Un nouveau cycle de rencontres explore les questions écologiques portées par la littérature, dans le prolongement du Prix du roman d'écologie décerné depuis 2018. L'inspiration écologique est-elle une manière de renouer avec une littérature engagée ? Cette rencontre s'intéresse à l'engagement en littérature.Dialogue entre Camille Brunel, auteur de La Guérilla des animaux (Alma Éditeur, 2018) et Errol Henrot, auteur des Liens du sang (Le Dilettante, 2017)Animé par Dalibor Frioux, écrivain
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[dans le camp d'Auschwitz]
Drohocki ne dispose d’aucun médicament, mis à part quelques barbituriques de hasard, pas plus que d’outils de diagnostic. Assis devant une petite table sur son tabouret, il prend des notes sur chaque cas, soumet les patients à des tests psychométriques, les invite à décrire au mieux leurs affections. Il sait que la parole est en elle-même un premier remède. En ce début 1944, combien de temps leur accordera-t-on ce luxe invraisemblable ?
Alors que faites-vous quand vous ne comprenez pas pourquoi une radio ne marche pas ?
Vous tapez dessus, aussi bon technicien que vous soyez.
On peut faire la même chose avec les malades mentaux.
On va leur faire frôler la mort, pour qu’ils retrouvent l’esprit.
[à propos des électrochocs]
Ils leur disent qu’il s’agit de tester une méthode pour guérir les troubles mentaux des soldats, mais les autres n’ont pas l’air convaincus, d’autant que certains meurent, inexplicablement, à la suite de la secousse électrique.
[...] Tous ces habitants des grandes villes aux nerfs reliés par des postes de radio, des salles de cinéma, des néons gigantesques, des torrents de musique, des lumières incessantes.
— Bon, tu sais qui sont les brahmanes ?
— Non, pourquoi ?
— Ce sont les sages de l’Inde.
— Et alors ?
— Tu sais ce que c’est, pour eux, la vie ?
— Je m’en fiche [...]
— Eh bien, les brahmanes, ils pensaient que la vie est
une cuisson. Comme une sauce qui réduit dans la casserole.
— Comme dans le four ?
— Exactement. Et à la fin, tu vois si c’est beau ou si c’est bon, à la fin seulement.
[...] IG Farben s’est fait voler les matériaux d’un hôpital, mais leurs salles restent un simple atelier de réparation de la main-d’œuvre.
[...] Le Reich domine l’Europe de façon écrasante, avec ses scientifiques, ses ingénieurs et son armée.
Les femmes sont parfaites, elles sont douces, discrètes, studieuses, elles ne laissent rien à désirer.
J'occupais ce nouveau poste depuis à peine trois semaines, et quel poste ! Non pas conservateur de tel ou tel département d'objets à voir, mais directeur des choses vues. Un poste déjà banal dans la plupart des musées du monde : grâce à une puce et à un capteur microscopique, chaque objet exposé enregistre en permanence le nombre de regards qui tombent sur lui, la quantité d'attention qui lui est consacrée. A la fin de chaque mois, nous savions non pas ce que nous souhaiterions que les visiteurs aient vu, mai ce qu'ils avaient effectivement regardé. Charge à nous d'organiser les rotations, les associations, les éclairages, les accrochages, les expositions metant en valeur chaque pièce et l'empêchant de devenir quasiment invisible... (p. 71-72)
A l'époque, je logeais encore au troisième sous-sol du parking souterrain de la mairie de Meudon. Ma famille et moi (...) nous envisagions sérieusement l'achat d'un grand canapé d'angle pour mieux marquer notre espace.