Colum McCann

Une des choses que savait Steven Spielberg –même en tant que jeune réalisateur à Hollywood – était que l’Histoire est en accélération constante mais que, tôt ou tard, une force, n’importe quelle force, doit aborder un tournant : ce tournant est alors une histoire qu’il faut raconter.

Son histoire était à la fois son devoir et sa malédiction.

On a compris qu'on voulait s'entretuer pour parvenir à la même chose, la paix et la sécurité.

J'ai commencé à me rendre compte que la violence était exactement ce que nos adversaire voulaient nous voir employer. Ils préfèrent la violence parce qu'ils peuvent l'affronter. Ils sont beaucoup plus rodés à la violence. C'est la non-violence qu'il est difficile d'affronter, et ce, qu'elle provienne des Israéliens ou des Palestiniens, ou des deux. Elle les désarçonne.

Une organisation des endeuillés. Israéliens et Palestiniens, juifs, chrétiens, musulmans, athées, tout ce que vous voulez. Ensemble. Dans une même pièce. Partageant leur peine. Ils ne s'en servaient pas, ne la célébraient pas, mais ils la partageaient, ils disaient que la foi ne nous obligeait pas à devoir vivre éternellement avec une épée à la main.

Des années plus tard, le funambule français Philippe Petit tendra un câble métallique de deux centimètres de diamètre presque sur la même trajectoire que celui de Moti, et traversa la vallée sur le fil incliné
(poche p. 91)

Dans une lettre à Rami, Bassam écrivait qu'une des caractéristique de la douleur est qu'elle exige d'être d'abord vaincue, et ensuite comprise.

Il ne haïssait pas les juifs, disait-il, il ne haïssait pas Israël. Ce qu'il haïssait, c'était le fait d'être occupé, l'humiliation que cela représentait, l'étouffement, la dégradation quotidienne, l'avilissement. Il n'y aurait aucune sécurité tant que l'Occupation ne cesserait pas.

Pour lui tout tournait autour de l'occupation. Elle était un ennemi commun, en train de détruire les 2 camps. Il ne haîssait pas les juifs, il ne haîssait pas Israël, il haîssait le fait d'être occupé, l'humiliation que cela représentait, l'étouffement, la dégradation quotidienne, l'avilissement.
Le mur de séparation, aussi appelé barrière de séparation, clôture de séparation, mur de sécurité.....Appelé aussi l'enclos, le poulailler, le piège, le noeud coulant.
Tout était une question de stigmatisation. Tout était construit sur la peur.
C'était la 1ère fois que je rencontrais des Palestiniens en tant qu'être humain, oui, des êtres humains qui portent le même fardeau que le mien, des gens souffrent exatement comme je soufre.

Quand un oiseau a été bagué, son numéro de série est inscrit dans une base de données générale. Les oiseaux, ensuite, sont identifiés au pays dans lequel ils ont été bagués : Norvège, Pologne, Islande, Égypte, Allemagne, Jordanie, Tchad, Yémen, Slovaquie.. . Comme s'ils se voyaient attribuer une patrie.
(poche p. 45)

Lors de la guerre russo-finlandaise de 1939, l'Union soviétique lâcha des centaines de bombes incendiaires sur la Finlande. Les bombes - plusieurs engins explosifs contenus dans une bombe géante - étaient mortelles, ce qui n'empêchait pas le ministre des Affaires étrangères soviétique, Viatcheslav Molotov, d'affirmer que ce n'étaient pas du tout des bombes mais de la nourriture pour les Finnois affamés.
Les bombes furent surnommées, malicieusement, les corbeilles à pain de Molotov.
En réponse, les Finnois dirent vouloir quelque chose à boire pour accompagner la nourriture. Ils inventèrent donc le cocktail Molotov pour faire passer le pain russe.

Sir Richard Francis Burton, l'explorateur du XIXe siècle, était un ardent fauconnier. Né à Torquay, il s'initia à cet art dans les années 1840, à Oxford, où il étudiait l'arabe, une des vingt-neuf langues qu'il maîtrisait. Grand et mince, il était connu pour ses yeux noirs, guère différents de ses oiseaux vénérés. Dans l'armée des Indes, il était surnommé le nègre blanc. La rumeur voulait qu'il fut d'origine majoritairement romanichelle, ou gitane. Burton pouvait se faire passer pour un marchand, un diplomate, , un derviche ou un pèlerin.

Dans bien des maisons de Cisjordanie, vous remplissez des bassines, vous alignez des cruches, vous remplissez des bouteilles près de l'évier. Vous vous brossez les dents avec le robinet fermé. Vous sortez rapidement de la douche. Vous placez un bouchon en plastique sur le drain de la salle de bains. Vous remplissez les éponges dans l'eau stagnante. Vous posez des brise-jets sur les robinets pour réduire le jet. Vous vous servez d'un balai pour nettoyer les marches, pas de serpillière. Vous nettoyez votre voiture avec un chiffon sec. Vous époussetez les fenêtres de votre maison. Vous savez que l'eau peut être coupée pendant des semaines et que vous allez devoir ensuite l'acheter quatre fois plus cher que ceux qui vivent de l'autre côté de la vallée. Vous montez les marches jusqu'au toit en béton plat et vous vérifiez que les citernes noires ne fuient pas. Vous soulevez le couvercle pour voir le niveau. Vous priez pour qu'il pleuve même si la citerne est presque pleine.

Après l'attentat, Rami prenait de longues et fréquentes douches pour que Nuri n'entende pas ses sanglots.

Mais je suis juif. J'ai un grand amour pour ma culture et mon peuple, et je sais que dominer, opprimer et occuper, ce n'est pas juif. Être juif, ça veut dire respecter la justice et l'équité. Aucun peuple ne peut dominer un autre peuple et obtenir la paix et la sécurité. L'Occupation n'est ni juste ni soutenable. Et être contre l'Occupation n'est en aucun cas une forme d'antisémitisme.

Mais nous vous demandons de retirer vos armes de nos rêves. Nous en avons assez, je le dis, assez, assez. Nos noms ont été transformés en malédiction. La seule vengeance consiste à faire la paix . Nos familles ne font plus qu'une dans la définition atroce des endeuillés.

Si vous divisez la mort par la vie, vous obtenez un cercle.
(p.183)

Au-dessus de son bureau, il punaisa une phrase de Rumi, le poète persan, dont il se souvenait: Hier j'étais intelligent, et je voulais changer le monde. Aujourd'hui je suis sage, et j'ai commencé a me changer moi-meme.
(p.182)

Le problème de l’Occupation était qu’elle ne vous laissait jamais décider. Elle vous privait de votre faculté de choisir. Supprimez-la et le choix apparaîtra. 

C’est bizarre de sentir la bruine se déposer sur mes cheveux. Elle vient des tourbières et c’est le vent qui l’a poussée jusqu’ici pendant que je rinçais le seau. Voilà une odeur qui ne m’a jamais quitté : l’odeur âcre de la terre noire tranchée par les coupeurs de tourbe.