Les dernières années de Gauguin sont retracées dans cette BD, juste au moment où il quitte Tahiti pour se réfugier à Hiva Oa dans l’archipel des Marquises. Sur cette île, il va construire une maison, écrire, sculpter, peindre. Et pourfendre l’autorité des colons français sur les polynésiens. Il explore l’île, contemple les paysages, boit, fume et séduit quelques femmes qui partagent son lit. Bientôt sa blessure à la jambe va s’aggraver et sa santé se détériore. Autre mauvaise nouvelle : un procès pour avoir diffamé un gendarme…
Parallèlement, on croise aussi dans cette BD Victor Segalen, médecin et écrivain, à la recherche des dernières traces de Gauguin. Il achète ses dernières toiles à Tahiti et récupère ses papiers et croquis à Hiva Oa.
Le scénario alterne entre ces deux personnages, ce qui permet de suivre le peintre dans ses activités et de côtoyer ceux qui l’ont connu. Le parti pris de cette BD est expliqué dans l’avant propos : il s’agit ici de montrer « le pourfendeur résolu de l’idéologie coloniale, impérialiste et religieuse de son époque ».
Lorsque j’ai lu l’album une première fois, j’ai peu adhéré tant les dessins me rebutaient, ainsi que les faits exposés, sombres et tristes. Lorsque l’on connait sa gloire post-mortem, c’est tout à fait déprimant de lire la fin de sa vie. Et heureusement, pour les besoins de cette chronique, je me suis replongée dans la BD, pour vérifier cette première impression. Grâce à une seconde lecture, j’ai un peu mieux perçu les visées des auteurs, qui défendent Gauguin et le citent à de nombreuses reprises, à travers ses écrits qui sont nombreux, ce qui m’a donné envie d’en savoir plus, car l’homme est plus que complexe. Pas mal d’éléments dans sa biographie sont problématiques, l’abandon de sa famille, le désir d’une vie nouvelle en Polynésie, son abus d’alcool et autres drogues, son refus de l’autorité… Mais son intelligence d’artiste, sa façon de créer de la poésie, sa vision des choses apparaît ici très justement. Et finalement je me suis faite aux dessins de Christophe Gaultier (je porte le même nom donc je ne pouvais pas ne pas adhérer !), notamment la très belle couverture clin d’œil au Douanier Rousseau, un autre artiste incompris de son temps. Certains cadres sont très beaux, mais c’est vrai que l’ensemble est sombre, très sombre et c’est sans doute ce qui a fait que j’ai d’abord rejeté la BD, parce qu’elle est oppressante, tout le contraire des toiles de Gauguin qui exhalent de belles couleurs (allez sur google images…).
Quant au scénario de Maximilien Le Roy, il montre bien la solitude de Gauguin, son rapport aux choses et aux gens. Il n’occulte pas son cynisme tout en insistant sur son génie qui se meurt, faute de soins ou de volonté de sa part (« un de ses amis, un collectionneur, lui a écrit qu’il était en train de devenir un artiste légendaire. Il pensait que son retour briserait le mythe »). Cette BD, qui s’appuie sur des faits historiques (à la fin de l’album, des clichés de Gauguin et des personnes qui l’ont connu renforcent le côté véridique) est donc intéressante pour les amoureux de Gauguin mais aussi pour les autres qui veulent découvrir le personnage. Mais il manque quelque chose pour me plaire complètement, une envergure à l’ensemble, une réécriture. Le peu que j’ai lu de sa vie me donne à penser que plusieurs BD auraient pu être envisagées, de ses débuts à sa fin, et je fais le parallèle avec les aventures du jeune Picasso par Clément Oubrerie et Julie Birmant (dont je suis en train de lire le troisième tome avec passion, j’avoue que je suis sous le charme de cette série). Mais je m’éloigne des Marquises et de Gauguin. Il est temps de conclure, lisez l’album si vous voulez en savoir plus sur cet artiste majeur mais passez votre chemin si vous préférez ne rien en connaître.
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