Dara McAnulty est un naturaliste, un amoureux de la faune et de la flore, un être hypersensible. Cette chronique des quatre saisons, écrite entre 2018 et 2019, relate une année charnière dans la vie de ce collégien nord-irlandais devenu, à tout juste quinze ans, une figure du militantisme écologique et un auteur célébré par ses pairs.
Quand nous (par "nous", j'entends les autistes), nous nous intéressons à quelque chose, pour la plupart des gens, ça s'appellerait de "l'obsession". Pourtant, ça n'a rien d'obsessionnel. Il n'y a là aucune appréhension, aucun danger, bien au contraire; C'est libérateur et essentiel au fonctionnement de mon cerveau. Ca calme, ça apaise: rassembler l'information, trouver des schémas, séquencer et trier, tout ça, c'est un muscle à assouplir. Je préfère le mot passion. Oui! Et il est absolument fondamental que nous puissions suivre nos passions.
J’aime le collège, j’ai vraiment envie d’apprendre. Mais l’enseignement est tellement terne, tellement fastidieux. L’indifférence du cadre est intolérable. Ce qu’on apprend est aussi captivant qu’un robinet qui fuit, alors que, dehors, le monde est tellement plus facile à condenser, à appréhender. On peut se concentrer sur une chose : une fleur, un oiseau, un bruit, un insecte. Le collège, c’est tout le contraire. Je ne parviens jamais à y raisonner convenablement. Ma cervelle se laisse engloutir par les couleurs, les bruits et la nécessité d’être organisé. De cocher les obligations du cerveau. De toujours essayer de maîtriser l’angoisse nerveuse. De me contrôler en permanence.
Nous sommes tous autistes, tous sauf papa - il est l'exception et il est aussi celui sur lequel nous comptons pour décortiquer non seulement les mystères de la nature mais également ceux du genre humain. Ensemble, nous formons une bande aussi excentrique que chaotique (...).
Je réfléchis à quel point nous les humains dépendons les uns des autres pour notre survie et à quel point les espèces sauvages, elles, dépendent de la bienveillance humaine pour la leur.
Aujourd'hui, je ne ressens aucune tension dans mon corps. Je me sens libre, fluide. Je tends la main et presque aussitôt un papillon myrtil s'y pose. Je m'accroche à ce moment, je sens la chaleur du soleil sur mon dos et l'odeur des reines-des-prés emplit mes narines. Je veux que cette sensation reste gravée en moi pour l'éternité.
La grive vient un peu n’importe quand au cours des saisons, et autrefois, ce côté imprévisible m’aurait causé autant de souffrances que de frustration. Mais aujourd’hui, j’ai appris à rationaliser ce manque de fiabilité et j’apprécie nos rencontres, sans espoir ni impatience. Bon, je m’y efforce.
Les pissenlits me rappellent la façon dont je me ferme à une bonne partie du monde, soit parce que voir ou ressentir, ça me fait trop souffrir soit parce que, si je suis disponible, le ridicule s’impose. Le harcèlement. Les insultes grossières visant ma joie intense, visant mon enthousiasme, ma passion. Pendant des années, j’ai gardé tout ça par-devers moi mais maintenant, mes mots s’infiltrent par le monde.
Many people accuse me of “not looking autistic”. I have no idea what that means. I know lots of ‘autistics’ and we all look different. We are not some recognisable breed. We are human beings. If we’re not out of the ordinary, it’s because we’re fighting to hide our real selves
Tout coucher par écrit, tout déverser, ça m’aide à donner un sens au monde. Ce qui a démarré comme gribouillage et ratures sur la page, s’est transformé en mise en forme fondamentale de mes journées. J’ai besoin d’aller puiser l’énergie de quelque chose, quelque part.
Quand je pense à tous les progrès techniques que l’humanité a accomplis au cours des cent dernières années, j’ai du mal à comprendre pourquoi les méthodes d’enseignement sont plus ou moins demeurées identiques. Avec des rangées de corps assis tout droits derrière des pupitres. Contraints de rester immobiles. De lever la main pour parler – sauf s’il s’agit d’un débat mené par l’enseignant (plutôt rare dans mon expérience). Pourtant, nous acceptons ça. Pourquoi ? Par conformisme. Par obéissance. Par devoir.