Citations de Daniel Arsand (127)
Nous dansions, nous avions oubliés que les volcans existent et que la plupart ne sont qu'endormis.
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Dieu était invisible, au contraire de ses saints et archanges, statues qui exhibaient une musculature flatteuses et appétissante et dont la chair, pensais-je devait avoir plus de saveur que l'hostie...
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Les fils d'Ariane sont multiples et le Minotaure, quoi qu'il en a été relaté, ne nous dévore pas toujours.
Il n'est pas en moi que des orages, il n'est pas en moi que des ruines.
et que j'ai réalisé que je suis de ceux qui ne se détournent jamais de leurs morts.
Je suis vivant et j'ai mon fantôme en guise d'ombre
Il y avait aussi des mots qui devaient rester au bord des lèvres, stériles et incandescents, avant d'aller hanter les rêves.
Maintenant, dans cette brassée d'exhalaisons et de sons, elle comprenait que l'univers parcouru ce soir et observé depuis trente ans du matin au crépuscule résidait désormais en elle, s'y était ancré et que c'était pour jamais.
En n'ayant pas eu l'amour comme moteur dans ma vie, je m'évite les déceptions qui lapident.
Fouailler dans les des destins imaginaires m'accordait une autorité réelle et m'offrait la possibilité de m'extraire de cette houle de morts qui s'amplifiait sans cesse.
Je prends mon temps. la lenteur est une vertu. Et je crois à la nécessité de la contemplation.
On ne m'avait pas dit que le désir ne conduit pas nécessairement au plaisir.
Le regard que je portai alors sur lui allia compréhension et tendresse et je ne l’interrogeai plus avec mon ancienne agressivité, je ne lui posai plus de questions, mon silence épousa le sien, nous étions vraiment ensemble, père et fils, c’était doux. Ce ne sont que des milliers de jours après sa disparition qu’il me fut évident que je l’aimais, le respectais et que je m’avouais l’avoir mal aimé, ou du moins que je lui avais mal prouvé mon amour. Je protège en moi le souvenir d’un homme que par ma faute, par mes imbéciles reproches, j’ai peu connu et qui cependant ne m’est pas un étranger. Je suis né de lui.
L’autre – un hypothétique partenaire et un ancrage à deux dans un quotidien – m’a toujours paru de trop. Gosse, j’avais déjà cette sensation, même vis-à-vis de mes parents. Leur tendresse m’étouffait. Toute présence trop marquée à mes côtés me lassait. J’avais le besoin fou d’un espace que moi seul occuperais. L’autre, quel qu’il soit, quelle que soit notre relation, nos liens, finissait par me paraître une entrave à ma vie. Je préfère donc ma solitude.
La distance entretenait notre désir plus que ne l'aurait fait un frôlement de manches ou de peau.
La cour du lycée, nos camarades respectifs, les yeux inquisiteurs des surveillants, des professeurs et ceux de quelques élèves excités qu'un des leurs vire pédé, au moins quelqu'un à humilier, au moins une occasion d'affirmer qu'on a une bite et des couilles, ne nous encerclaient plus, ils ne nous contraignaient plus à la prudence.
Mais la rue ne nous délivrait de rien. Elle épiait, elle jugeait, elle était rue. Et ma mère pouvait se profiler sur un proche horizon. Cependant, devant le garçon merveilleux, je n'avais plus ni mère ni père, je n'étais plus un fils. L'émotion d'être en sa compagnie était si puissante, si enveloppante, elle me plaçait à un tel point dans un monde où le temps s'immobilisait, où sa notion devenait inconcevable, que ne m'effleurait pas que l'on pût nous vouer de la haine pour ce que nous étions, pour le goût que l'on avait l'un de l'autre. Et puis son apparence de mâle nous protégeait.
Des hommes enlevaient des garçons, enlevaient des filles dont on découvrait la charogne des jours plus tard. Les journaux étalaient en première page ce genre de crimes. La peur se rappela à moi, me barbouilla de moiteur. Le souffle me manquait. Mais je ne pris pas mes jambes à mon cou. Je pensai à Marc et refusai que son souvenir pourrisse la nouvelle occasion qui m’était donnée d’aimer.
Nous parlâmes de mes études qui m’emmerdaient, ce dont je tirais gloire ; de la liberté que m’accordaient mes chers parents, de mes parents. Paroles qui donnaient à l’intérêt que nous avions l’un pour l’autre une intensité impérative. Nos maillots moulaient ce qui nous excitait. Nous nous voulions nus. J’étais un jeune garçon. Je lui fis entendre que mon pucelage appartenait au passé.
J’avais aimé. J’avais été forcé. Je n’oublierais rien. Le visage de Marc s’estompa. Son corps perdit forme. Mes rêves mêmes ne le croisèrent plus. Je ne regrettai pas sa beauté. Ne subsista de lui que la brutalité avec laquelle il m’avait soumis à sa volonté. C’est là, en moi, jusqu’à ce jour, tandis que j’écris. Mon inscription à l’école libre, puis mon immersion dans la routine des cours ne provoquèrent pas de fracture avec le quotidien du lycée.
Sa beauté, constatais-je, s’était même affirmée. Je continuais à le désirer. Je le désirais et je désirais le posséder. Je n’étais pas né pour l’indifférence. Il continuait ainsi à m’être supérieur, à me lier à lui. Ce qui m’épargna une dangereuse et stérile fixation, ce furent les autres garçons évoluant dans la cour du lycée.
Ainsi je me débrouillai pour que mon corps me soit invisible. Quelles furent alors mes pensées ? Qu’ai-je projeté sur l’avenir ? Une vengeance ? Un suicide ? Ai-je minimisé l’acte ou l’ai-je élargi jusqu’à l’effroi, la rage, le désespoir ?