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Citations de Danièle Laufer (62)


La fin d'une vie professionnelle, avant d'être un renouveau, c'est aussi le retour du refoulé. Quand les bouchons sautent, les paravents derrière lesquels on a pu se "planquer" pendant plus de cent soixante trimestres tombent. Il n'y a plus de masque social qui tienne. On se retrouve tout nu au milieu des cotillons. La fête est finie. Les lauriers sont coupés. (p. 24)
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L'angoisse est notre compagne, notre amie intime. Elle ne nous empêche pas de vivre, de rire, d'aimer, d'être frivoles et futiles par moments. Elle rôde dans notre sillage, enveloppante, rassurante, parce que familière malgré ses aspects mortifères. Plus ashkénaze, tu meurs. Elle nous taraude, mais nous donne aussi une spécificité, un regard sur le monde, une compréhension des êtres et de la vie et une fragilité que, personnellement, je trouve très attachants. Pour moi, c'est aussi cela, être juive.
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On sait aujourd'hui que beaucoup de rescapés ont voulu raconter, mais ne se sont pas sentis écoutés. Certains se sont clivés pour survivre et ce clivage les a protégés pendant la déportation et dans leur vie d'après. Ne pas en parler pour tenter d'oublier. Faire comme si ça n'était pas arrivé. Pourquoi se sont-ils tus ? Pour nous protéger, nous qui redonnions du sens à leur existence ? Pour faire comme si tout cela n'avait été qu'un abominable cauchemar ? Parce qu'ils n'arrivaient même pas eux-mêmes à croire à la réalité de ce qui leur était arrivé ? Parce qu'ils ne voulaient plus y penser ? Parce qu'ils ne pouvaient plus y penser ? Parce qu'ils espéraient qu'en n'en parlant pas, cela finirait par s'effacer, par disparaître de leur conscience, de leur vie, de leurs souvenirs ? Parce que c'était indicible, impartageable ? Parce que même si on les avait écoutés, ils n'en seraient pas moins restés seuls dans l'horreur ce qu'ils avaient vécu ? Parce que les mots ne sont que des mots que chacun entend avec sa propre subjectivité et que personne n'aurait été capable de les consoler de ces familles disparues dans les chambres à gaz, de ces errances, de cette culpabilité suprême d'être en vie quand tous les autres, six millions d'autres, étaient morts sans sépulture sur laquelle se recueillir ? Comment parler de ça à des enfants ? Et comment grandir de ce silence quand on a été l'enfant d'un de ces rescapés qui n'ont pas su, qui n'ont pas pu parle ?
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Quand il lui arrive d'entendre des propos antisémites, Sarah Perahia réagit : " Je ne ferme pas ma gueule. Je repense par exemple à une journaliste qui avait fait un article sur la galerie d'art de mon père et avec laquelle je m'étais liée d'amitié. Elle était très affectueuse, avec mon père. Un jour, on déjeune à la pizzeria en face de la galerie et elle m'annonce qu'elle est pétainiste. Interloquée, je lui dis : "Mais tu sais à qui tu parles, quand même ?" Elle me répond : " Ah oui, mais toi ce n'est pas pareil" J'ai renversé la table et je suis partie. Je n'ai plus jamais eu de nouvelles. Je ne sais même plus comment elle s'appelle."
Ce n'est pas grave, diront certains. Peut-être. Mais pourquoi sommes-nous obligés de supporter ça ? Après tout ce qui s'est pasé ?
"J'ai zéro tolérance là-dessus, poursuit Sarah Perahia. A Avignon, j'ai vu une vieille femme toute seule devant un théâtre qui jouait une pièce qui n'avait rien à voir avec ça. Elle portait une pancarte " Israël assassin, boycottons". je suis allée la voir pour qu'elle m'explique ce qu'elle fabriquait là, alors que cela n'avait rie n à voir, et elle m'a répondu : " Il faut le montrer partout et là il y a du monde." Je lui ai demandé : 'En quoi êtes-vous concernée, vous, par ce problème ? Est-ce que vous êtes déjà allée, vous en Israël ? -Jamais, et je n'irai jamais." Jai vu que ça ne servait à rien donc je suis partie mais ça m'a interpellée. Il fait quarante degrés, elle est là avec son panneau, qu'est-ce qui motive ces gens-là à faire ça ? "
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Nous sommes nés après un maelstrom d'atrocités qui ne nous a pas réduits au silence. Nous ne demandons de comptes à personne, nous ne réclamons pas vengeance, nous voulons juste continuer à porter haut et fort la voix de ceux que les nazis ont voulu réduire au silence éternel, nos parents, afin qu'on n'oublie pas. Non, nous ne voulons pas qu'on oublie la souffrance de nos parents. Nous ne voulons pas que l'histoire se répète. Nous ne voulons pas -je ne veux pas- qu'on nous haïsse juste parce que nous sommes juifs, sans même savoir ce que nous sommes juifs, sans même savoir ce que cela signifie pour nous. Je ne veux pas.
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Ce que les enfants des gens persécutés apprennent de manière très directe est qu'être une victime n'est ni une qualité essentielle, ni une condition, ni une garantie de pureté morale.
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L'obsession pour la nourriture est assez communément répandue chez ces parents venus d'ailleurs et revenus décharnés des camps où ils avaient crevé de faim. Murielle Aronowicz-Fellous se souvient de ces petites phrases que beaucoup d'entre nous ont entendues pendant leur enfance : " Si je laissais un morceau dans mon assiette, il devenait fou ' Tu ne te rends pas compte, ce morceau que tu laisses, c'est la ration qu'on avait pour une semaine." Si je laissais un morceau de pain, pareil. J'ai eu des petites phrases comme ça. Il me demandait aussi toujours : " Qu'est-ce que tu as mangé à midi ?"
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Beaucoup de ceux qui ont su créer ou recréer une famille après la guerre dans un nouvel environnement ont été envahis et pris par des sentiments de perte et de deuil, et entravés dans leurs relations avec les enfants. Cette préoccupation constante a bloquée ce qu'on appelle leurs disponibilités d'investissement libidinal. Toute leur énergie psychique s'est mobilisée pour se mettre en mode survie et leur permettre de s'adapter dans tous les domaines, sociaux aussi bien que familiaux. " La particularité des relations parent-enfant dans les familles de survivants débute au moment de la grossesse", écrit Natalie Zajde. Notre naissance après la déportation a placé nos parents dans un cadre psychique de " double-bind". Par notre existence, nous leur avons prouvé à la fois qu'ils étaient en vie et qu'ils le "méritaient" (ce dont ils avaient sans cesse besoin d'être assurés), et n même temps nous leur rappelions leurs morts.

(Note. Double-bind : Situation dans laquelle une personne est soumise à deux contraintes ou pressions contradictoires ou incompatibles. Si la personne est ou se sent prisonnière de la situation, cela rend le problème insoluble et engendre à la fois troubles et souffrances mentales).
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L’invisibilité sociale est une forme subtile d’humiliation. On ne regarde, on ne voit que ceux auxquels on accorde une valeur.
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Pendant des mois, j’ai enduré les silences soudains quand j’entrais dans notre espace commun, les soupirs exaspérés quand je tapais sur mon clavier, les regards sous-entendus… Et les accusations de parano dans la foulée.
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On se dédouble, on dépersonnalise, on perd le contact avec soi-même et on s’épuise. Ce n’est pas un choix, mais une stratégie de survie inconsciente.
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Je suis habituée à vivre en état de choc au boulot. Et à n'en rien donner à voir. Je surveille constamment mes paroles et mes attitudes.
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J'avais l'impression de m'effondrer, comme un immeuble bourré d'explosifs qui retombe sur lui-même dans une avalanche de parpaings. Les dents serrées, ne surtout rien donner à voir.
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Je ne l'aimerai jamais assez pour lui faire oublier. (p.45)
Il suffit qu'on se retrouve dans des situations où il faut absolument rester sérieux pour qu'on soit dévasté par un fou rire maladif. (p.67)
Je vais devenir une jeune fille vraie. Un personnage de roman. (p.75)
Moi qui ai toujours eu l'impression de rester au bord de tout, du rire, des larmes, des autres, maintenant je suis au bord de la force. (p.78)
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La fin d’une vie professionnelle, on l’imagine
comme un nirvana. Finis le réveil qui sonne et les
contraintes, enfin du temps pour soi, pour lire,
écrire, se divertir, créer, voyager, se promener, aimer.
Satisfaire enfin ses aspirations les plus profondes.
S’engager dans le bénévolat, militer, se mettre à la
peinture, à la photo, à la guitare. Ou buller.
Sauf que rien ne se passe jamais comme on l’avait
imaginé.
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La mère suffisamment bonne, qualificatif qui devrait définitivement remplacer celui de parfaite, est une mère qui a confiance : en elle -même et en son enfant, quel que soit son âge, et qui l'accompagne sans se fustiger ni s'accuser, elle, de toutes les imperfections.

P.142
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La maternité ne s'apprend pas dans les livres. C'est une expérience singulière qui s'invente au fur et à mesure du développement de l'enfant : elle n'est jamais tout à fait la même pour un premier et pour un second, jamais tout à fait semblable d'une mère à une autre. C'est pourquoi il ne peut y avoir un modèle de mère, valable pour toutes. La seule vérité, c'est qu'il y a autant de mères qu'il y a d'enfants et que la meilleur possible aux yeux de l'enfant, c'est la sienne.

P.140
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En revanche, ils ont besoin de cohérence et sont déstabilisés quand on exprime quelque chose avec lequel on n'est pas en accord ou que l'on ne ressent pas, de crainte de leur faire du mal. Parce que l'enfant sait s'adapter et se protéger, il vaut parfois mieux être cohérent avec nos défauts de parents qu'adopter une attitude qui n'est pas vraiment la nôtre.

PP. 78-79
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Le message envoyé aujourd'hui aux mères par la publicité est clair : "Offrez à vos enfants ce qu'il y a de meilleur car ils le méritent ". Le message subliminal est tout aussi clair : " Si vous ne le faites pas, vous êtes une mauvaise mère. " Cette idéologie de consommation accroît la culpabilité maternelle.

P.65
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Projeter des désirs sur son enfant ne pourrait s'avérer nuisible que si on l'empêchait de faire ce dont il a envie ou si l'on imaginait qu'il n'y a qu'une seule voie possible pour réaliser nos désirs. Mais le pire de tout serait sûrement de n'avoir aucune attente, aucun désir par rapport à un enfant puisque cela reviendrait à être parfaitement indifférent à son égard.

P.38
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