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Citations de Claudie Hunzinger (520)


D’ailleurs, la maison tremblait sous le vent du nord. Et moi, j’avais la sensation que nous avions traversé la vie en tremblant et en nous cachant comme deux bêtes, et que nous avions croisé beaucoup d’autres bêtes tremblantes et cachées, et que nous étions enfin dans notre tanière. Vieux et à l’abri. Un abri d’urgence fait de rien. Rien, c’est le mot. Et si c’était ça le secret de cette maison que j’avais voulu vidée de tout sauf de l’essentiel ! Le feu, l’eau, le bois.
(page 239)
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D'où tu viens ? Qu'est ce que tu fais là ? J'avais baissé la voix. Je chuchotais. Alors, il a fait un pas. Il a franchi le seuil. Je reculais. Il me suivait avec précaution, le besoin de secours plus fort que l'effroi, prêt néanmoins à fuir, posant au ralenti l'une après l'autre ses pattes sur le plancher de la cuisine comme sur la surface gelée d'un étang qui aurait pu se briser.
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Depuis, on avait appris la retenue. On avait appris la fin des provisions, la famine proche. On avait changé. On n’en n’était plus à l’opulence. On sentait bien que sous nos pieds la moraine s’était ébranlée, que ses rochers géants basculaient, que la Terre basculait, que l’humanité basculait, qu’on était entrés dans l’ère d’un basculement, grand à vous donner le vertige. Les forêts brûlaient. Les océans agonisaient. Le permafrost fondait, libérant des virus préhistoriques comme autant de zombies. Les villes s’étendaient, immenses, nouvelles, et rien qu’à les voir, on savait qu’on ne retournerait pas en arrière.
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Mais je n'imaginais absolument pas que le roman de nature qui commençait à m'habiter allait prendre le visage de la société elle-même, moi qui avais voulu lui fausser compagnie ; et que j'allais me retrouver dans un imbroglio consternant, avec partis opposés, propagande dans les journaux et jusque dans les écoles, et révélation finale sur le charnier du monde ; et que toute sa malfaisance, comme un catalyseur, allait mettre en question mon amitié avec Leo. Je ne savais pas que j allais me retrouver face à l'insoluble, moi qui m'étais retranchée dans ma parcelle de beauté et de refus, dans la radicalité de la solitude, sa simplicité, sa facilité ; moi qui avais relevé le défi de gagner ma vie à l'écart. Qui étais sortie du monde. Mais c'est quand on en est sorti qu'on s'aperçoit que le reste du monde a la peste. Ça crève les yeux. Le reste du monde et nous aussi, voilà ce que j'apprendrai. Nous aussi, nous avons la peste même si nous prétendons à l'innocence.

Non, je ne savais pas que j'allais me retrouver face à la mine, au gâchis, aux dégâts. Et que tout ce que j'avais fui allait me revenir en plein dans la poitrine, en plein cœur, je ne le savais pas, allait me revenir comme un nuage chargé de neige et de derniers temps, chargé des préludes de la fin, durant les mois qui allaient suivre.
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Est-ce qu’il y a quelque chose à faire contre celui qui monologue sous les mots ? Qui nous utilise ? Nous domestique ? Contre celui qui ne parle que pour parler ? Contre sa logorrhée ? Est-ce qu’on peut être autre chose que la niche du langage qui soliloque en nous sous les mots ?
Personne n’a de réponse à ça.
(pages 276-277)
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Il s’approchait. Il m’avait sans doute repérée bien avant que je ne l’aie vu. Un bref moment, les fougères, de taille humaines, me l’ont dérobé, il a réapparu plus loin, il filait. Je m’étais dressée pour mieux suivre sa course. Il a obliqué. Il descendait maintenant droit vers moi. À dix pas, il a ralenti, a hésité, s’est arrêté : un baluchon de poils gris, sale exténué, famélique, où de larges yeux bruns soutenant mon regard, m’observaient du fond de leurs prunelles.
(page 12)
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La joie, c’est quoi ? Un éclair. Il vous tombe dessus. On n’y est pour rien. C’est totalement immérité. Il ne choisit pas son moment, sinon les pires. Par exemple, dans la boue des batailles, soudain se sentir en vie.
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Le mardi, nous sommes partis par de petites routes irradiées de cerisiers en fleur, sous de gros cumulus neigeux, escortés au loin par des sommets blancs qui étincelaient comme des icebergs, des mondes en soi.
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On ne s'ennuie pas avec lui [l'humain]. Il est le grand personnage du roman de la Terre. Rien d'un héros positif. Non, non, surtout pas. Qu'on arrête avec ça. Plutôt un beau salaud. Sera-t-il condamné ? Va-t-il s'en sortir ? Trouver l'issue ? Ou se suicider ? Surtout, surtout, ne pas raconter la fin. D'ailleurs personne ne la connaît. Ne pas compter sur lui, l'humain. Sur l'humain, on ne peut pas compter. Se méfier de lui.
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Les mots, les oiseaux ensemble liés, fragiles, abîmés, décimés par nous, ça, je le ressentais très fort. Quand est-ce que tout avait commencé ? Sans doute bien avant qu’on s’en aperçoive. À quel moment tout s’était-il mis à foirer, visiblement ? Qu’est-ce qui s’était joué dans notre dos dont on avait ignoré les signaux lugubres ?
(page 178)
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Marcher dans de l’herbe, se sentir frôlée par une présence humide, lisse, sombre, fraîche. La joie vous attire avant d’avoir eu le temps d’en frissonner et de se dire qu’il s’agissait sûrement d’une couleuvre à collier.
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Ne te laisse pas aller au vertige, tends quand même l’oreille, ouvre tes yeux, continue d’écrire. Parle du grand désordre du monde ; mesure-toi au présent ; écris ce que tu vis, écris la mort de tout ce qui vit, des forêts transformées en usines à bois ; des prairies en usines à herbe ; parle de l’épuisement de leurs sols, parle de leur dévastation. Fais vite, « Il ne reste presque plus rien. »
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Quand on sortait de la maison, qu’on en faisait le tour, ce n’était que forêts et firmament ; pâturages phosphorescents ; arcs-en-ciel immenses et toujours doubles, intensément colorés. L’été, la rosée s’évaporait en brumes couleur de violettes, on aurait pu se croire en Bosnie. L’hiver, dans les monts de l’Oural, mais ça de moins en moins, il ne neigeait presque plus.
(pages 19-20)
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Est-ce que j’allais enfin me mettre au travail ? Écrire, ça demande un second temps parallèle au premier. Être au monde intensément, tout en n’y étant plus. Être vivante et morte.
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Il faut vivre comme si on n'allait jamais mourir tout en vivant comme si on était déjà mort.
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Je reconnais pouvoir être assez courageuse dans mes livres. Ce qui sous-entend : plus que dans la vie.
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Les oiseaux construisent l’espace avec des quarts de ton, des sixièmes de ton, ils chantent rapidement en inventant des notes entre les notes, un peu comme si j’écrivais avec des lettres logées dans les intervalles de l’alphabet, le sens de la vie caché-là quelque part entre. Le sens de la vie, on ne peut le demander qu’aux oiseaux. Rien n’est plus clair que leur chant.
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Ne te laisse pas aller au vertige, tends quand même l’oreille, ouvre tes yeux, continue d’écrire. Parle du grand désordre du monde ; mesure-toi au présent ; écris ce que tu vis, écris la mort de tout ce qui vit, des forêts transformées en usines à bois ; des prairies en usines à herbe ; parle de l’épuisement de leurs sols, parle de leur dévastation. Fais vite.
(page 130)
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La maison était posée au pied d’une moraine couverte de lichens. Les lichens sont des biomarqueurs. Certains, fragiles, ont déjà disparu de la Terre. Mais d’autres, telles de vieilles croûtes animales couvrant le dos des roches siliceuses, résisteraient peut-être à tout.
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Des vioques. J'aime beaucoup ce mot, vioque, il dit l’effarement insoluble de l'enfant qu'on est resté.
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