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Citations de Christophe Nicolas (II) (45)


De petits geysers de poussière fleurirent devant ses pieds. Marie ne s’en soucia pas et continua de foncer vers les arbres. C’était une sensation étrange. Comme si, à l’abri dans sa propre tête, ce qui arrivait à son corps ne pouvait pas l’atteindre. Comme si la scène se déroulait au ralenti et qu’elle était capable, si elle le désirait, de l’observer sous divers angles. Comme dans un rêve, où les sons lui parvenaient à la fois atténués et terriblement distincts.
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Depuis deux kilomètres, une haute clôture surmontée de rouleaux de barbelés s’élevait sur le côté gauche de la route. Derrière le grillage, le causse s’étendait à perte de vue ; du côté droit, une forêt dense de chênes, de pins et de châtaigniers ; les Cévennes tout autour. Puis la route quitta le plateau, abandonnant la barrière, et s’enfonça entre les arbres.

Au volant de sa voiture, Cyril négocia le virage serré en jetant de rapides coups d’œil au rétroviseur intérieur : les cartons empilés sur la banquette arrière menaçaient de s’effondrer à chaque changement brusque de direction. Il prenait aussi garde à ne pas se laisser distancer par le break de Flora qui filait loin devant. La jeune femme, plus habituée que lui aux routes de montagne, enfilait les lacets sans même ralentir.

Cyril avait quitté Montpellier en fin de matinée – Marie était déjà partie travailler lorsqu’il s’était levé – pour aider leur amie à vider son petit meublé de Lodève. Pas mal de cartons et quelques chaises. Une télé, aussi, et une machine à laver. Ils avaient finalement réussi à tout caser dans leurs deux voitures. On était vendredi. Marie les rejoindrait le lendemain matin, par le train. Sa valise, dans le coffre arrière, arriverait avant elle.

Ils roulèrent encore un bon quart d’heure avant de croiser une large départementale. Un panneau indiquait « Chambaux – 5 km » vers la gauche ; un autre, « La Draille – 2 km », pointait une piste à peine praticable qui filait en face, à l’assaut de la montagne. Le break de Flora s’engagea sur cette dernière. Une longue montée sinueuse, et ils franchirent enfin le col. En contrebas, blotti au creux d’une cuvette, se dressait le hameau de La Draille, une douzaine de maisons vétustes dispersées de chaque côté d’un chemin goudronné que ses habitants nommaient « l’Avenue ».

Les voitures avalèrent les derniers virages, dépassèrent les premières demeures, puis un terrain de pétanque entouré de platanes – la place du village – et s’arrêtèrent devant une étroite maison à deux étages coincée entre ses voisines. Cyril ne fut pas mécontent de couper le moteur. Il s’extirpa du véhicule et fit rouler ses épaules. Flora claqua sa portière.

— Tu as choisi l’itinéraire bis ! la taquina-t-il. Avec Marie, d’habitude, on prend la grande route et c’est beaucoup plus tranquille !

Flora tira un énorme trousseau de clefs de son sac à main.

— Vous venez par Alès, c’est pas pareil. De Lodève, c’est plus court comme ça. (Elle déverrouilla la porte d’entrée et l’ouvrit en s’aidant de son épaule.) Et c’est quand même plus sympa par le causse.

— C’était le terrain militaire, cette barrière sans fin, sur le plateau ?

Cyril se souvenait qu’un projet d’extension du camp avait provoqué de sérieux remous, des années plus tôt. De grandes manifestations mêlant paysans, chasseurs et gens du cru avaient même forcé l’armée à revoir ses prétentions à la baisse.
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On est en train de m’accuser d’avoir tué un… personnage de fiction ? C’est ça ? Mais c’est de la folie ! On est dans du Kafka…
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« Survivre, c’est pas ça ! Il y a un minimum, merde ! Si pour t’en sortir, tu as besoin de démolir les autres, alors tu n’es plus un homme et tu mérites de crever ! »
Mais la dernière phrase condamnait également celui qui l’avait prononcée.
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Marie fut éjectée sur le côté tandis qu’elle contemplait encore son poignet. Un bracelet fluo, impossible à ôter sans le casser, comme dans les festivals de rock. Étrangement, l’image qui lui venait à l’esprit était plutôt celle des boucles d’identification, orange elles aussi, qu’on fixait aux oreilles des vaches.
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Plus infranchissable paraissait l’obstacle, plus impérieux devenait l’assaut. Et plus belle et plus glorieuse la victoire.
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Alors Marie sut qu’elle devait agir, sans penser aux conséquences. Elle avait cru qu’elle n’avait rien à perdre (ma vie? la belle affaire…), mais elle s’était trompée. Sauver le beau, sauver le bon, pour se sauver soi-même. Agir au nom de l’humanité et faire ce qui était juste.
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La nuit est claire, les étoiles nombreuses. La lune caresse la cime du mont Lozère, lointaine masse sombre sur l’horizon accidenté des Cévennes. Une légère brise agite le causse et siffle entre les branches des genévriers. Une lumière électrique s’échappe de quelques fenêtres des bâtiments alignés au nord. Des stridulations d’insectes. Le parfum d’herbe sèche.

Un choc métallique.

Encastrée dans le sol rocailleux, une petite grille vient de s’élever de quelques centimètres pour retomber lourdement.

Une nouvelle tentative. La grille s’élève plus haut et retombe de travers. Une main, grise, s’agrippe au rebord. Une autre repousse la grille, dégageant l’ouverture, puis rejoint la première. Les deux glissent et disparaissent. Un bruit de chute, chair contre acier. Une respiration saccadée.

Les mains réapparaissent. Des gémissements d’effort. Une jambe jaillit, pâle et maigre. Le talon s’enfonce dans la terre, la peau translucide se déchire aussitôt. L’autre jambe, maintenant. Centimètre par centimètre, le corps s’extrait du sous-sol en traçant deux lignes sanglantes entre les pierres. Les genoux, nœuds d’os, sont dehors. Un râle de douleur. Et les doigts lâchent ; les talons dérapent ; le sol engloutit le corps ; la chair s’écrase encore contre l’acier.

Silence. Le vent, les insectes.

Au nord, une fenêtre s’éteint.

Dans le trou, une respiration bruyante. La main grise retrouve le rebord. Des grognements. La main s’élève, cherche une prise plus loin. Le bras suit, le coude laboure la terre. Encore un effort et l’autre bras surgit, et la tête. Un visage glabre, creusé, les yeux écarquillés et la bouche édentée. À peine un homme.

Autour de son cou, un large anneau métallique renvoie l’éclat de la lune.

Le presque-homme attrape à pleine main une racine tordue, tire dessus. Le torse émerge, puis le bassin. Il est nu, décharné. Il est dehors.

Il se retourne sur le dos, à bout de souffle, et contemple les étoiles. Ses côtes saillantes montent et descendent à un rythme effréné.

Le vent, les insectes.

Il a froid. Il s’assoit, regarde autour de lui, se lève. Les bâtiments sont alignés au nord. Il se tourne vers le sud et se met en marche. Il voudrait courir, mais il ne sait plus. Il boite, il tremble, il est épuisé. L’horizon est loin. Le monde est immense.

Pourtant, ses pas s’allongent. Et soudain, il court. Devant lui, il aperçoit de grands arbres. Son cœur menace d’éclater, ses poumons le brûlent, comme ses muscles atrophiés, ses pieds nus saignent. Il continue pourtant.
Une douleur embrase brusquement son visage et il est projeté en arrière, atterrit sur ses fesses décharnées, s’ouvre les coudes. Sa main se porte instinctivement vers son collier, mais c’est son nez qui le fait souffrir. Il se relève avec précaution et remarque le grillage. Il s’en approche, le saisit des deux mains, le secoue. La clôture s’étend loin sur la gauche et sur la droite. Il faut l’escalader. Ses orteils rejoignent ses doigts dans les losanges du treillis. Il est exténué, ses muscles sont trop faibles, mais il est léger. Il atteint le sommet et sa paume est mordue par les dents d’un rouleau de barbelés. Il manque de tomber en arrière en retirant sa main, se rattrape. Il n’hésite pas longtemps et se lance à l’assaut de l’obstacle. Il rampe sur les lames acérées qui lui labourent la chair. Il saigne, il a mal, il lâche prise. Un instant retenu par la mâchoire de fer, son corps bascule et heurte le sol dans un craquement d’os. Sa jambe est brisée. Il hurle.

Il est vivant, de l’autre côté de la barrière.

Les arbres.

Il se lève péniblement et claudique jusqu’à la lisière du bois.

Il est libre.
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L’amour restait de l’amour, non ? Peut-être que le mauvais destinataire pouvait quand même s’en repaître ? Ou s’en contenter ? Mais non. C’était du sel sur ses blessures.
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J’aime la chaleur qui m’emplit quand la vodka coule en moi. Je la sens dans ma bouche, dans ma gorge, dans mon estomac. Je prends conscience de la réalité de mon tube digestif. De ma qualité de bête humaine. Et j’aime ma tête qui tourne et la volonté qui me fuit. Tu t’empares d’elle, comme de la bouteille. « Ne bois pas tout » tu dis. Et tu tètes au goulot, puis tu coinces la bouteille entre tes jambes.
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Il avait cru laisser ses angoisses à Paris, cru son éditeur quand celui-ci avait affirmé : « Ceux qui aboient ne sont pas ceux qui mordent. Bienvenu dans le monde féerique des célébrités. »
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La vie n’était pas très bien faite. Il avait passé une grande partie de sa carrière à courir après les heures de sommeil perdu, d’enquêtes en gardes à vue interminables, de filatures nocturnes en arrestations matinales. Et voilà qu’à la retraite, maintenant qu’il pouvait dormir autant qu’il voulait, le sommeil le fuyait, même si la fatigue, elle, le rattrapait dès le repas du soir avalé.
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Par jeu probablement pour l’un – « tu », qui est sans doute fou –, par amour sûrement pour l’autre – « je », qui sombre malgré lui. Tout est dans le non-dit, le ressenti. C’est à la fois subtil et très cru, à la fois réaliste et assez poétique, certains pourront dire « abscons ». Pas moi. J’ai beaucoup aimé et je comprends parfaitement votre succès. C’est une plongée en apnée dans les tréfonds de l’âme humaine. La vie, la mort, l’amour, le remords, tout est là. Alors bien sûr, c’est écrit comme un cri. Il ne faut pas y chercher de belles formules ou de grandes phrases. Mais pris dans leur ensemble, tous ces paragraphes sans prétention littéraire forment un tout grandiose. Étouffant, mais très beau. Pour moi, c’est peut-être l’une des plus brillantes autopsies des « vices unis à l’humaine nature », pour citer Molière.
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– Vous avez fini? Parce que maintenant, je vais vous dire ce qui va se passer. L’enquête pour découvrir le meurtrier s’arrête, puisqu’on connaît l’identité du coupable : Yannick Diaz. Nous passons donc en phase de recherche active. Une traque sans relâche, voyez-vous, parce que si le mobile du crime ne vous suffit pas, sachez bien qu’à moi, au préfet, au ministre et au président de la République, il nous convainc amplement. Ce n’est pas une affaire comme les autres, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué !
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Car Chute n'avait rien d'un roman, Joseph en tait maintenant convaincu. Non. Le livre était une confession. Et l'ancien policier allait se focaliser sur son auteur.
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Le chaos qui régnait sans son esprit depuis son évanouissement télévisé n'était pas dû à la folie. L'explication, bien que difficile à concevoir, apportait une réponse. Une réponse encore incomplète, extravagante, mais formidablement libératrice.
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Il n’existe que deux manières d’agir face a une situation qu’on estime injuste. Et ne rien faire, c’est déjà collaborer.
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Elle regrettait le temps de son innocence perdue. La mort de Yannick l’avait forcée à ouvrir les yeux et le constat était terrible, sans retour en arrière possible. La lumière de la connaissance brûlait les paupières à jamais.
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- On t’a trouvé un nom de code. Tu seras le Troyen.
- Pourquoi ?
- Rapport au cheval de Troie. C’est comme ça qu’on appelle les programmes qui installent en cachette des virus sur les ordinateurs, non ? Un logiciel en apparence légitime, mais qui contient une fonctionnalité malveillante…
Hugo avait joué à assez de jeux vidéo historiques pour connaître son Antiquité.
- C’était des Grecs.
- Quoi ?
- A l’intérieur du cheval de Troie, c’était des Grecs.
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Ce n’était pas légal ni très prudent, mais comme avait l’habitude de dire son père, militaire de carrière et grand poète devant l’éternel : il s’en carrait l’oignon.
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