Elle n’était soudain plus sûre d’avoir les épaules assez larges pour se lancer dans une enquête en milieu hostile. Jeune, inexpérimentée, elle n’avait rien d’un reporter aguerri ni d’une justicière.
Je ne suis pas mon père !
Cette pensée lui rappela l’admiration que son grand-père vouait à Yannick, sa collection de livres et d’articles. Sa mère aussi n’avait jamais caché l’estime qu’elle portait autant à l’homme qu’à sa façon d’exercer son métier. Un exemple pour Julia… Une boule de chaleur, douloureuse, enfla au milieu de sa poitrine. Blessure d’amour-propre, orgueil mal placé ? Elle préféra croire que la révolte du Chiapas grondait en elle. Elle n’était pas son père, non, pas plus que sa mère révolutionnaire. Mais elle était leur fille, à tous les deux. « Dans la famille, on ne se couche pas ! »
Elle devait se montrer digne de leur courage.
C’était pour ça qu’Hugo était là. Parce qu’un gendarme avait lancé une grenade sur un garçon de son âge et l’avait tué. Il frémit à nouveau en comprenant que la peur qu’il ressentait de manière diffuse était d’une nature bien particulière. Inédite. Pour la première fois de sa vie, Hugo éprouvait la peur de mourir.
Coulon le paralysa d'un regard. Il parla comme un dieu qu'il était peut-être dans cet endroit du monde, modelant les faits selon sa volonté, ressuscitant les morts d'une simple phrase : c'est la vérité.