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Critiques de Charlotte Perkins Gillman (108)
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Herland

Cette utopie féministe datant de 1915 est à découvrir en tant que telle, c'est à dire davantage comme un récit fictif de voyage inspiré de l'Utopie de Thomas More plutôt que comme un roman de Science-fiction qui décrirait une communauté de femmes ayant banni les hommes de leur société.

Pour Charlotte Perkins Gilman, qui est davantage sociologue que romancière, il s'agit de démontrer, par le biais de trois voyageurs masculins, que des femmes peuvent parfaitement subvenir à leurs besoins, et même créer une société exemplaire en recourant à la parthenogenese pour se reproduire. Tout l'enjeu de ce récit est donc de pointer les défaillances d'une société patriarcale inapte à assurer le bonheur de chacun et un développement harmonieux de la civilisation.



Certes, la démonstration est parfois lourde et le ton très didactique. Mais la critique est pertinente et la perfection de Herland, en ce qui concerne les relations interpersonnelles et le bien-être de tous, creuse évidemment le fossé entre les deux sociétés. L'auteure parvient ainsi habilement à interroger le lecteur sur l'origine de ces différences et de ces échecs, qu'il est aisé d'imputer à un fonctionnement trop inégalitaire.

La surprise vient également de la réflexion écologiste menée par ces femmes: elles respectent profondément la nature, soutiennent sa diversité et élaborent des techniques de permaculture très développées. Elles sont végétariennes, ont abandonné l'élevage et planté des forêts comestibles. La rationalisation des espaces de culture est même menée conjointement avec une réflexion esthétique de manière à préserver la beauté de la nature. En 1915, ces réflexions progressistes sur l'agriculture sont passionnantes tout comme celles sur l'éducation des enfants, inspirées des travaux de Maria Montessori.



Il est vrai que, sous d'autres aspects, le récit porte la marque de son temps.

On peut ainsi lui reprocher d'élever la Maternité au rang d'objectif suprême, mais c'est malgré tout ne pas voir qu'il s'agit d'une autre maternité que celle que nous connaissons. Il ne s'agit pas de prôner l'épanouissement dans l'éducation des enfants , puisque la plupart des mères n’éduquent pas leur propre enfant dans cette société, mais de travailler à l'éducation d'une génération qui vise à la perfection.

Cet objectif va de pair avec une idéologie nettement plus redoutable. Vouloir l'amélioration de la race humaine, concept à la mode à l'époque, conduit tout droit à l'eugénisme, pratique utilisée pour limiter la population et n'en reproduire que les meilleures.



Charlotte Perkins Gilman était une femme engagée, nièce d'Harriett Beecher Stowe, et elle connut une dépression post partum après la naissance de sa fille. A cette époque, maris et medecins preconisaient l'abandon de la lecture, pratique dangereuse pour des femmes trop fragiles... Fort heureusement, elle divorca et voulut prouver aux hommes que des femmes trop fragiles étaient capables de créer une société bien supérieure à celle des hommes... Et ce livre en fait le récit.
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Herland

Herland, pays reculé aux confins d’une forêt…

Ses habitants ?? Uniquement des femmes. Belles, musclées, intelligentes, sages, créatives et bien d’autres choses encore…

3 hommes vont s’aventurer dans cette contrée, connue uniquement des quelques sauvages habitant la région.

Ils vont découvrir un monde merveilleux de beauté, d’inventivité, de sagesse, de travail, de force… Mais est-ce possible sans hommes ? Bien sûr que non voyons ! La femme est faite pour être à la maison et élever les enfants.

Inconcevable et difficilement compréhensible dans ce pays où ces Femmes (oui avec un F majuscule) ont poussé leur pouvoir jusqu’à être parthénogénétique. Oui, elles procréent sans hommes et en plus uniquement des filles !

Outre le fait qu’on retrouve dans ce roman une belle utopie sur un pays où tout le monde vit heureux, en harmonie, loin des maladies, des guerres, c’est surtout un roman sur la condition féminine, l’ultra domination par les hommes de notre société, la vue masculine étriquée sur les possibilités, l’intelligence de la femme !

Ce livre, pourtant écrit en 1915, est encore tout à fait d’actualité et décrit très bien la position des hommes et des femmes dans notre société moderne (enfin… qui se croit moderne !).

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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Écrit à la fin du 19e siècle, ce court roman a fait l’objet de plusieurs traductions en français : vous pouvez aussi le retrouver sous le titre un peu moins énigmatique “La séquestrée”. Charlotte Perkins Gilman s’est inspirée de sa propre expérience pour raconter un moment de vie d’une jeune femme, qui vient d’accoucher mais ne se sent pas bien. On parlerait aujourd’hui de dépression post-partum, un terme qui n’existait pas à l’époque. Tout comme l’autrice, la narratrice est contrainte de rester allongée et de ne rien faire de ses journées, pour se reposer. Au lieu de l’amélioration escomptée, cet immobilisme forcé la fait se sentir de plus en plus mal, jusqu’à devenir obsédée par l’horrible papier peint jaune de la chambre qu’elle occupe…



Dans un style d’écriture tout à fait actuel, l’autrice décrit avec brio une plongée dans la “folie”, même si je n’aime pas trop ce mot. La narratrice ne distingue plus la réalité de son imaginaire, dort de moins en moins, ne fait plus confiance à personne et culpabilise pour ce petit être dont elle n’arrive pas à s’occuper. L’édition de @tendancenegative , où le papier peint prend progressivement toute la place et où chaque page se découvre peu à peu (elles doivent être coupées par le•a lecteur•rice) donne encore plus d’ampleur à l’aspect “thriller” de ce texte, à la fois fascinant et terrifiant. A noter : le médecin qui avait conseillé à l’autrice de ne plus écrire pour aller mieux n’est jamais revenu sur ses propos…mais a finalement changé de prescriptions auprès de ses patientes après la parution de ce livre. Merci Charlotte ! 💪
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Herland

J'avais entendu parler de cette utopie par une booktubeuse que je suis régulièrement. Ce roman est perçu comme le premier - ou l'un des premiers, cela serait plus juste - roman féministe (de science-fiction féministe pour être exact). Lorsque l'on regarde de plus près les éléments biographiques de Charlotte Perkins Gilman, on en comprend davantage les raisons, non seulement par son implication dans le mouvement des suffragettes (et elle est aussi une descendante de Harriet Beecher Stowe, et vient d'une lignée d'abolitionnistes et de féministes) mais aussi par sa vie privée. En effet, le père de Charlotte Perkins Gilman a abandonné sa famille quand il a compris que son épouse ne pourrait plus avoir d'enfant, ce qui a laissé la jeune Charlotte songeuse quant au mythe autour de la famille, notamment la place de la femme dans le foyer puisque sa mère a dû subvenir à leurs besoins, rôle dévolu au père dans la société du 19ème siècle. D'autant que ce sont les femmes de la famille de son père qui ont aidé sa mère à élever les enfants. Ayant été éduquée, la jeune Charlotte se destine à une carrière littéraire, on ne parlait de carrière à l'époque que pour les femmes célibataires. Or, elle s'est mariée une première fois, a eu une fille, s'est enfoncé dans la mélancolie. Le médecin, soutenu par le mari, préconise alors qu'elle arrête d'écrire, et de lire, car c'était ces activités qui la mettaient dans tous ses états... Après plusieurs mois, elle et son mari se séparent d'un commun accord, Charlotte reprend sa liberté, et sa liberté de penser et d'écrire.



Herland s'inscrit donc naturellement dans ce processus: il s'agit de montrer, par le biais d'un narrateur masculin, que les femmes peuvent se suffire à elles-mêmes, que, finalement, les femmes n'ont pas besoin des hommes pour subvenir à leurs besoins, et même pour procréer. Scandale bien évidemment... L'auteure nous raconte ici l'aventure de trois hommes, qui représentent chacun un pan de la société patriarcale, du Masculin, au pays des femmes.



A bien des égards, ce roman est assez instructif sur le comment et le pourquoi d'une telle société, il pourrait s'apparenter à une étude sociale de cette époque, presque un essai qui préconiserait des solutions.

A contrario, je trouve également que le roman à un poil mal vieilli, une réécriture - et une traduction - plus moderne pourrait le rendre plus accessible et attractif.



En bref, un roman intéressant dans l'ensemble, original et moderne pour l'époque, mais qui mériterait d'être préfacé (peut-être l'est-il dans une autre édiction que la mienne) pour les lecteurs d'aujourd'hui.
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Encore un classique, de la littérature américaine cette fois-ci, que j’aurais du lire depuis longtemps vu la claque qu'il constitue!

Une jeune femme malade des nerfs dans une belle maison louée pour quelques semaines, ça commence comme un roman policier d'Agatha Christie....mais ici, on est pas dans un polar, mais dans une dénonciation sans fard de la place de la femme dans la société et il n'y aura pas de Miss Marple, et officiellement pas de crime. En tout cas pas d'après la société. Car si ce si gentil mari tient sous clé sa jeune femme, c'est pour son bien. S'il l'empêche d'écrire, c'est pour son bien. Si elle n'a pas le droit de voir des gens, c'est pour son bien, et la liste continue.

Partiellement autobiographique, La séquestrée est un magistrale cri de révolte pour toutes celles que le monde a tenté de rendre folles parce qu'elles ne rentraient pas dans le moule.
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Herland

Célèbre intellectuelle féministe du tournant du XIXème au XXème siècle, Charlotte Perkins Gilman est l’auteure d’une oeuvre prolixe composée de nombreux romans, nouvelles, poèmes, essais et articles, publiés entre 1888 et 1935. En 1909, elle lança seule son propre mensuel, baptisé The Forerunner, dans lequel parut pour la première fois en 1915 et sous la forme d’un feuilleton, son utopie la plus célèbre, Herland. Le texte n’est paru sous forme de livre qu’en 1979, au moment où l’œuvre de Gilman était redécouverte. Il est pour la première fois traduit cette année en français aux éditions Books.



Sous des allures au départ de simple fiction, Herland bascule rapidement dans le registre de l’utopie. Dans celle-ci, Gilman imagine un monde dans lequel le féminin est l’unique et peut se passer du masculin grâce à la parthénogenèse. Présenté comme un pays propre, dépourvu de violence, libéré des conflits, de la peur et de la maladie, Herland offre à Gilman le cadre parfait pour développer ses réflexions d’une société idéale. Dans ce lieu à la beauté ordonnée, les normes reconnues sur ce que sont le « masculin » et le « féminin » n’existent pas. Découpé en douze chapitres, ce texte percutant permet à son auteure d’exposer ses théories concernant la maternité, l’éducation des enfants, et les rapports entre hommes et femmes.



En mettant en exergue les incohérences de la société patriarcale, Gilman questionne les rapports et les interactions entre hommes et femmes. Face aux trois explorateurs, les herlandaises se montrent particulièrement enthousiastes à l’idée de pouvoir comparer leurs deux mille ans d’histoire et d’étudier les différences entre leur propre peuple composé exclusivement de femmes et la société mixte de leurs hôtes. Car à travers leurs questions a priori naïves, elles parviennent bientôt à ébranler sérieusement les croyances les plus solides du narrateur quant aux fondements et au bien fondé des valeurs de la société des hommes. Au cours de leurs échanges, Van et son hôtesse confrontent leurs visions sur de multiples sujets, tels la religion, la mort, le travail, les traditions… En soumettant sa pensée patriarcale à un angle de vue externe et dépourvu de préjugés, le jeune homme remet bientôt en question les fonctionnements et les principes communément admis d’un système qu’il n’avait jusqu’alors jamais remis en cause.



A Herland, la maternité constitue l’institution fondamentale de la société, sous une conception qui transcende les liens biologiques. Les enfants sont la raison d’être du pays, et les femmes mettent toute leur énergie au service de leur avenir. Elles concentrent toutes leurs forces et leur intelligence à concevoir des plans pour atteindre leurs idéaux en matière d’éducation. Leur projet se résume en une question: comment oeuvrer à rendre chacun meilleure ? Historiquement, c’est dans l’intérêt de leurs enfants qu’elles développèrent plusieurs secteurs d’activités et organisèrent l’espace. Confrontées à une démographie galopante, elles durent cependant bientôt trouver une solution au problème de surpopulation qui aurait eu pour conséquence une baisse de la qualité de la vie. Refusant la compétition et la « lutte pour la vie » tout autant que le colonialisme, elles décidèrent de réguler leurs naissances et de ne plus se reproduire, sacrifiant leur maternité pour leur pays. Car pour les habitantes de Herland, l’amour maternel irradie de bien des façons, et les femmes qui n’ont pas d’enfant peuvent trouver un réconfort en prenant soin de ceux qui sont déjà là.



Si à Herland, la maternité, entendue comme le fait de porter un enfant, est accessible à chacune, l’éducation de l’enfant est en revanche un art réservé seulement aux plus compétentes. Dans cet esprit, le soin aux bébés, qui participe de l’éducation, est donc confié aux « plus capables ».



Puisant dans le mythe des Amazones, Gilman charpente une utopie passionnante dans laquelle les rapports de force se trouvent inversés, au service d’un discours féministe et engagé. Dans Herland, Gilman imagine une société sans hommes dans laquelle les femmes se reproduisent par parthénogenèse. Plus que d’imaginer un mode de reproduction alternatif permettant aux femmes de se passer totalement des hommes, Gilman créée dans son livre une société où la sexualité est totalement absente.



Avec l’arrivée de ces voyageurs, les habitantes voient l’occasion de rétablir la bisexualité à Herland. Après plusieurs mois passés à les étudier, les observer et les évaluer, elles envisagent la réintroduction des hommes et d’une reproduction sexuée normale. Mais pour les Herlandaises, l’acte sexuel reste indissociable d’une volonté de procréation.



Le mariage des trois explorateurs à trois des habitantes permet à l’auteure de développer ses opinions concernant cette institution et d’affirmer son point de vue concernant la nécessité de discipliner l’instinct sexuel. Ancrée dans la morale victorienne, Gilman expose une vision de la sexualité uniquement procréatrice. Après avoir tenté de violer son épouse, Alima, Terry est finalement chassé de Herland. En voulant prendre par la force la jeune femme qui se refusait à lui dans la mesure où son but n’était pas la reproduction, Terry a commis la transgression ultime des règles régissant la société herlandaise. Son acte symbolise au demeurant la concrétisation de ses intentions prédatrices (latentes depuis le début du récit) et de sa volonté de domination qui caractérisent son personnage phallocrate.



Selon Gilman, la féminité exacerbée et l’hypersexualisation des femmes du XXème siècle ne s’explique pas par la nature ou des causes biologiques mais par l’environnement économique, social et culturel dans lequel elles vivent. Parce qu’elles sont économiquement dépendantes des hommes, les femmes doivent sur-développer leurs caractéristiques féminines au dépens d’autres caractéristiques universelles. Van, le narrateur, prend progressivement conscience que sa vision de la place de la femme n’est en réalité qu’une construction culturelle.



Herland est donc un texte qui vaut surtout pour ses thèses avant-gardistes au regard de l’époque où il fut rédigé. Gilman y avance des réflexions novatrices pour son temps sur certaines questions, telles que le rapport à la nature, la féminité, l’éducation des enfants (où elle prône le recours à des méthodes pédagogiques alternatives et innovantes pour l’époque, à l’instar de la méthode Montessori) et l’éloge du partage des connaissances. Elle oppose en particulier l’esprit de compétition (la société américaine) à celui de coopération (Herland), qui constitue selon elle la clé de l’évolution humaine et du progrès.



Si certaines réflexions lancées par l’auteure apparaissent incroyablement visionnaires pour son époque, d’autres au contraire, témoignent aujourd’hui d’un regard éculé et d’une conception datée à l’égard de certains sujets. Dans sa vision de la différence des sexes, Gilman semble opposer de façon binaire une énergie masculine violente et portée à la destruction à une énergie féminine maternelle et conservatrice. En filigrane de sa démonstration se dessine par ailleurs une société où les individualités sont sacrifiées au nom du bien collectif. La maternité constitue pour ces femmes le seul engagement personnel, tout le reste s’inscrivant dans un projet commun. A Herland, tout est fait au service du pays et de l’amélioration de la « race ». Impossible aujourd’hui de ne pas tiquer devant cet éloge d’un certain eugénisme, ni d’occulter les sous-entendus racistes qui ponctuent l’oeuvre. Bien que marquée par son temps par certains aspects, Herland, n’en reste pas moins, cent ans après sa rédaction, une oeuvre globalement étonnamment moderne, qui force l’admiration et mérite qu’on s’y intéresse. Considéré comme un roman culte, il occupe par ailleurs une place centrale dans la littérature féministe américaine.



Première partie de sa construction utopique, Herland sera suivi en 1916 de la publication de With Her in Ourland, suite bien moins connue, dans laquelle l’auteure délivre pourtant certaines clés de compréhension de son oeuvre et de sa pensée, étoffant encore davantage sa réflexion. Espérons donc qu’une traduction française de ce second volet arrive prochainement, afin de permettre aux lecteurs francophones de découvrir encore un peu plus la production d’une auteure injustement tombée dans l’oubli.



Retrouvez mon avis complet ainsi que des extraits sur mon blog.
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Benigna Machiavelli

original, féministe, avec un personnage féminin très intéressant et très moderne ! j'avais bien aimé ce roman, lu il y a quelques années !

A découvrir
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Publié aux USA en 1890, "La Séquestrée" est une nouvelle de l'écrivaine américaine Charlotte Perkins Gilman, auteure d'une dizaine de romans et essais et de plus de 180 nouvelles.



En attendant la fin des travaux de leur future demeure, un médecin et son épouse emménagent dans une maison de location en retrait de la ville. John, le mari, décide de les installer dans une ancienne chambre d'enfants, la seule pourvue de fenêtres grillagées.

Il faut dire que l'épouse souffre d'une maladie des nerfs pour laquelle le diagnostic de son mari préconise le repos et le renoncement à tout ce qui pourrait faire empirer son état. La fréquentation des amis est ainsi perçue comme dangereuse et toute activité intellectuelle, à commencer par l'écriture, se veut sévèrement proscrite.

Cloitrée dans cette chambre qui lui refuse le sommeil, l'épouse développe une obsession autour du papier peint jaune cramoisi qui orne les murs. Bientôt s'en dégagent des formes étranges dont elle est bien décidée à percer le secret.



J'avais entendu parler de cette nouvelle chez George et si j'étais bien décidée à me la procurer, je me demandais comment je réussirais à acquérir cet ouvrage qui n'est plus édité.

C'était sans compter sur le hasard d'une visite dans l'une de mes cavernes d'Ali-Baba (comme j'aime les bouquinistes !).

Voici une nouvelle plutôt courte mais pas moins représentative de la condition des femmes en cette fin de 19ème siècle ouverte à la modernité tant qu'elle n'incluait pas l'émancipation féminine.

La brillante postface de Diane de Margerie, très justement intitulée "Ecrire ou ramper", nous instruit de ce qu'étaient les moeurs de l'époque et des possibilités restreintes qui se voyaient offertes aux femmes.

Impossible pour elles de concilier carrière et mariage. La première option, pourvu qu'elle soit financièrement réalisable, engendrait une telle pression sociale qu'il fallait bien finir par céder à la seconde, avec les terribles conséquences que cela engendrait.

Réduites à leurs rôles d'épouse et de mère, astreintes à l'accomplissement de leurs devoirs conjugaux, nombreuses furent ces femmes à se soustraire de leur condition pour se réfugier dans ce qui fut qualifié de "neurasthénie".

Se heurtant à l'incompréhension des hommes, culpabilisant de ne pouvoir se satisfaire de ce que ceux-ci attendaient d'elles, elles se soumettaient toutefois à leur jugement, optant pour une passivité traduite en un repos forcé et espérant ainsi retrouver leur équilibre.



La paranoïa qu'engendre la vision de ce papier peint chez cette femme, séquestrée au sens matériel et psychique, trahit en réalité une révolte silencieuse présentée comme un combat intérieur au nom de toutes ces autres femmes qui comme elles rampent à même le sol, renoncent à l'imagination créatrice, subissent le manque de liberté inhérent à leur condition.

"La Séquestrée", débarrassée de son ton volontairement naïf, fait état d'une folie foncièrement lucide, réinterprétée et encadrée de façon pernicieuse par le genre masculin.

Cette nouvelle qui fait largement écho à la vie de l'auteure renvoie également, comme nous le rappelle la postface, aux destins de ses contemporaines Alice James (soeur d'Henry) et Edith Wharton qui avait également régulièrement recours aux visions fantomatiques (Le Miroir, Ethan Frome) pour permettre à ces héros d'accéder à une vérité que leur refuse le monde extérieur.

"La Séquestrée" ou l'histoire d'une femme et de bien d'autres qui se débattent dans l'existence et partent à la rencontre d'elles-mêmes.

Si tout comme moi vous avez la chance de croiser cet ouvrage délicatement subversif, ne le laissez surtout pas filer !
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

La Séquestrée est une incroyable nouvelle, qui dresse une ambiance et une intrigue à la fois fascinante et terrifiante en très peu de pages, laissant le lecteur avec une histoire qui le hante et le fait réfléchir longtemps après l'avoir terminée.



La Séquestrée possède une atmosphère délicieusement gothique : une héroïne prisonnière d'une demeure, un papier peint qui semble vivant (et qui donne son titre à la nouvelle en VO), une folie dont on ne sait si elle est réelle ou supposée... L'intrigue est par ailleurs très intéressante dans sa manière de dépeindre la paranoïa et la folie d'une personne mais surtout dans ce qu'elle nous apprend de la manière dont on traitait les femmes à la fin du XIXe siècle, notamment celles qui étaient considérées comme souffrant de dépression. La postface de La Séquestrée (écrite par Diane de Margerie et quasiment aussi longue que la nouvelle en elle-même) est d'ailleurs très intéressante sur ce point : on en apprend plus sur la vie de Charlotte Perkins Gilman et ses combats féministes, mais surtout sur le côté autobiographique de La Séquestrée, son impact sur les traitements que prescrivaient les médecins pour soigner la dépression et un parallèle avec les vies de Alice James (soeur de Henry James) et Edith Wharton. C'est vraiment passionnant et on a envie de relire une seconde fois La Séquestrée avec toutes ces informations en tête.



Pour revenir à la nouvelle, la fin est à la fois très frustrante (car un peu trop brutale à mon goût) et en même temps assez fascinante car on en ressort avec plein de questions et de théories en tête.
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Décidément, j'ai l'impression d'avoir une prédilection ces derniers temps pour les féministes américaines de la première heure. J'ai découvert [[Mary Eleanor Wilkins Freeman]] en fin d'année dernière, [[Susan Glaspell]] en mai dernier, et c'est maintenant au tour de Charlotte Perkins Gilman avec ce texte paru en 1892 qui m'a fait souvent penser au [Horla] qui lui est à peine antérieur et parfois à [La Métamorphose] qui elle est largement postérieure. On rapproche aussi souvent Gilman d'[[Edgar Poe]] et on voit dans son travail, et dans cette nouvelle en particulier, les prémisses du courant de conscience dont [[Virginia Woolf]] est une des grandes représentantes. Cela fait beaucoup de références littéraires, beaucoup d'influences réciproques, mais Gilman se montre à la hauteur de tous ces grands noms plus connus qu'elle.

Dans cette nouvelle, une femme jamais nommée tient son journal pendant les trois mois qu'elle passe avec son mari et son nouveau-né dans une demeure qu'ils ont louée. La femme est atteinte d'un mal qui lui non plus n'est jamais nommé, mais qui ressemble à une dépression, peut-être une dépression post-partum. Son mari médecin, dans son rôle d'homme protecteur et de scientifique lui préconise un repos absolu et une réclusion quasi carcérale. Logée dans l'ancienne nursery (quoi de mieux pour infantiliser quelqu'un ?), elle prend vite le papier peint jaune de la pièce en horreur. Passant tout son temps à observer ce papier peint honni, elle commence à s'y perdre, et sa dépression semble commencer à se transformer en hystérie comme on aimait le dire à l'époque. C'est donc une nouvelle qui montre le statut de la femme bourgeoise devant qui s'ouvrent deux voies : soit être une maîtresse de maison accomplie, soit être infantilisée et réduite au silence et à l'inaction.



Mais comme la version que j'en ai lue a été commise par les éditions Tendance Négative (le troisième en deux mois, les trois derniers publiés d'un catalogue qui compte à ce jour 7 titres), le texte bénéficie d'une mise en page particulière, avec un papier peint jaune dans lequel j'ai vu, caché sous les dessins de fleurs, des sortes de têtes de mort aux yeux plissés et au sourire sardonique, un papier peint qui envahit peu à peu la page comme il envahit la tête et les pensées de la narratrice. Et puis toutes les pages ne sont pas séparées, et toutes les 4 pages, il faut faire une pause dans la lecture pour couper les pages et découvrir ce qui se cache derrière, parfois un simple blanc, parfois la suite du texte. Il est facile de faire le parallèle avec la forme, puis la femme, que la narratrice voit derrière le papier peint : le lecteur passe d'un côté à l'autre et s'y perd comme s'y perd la narratrice. Et puis, fait notable, cela casse la lecture, ce qui renforce le côté « courant de conscience » du texte, avec des pauses parfois un peu aléatoires (un aléatoire très bien organisé par les éditeurs s'entend) comme quand on réfléchit à bâtons rompus.

Il n'est pas impossible de voir dans les lés de papier peint les barreaux d'une prison que le lecteur découpe et que la narratrice veut arracher. Dans les notes qui accompagnent le texte, il est aussi suggéré que le choix de la couleur du papier peint n'est pas anodin : jaune se dit yellow en anglais, yell low peut-être, quelque chose comme hurler tout bas peut-être ? Mais est-ce du lacanisme à la petite semaine ?

Toujours est-il que ce texte est encore l'objet d'interprétations contradictoires, tant c'est un texte qui reste ouvert et riche. A découvrir avec délectation, et un petit frisson, de préférence dans l'édition de Tendance Négative.
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Herland

Trois hommes américains débarquent dans un pays coupé du monde dans lequel tous les hommes ont péri plusieurs siècles avant. Ils sont les premiers hommes à découvrir Herland, une société pacifique, extrêmement bien construit et organisée, très respectueuse de son environnement. Un peuple uniquement de femmes qui se reproduisent par parthénogenèse.



Les trois jeunes hommes qui débarquent dans cet univers inexploré et inconnu, aux tempéraments forts différents découvrent alors une société paisible, solidaire, unie, fondée sur une conception de la maternité et de l'éducation. Un monde totalement irréel pour ces trois américains.



Charlotte Perkins Gilman profite de Herland pour mettre en avant les clichés de l'époque sur les rapports hommes-femmes., tout en faisant passer ses critiques sur des institutions telles que le mariage. Malheureusement, même si l'idée de départ me paraissait originale et voir audacieuse, mon ressenti est moindre, mi figue-mi raisin, du bon comme du moins bon : une écriture trop linéaire qui ennuie vite, le développement de l'intrigue qui peine, l'histoire se veut féministe mais qu'à moitié en fin de compte (peut-être à cause de l'époque), avec une pensée plutôt puritaine.



Publiées sous forme de feuilleton en 1915, les idées sont en phases avec l'époque, voilà peut-être pourquoi mon avis est mitigé sur ce roman. L'autrice élève la maternité au rang de religion, la femme se retrouve effacée au profit de l'éducation. Un monde utopiste certes car pas de violence, tolérante, écologiste mais un monde qui prône l'eugénisme et la diabolisation de l'homme.



Un roman intéressant dans son ensemble, original, moderne pour son temps mais au style professoral, qui rend le récit lent et lourd. "Herland" est étonnant, certains sujets sont brillants mais aussi dépassés, avec un grand manque de romanesque qui se termine par une fin abrupte.
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Herland

J'ai lu ce livre parce qu'il est vu comme un classique de la littérature américaine ayant inspiré un grand nombre d'auteures et de féministes outre atlantique. On découvre dans ce texte, Herland, un pays dont le peuple n'est composé que de femmes, se reproduisant par parthénogenèse. Trois hommes vont entrer à Herland, et c'est l'un d'entre eux qui nous fait le récit de ce qu'ils ont découvert.

Je ne vais pas le cacher, je me suis ennuyée tout au long de ma lecture. J'aurais voulu aimer beaucoup plus ce livre. Le sujet, l'auteure, tout devait me conduire à apprécier ma lecture, mais rien n'y faisait, les pages défilaient et je m'ennuyais toujours autant. Pour moi, c'est un classique qui a vieilli dans sa forme, dans son style, il est très didactique, on ressent aussi que c'est l'oeuvre d'une sociologue en premier lieu.

J'ai trouvé que ce texte manquait de romanesque, que les personnages masculins étaient trop stéréotypés, que la vision de la maternité comme épanouissement ultime de cette société était datée. Mais justement, l'intérêt réside aussi dans la découverte d'un texte écrit en 1914, dans un monde contrôlé intégralement par les hommes.

Et même je suis passée à côté de cette lecture, je salue l'idée de cette réédition.
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Ce petit livre d'à peine 70 pages se lit très très vite et est très agréable. Il comprend sept nouvelles : "The Yellow Wallpaper", "Three Thanksgivings", "The Cottagette", "Turned", "Making a Change", "If I were a man", "Mr Peebles' Heart".Toutes ces histoires ont une forte connotation féministe et se concentrent sur le statut inférieur de la femme à l'époque (dix-neuvième siècle). J'ai entendu parler de "The Yellow Wallpaper" dans mon cours de méthodologie et l'histoire m'a beaucoup intéressée, tellement que j'ai voulu voir à quoi ça ressemblait."The Yellow Wallpaper" est écrit à la première personne, et c'est en fait le journal d'une femme qui sombre lentement dans la folie. En lisant simplement l'histoire on ne peut pas le savoir, mais la protagoniste est tombée dans une dépression suite à son accouchement - et c'est exactement ce qui est arrivé à l'auteur. En fait cette histoire est autobiographique ; elle vise le docteur Weir, qui à l'époque avait prescrit à Gilman le repos complet (genre complet complet). C'est ainsi que l'héroïne de "The Yellow Wallpaper", gardée enfermée par son mari John, devient lentement folle et surtout obsédée par le papier peint jaune de sa chambre."Three Thanksgivings" suit Mrs. Morrison dans sa lutte pour garder sa belle et grande maison et pour repousser les avances de Mr Butt, qui veut la marier et racheter ladite maison. Femme forte et déterminée, Mrs Morrison parviendra à surmonter les difficultés sans l'aide de personne.Pour ce qui est de "The Cottagette", il s'agit en fait de l'histoire de Malda, une jeune artiste qui rencontre un homme qui semble trop bien pour être honnête ; une petite histoire rafraîchissante sur une jeune femme tiraillée entre ses obligations de la vie de tous les jours et son art qu'elle aimerait pratiquer plus souvent.Dans "Turned", Mrs Marroner se trouve trahie par son mari et décide de le laisser en plan pour aller s'installer ailleurs avec la servante, Gerta ; "Making a change" porte bien son nom puisque grâce à sa belle-mère et un peu de changement dans sa maison, Julia parvient à retrouver un équilibre dans sa vie."If I were a man" est à mon sens l'une des histoires les plus drôles de ce petit recueil : Mollie décide de prendre l'apparence de son mari Gerald pour se fondre parmi les autres hommes, et vous imaginez bien les conversations que la jeune femme surprend parmi la gente masculine, persuadée de sa supériorité. Quant à "Mr Peebles' Heart", la dernière nouvelle, un cinquantenaire décide de partir en voyage en Europe suite aux conseils de sa belle-soeur, avec des résultats vivifiants et libérateurs.Après cette petite vue d'ensemble, disons seulement que ce livre est vraiment une très bonne surprise, plein d'esprit et qui offre une vue imprenable sur les femmes de l'époque, de leurs relations avec les hommes, et dans tous les cas ce sont des femmes de caractère, des femmes fortes et indépendantes qui parviennent à se soustraire à l'autorité du sexe opposé.
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

- La Séquestrée -



Une nouvelle chamboulante exprimant la conditions des femmes aux XIX siècles. Cette nouvelle est à la fois terrifiant et révélateur, la plume qui est au narrateur interne nous met encore plus dans les pensées du personnages principal tout dans l'innocence. Ou le personnage principal fait complètement confiance a son mari John, médecin de renom qui lui indique une cure pour sa folie.



Au fils des pages, nous voyons que plus cela va, plus elle s'enfonce dans la folie à cause de son mari qui ne prends pas aux sérieux sa maladie mental qui est en faite de nos jours le post-patum. Une maladie qui n'avait pas de nom aux XIX siècles. Nous pouvons voir que les femmes n'avaient pas leur mots à dire et surtout que chaque maladie mentale on les prenaient pour une folle. Alors que le personnage principale n'a juste besoin une guérison approprié.



Foncer à le lire s'il vous plait !



Carlaines

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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Le papier peint jaune est une nouvelle de la fin du XIXème siècle. Ce recit nous montre comme une femme souffrant de dépression post-partum doit rester au repos pour guérir de sa mélancolie, de ses accès d'humeur et reprendre des forces. Pour cela son mari qui est médecin l'emmène dans une maison isolée. Dans la chambre qu'ils occupent, le papier jaune au motif d'arabesque va l'intriguer, l'oppresser et l'obséder.



Cette nouvelle dépeint comme une femme du XIXème devait se comporter, suivre quasiment aveuglément ce que décidait les médecins et leur mari. La place de la femme était de suivre leur directement même si ces dernières n'étaient pas de leur avis. Ce court récit est poignant car on y voit cette femme sombrer, devenir obséder par ce papier peint jaune qui la ronge et la consume petit à petit.

C'est une nouvelle forte. Ça se lit d'une traite et la syntaxe parfois heurtée, décousue se perd elle-même dans le papier jaune du livre.
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Cette courte nouvelle raconte l'histoire d'une femme, mise au repos forcé par son mari médecin, parce qu'elle ne se sent pas bien (dépression ? Baby blues ?) Elle rêve de sortir, d'occupations, mais Monsieur estime qu'il faut qu'elle se repose et qu'elle évite de se fatiguer.



Au fil des pages, on sent de plus en plus la pression qui monte à l'intérieur de la protagoniste, qui n'en peut plus d'être enfermée dans cette chambre au papier peint jaune, où se perdent des arabesques. Parce qu'elle ne peut rien faire et donc ne penser à rien d'autre, elle va développer une obsession pour ce papier, qu'elle cache dans ses écrits, réalisés en cachette. Ce qui la fait peu à peu tomber dans la folie.

J'ai bien aimé cette nouvelle que j'ai lu en français (peut-être que je commanderai la version originale un jour). C'est évidemment un livre assez étouffant, comme peut l'être huis clos. J'adore le thème, parce que tout ce qui touche à cette zone grise entre raison et folie me plaît toujours. Et c'est un livre surtout très actuel ; l'homme sait mieux qu'elle ce qu'elle ressent, parce que c'est un homme et parce qu'il est médecin. Il applique le traitement qui lui semble bon, se convainquant que c'est le bon, quand bien même son épouse tente d'expliquer qu'il lui apporte plus de mal que de bien.
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

En grande partie autobiographique, l'autrice féministe a condensé dans une courte nouvelle la lente descente aux enfers de la folie d'une femme souffrant de dépression post parfum. Le traitement médical de l'époque était l'aliénation total de tout désir et réve autre que celui d'être une épouse/mère/femme au foyer par un enfermement au grand air de la campagne ! Sous la surveillance d'un mari et du personnel de maison.



C'est très bien écrit, très explicite. On imagine aisément la femme immobile sur le lit, dans une chambre aux papiers peint jaune. Avec pour seule occupation de regarder ce fameux papier peint, de s'y identifier jusqu'à ne faire qu'un avec lui à force de contemplation.
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

La narratrice souffre d'une dépression post-partum qualifiée par son médecin de mari de "tendance légèrement hystérique". Il a évidemment une solution toute trouvée : le repos absolu dans une maison à la campagne. Quasiment cloîtrée dans sa chambre, l'héroïne développe une obsession pour le papier peint qui l'écoeure autant qu'il la fascine. Et si quelqu'un était enfermé à l'intérieur ?



J'ai enfin découvert ce classique de la littérature féministe. Alors que je suis relativement imperméable à la beauté des éditions (je souhaite juste que l'ouvrage ne se délite pas lorsque je tourne les pages), j'ai été soufflée par l'adéquation entre le fond et la forme : un motif jaune entêtant, des pages à découper (ou non) comme si on jetait un œil derrière ce papier peint, des lignes d'écriture brisées comme la pensée de la narratrice. On flirte avec le fantastique tandis que le piège se referme jusqu'à un climax brillant.

Ce livre réquisitoire contre l'enfermement et pour la prise en compte de la parole des femmes a littéralement sauvé des vies.
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La séquestrée (Le papier peint jaune)

⚜ La séquestrée, c’est l’histoire d’une femme qui devient folle après avoir accouché. Son mari est un éminent médecin, son frère aussi, elle est donc bien entourée. Ou trop entourée ? Le couple décide donc de louer une demeure ancestrale pour passer l’été et « guérir » la jeune mère, qui doit rester alitée dans une pièce, sans rien faire. Absolument rien.



⚜ Enfermée dans une chambre dont elle se méfie dès les premières heures, éloignée de son bébé dont elle ne peut s’occuper, la jeune mère se voit refuser jusqu’au droit d’écrire, toute activité intellectuelle se révélant potentiellement nocive et dangereuse. En se reposant ainsi, elle est censée retrouver goût à une vie normale, réglée par son rôle de mère, d’épouse comblée et de femme au foyer. Mais il y a ce papier peint jaune, au mur, qui l’intrigue de plus en plus. Arraché de part en part, avec des variations de couleur selon la lumière du jour, la narratrice semble voir des femmes derrière ce papier peint, des visages tantôt barricadés, tantôt aux yeux révulsés. Il semblerait que les femmes s’échappent de ce papier peint, la nuit, pour ramper dans l’immense jardin... Enfermée dans cette pièce, la narratrice n’aura plus qu’une seule obsession : libérer ces femmes (se libérer elle-même ?)...



⚜ Écrite en 1890, cette nouvelle, intitulée The Yellow Wallpaper (le papier peint jaune) dans sa version originale, est un chef d’œuvre de la littérature américaine. Profondément ancré dans une période de révolte féministe et largement inspiré de l’expérience de l’auteure, cette nouvelle pourtant courte renferme de nombreux éléments clés, révélateurs d’une époque en pleine restructuration, dont le patriarcat semble être le plus grand mal. Véritable preuve de l’asservissement des femmes cantonnées aux piliers de leurs vies que sont le mariage et la maternité, Charlotte Perkins Gilman dénonce ces mœurs normalisées et la neurasthénie qui en découle. Cette idée est largement visible lorsqu’elle décrit ces femmes qui rampent en s’échappant du papier peint : elles rampent, glissent sur le sol, n’ayant aucun moyen de s’élever, de transcender et dépasser le joug de leurs maris qui les cantonnent à leurs rôles dans le foyer (idée que l’auteure honnit au plus haut point).



⚜ Cette nouvelle est, comme je l’ai dit plus haut, largement et tristement inspirée de sa propre histoire, car l’auteure souffrit de “dépression nerveuse allant jusqu’à la mélancolie” pendant quelques années ; au cours de la troisième, en 1887, elle consulta le plus célèbre médecin du pays qui lui ordonna de rester alitée, et de ne consacrer que deux heures par jour à la vie intellectuelle, lui interdisant d’écrire ou de dessiner. Se rendant compte qu’elle frôlait la maladie mentale en se conformant à de telles injonctions, elle décida de reprendre finalement une vie normale, notamment en allant travailler, ce qui, selon elle, lui permit de retrouver un équilibre essentiel.



⚜ Si vous ne connaissez pas cette auteure, je vous la conseille ; la post face de l’édition est également riche et essentielle à la compréhension de cette fiction « violemment autobiographique ».

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La séquestrée (Le papier peint jaune)

Choisi dans le cadre du Challenge Plumes Féminines, La Séquestrée est un très court récit, une petite quarantaine de pages, écrit en 1890 par Charlotte Perkins Gilman qui s'est inspirée de son expérience de femme ayant vécu une dépression post-partum, un tabou à cette époque.

The Yellow Wallpaper a été publié pour la première fois en 1892, dans New England Magazine.

On attendait, de cette femme de médecin, en 1890, qu'elle s'épanouisse dans son rôle d'épouse, qu'elle s'épanouisse en devenant mère. Elle n'avait aucun contrôle sur sa vie, aucune autonomie.



On assiste à l'enfermement d'une femme que l'on exhorte à aller mieux comme si cela ne dépendait que de sa bonne volonté, que l'on empêche d'écrire alors qu'elle en ressent le besoin, dont on laisse la santé mentale se dégrader, en décidant pour elle, en l'infantilisant, en refusant d'entendre sa détresse. Une séquestration physique et mentale.



Le titre original est The Yellow Wallpaper et ce papier peint et ses motifs deviennent obsessionnels, symboles du rétrécissement de son espace de vie, de son espace de liberté alors qu'elle ne quitte guère le lit et la chambre, ce papier peint devient lentement, inexorablement, l'objet d'hallucinations.



Quelques pages du journal secret d'une femme qui rampe lentement vers la folie. Glaçant.



"John est médecin, et c'est là, peut-être – bien entendu je ne le dirai jamais à âme qui vive mais après tout ceci n'est que du papier mort et l'écrire soulage mon esprit - la raison pour laquelle mon état ne s'améliore en rien".



Ce choix pour l'item 30 "Un roman de moins de 300 pages" du Challenge Plumes Féminines 2024.
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