En France, le britannique Dave Hutchinson reste pour le moment totalement inconnu faute de traductions. Une chose qui devrait changer dès cette fin d’année avec la parution aux éditions du Bélial’ d’Acadie, une novella de 110 pages dans la prestigieuse collection Une Heure-Lumière.
Dave Hutchinson ne manque pourtant pas d’œuvres à traduire puisqu’il a déjà publié quatre recueils de nouvelles dans les années 80 avant de revenir en 2002 avec le roman The Villages et d’écrire une quadrilogie intitulée The Fractured Europe Sequence dans les années 2010.
Acadie pourra-t-il motiver d’autres éditeurs à se pencher sur le travail d’Hutchinson ?
Duke, président malgré lui
Dans Acadie, il est question de science-fiction : hyperpropulsion, manipulations génétiques, exploration spatiale, sonde interstellaire, moteurs à antimatière… mais aussi de fantasy !
En effet, dans La Colonie, un agglomérat d’habitats terrés à l’écart de L’Agence, la tentaculaire organisation humaine qui tente de régenter l’espèce humaine, les Écrivains ont entrepris de ré-encoder le génome humain et de faire ainsi à peu près tout ce qu’ils veulent de leur corps.
Et qu’arrivent-ils quand vous donner cette capacité à des gens fan de Tolkien et Star Strek ? Un festival d’elfes, orcs et autres klingons grandeur nature pour une société hippie diablement enivrante.
Au sein de La Colonie, Duke, un ancien avocat rebelle, a été élu Président puisqu’il était à peu près celui qui désirait le moins ce poste.
Et s’il y trouve quelques avantages, l’arrivée d’une sonde de L’Agence dans le périmètre risque de tout foutre en l’air. Car depuis 500 ans, L’Agence recherche inlassablement la Colonie et Isabel Potter, une brillante généticienne qui a enfreint la bioéthique terrienne avant de s’enfuir avec ses condisciples…
Le récit d’Acadie nous est donc narré par Duke, avec un cynisme et un humour qui offre à l’aventure un ton léger et amusant…et qui contraste avec les risques encourus par La Colonie. Le ton désabusé du narrateur face à la débauche de modifications génétiques et à l’infériorité des simples humains face aux Gamins — des super-génies créés artificiellement — offre au lecteur un moment de lecture à la fois savoureux et inattendu.
La bioéthique en question
Au cœur d’Acadie pourtant, point de voyage spatial et autres hyperpropulsion mais bien la question de la mutation génétique et cette interrogation primordiale : doit-on l’autoriser ou non ?
Pour L’Agence la réponse est clairement non, pour Isabel Potter, c’est un grand oui.
Mais Duke, lorsqu’il regarde les extravagances qui l’entourent n’est pas aussi catégorique. À la fois émerveillé et désabusé, notre avocat s’interroge en filigrane sur les limites d’un tel procédé qui, si l’on y regarde de plus près, risque bien de transformer l’humain en un animal de foire. Même chose pour les Gamins, si éloignés de l’intelligence humaine qu’ils en deviennent agaçants et incompréhensibles pour le commun des mortels.
Si l’on prend plaisir à suivre Duke parmi La Colonie, c’est surtout le retournement final — dont on ne dira volontairement pas un mot ici — qui achève de convaincre de la pertinence de la réflexion autour de ce sujet épineux.
Finalement, on peut modifier tout et n’importe quoi…quand on est pas n’importe qui. Encore faut-il savoir parfois qui l’on est vraiment…
Enlevé et inventif, Acadie propose une balade spatiale sur fond de questionnements bioéthiques et de manipulations génétiques. Grâce à un narrateur délicieux et à un univers surprenant, cette novella de Dave Hutchinson surprend le lecteur jusqu’à la dernière page.
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