Citations de Christian Kracht (33)
Tsuyoshi Inukai, Premier ministre japonais, invite par porteur son fils Takeru Inukai, Charles Chaplin et Masahiko Amakasu à bien vouloir dîner avec lui dans sa résidence. Pour des raisons qui demeureront sans explication, Chaplin ne reçoit pas le message.
Quelques semaines après avoir envoyé film et lettre en Allemagne Amasaku s'était rendu en début de soirée, corseté dans son frac,à une réception donnée par la légation américaine en l'honneur du comédien mondialement connu Charles Chaplin, qui effectuait à ce moment-là un voyage de prospective au Japon avec son factotum japonais Toraichi Kono.
Des Allemands blafards, hirsutes, vulgaires, ressemblant à des cochons de terre, qui s'éveillaient lentement de leur somme digestif, des Allemands au zénith de leur influence dans le monde.
On n'aurait su dire ce qui était le plus affligeant, l'état de ma mère ou les croûtes pitoyables accrochées au mur à Zurich telle une farce encadrée.
On retourne à la voiture de Rollo. Sur le trajet, on revoit effectivement le hippie, celui qui a le crâne rasé et des chaussettes trouées sur le devant. Etendu par terre, la bouche ouverte, à côté d'une voiture en stationnement, il dort du sommeil profond du Valium. Il tient son sac à dos en fausse fourrure serré contre lui. Avec un sourire, Rollo déclare, maintenant il l'a, sa vérité pure. Je me dis que la plaisanterie n'est peut-être pas si bonne que ça, parce qu'il se pourrait qu'il ne se réveille plus. Il me semble parfois que Rollo a une certaine méchanceté.
Il ouvre la Porsche beige et on s'y installe. C'est une Porsche 912 de 1966, une Porsche, oui, donc au fond tout à fait injustifiable, par contre c'est la plus belle voiture de toutes celles qui sont garées là. L'intérieur n'a rien de la connerie Porsche habituelle, on se croirait plutôt dans une Coccinelle.
J'ai donc réservé une place sur un vol via Amsterdam, très tôt le matin. En traversant l'aéroport de Schiphol, cigarette aux lèvres, je me suis senti très aventurier. Je n'avais évidemment aucun bagage en dehors d'une petite valise en carton, et je me faisais l'effet d'être un fugitif, quelqu'un qui a détourné un gros paquet d'argent et prend le premier vol pour Montevideo, Dhaka ou Port Moresby. Un peu puéril, d'autant que je n'allais qu'à Mykonos. Mais personne n'était censé le savoir. Et je crois, maintenant que j'y réfléchis, que je comprends pourquoi Alexander a tellement couru le monde. C'est si glamour de bourlinguer dans des endroits bizarres où absolument personne ne vous connaît. Ni ne sait ce que vous cherchez. Ce n'est pas du tourisme. Ni un voyage d'affaires. Il n'y a tout simplement aucune bonne raison de se rendre dans des pays du tiers-monde, à moins de se livrer à une occupation qui n'existe plus du tout : l'oisiveté.
Il a soudain le sentiment d'avoir gagné en profondeur, il ne voit plus simplement la mer comme un élément purificateur, qui efface tout, il commence à saisir la peur que les profondeurs inspirent à Pandora, il comprend pourquoi en tant qu'individu il est une partie du tout mais, dans la totalité, rien d'autre qu'un infime fragment de corail qui, au fil des millions d'années, se fait broyer et transformer en sable éphémère à la périphérie la plus extrême de la perception du monde.
Engelhardt n’adhérait pas à cette mode naissante de la diabolisation du Sémite que l’épouvantable Richard Wagner avait sinon inventée, du moins rendue présentable par ses écrits et sa drôle de musique ampoulée
Si, par moments, on ne peut s’empêcher d’établir des parallèles avec un compatriote plus tardif, lui aussi romantique et végétarien, qui aurait peut-être préféré rester devant son chevalet, ceci est tout à fait voulu et d’une judicieuse cohérence
Le chef local tint absolument à consommer en dessert l’oreille bien croustillante du missionnaire, rôtie sur une pique en bois
Le cocovorisme nudiste est la volonté de Dieu. La pure diète de coco rend immortel et unit à Dieu
le jeune August Engelhardt de Nuremberg, barbu, végétarien, nudiste
Pour illustrer cette période, on racontera l'histoire d'un Allemand, un romantique qui, comme tant d'autres de son espèce, était un artiste contrarié et si, par moments, on ne peut s'empêcher d'établir des parallèles avec un compatriote plus tardif, lui aussi romantique et végétarien, qui aurait peut-être préféré rester devant son chevalet, ceci est tout à fait voulu et d'une judicieuse cohérence "in nuce". Pour le moment, toutefois, celui-ci est encore un gamin boutonneux, bizarre, qui se prend d'innombrables baffes de son père. Mais patience : il grandit, il grandit.