi, les poils, c’est physiologiquement lié à la féminité. C’est ce qui apparaît à la puberté, avec les seins. C’est étonnant de voir que dans les films pornos, on met en scène des doubles, des triples pénétrations, du bukake, qu’importe, mais en revanche, pas un poil, pas une goutte de règles, aucune excrétion, rien, c’est le tabou ultime ! La vulve est une fente lisse et sèche, totalement aseptisée. On perpétue cette peur ancestrale du sexe féminin, celle du vagina dentata.

C. M. C’est vrai. Il faudrait relire Georges Bataille... On refoule l’animal en nous. Et peut-être encore plus pour la femme, parce qu’on imagine que la femme s’est plus éloignée de l’animal que l’homme. Au Japon, cette phobie du poil est poussée à son extrême. Comme s’il fallait le faire disparaître, l’éradiquer. Et regardez les robots japonais, ou leurs poupées. Lisses, sans aspérités. Peut-être que cela va devenir un idéal féminin... On est dans un monde tellement normé.

Propos recueillis par François Armanet et Doan Bui, L’OBS du 25 janvier 2018.

Ovidie, bio express
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Ovidie est réalisatrice. Après une adolescence militante au sein de groupes féministes, elle décide de se revendiquer « travailleuse du sexe » et de développer un concept de pornographie féministe. Actrice pornographique de 1999 à 2003, elle tourne aussi pour Bonello, Beineix, Lars von Trier ou Delépine et Kervern. Elle a réalisé de nombreux films et documentaires (« Rhabillage », « A quoi rêvent les jeunes filles ? », « Pornocratie ») et publié une dizaine de livres dont « Porno Manifesto » (Flammarion, 2002) et une BD avec Diglee « Libres ! Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels ». Elle anime tous les vendredis une chronique sur Radio Nova. Son documentaire « Là où les putains n’existent pas » sera diffusé le 6 février sur Arte, et son prochain livre, « Nelly Arcan, l’enfant dans le miroir », (Presses Universitaires de Limoges) sera en librairie à partir du 25 janvier.
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Il y a deux façons d'envisager la multitude, soit comme une foule dans laquelle les individus se confondent, soit comme une chaîne où au contraire ce qui les distingue est aussi ce qui les lie, comme un allié compense les faiblesses d'un autre allié, comme un fils ressemble à son père tout en s'y opposant. Les tout premiers hommes que j'ai connus ont immédiatement fait de moi l'émissaire d'un réseau dont on ne peut connaître tous les membres, l'inconscient maillon d'une famille qui se décline sur le mode biblique.
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Pourquoi et comment

Je ne peux me contenter de décrire un espace, sorte de guérison virtuelle dans laquelle je me serais tenue, ni un moment aussi bref, car je rencontrerais l’incrédulité de mon interlocuteur. Les navigateurs ont bien de la chance qui, pour indiquer où ils se “situent”, ne donnent qu’un degré de longitude et un degré de latitude.

*

Pourquoi ai-je écrit ce livre ? Parce que je voulais écrire et parce qu’il y a des choses dont je ne parle pas. Le désir d’écrire est une pulsion qui se manifeste avant de trouver son objet et qu’on satisfait ensuite comme on peut.

La vie sexuelle de Catherine M.

Peut-être, l’aptitude à passer, dans un groupe, d’un homme à l’autre, ou à naviguer, comme ce fut le cas pendant certaines périodes de ma vie, entre plusieurs relations amoureuses, appartient-elle à la même famille de prédispositions psychologiques que le sens de l’orientation.

*

J’avais douze ans lorsque mes premières règles sont venues. Ma mère et ma grand-mère se sont agitées, ont convoqué le médecin, mon père a passé la tête par la porte et m’a demandé en riant si je saignais du nez. Voilà pour l’éducation sexuelle.
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Jusqu'à ce que naisse l'idée de ce livre, je n'ai jamais trop réfléchi sur ma sexualité. J'étais toutefois consciente d'avoir eu des rapports multiples de façon précoce, ce qui est peu coutumier, surtout pour les filles, en tout cas dans le milieu qui était le mien. J'ai cessé d'être vierge à l'âge de dix-huit ans - ce qui n'est pas spécialement tôt - mais j'ai partouzé pour la première fois dans les semaines qui ont suivi ma défloration. Je n'ai évidemment pas été celle qui, cette fois-là, prit l'initiative de la situation, mais je fus celle qui la précipita, ce qui est resté à mes propres yeux un fait inexpliqué. J'ai toujours considéré que les circonstances avaient mis sur mon chemin des hommes qui aimaient faire l'amour en groupe ou regarder leur partenaire faire l'amour avec d'autres hommes et l'unique idée que j'avais de moi-même à ce sujet était qu'étant naturellement ouverte aux expériences, n'y voyant pas d'entrave morale, je m'étais volontiers adaptée à leurs mœurs. Mais je n'en ai jamais tiré aucune théorie, et je n'ai donc jamais été une militante.
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« Je n’appartenais pas à la classe des séductrices, et […] ma place dans le monde était moins parmi les autres femmes, face aux hommes, qu’aux côtés des hommes. » (p. 16)

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Il est alors troublant de constater que ces émotions contraires et complexes affectent pareillement l'intérieur de notre ventre [...] On pourrait dire que nos intestins travaillent selon des logiciels primaires qui ne savent pas reconnaître les programmes nouveaux et sophistiqués émis par notre cerveau et les traduisent en un agrégat de signes élémentaires [...] Pendant longtemps, je ne donnais pas une conférence sans que le trac ne me fît faire un détour obligé par les toilettes quelques minutes auparavant. Or, un drame sans commune mesure comme la disparition d'un être proche et que j'aimais a pu agir de la même façon sur mes intestins peu après qu'on me l'eut annoncée. Faut-il avoir honte de notre corps qui ignore la hiérarchie des émotions établies par notre être pensant, et qui les broie toutes indistinctement ? Faut-il au contraire se féliciter que, dédaignant les valeurs morales, sentimentales et même intellectuelles qui ont fini par s'imposer à ces émotions, notre corps nous rappelle à la sagesse, c'est-à-dire à la juste dimension de notre nature qui entraînera dans sa corruption toutes ces valeurs ?
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Les mots marquent la distance minimale qu'il est permis de mettre entre soi et la douleur. (p. 106)
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Les enfants gros ont l’air grave ; ils sont sur le qui-vive, dans l’attente du regard qu’on va poser sur eux.
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Le plaisir solitaire est racontable, le plaisir dans l'union échappe.
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J'ai beaucoup fantasmé sur la prostitution de luxe tout en sachant que je n'étais ni grande et belle comme on disait qu'il fallait être ni suffisamment distinguée pour pouvoir m'y livrer.
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J'ai déjà laissé entendre que, craintive dans les relations sociales, j'avais fait de l'acte sexuel un refuge où je m'engouffrais volontiers afin d'esquiver les regards qui m’embarrassaient et les échanges verbaux pour lesquels je manquais encore de pratique.
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On "entre" dans un livre, qui est bien un objet en trois dimensions, mais pour y rencontrer la quatrième dimension du temps dès qu'on en tourne les pages. Satisfaction d'en tenir rapidement dans la main gauche une partie plus épaisse, plus sombre de l'accumulation de toutes les lettres imprimées, obscurité de l'espace déjà parcouru qui est le passé vers lequel on se retourne.
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Certaines paroles traduisent des choses si importantes, si graves, qu’elles ne sont prononcées que par pure forme, à la façon d’un mot de passe entre deux conjurés qui peuvent ne pas se connaître, ignorer peut-être le but ultime de leur action, mais qui ne doutent pas de son importance.
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Le temps se condense sur une surface all over et comme Pollock peignant, était dans sa toile j'étais, moi écrivant, dans le livre.
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Catherine Millet
Alors que les rêves de l’adulte projettent celui-ci dans le futur, ceux de l’enfant sont immédiatement palpables. De plus, au fur et à mesure que l’adulte réalise ses rêves, son monde imaginaire se rétrécit parce qu’il doit accepter que la réalité n’est jamais aussi magique que les rêves si bien que, sans même s’en rendre compte, il adapte ceux-ci aux limites du raisonnable, renonce à l’Amérique pour la villa Sans-Souci, alors que, tout le temps que dure l’enfance, les rêves s’amplifient tant que l’espace de vie s’élargit.
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Catherine Millet
J’avais été au cœur d’un événement incompréhensible. Je venais de quitter le temps infini de l’espèce, j’étais entrée dans le temps de ma vie.
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Catherine Millet
Tribune sur “la liberté d'importuner” :
Catherine Millet persiste... malgré tout 3

“Vous n’avez jamais dragué dans un train ?”

Vous dites ne pas vous reconnaître dans « ce féminisme qui prend le visage d’une
haine de la sexualité », opposant de façon caricaturale hédonisme et puritanisme.
Pourquoi ces femmes qui se soulèvent contre les agressions des hommes ne seraient elles pas capables d’avoir une vie sexuelle épanouie lorsque celle-ci est consentie ?
N’est-ce pas le comble de la liberté sexuelle que de décider qui a le droit ou non
d’accéder à son corps ?
Bien sûr que je suis pour que les rapports soient consentis. Mais à quel moment dit-on
«oui» ? L’instant où les désirs ou les non-désirs se rencontrent est tellement trouble !
Où mettre la frontière entre baiser volé ou non volé ? Vous n’arriverez jamais d’une
manière nette à tracer la limite entre le désir de deux personnes. Ces gestes sont
souvent l’expression maladroite de gens timides qui ne savent pas y faire…
Les hommes incriminés, Harvey Weinstein en premier lieu, n’ont pas vraiment le profil
d’hommes « timides qui ne savent pas y faire »…
Je ne parle pas de lui, mais de ceux qui peuvent toucher le genou de leur voisine dans le
train. Vous n’avez jamais dragué dans un train ?
Mais poser sa main sur le corps d’une inconnue dans le train, ce n’est pas de la drague,
il n’y a aucun contexte de séduction ni aucune interaction antérieure.
Il n’y a pas forcément besoin d’interaction, vous savez. Il suffit parfois de regards.
Essayez ! Une aventure éphémère dans un train, c’est très agréable.
Ne croyez-vous pas, comme Simone de Beauvoir, que de l’émancipation des femmes
naîtra, entre hommes et femmes, « des relations charnelles et affectives dont nous
n’avons pas idée » ?
Mais ce mouvement va à l’inverse de l’émancipation des femmes. On est revenu au XIXe
siècle.
Vous avez affirmé que vous regrettiez beaucoup « de ne pas avoir été violée, pour
prouver que du viol, on s’en sort ». Quel est l’intérêt d’une telle déclaration ?
Je l’affirme pour dire que la société est organisée de telle sorte qu’elle n’aide pas les
femmes violées. On fait croire aux victimes qu’aller au tribunal va les aider. Mais en les
poussant au procès, en leur faisant revoir leur agresseur et se remémorer les faits, on ne
les fait que souffrir davantage et on les enferme dans leur situation de victimes. Dans La
Cité de Dieu, Saint Augustin dit que les femmes n’ont pas à rougir d’un crime commis sur
elles et pas avec elles. Il n’y a pas à avoir honte.
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