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Citations de Christophe Masson (61)


Le dortoir sans intimité, les lits en fer grinçant au moindre balancement, les douches communes, et la peau sur le lait du petit-déjeuner, le retour au pensionnant le dimanche soir, par une porte dérobée, rue du Commandant-Madeline. A se demander si toute ma vie d'adulte, je ne m'étais pas obstiné à m'affranchir de toutes contraintes de groupes et à fuir ainsi les pensionnats de l'existence.
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Christophe Masson
- Oui, dit Ashok.
- Ou alors cette rue-là ?
- Oui, répéta l’Indien, le regard fuyant.
Depuis notre arrivée à l’aéroport de Bombay, il semblait aussi perdu que moi au milieu de cette fourmilière de vingt millions d’habitants. Comble de malchance, notre taxi prépayé devait être le seul à la sortie de Chhatrapati Shivaji à ignorer où se situait le quartier touristique. En pantalon et dhoti blancs, la barbe et les cheveux blancs coupés court, il demanda trois fois son chemin et finit par avouer : « First day driving ! » avec la candeur réjouie du chauffeur débutant qui n’en revient pas de conduire une Hyundai neuve noire et jaune, le plastique encore sur les sièges claquant au vent quand la voiture prenait de la vitesse. Ram Singh pilotait le buste droit, tel le capitaine d’un boutre fendant les flots de la mer d’Oman qui miroitait par instants sur notre droite.
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Je m’étais mis à la natation à l’époque où j’écrivais des romans et, très vite, un lien souterrain s’était tissé entre ces deux activités, qui tenait à la régularité et à la monotonie exigées par leur pratique. Nager en ligne avec élégance, écrire avec justesse et clarté. Nager cent kilomètres par an et, dans le même temps, composer et écrire un livre. Compter longueurs de bassin et pages noircies, se motiver en sachant que le résultat est dérisoire mais l’activité précieuse. Et puis recommencer avec le sentiment du devoir accompli, sans en tirer la moindre gloriole ou surcroît d’assurance – ce qui est derrière nous est derrière nous.
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Une Inde propre, dit Esèbe en englobant d'un geste large les trottoirs d'Al Burj Street, les immeubles de quatre étages avec du linge à sécher et des paraboles sur les balcons, les boutiques proprettes aux enseignes arabes, indiennes, chinoises, les voitures au ralenti qui ne klaxonnent pas et même, miracle, s'arrêtent pour vous laisser passer. Une Inde propre, calme et ordonnée, avec ses odeurs de jasmin et d'encens mais sans les mauvaises. Quand je pense qu'à Dehli, on risque sa peau rien qu'en traversant une rue et que, si on en réchappe, ce sont la pollution, le bruit, la chaleur, les rabatteurs de tous poils qui vous lessivent et vous laissent sur le carreau.
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Lui en noir, elle en blanc qui s'est mise à fumer, ils picolent depuis trop longtemps au comptoir du Droit, l'atmosphère est tendue. Christophe a fait un passage éclair à une fête de l'Ecole, il a repéré deux filles, il aurait besoin d'air. Avec l'une, il fume son premier joint, mais la fumette n'arrive pas à la cheville de l'alcool, ce n'est pas son truc, pas assez convivial, il faut se cacher, là où l'ivresse lui apporte le mouvement, la vitesse, les autres, le monde entier.
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À la fin de la séance, Yuko et moi rentrâmes à mon studio dans l'air glacé de la nuit en nous tenant par la main, silencieux et pressés. C'était un vendredi soir et nous ne remîmes le nez dehors que le dimanche en fin d'après midi. Ce qui se passa pendant ces deux jours dédiés à la force et à la plénitude du désir n'appartient qu'à nous. Par la suite, je ne revivrais plus jamais de moments aussi intenses et je suis bien sûr que Yuko non plus.
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Christophe Masson - Ombre chinoise

Publié le 19 août 2014 par Patrick Chabannes (sur Babelio : Pchabannes)



Christophe Masson - Ombre chinoise


"My Shangri-La beneath the summer moon, I will return again." Led Zeppelin

Un écrivain reste au chaud sans bouger. Il est encore jeune mais rien ne se rebelle en lui. L’animation du centre de Clermont-Ferrand suffit à sa peine, c’est dire combien il est atteint ! Son locataire, un des nombreux étudiant chinois de la ville, retourne au pays. Gao, un jeune homme à la beauté du Diable, le remplace. Peinture, piscine, plomberie, pinyin et idéogrammes, les occasions de rencontres entre l’Orient et Clermont-Ferrand se multiplient. Chacun progresse dans la compréhension de leur univers respectifs. Chuntian, sa professeur de chinois et Antonin, son plus vieux locataire, ajoute à l’ambiance délicieusement provinciale et à ce voyage immobile de solitudes citadines.

L’ouvrage se dévore lentement avec gourmandise. Le lecteur est plaisamment bercé par la plume de Christophe Masson.

Soudain, la mort d’Antonin et la soudaine disparition de Gao accélèrent le tempo. La recherche de Gao révèle le visage d’un inconnu : triche aux examens, trafic de cigarettes, faux passeport, argent liquide, paris sportifs truqués…


Christophe Masson - Ombre chinoise


Le vieil écrivain saisissant l’énergie renaissante se rebelle et part pour le Yunnan à Shangri-La à la recherche de Gao. Christophe Masson change de rythme et c’est au cœur de l’Empire du Milieu que…

L’écrivain voyageur arverne propose un excellent roman à l’érudition discrète mettant en scène des personnages mystérieux. Parfait pour tous les voyageurs en chaise longue et lunettes sur le nez dans mon genre.

Crédit photo : Thib in S'pore

Editions RevoiR, 2013, 350 pages, avec une belle maquette de Camille Flahault, une reliure très fragile et seulement 17€ pour un voyage au cœur de la Chine
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L’ascenseur nous propulsa au huitième étage. Une dégustation de vin blanc réunissait des expatriés dans une salle de restaurant et une serveuse nous conduisit à l’étage supérieur à l’Open Sky Bar installé sur une terrasse dominant Shanghai. Sur notre droite, le Bund et sa promenade en bois surélevée épousait le méandre du Huangpu, longeait la haie d’immeubles bâtis dans les années 1900-1930, dans des styles classique, Renaissance, Art déco, rappelant New York, mais sans la hauteur de l’Empire State, l’élégance du Chrysler Building, l’audace du Flatiron. En face s’élevaient les gratte-ciel modernes de Pudong dont les figures emblématiques relevaient plus du bizarre que de la réussite architecturale. Loin de l’effervescence créatrice de Dubaï, la Perle de l’Orient ressemblait à un bilboquet ou à un narguilé, le HSBC à un décapsuleur géant et son voisin étirait ses pattes d’insecte métallique dans le smog. Il n’empêche, j’étais content d’être enfin en Chine. Partir et prendre de la hauteur vous élèvent toujours un peu.
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On pouvait détester Lijiang et sa vieille ville devenue un barnum touristique, dans des décors de sous-Venise chinoisissime dupliqués à l’infini – rues pavées, petits ponts de pierre, lanternes rouges, toits torsadés, maisons traditionnelles rénovées sans souci de l’architecture naxi d’origine et transformées en boutiques vendant les mêmes produits, vêtements, galettes de thé, châles, viande de yack séchée, djembés, bijoux en jade, bibelots made in China. Le soir, le long de Jiubajie, la rue des bars, chaque établissement poussait la sono à fond et offrait à des Chinois pris de boisson le spectacle calamiteux de chanteurs de troisième zone éructant dans leur micro des airs de variété disco. Non loin de là, des touristes se pressaient comme des moutons devant une grosse pierre ovale pour être pris en photo devant l’inscription certifiant que la vieille ville était inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Mais on pouvait aussi aimer Lijiang pour l’ambiance d’éternel printemps qui régnait dans le lacis de ruelles et où, comme à Venise, il suffisait de s’éloigner des grands axes surpeuplés pour se retrouver seul, longer un ruisseau, s’asseoir sur le pont Wanzi, flâner au milieu des maisons de bois à deux étages et se perdre. En cette saison, les touristes étaient en majorité des jeunes filles, en couple ou entre copines, venues fêter la fin des examens et, au contact de cette Fontaine de Jouvence, la vieille ville rajeunissait, se teintait d’innocence et de légèreté rieuse.
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Les apparences, trompeuses, jouent en sa faveur. Sa minceur et sa manie de s'habiller en noir le font paraître plus grand qu'il n'est. On croit qu'il a lu des tonnes de livres et vu des films en pagaille, mais ses lacunes sont criantes, et Christophe a plus de superficie que de profondeur. Sa sensibilité souvent qualifiée de féminine, alliée à un rejet viscéral de toute la quincaillerie virile -argent, bagnolles, bagarres, vanités de basse-cour- dissimule en fait un noyau dur, un vrai cœur de solitaire.
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L'âge n'y fait rien. Ils n'ont rien à dire aux adolescentes et tout à partager avec les parents, de satanés buveurs avec qui régler son compte à une 5è bouteille de blanc dans le jaccuzzi ou boire tout un dimanche, à Lagguna Beach puis dans les bars de Newport, du gin, de la bière , des pina coladas, en parlant de littérature américaine, d'amours, de ruptures et de vasectomie. Christophe est-il conscient qu'il ne retrouvera jamais plus une fille avec qui s'enivrer avec une telle désinvolture, une fille qui aime tout ce qui le passionne (... ) ?
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Christophe Masson
Vous vivez peinard au bord d’un lagon polynésien, entouré de vahinés aux seins nus, avec la marmaille qui s’agite dans le soleil couchant sous un ciel immense drapé de rouge et d’or. Des poissons à la chair ferme, des fruits dégoulinant de jus, la nature a tout prévu pour vous rassasier. Vous ne le savez pas – les missionnaires n’ont pas encore débarqué sous ces tropiques -, ce paradis après lequel courent les hommes après leur mort, vous l’avez là, de votre vivant, sur terre. Quelques siècles plus tard, Paul Gauguin et Jacques Brel fuiront les brumes européennes pour venir y renaître. Vous possédez tout, et pourtant, éternel insatisfait, il vous manque quelque chose.
D’une curiosité inlassable ou pressés par le danger, vos lointains ancêtres avaient navigué d’ouest en est, passant d’île en île comme on traverse une rivière de galet en galet, des actuelles Philippines au chapelet des Salomon, Fidji, Tonga et Samoa, pour s’arrêter en Polynésie. La nature généreuse, les atolls regorgeant de poissons, ils s’y fixèrent – d’autant plus qu’il semblait ne plus y avoir de terres à découvrir là où le soleil se lève. S’offrant une pause de plusieurs siècles, nos valeureux navigateurs peuplèrent ces îles avec un sentiment de félicité et d’accomplissement.
« Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. » écrivait Blaise Pascal. À la longue, le bonheur se charge d’ennui. Alors un matin on pousse une pirogue sur les eaux turquoise, on y entasse une centaine d’inconscients et on s’élance sur l’océan, direction l’inconnu, un ailleurs qui fait rêver. Quelle folie de partir ainsi dériver sur le Pacifique en calant sa course sur celle des étoiles, en déduisant du vol des oiseaux, du mouvement des nuages et des nuances de la houle qu’il existe une terre à portée d’horizon. Et au fil des expéditions toucher enfin, à des milliers de kilomètres de chez soi, à ce que de futurs explorateurs nommeront Hawaï, l’île de Pâques et Aotearoa, « le pays du long nuage blanc ».
Selon la légende, le dieu-magicien Maui serait parti de Polynésie pêcher avec ses frères. Parvenu à ce qui est aujourd’hui le détroit de Cook séparant les deux îles formant la Nouvelle-Zélande, il prit un poisson gigantesque ayant la forme de l’île du Nord, à bord d’une pirogue qui deviendrait l’île du Sud. Maui pria ses frères de laisser le poisson tranquille mais ceux-ci ne savaient raisonner qu’à coups de hache. Meurtrie pour toujours, l’île-poisson se creusa de montagnes et de vallées et accumula dès lors les cataclysmes, les éruptions volcaniques et les tremblements de terre.
Les légendes s’évanouissent dès qu’un homme pose le pied pour de vrai sur une terre inexplorée. Si les historiens peinent à dater l’arrivée des premiers Polynésiens – entre le neuvième et le quatorzième siècle -, c’est bien en 1642 que le navigateur hollandais Abel Tasman fait trois petits tours dans les parages et puis s’en va. Il faudra attendre 1769 pour qu’à bord de l’Endeavour James Cook cartographie les côtes de cette Nouvelle Terre des Mers qui aurait pu devenir possession française si les marins du Mascarin n’avaient pas fini préparés en ragoût par des autochtones un brin susceptibles – nos moussaillons ayant violé sans le savoir un tapu, un tabou. Prélude à la sempiternelle rengaine de la colonisation, dopée par la chasse à la baleine, aux cachalots et aux phoques, les exportations de bois de kauri, la spoliation des meilleures terres maories, pendant que les natifs tombaient comme des mouches, décimés par les épidémies propagées par les Européens.

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"Il n'est pas facile de trouver un chat noir dans une pièce obscure, surtout s'il n'y est pas."
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Je souris au souvenir de cette vieille blague où un chien regardait son maître avec reconnaissance et pensait: "Tu me nourris, tu me chéris, tu prends soin de moi. Tu dois être Dieu" tandis que le chat arrivé au terme du même raisonnement, concluait: "Je dois être Dieu".
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Nous longeâmes une voie ferrée, à la course lente avec un train sans portes d’où débordaient des grappes d’hommes. Chaque année, sur le seul réseau ferroviaire de Bombay, on enregistrait entre trois et quatre mille décès, entre électrocutions, chutes mortelles, passants écrasés sur les voies. Sur des centaines de mètres, du street art déroulait ses fresques sur le mur séparant la route de la voie de chemin de fer. Un Batman perplexe interpellé par une grand-mère désemparée se désolait de ne pouvoir faire face aux embouteillages : « Traffic !!! ». Plus loin, des affiches de films bollywoodiens se décollaient, lessivées par les dernières pluies de mousson.
À un carrefour, des odeurs de fruits et de fleurs en décomposition se mêlaient à celles de la poiscaille, au milieu de cageots vides et de blocs de glace finissant de fondre, pour le plus grand bonheur d’oiseaux picorant de fraîches entrailles. Enfin les bâtiments victoriens de l’Oval Maiden achevèrent de nous mettre sur la bonne voie. Mon bras droit se tendit comme dans un songe en direction de Colaba, ranimant en moi le jeune homme qui avait marché des heures durant aux abords du Prince of Wales Museum, du cinéma Regal et bientôt du bord de mer. Le Bentley’s nous espérait sous une voûte verdoyante, dans une rue calme du centre occupée avec nonchalance par des taxis assoupis.
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En Inde, on dit qu'élever une fille, c'est arroser le jardin du voisin.
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Le boudhisme voit en la femme une créature dont la possession physique trouble les sens et éloigne de la méditation.
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A Reykjavik, un proverbe assure que la moitié des Islandais lit les livres écrits par l'autre moitié. Nulle trace d'une telle ferveur dans le Puy-de-Dôme. Ses lecteurs, Christophe doit aller les chercher un à un, "avec les dents".
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Pas de chance au Leopold Café
Où le temps, la vie s'éternisent
J'avais demandé "the bill, please"
J'ai pris trois balles dans le buffet

Un bon Idien, disait John Wayne
Est un Indien mort

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Un dicton japonais disait : "En voyage, débarrasse-toi des interdits." Yuko disposait de dix mois de liberté, à dix mille kilomètres des carcans de sa famille et de la société japonaise, le temps de vivres des expériences qu'elle n'aurait ensuite plus le loisir d'expérimenter. Je deviendrais ainsi la pièce maîtresse de cet intermède enchanté qui allait, à mon corps défendant, bouleverser ma vie.
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