Citations de Charles Exbrayat (868)
Il est exact que je suis une de ces femmes que l’on moque ou dont on a pitié parce qu’elles n’ont pas su garder leur compagnon. Sam était un coureur quand je l’ai épousé. J’ai cru sincèrement que je pourrais le corriger Car il m’aimait… Je continue à penser qu’il m’aime toujours, mais il éprouve une véritable fringale dès qu’il voit une jolie fille. C’est plus fort que lui. C’est plus fort que tout.
La poisse, elle a bon dos ! l’incurie, oui ! l’amateurisme, sous prétexte que le bonhomme à faire disparaître est une cloche, on néglige les précautions les plus élémentaires et voilà le résultat !
Un tueur de qualité devant être sans cesse disponible et en possession de tous ses moyens...
Il est difficile d’admettre que la disparition d’une demoiselle de quinze ans ne soit signalée ni par ses parents, ni par ses amis, ni par ses professeurs, parce qu’enfin, si elle n’est pas un pur esprit, la petite doit vivre quelque part ?
Quand on a un œil qui décèle à dix mètres une trace de poussière, ou un mouton réfugié dans l’ombre, il est facile de surprendre les sentiments d’autrui.
Les plus sages répétaient que ce n’était pas seulement en changeant les hommes qu’on viendrait à bout d’une crise qui, jour après jour, augmentait la liste des faillites et multipliait le nombre des chômeurs dont la masse composait une menace latente pour n’importe quel gouvernement. Les plus inquiets assuraient que les appels harmonieux de Lamartine, pas plus que les promesses généreuses mais irréalistes de Ledru-Rollin, ou les prophéties de Garnier-Pagès ne rendraient à la France l’équilibre qu’elle venait à nouveau de perdre.
– La République !
– Vous croyez que ça changera quelque chose ?
– Y aura plus de pauvres ! Tout le monde dans le même panier ! Le droit de vote pour tous !
À quoi bon détromper la fillette ? D’abord, elle ne la croirait pas, ensuite pour quel motif l’empêcherait-elle d’ajouter foi à l’existence de Riquet à la houppe ou du Petit Chaperon rouge ? Ce serait une mauvaise action car une enfance désertée par les fées est une enfance triste. Elle se promit, cependant, de désintoxiquer peu à peu Charlotte de la Désirade, au fil des années, au fur et à mesure que son bon sens s’affirmerait.
Elle n’aimait pas les défaites. Ayant eu son enfance bercée par le récit des victoires napoléoniennes, d’instinct elle détestait ceux qui se heurtaient à l’armée dont elle gardait le culte.
On aura, enfin, la République et on sera heureux ! Finie la misère ! Terminé le travail forcé ! Les patrons devront se soumettre ! On vivra autrement que des bêtes de somme ! L’égalité et la justice pour tous, les pauvres et les riches auront les mêmes droits !
La fille d’Armandine vivait des moments difficiles. Comme beaucoup, elle s’aigrissait de n’avoir pas eu ce qu’elle estimait lui être dû. De ce fait, elle nourrissait une rancune tenace contre tout le monde et personne. Ne pas pouvoir notamment rendre quelqu’un responsable de ses échecs la déprimait. Pour expliquer sa paresse, son incapacité à entreprendre quoi que ce soit, elle préférait imaginer de vagues complots tramés par on ne sait qui et ayant son seul malheur pour but.
Ils ne comprennent pas !… Ils sont prisonniers de haines qu’on leur a enseignées… et puis, ils craignent tellement pour leurs sous…
On écoutait le prêtre sans trop prêter attention à ses paroles. Pour la plupart des fidèles, les prêches faisaient partie du rite dominical et on ne s’efforçait absolument pas de comprendre des mots qu’on entendait sans en saisir le sens. Les grosses chaussures raclaient le dallage, tant on était impatient de sortir et de bavarder sur la petite place, à l’ombre de l’énorme « Sully » qui, avec ses branches, en occupait tout un côté. Les plus vieux, assoupis, se perdaient dans des songes où ils étaient toujours jeunes et véloces.
Aujourd’hui nous célébrons l’amitié, l’affection du Seigneur… Souvenez-vous ! Il a envoyé le Saint-Esprit aux apôtres pour les éclairer sur ce que devaient être leur attitude, leur enseignement afin de ramener le plus d’ouailles possible dans le troupeau du Père. C’est pourquoi nous sommes certains de ne jamais nous tromper si nous écoutons et suivons ceux que le Seigneur nous a offerts pour guides.
Dans ces villages de montagne qui vivent un peu en dehors du temps, il n’y a que les nouvelles du journal rapportées par ceux ou celles sachant lire, ou bien ce que racontent les passants, pour créer de petites aspérités dans des existences monotones. Ces petites aspérités servent à ceux qui ont de la mémoire pour fixer leurs souvenirs. Ainsi le mois de mai dont nul ne peut prévoir si les saints de glace y exerceront ou non leurs coupables actions. Malgré les méfiances ancestrales, on se laisse toujours prendre.
On avait beau savoir que le printemps reviendrait obligatoirement, on ne pouvait s’empêcher de penser : et s’il ne revenait pas ? La perspective de jours sans soleil, sans lumière, faisait vivre aux plus naïfs de véritables agonies.
Il est plus facile d’aimer les morts que les vivants.
La jeune veuve avait sombré dans une religion où la foi tenait moins de place que la superstition. Au vrai, elle aimait son mari mort beaucoup plus qu’elle ne l’avait chéri de son vivant.
— Il faut le comprendre, Santo, il est malheureux !
— Ma qué ! Ce n’est pas une excuse ! Si l’on devait ennuyer toutes les filles qui se marient sous prétexte qu’on les aime et qu’elles ne vous aiment pas…
Je ne suis pas ivre, mais seulement heureux… Les effets sont à peu près les mêmes, non ?