Clara Sánchez présente les personnages de son nouveau roman, "Le ciel après la pluie".
Après le succès de "Ce que cache ton nom", la grande écrivaine espagnole Clara Sánchez publie en France "Le ciel après la pluie" (Marabooks), un thriller psychologique dans lequel une jeune mannequin à qui tout sourit voit sa vie basculer du jour au lendemain. L'étrange Viviana lui en a fait la prédiction : et si quelqu'un qu'elle aime lui voulait du mal ?
La solitude est aussi liberté.
Mais il se pouvait très bien que le grand amour n'existât que dans mon esprit, comme le ciel, l'enfer, le paradis, la terre promise, l'Atlantide et toutes ces choses qui sont invisibles et dont on ne sait par avance qu'on ne les verra jamais.
Nous n'avions pas l'impression d'être des héros, mais plutôt des pestiférés. Nous étions des victimes, et personne n'aime les victimes ni les perdants.
Le mal ne sait pas qu'il est le mal, tant que quelqu'un ne lui arrache pas le masque du bien.
Si je n'étais pas entrée dans la Tour de Verre ce jour-là, il est probable que rien de tout cela ne serait arrivé. Personne ne serait mort, personne n'aurait perdu la tête et les secrets seraient resté sous clé, dans leurs coffres. Mais parfois on trouve nécessaire d'intervenir dans la vie d'autrui. Et il arrive aussi qu'on intervienne sans le vouloir.
Mon attitude peut paraître mesquine si l'on ignore que les gestes, les pensées et les propos tenus dans un bureau partagé ne sont compréhensibles que par ceux qui travaillent également dans un bureau partagé.
Au fond, vivre dans ce monde est toujours dangereux, parfois nous en avons conscience, parfois non.
Je n'aime pas l'aventure, je trouve absurde le risque inutile, la vie est déjà assez incontrôlable en soi, elle m'effraie quand je pense à combien elle passe vite, si vite que je n'ai pas le temps de l'atteindre.
Le pas que j'avais franchi était sans doute imprudent, mais je désirais le pousser à la limite afin que les rouages se mettent en action. Et de toute façon ce qui était fait était fait.
En sortant de là-bas [Mathausen], moi je voulais juste être normal, m'incorporer à l'humanité normale. Mais lui [Salva] m'avait dit que ce serait impossible, qu'il faudrait continuer à survivre. Et il avait raison, jamais plus je n'ai pu me doucher en fermant la porte à clé, jamais plus je n'ai pu supporter l'odeur de l'urine, pas même la mienne. A l'époque du camp, Salva avait vingt-trois ans et moi dix-huit, et j'étais physiquement plus fort que lui. Quand on nous a libérés, il pesait trente-huit kilos. Il était squelettique et pâle, mélancolique et très intelligent. (p.10)