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Citations de Christian Kracht (33)


On n'aurait su dire ce qui était le plus affligeant, l'état de ma mère ou les croûtes pitoyables accrochées au mur à Zurich telle une farce encadrée.
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A vingt-cinq ans en effet, j'avais, me souvenais-je, décidé d'écrire un roman à la première personne, où je ferais croire à moi-même et au lecteur, que je venais d'une bonne maison, que j'avais souffert de négligence affective et que j'avais quelque chose d'un snob autiste. Peut-être aussi ce roman était-il censé être une affectueuse caricature, avec une part de romantisme allemand, comme dans les 'Scènes de la vie d'un propre à rien' d'Eichendorff, et un zeste d'humour français, comme dans le 'Candide' de Voltaire. Le narrateur, c'est-à-dire moi, aurait une prédilection pour les Eagles, j'avais repris ça de Bret Easton Ellis. Cela m'avait beaucoup, beaucoup impressionné à l'époque, parce que moi, c'est-à-dire le vrai moi, je trouvais les Eagles épouvantables, moi qui portais des jodhpurs, des cheveux teints au henné, un trait de khôl sous les yeux, de la poudre Airspun Soft de Coty sur la figure, qui fumais des Sobranie, et ce n'était pas seulement les Eagles que je trouvais épouvantables, mais aussi ceux qui les appréciaient.
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Ne voulant pas perdre le contact avec elle ni céder à un état de résignation ou de désespoir, j'avais finalement décidé d'aller la voir tous les deux mois. Oui, j'avais décidé d'accepter tout bonnement la détresse dans laquelle ma mère végétait depuis des décennies, dans son appartement, entourée de bouteilles de vodka vides roulant sur le sol, de factures non décachetées envoyées par les divers fournisseurs de zibeline zurichois et des emballages en plastiques crépitants de ses boites de calmants.
Or là, elle m'avait contacté elle-même et demandé de venir, alors que d'habitude elle attendait toujours que je fasse mon apparition, à ce rythme bimestriel, à Zurich. La plupart du temps, elle voulait que je lui raconte une histoire. Son appel téléphonique m'avait rendu, comme je l'ai dit, encore plus nerveux que ne le faisaient déjà ces visites, parce qu'elle avait une idée derrière la tête, elle avait soudain le dessus, cela venait d'elle en quelque sorte, alors que d'ordinaire elle gardait le silence et attendait.
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Christian Kracht
L’ésotérisme constitue une partie de l’histoire culturelle propre à la langue allemande. Cela apparaît au XIXe siècle autour des idées bizarres de Rudolph Steiner, de Mme Blavatskyet d’autres. A partir de là s’ouvrent deux types de chemins. Le premier est celui de Steiner, c’est le bon. L’autre, celui d’Ahriman, le côté du mal, est celui de Hitler. En Suisse, l’ésotérisme a pris une forme plus aimable autour du Monte Verita, de C. G. Jung, etc. Récemment je me suis rendu à Bâle pour l’anniversaire du chimiste Albert Hofmann , qui n’est autre que l’inventeur du LSD !  Ce pays est bien plus intéressant qu’on ne le croit.
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Christian Kracht
Ma femme me reprochait de ne jamais écrire de roman dans lequel une femme jouait un rôle important. Je me suis décidé à écrire… sur ma mère, laquelle dans la réalité était une femme très malade, alcoolique et dépendante des cachets. J’ai tenté de me rapprocher d’elle en créant une mère fictive. La vraie est morte peu de temps après l’achèvement de mon livre – de toute façon, elle n’en lisait pas. Et la mère imaginaire, bien plus intéressante que l’autre, a fini par la remplacer.
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On retourne à la voiture de Rollo. Sur le trajet, on revoit effectivement le hippie, celui qui a le crâne rasé et des chaussettes trouées sur le devant. Etendu par terre, la bouche ouverte, à côté d'une voiture en stationnement, il dort du sommeil profond du Valium. Il tient son sac à dos en fausse fourrure serré contre lui. Avec un sourire, Rollo déclare, maintenant il l'a, sa vérité pure. Je me dis que la plaisanterie n'est peut-être pas si bonne que ça, parce qu'il se pourrait qu'il ne se réveille plus. Il me semble parfois que Rollo a une certaine méchanceté.
Il ouvre la Porsche beige et on s'y installe. C'est une Porsche 912 de 1966, une Porsche, oui, donc au fond tout à fait injustifiable, par contre c'est la plus belle voiture de toutes celles qui sont garées là. L'intérieur n'a rien de la connerie Porsche habituelle, on se croirait plutôt dans une Coccinelle.
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J'ai donc réservé une place sur un vol via Amsterdam, très tôt le matin. En traversant l'aéroport de Schiphol, cigarette aux lèvres, je me suis senti très aventurier. Je n'avais évidemment aucun bagage en dehors d'une petite valise en carton, et je me faisais l'effet d'être un fugitif, quelqu'un qui a détourné un gros paquet d'argent et prend le premier vol pour Montevideo, Dhaka ou Port Moresby. Un peu puéril, d'autant que je n'allais qu'à Mykonos. Mais personne n'était censé le savoir. Et je crois, maintenant que j'y réfléchis, que je comprends pourquoi Alexander a tellement couru le monde. C'est si glamour de bourlinguer dans des endroits bizarres où absolument personne ne vous connaît. Ni ne sait ce que vous cherchez. Ce n'est pas du tourisme. Ni un voyage d'affaires. Il n'y a tout simplement aucune bonne raison de se rendre dans des pays du tiers-monde, à moins de se livrer à une occupation qui n'existe plus du tout : l'oisiveté.
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Il a soudain le sentiment d'avoir gagné en profondeur, il ne voit plus simplement la mer comme un élément purificateur, qui efface tout, il commence à saisir la peur que les profondeurs inspirent à Pandora, il comprend pourquoi en tant qu'individu il est une partie du tout mais, dans la totalité, rien d'autre qu'un infime fragment de corail qui, au fil des millions d'années, se fait broyer et transformer en sable éphémère à la périphérie la plus extrême de la perception du monde.
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Engelhardt n’adhérait pas à cette mode naissante de la diabolisation du Sémite que l’épouvantable Richard Wagner avait sinon inventée, du moins rendue présentable par ses écrits et sa drôle de musique ampoulée
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Si, par moments, on ne peut s’empêcher d’établir des parallèles avec un compatriote plus tardif, lui aussi romantique et végétarien, qui aurait peut-être préféré rester devant son chevalet, ceci est tout à fait voulu et d’une judicieuse cohérence
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Le chef local tint absolument à consommer en dessert l’oreille bien croustillante du missionnaire, rôtie sur une pique en bois
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Le cocovorisme nudiste est la volonté de Dieu. La pure diète de coco rend immortel et unit à Dieu
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le jeune August Engelhardt de Nuremberg, barbu, végétarien, nudiste
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On boit chacun une bière qui a un goût d'ennui. Comme on porte des vêtements normaux, c'est-à-dire pas de techno-boots, de t-shirt orange ni de pantalons de treillis, qu'on n'a pas le crâne rasé, un anneau dans le nez et un dragon tatoué sur la nuque, on nous dévisage sans arrêt et on nous scrute à la dérobée. En fait, c'est très drôle que notre simple présence puisse agir comme une provocation, Rollo dit que ces fêlés doivent nous prendre pour les stups.
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Il fallait prendre patience, l'idée de vivre nu et libre en se nourrissant exclusivement de noix de coco, quoique relevant de l'évidence, devait d'abord infuser dans un monde civilisé.
p.89
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Cependant le bruit s'était vite répandu que Lützow comptait s'établir à Kabakon, chez August Engelhardt, ce qui eut pour effet simultané une revalorisation d'Engelhardt et une dépréciation de Lützow ; on essaya par tous les moyens de l'en dissuader, le Nurembourgeois, là-bas sur son île, n'avait plus toute sa tête, il se nourrissait, c'était à peine croyable, lui racontèrent-ils, tour à tour de noix de coco et de fleurs, et était nu toute la journée. La mention de ce fait provoqua chez les dames un léger échauffement, qu'en mauvaises comédiennes elles essayèrent masquer en jouant de l'éventail. De leurs décolletés s'élevaient des exhalaisons de tubéreuse, de verveine et de musc qui se répandaient comme une brume de sol invisible avant de se dissiper, odorantes et lourdes de sous-entendus, dans les salons du club.
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Pour illustrer cette période, on racontera l'histoire d'un Allemand, un romantique qui, comme tant d'autres de son espèce, était un artiste contrarié et si, par moments, on ne peut s'empêcher d'établir des parallèles avec un compatriote plus tardif, lui aussi romantique et végétarien, qui aurait peut-être préféré rester devant son chevalet, ceci est tout à fait voulu et d'une judicieuse cohérence "in nuce". Pour le moment, toutefois, celui-ci est encore un gamin boutonneux, bizarre, qui se prend d'innombrables baffes de son père. Mais patience : il grandit, il grandit.
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Le terme "planteur" n'était pas approprié, il supposait de la dignité, un commerce expert avec la nature et les nobles prodiges de la croissance, non, il fallait plutôt parler d'administrateur, car c'était exactement ce qu'ils étaient, des administrateurs du progrès, ces philistins avec leurs moustaches taillées à la mode berlinoise ou munichoise d'il y a trois ans, sous des nez aux ailes couperosées qui tremblaient violemment à chaque expiration, et, en dessous, leurs lèvres palpitantes, bouffies, auxquelles pendaient des bulles de salive comme s'il ne manquait à ces dernières que de pouvoir se libérer de leur adhérence labiale pour s'envoler dans les airs, telles les bulles de savon en suspension soufflées par un enfant.
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En soi, ces choses n'ont rien d'étrange, mais quand tout ça se passe en même temps j'ai toujours un pressentiment vague de, enfin, de quelque chose qui arrive, de quelque chose d'obscur. Ce truc qui approche ne m'angoisse pas, mais ce n'est pas non plus agréable. En tout cas, c'est bien caché. Je n'en ai encore jamais parlé à personne, c'est pour ça que j'ai du mal à l'expliquer. Ca se trouve derrière les choses, derrière les ombres, derrière les grands arbres dont les branches touchent presque le lac, et ça vole à la suite des oiseaux sombres dans le ciel.
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Il y a des moments où je comprends tout parfaitement, comme avec Nigel et ses t-shirts, et brusquement tout m'échappe à nouveau. Je sais que c'est en rapport avec l'Allemagne et aussi avec cette horrible vie de nazi qu'on mène ici et avec le fait que les gens que je connais et que j'aime bien ont développé une certaine attitude de combat et qu'ils ne peuvent plus faire autrement que d'agir et de penser en fonction de cette attitude. Ca, je le comprends encore. Mais parfois, je ne comprends plus cette approche, le point de départ de cette attitude, et alors je me demande si ça a toujours été comme ça et si je ne suis pas comme ça moi aussi, si je ne suis pas devenu totalement incompréhensible pour les autres.
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