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Critiques de David A. Lombard (20)
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La tamanoir

Engagé, ambitieux et fun.

Voici un pamphlet à la narration travaillée qui condamne et propose, qui pense et panse, qui amuse et élève. Un livre qui entend nous soulager d’une partie des horreurs d’aujourd’hui et des peurs de demain. Par le rire et par la définition d’une certaine forme de spiritualité du lien.



Dans ce Brésil contemporain si peu alternatif, on est fasciné par la relation à la fois risible et mystique entre cet ersatz de Bolsonaro et la tamanoir, où le maître n’est pas celui que l’on croit. On est encoléré par la vacuité et l’appât du gain dévorateurs qui érigent la dévastation et le meurtre en politiques publiques. On est bouleversé par les sentiments qui unissent Léthé et Charlotte et les façonnent en foyer d’espoir. On est interpellé par le cheminement des protagonistes qui nous rappellent que tout est toujours là depuis le début et que la somme de ce qu’il nous faut abandonner pour espérer nous accomplir est immense.



« La tamanoir » est un tissage fait main d’aventures, de convictions et d’affirmation de ce qui fait sens dans l’être. Une vaste intrication. De la littérature en somme, de la littérature somme. Captivante et nourrissante. Comme une respiration dans une fureur.

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La tamanoir

Il est de ces livres, comme ça, qui vous happent dès la première page. La perspective du Brésil et de la dénonciation en règle du massacre de l’Amazonie avait évidemment affolé tous mes radars. La plume de ce nouvel auteur a fini de m’emporter. Ou comment évoquer l’infamie en des termes des plus fleuris. C’est désastre, une catastrophe, un drame, une tragédie, et pourtant, c’est un ravissement. Espérons que ce battement d’ailes de papillon fera au moins tomber un domino.
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La tamanoir

« Ah ! S’il nous faut des fables, que ces fables soient du moins l’emblème de la vérité ! J’aime les fables des philosophes, je ris de celles des enfants, et je hais celle des imposteurs. »   Voltaire, L’Ingénu (1767)



Une fable est un pont fleuri d'humour, d'ironie, de fantastique, conduisant à la vérité. Elle a le mérite de nous la transmettre de manière efficace et originale. Ce livre « La tamanoir » est précisément une longue fable dans laquelle l'auteur, David A. Lombard, en gardien de la Mémoire, nous invite à ne jamais oublier, à convoquer l'histoire et les souvenirs pour éviter la mort des civilisations, ne pas réitérer les erreurs :



« L'emprise de la violence qui conduit à la mort d'une civilisation ne peut se faire que dans l'ignorance et l'inertie des consciences. Éclairée, aucune multitude ne peut être soumise. le principal moteur de toute résistance à la sauvagerie est la mémoire. La barbarie se nourrit de l'oubli ».



Un pamphlet dans lequel, certes vous allez vous régaler de churrascos de poulet, de galletto al primo et d'empadas de boeufs, de moêlleux pães de queijo, de moquecas de lotte à la banane plantain, de roulés de mangue au fromage de chèvre, entre autres. Mais ces mets délicieux de la Fédération d'Amazonie passeront mal tant vous rigolerez, jaune, face aux vilainies de son président, j'ai nommé le fabuleux Alessandro Contente. Président populiste aux méthodes véreuses, qui n'hésite pas à se mettre en scène et à se montrer en héros dans des reconstitutions mensongères pathétiques, à recourir aux exécutions sommaires, aux arrestations abusives, aux massacres d'indiens pour mieux déforester l'Amazonie, à abroger les libertés, à nourrir les réseaux de haine pour mieux diviser. A user et abuser de maitresses. A « réduire en lambeaux le tissu social par la crainte et l'aigreur. Engendrer une attitude antipolitique. Fragiliser l'État de droit. La méfiance de l'autre conduit au repli sur soi, à toutes les phobies : xéno, homo, gyno, myrméco et autres lépidophobies, qui ne sont que la peur de l'imprévisible, de l'incontrôlable, de la vie ».

Impossible de ne pas penser immédiatement à un certain président sud-américain, n'est-ce pas ?



Heureusement, pour faire passer tout ça, de fraiches et délicieuses rasades d'humour nous sont servies tout au long du livre :

« Malgré l'heure avancée, il les reçut dans un impeccable costume trois-pièces, duquel ses chairs abondantes tentaient de s'échapper par tous les interstices, produisant une pression diffuse et constante sur les boutons, coutures, bretelles et autres fermetures Éclair, dont la fonction cohésive peinait à s'exercer sur les tissus précieux et délicats qui enveloppaient son vaste corps. Plus que tout, elle vit un signe de soumission dans le fait qu'il les recevait sans le moindre indice de nourriture à portée de main ».



Voire de franches goulées d'ironie :

« Manifestement, le bien-être des salariés était la priorité des dirigeants de l'entreprise. Cette bienveillance caractéristique de la direction des ressources humaines avait conduit les contremaîtres à garantir aux ouvriers qui dormaient sur place des prostituées trois soirs par semaine et de l'alcool tous les samedis soir ».



Le titre, « La tamanoir » est quelque peu énigmatique, cet animal étant habituellement mis au masculin. Cet animal aux longues griffes, au museau oblong et à la grande langue toute rose se nourrissant de fourmis est l'animal de compagnie vénéré d'Alessandro Contente. Nous découvrons une relation à la fois risible, pathétique et mystique entre les deux. Contente est frileux et craint les insectes, tandis que le placide animal n'aspire qu'à rafraîchir son pelage et à gober des fourmis. le maitre ne sera pas forcément celui que l'on croit de prime abord… le président Alessandro Contente devenant peu à peu Alessandrinho. La tamanoir n'est pas sans nous faire sourire également :



« La Tamanoir sursauta, se remit à quatre pattes à contrecoeur, lança un dernier regard humide de plaisir au détective Tuluké et se dirigea vers la chambre à coucher, où son panier reposait au pied du lit king size dans lequel le président recevait ses maîtresses. Heureusement, la télévision était branchée sur la chaîne du Sénat ».



Autres animaux mystiques et fabuleux très présents, les Diamantes, papillons géants vénérés par les Premiers de la forêt (les peuples indigènes). Leurs grandes ailes ont la beauté et la fragilité des fleurs, et la vivacité de celles du colibri, mais l'abdomen des mâles porte un venin plus dangereux que celui du serpent corail. Ces papillons ne peuvent survivre sans le sel des autres animaux, sel présent dans la sueur et les larmes. Leur présence, rare, donne lieu dans cette fable à de magnifiques récits et d'esthétiques scènes…



Ce livre se fait également épopée. Un ensemble de personnages des quatre coins du globe vont se retrouver à la recherche d'une rivière en pleine Amazonie, rivière symbolique et métaphorique de la vie qui se raréfie puis disparait si nous n'y prenons pas garde et n'entretenons pas le devoir de mémoire.



« La rivière devient ruisseau, se perle en flaques. Bientôt, il n'y aura plus rien ici qu'une enfance d'humanité, une grande paralysie de l'Histoire, un gel du lien au passé. le peuple aveugle sera alors guidé par le pouvoir vers sa perte ».



Cette fable, entrelacement d'aventure, d'érudition et de fantastique, est d'une actualité incroyable pour réfléchir aux racines du populisme et modifier le cas échéant le cours effrayant de l'histoire, un message à nous qui avons « entre les mains le ciseau qui grave le marbre des ans ». Un tissage qui nous tient en haleine tout en nous nourrissant, combo cousu d'une écriture fluide et intelligente. Je laisse le soin à l'auteur de conclure en ces temps d'élection :



« Il faut cesser de se demander pourquoi le candidat populiste est assez bon pour tromper son monde. Après tout, il est dans son rôle. La vraie question est pourquoi les électeurs sont assez mauvais pour l'avoir élu. Il y aura toujours des candidats sournois, menteurs, incompétents ou malveillants. Ce qui change vraiment, c'est l'acuité du vote. C'est seulement ainsi que vous trouverez la faille ».



A noter la beauté du livre et la qualité de la maison d'édition, le Poisson volant, qui a pour particularité de proposer des livres traduits du portugais. Sans aucun doute des livres qui sortent des sentiers battus si on en croit ce livre original !

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La tamanoir

La chute burlesque d'un leader populiste d'extrême droite s'intègre dans un kaléidoscope d'histoires qui s'entremêlent, et finissent par ne former qu'un seul chant polyphonique : celui de l'humanité en lutte pour défendre la démocratie, la liberté d'expression et l'intégrité de notre fragile écosystème. Les moments les plus jouissifs sont ceux où le leader de la Fédération Démocratique d'Amazonie est débordé par sa propre mégalomanie, qui le fait entrer sans cesse en conflit avec son entourage intime ou politique. Entre deux rires, s'insèrent des scènes spectaculaires, d'autres émouvantes, d'autres encore poétiques.
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La tamanoir

« On ne raconte pas de fable à des enfants endormis. Proverbe rundi. »



Voici une fable écologique, politique. Sous son masque se profilent les rides d'une gravité extrême.

« La Tamanoir » est un certes un fourmilier géant. Ici, c'est une femelle blanche et douée d'anthropomorphisme, qui est le fil rouge. (Ne la quittez jamais des yeux). Adoptée par Alessandro Contente, un sombre dictateur d'extrême droite. Un homme fou, calculateur, sombre, obnubilé par ses prises de décision sur le monde.

La trame est d'une richesse incommensurable. Elle pointe du doigt là où ça fait mal. Nous sommes en plongée au coeur de la Fédération Démocratique d'Amazonie. Les fragments s'entrecroisent. Les signaux sont vifs et implacables. Les enjeux géopolitiques, les déflagrations d'une planète en proie à la main-mise des maîtres du monde. Alessandro Contente est le double de Jair Bolsonaro.

« Saletés d'opportunistes ! Ordures de marxistes ! Tous les prétextes sont bons pour me critiquer au nom de leur soi-disant morale de gauche ! Hurla Contente, son poing s'écrasant sur la table. »

Le peuple est pris au piège. L'histoire encercle les communautés d'Indiens. le génocide implacable des tribus qui vivent en autarcie en pleine forêt d'Amazonie. Les ONG s'activent. le récit est un message qui sonne l'heure du glas. Il détient les clefs et déverrouille les diktats grinçants, les chaos, l'effet dominos à grande échelle. L'homme est un loup pour la planète. Les damnations faites homme. On ressent le péril du cosmopolite en coquille dans les mains de l'auteur David A. Lombard. Vous dire combien ce texte est une opportunité, une chance de saisir l'ultime parole sage. Il réveille, questionne, bouscule et interpelle. On s'attache à Léthé, siamois avec Greta Thunberg , la parabole environnementale pour armure et l'utopie d'un autre monde plausible. Les caricatures sont soulignées avec habileté sans passage en force. Marionnettes dont l'auteur manie les fils avec brio.Cette satire est impressionnante. D'utilité publique, elle devrait être lue par tous les hôtes de ce monde. « La Tamanoir » est un miroir où les fissures sont irréversibles. Entre les mouvements d'un conte aux anti-héros que nous croisons chaque jour, il y a la force complice des engagés. « La Tamanoir » est une urgence de lecture, un phénomène éditorial. De part son attrait époustouflant, sa maîtrise et son pouvoir intrinsèque.

« En 1920, le chaman et chef Yanomani Davi Kopenawa déclarait : Les blancs détruisent l'Amazonie parce qu'ils ne savent plus rêver. 

A noter : une préface érudite de Jean-Paul Delfino. Publié par les majeures Éditions le Poisson Volant.





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La tamanoir

« Qui est Alessandro Contente ? Comment pouvez-vous ignorer le prénom de ce nouvel Alexandre le Grand, bien plus Grand que le précédent ? Et son nom, Contente ! Content, il l'est de toutes les extraordinaires décisions qu'il prend, et nous, le peuple, ne pouvons que nous réjouir de l'oeuvre de l'illustre président de la Fédération Démocratique d'Amazonie ! Mais comment des esprits jaloux, mesquins, ingrats, s'autorisent-ils à le traiter d'homophobe, de machiste, de raciste, de psychopathe, d'autocrate satisfait ? Il réduit son peuple au silence absolu ? Mais depuis quand les pensées d'un peuple permettent-elles de gouverner sainement un pays ? Hein ? Heureusement qu'il y a des hommes forts, des vrais, pas ces efféminés, ces invertis, ces bobos de gauche, ces écologistes qui ne comprennent rien à l'économie ! Il méprise les femmes ? Mais enfin, la seule, la meilleure place des femmes, n'est-elle pas à la maison pour être toujours prêtes à soigner leurs maris et à s'occuper de l'éducation, religieuse évidemment, de leurs enfants ? Pourquoi faudrait-il les laisser travailler ? Hein ? Epanouissement personnel ? Foutaises ! Et c'est quoi cette manie de prétendre que toutes les races sont égales ! C'est faux ! Archi-faux ! le niveau d'intelligence supérieure des blancs n'est plus à démontrer. Evidemment, dès qu'un homme, un vrai, ose s'affirmer, il faut tout de suite que certains égarés le traitent de psychopathe ! Et de quel droit, d'aucuns osent-ils le traiter de dictateur ? Hein ? N'est-il pas le président de la Fédération Démocratique d'Amazonie ? le mot « démocratique » ne signifierait-il rien aux yeux des contradicteurs bornés de notre vénéré conducator qui sait mieux que quiconque ce qui est bon pour tous ? le modèle démocratique occidental a vécu, semant pagaille et désordre ! Vive la démocratie amazonienne ! Longue vie à notre très estimé Président, Alessandro Contente et que la peste étouffe ses contradicteurs ! »



Témoignage d'un partisan du président à l'occasion de la journée bénie de la célébration de son anniversaire.





Critique :



J'espère que l'auteur David A. Lombard me pardonnera cette introduction purement imaginaire d'un supporter du président Alessandro Contente. Je pense qu'elle permet de découvrir qui est ce personnage despotique dont les aventures sont narrées au fil des 527 pages de ce récit et qui n'est peut-être pas aussi imaginaire que l'on pourrait croire. Toute ressemblance avec un quelconque président sud-américain ravageur de forêts vierges n'est peut-être pas purement accidentelle. C'est pour cela que la lecture de ce livre m'a pris plusieurs semaines. Je me suis gavé de reportages sur le Brésil et son actuel président, le sieur Bolsonaro. Impossible de ne pas établir quelques similitudes entre les deux personnages, même si ce roman est une allégorie dystopique. Cependant, il ne m'a pas paru si caricatural que cela en regard du « modèle » dont il s'inspire !





N'étant pas le premier à commenter ce livre, et pour ne pas noyer les deux ou trois personnes qui liront cette critique, je ne m'étendrai pas sur le résumé de cet ouvrage car j'ai envie de partager d'autres découvertes avec vous qui me faites l'honneur de lire cette prose.



Un excellent point que j'attribue à cette maison d'édition, le Poisson volant, que je viens de découvrir, c'est à ce magnifique papier d'une prodigieuse qualité que l'on a un plaisir sensuel à effleurer qu'on le doit (tant pis pour ceux qui ne jurent que par les liseuses).



Cette maison d'édition a pour particularité de proposer des livres traduits du portugais, aussi bien du Brésil que du Portugal. Un vrai régal pour moi. Alors, si vous désirez découvrir des pans d'une histoire très riche et changer d'horizons en oubliant pour quelques temps les auteurs « made in USA », allez donc faire un tour sur le site de cet éditeur !



David A. Lombard m'a aussi permis de découvrir l'anarchiste Camillo Berneri, assassiné par les Staliniens lors de la Guerre civile espagnole en 1937, et ses fabuleux écrits. Je vous recommande « Contre le fascisme – Textes choisis (1923-1937) » publié chez Agone. Grâce à Miguel Chueca qui a réuni, annoté et présenté les textes, nous découvrons une période qui voit l'avènement du fascisme (et du communisme). Voici l'extrait de David A. Lombard qui m'a mis l'eau à la bouche :

« A force de semer des idioties à pleines mains, de provoquer des diarrhées d'enthousiasme sans pensée, de lancer des mots d'esprit de charlatan au lieu d'idées nettes et précises, nous voilà arrivés au fascisme. Et nous n'avons retenu que très peu d'enseignements, bien que la leçon nous ait été administrée avec toute l'amertume de l'huile de ricin, toute la dureté de la matraque, qui fait couler le sang et donne aux visages le rictus de la mort. […] Les démagogues sont de tous les temps et de toutes les couleurs. »

Camillo Berneri, de la démagogie oratoire (1936).

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La tamanoir

Merveilleux roman. Extrêmement bien écrit dans une langue très riche sans jamais être ampoulée. D’une grande érudition sans jamais être pompeux. C’est vraiment une très belle découverte, que l’on a envie de partager et de faire connaître. C’est un vrai auteur que je découvre avec bonheur.
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Vienne la paix

"Vienne la paix" est un roman prolifique qui dépeint la société israélienne dans toute sa complexité.

L'intrusion du merveilleux dans le récit permet au lecteur de plonger dans le rêve apaisant de l'amnésie, de l'oubli de la guerre et des ressentiments enchevêtrés qui l'alimentent.

Sans le poids de ce passé orageux, le regard de N, le personnage principal, trace un chemin possible vers la paix. Au grès de ses rencontres et de ses voyages dans les différents territoires, une mosaïque de portraits et d'histoires touchantes esquissent progressivement un tableau nuancé de la réalité sociale au Moyen-Orient.

Le clivage Israël/ Palestine s'efface alors au profit de l'opposition entre les partisans de la paix et les extrémistes des deux bords qui nourrissent le conflit, tant par conviction religieuse que par intérêt politique ou économique.

A travers ce récit documenté et sensible, nous comprenons à quel point les "Uns" et les "Autres" font face à un seul et même adversaire : l'obscurantisme.

Vienne la paix est avant tout une fable de la réconciliation.
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Vienne la paix

En ce moment ce livre devrait être lu par tous ceux qui pensent connaître le pourquoi et le comment du conflit au Proche Orient.

Il y a des fictions qui semblent vous décrire la réalité. Vienne-la-paix est un "page turner".

N voit le monde se construire et se déconstruire autour de lui, mais il s'efforce de garder sa neutralité. Il nous entraine dans une région en plein tourment, en subit de plein fouet la violence et nous n'arrivons pas à l'abandonner avant le dernier mot de ce récit.
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Vienne la paix

Quel est donc le mystère des origines de N, personnage clé du livre, dont nous suivons les aventures depuis son réveil sur une plage inconnue de lui ?

Amnésique des heures de sa vie, il n'en est pas moins cultivé et sachant, courageux et humaniste, et au fil de ses rencontres il va tenter de retrouver qui il est et d'où il vient.

Nous sommes d'abord pris par son histoire personnelle avant de découvrir à travers ses yeux le monde dans lequel il a éclos à nouveau, un monde divisé entre les Uns et les Autres, chacun exerçant une même méfiance. A mesure que N se lie avec certaines des personnes qu'il rencontre, son identité passée perd de son importance. Seule sa conscience aigue et sa volonté de nous proposer un autre regard sur la violence du monde importe, même si la fin apporte son lot de rebondissements. Avec lui nous aussi nous voulons que Vienne la paix.

Une écriture forte, personnelle et comme toujours très bien documentée.

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La tamanoir

Un roman époustouflant et ambitieux.



D'une forme romanesque foisonnante, Le Tamanoir est à la fois une fable fantastique et la satire très réussie d'un dictateur brésilien, ersatz de Bolsonaro (avec un chapitre très drôle sur les Terre platistes) dans la lignée des grands écrivains sud-américains. Ce récit non linéaire composé d'intrigues multiples mettant en scène une foule de personnages à travers plusieurs continents pourrait laisser présager un ensemble décousu mais la structure s'avère d'une rigueur extrême (« la belle architecture de ce mélodrame ») avec prologue, épilogue et cinq parties aux titres soigneusement choisis pour se faire écho. Un roman très maîtrisé construit autour de la métaphore de la rivière, rivière à la fois réelle et symbolique. Le récit d'une catastrophe écologique et politique noué à un drame intime.



L'histoire se résume en une phrase simple : partir en quête d'une rivière perdue afin de renaître à la vie. L'originalité de ce roman, c'est de raconter l'histoire d'une survie psychique sans se perdre dans les « labyrinthes intérieurs » d'une autofiction nombriliste. Le personnage principal, Léthé, doit son nom au fleuve des enfers qui donne l'oubli aux trépassés : en proie à une terrible culpabilité à la mort de son jeune frère, il a sombré dans l'oubli afin d'échapper au traumatisme de l'enfance. Retrouver la rivière symbolique pour Léthé, c'est remonter à la surface de son passé enfoui, ne plus craindre de perdre le contrôle du cours des choses, s'autoriser à rêver, chasser l'instinct morbide (« les blancs sont destructeurs car ils ne savent pas rêver »).



Or, réussir à élaborer un imaginaire, c'est justement la fonction de la littérature. Le Tamanoir joue sur le rapport entre réalité et fiction tout en proposant une profonde réflexion sur l'écriture. L'ambition du roman est à la fois d'interpréter le réel et de le dépasser, réconcilier mythes et réalité pour réunir la pensée magique et le Logos. L'histoire s'articule autour d'un conflit non résolu entre la rationalité et l'imaginaire, l'intelligence et la volonté, incarné par deux personnages clés, Léthé et Charlotte. Leurs psychés opposées sont mises en concurrence et représentent deux formes d'écriture présentes dans le livre : le genre romanesque et l’essai. Le récit oscille entre fiction d’une imagination débridée et discours ultra rationnels évoquant des traités de géophysique ou de pétrochimie. Léthé, rationnel et positiviste, redoute les pouvoirs de l'imagination et craint le lâcher prise tandis que Charlotte trouve refuge dans l'imaginaire par peur de la réalité et écrit de manière compulsive. Le rapport obsessionnel à la littérature et au savoir est au cœur de la problématique du roman : le narrateur se laisse emporter par un imaginaire intarissable et en même temps aspire à la maîtrise totale, théorise, intellectualise à l'extrême par une culture littéraire, scientifique, technique, stupéfiante. Avec ses multiples interventions et son ironie caustique, il pratique l'art de la distanciation et on ne saurait s’étonner de la référence à à Lawrence Sterne.



Le roman explore le mal représenté par un mégalomane terrifiant (et un personnage nommé Belzeb, « vorace de jouissance ») et tente de percer l'énigme du désir tant comme force vitale primordiale (« il importe seulement que le désir demeure … notre véritable et seule puissance est dans notre capacité de désir ») que comme puissance mortifère. L’histoire prend la forme à la fois d’une allégorie et d’une « spéléologie de l'âme » qui oppose Eros et Thanatos : Léthé « avait lutté toute sa vie contre les forces souterraines qui entravaient la marche de son plein développement … il y a des souvenirs qui nous hantent et noircissent notre vie » ; il retrouve sa capacité à désirer, imaginer, ressentir, enfin « pansé d'une vive blessure dont il s'était résigné à faire sa marque distinctive ». L'optimisme de la volonté triomphe : aller à la source et la libérer, selon la métaphore filée, pour se libérer des entraves (« nous ne pouvons choisir qu'entre deux positions : se jeter dans le courant et nous unir à lui ou bien rester sur le rivage et attendre que les flots se tarissent »).



Heureux dénouement aussi pour la Fédération d'Amazonie avec la destitution du tyran. On savoure l'ironie d’une fin non dénuée d'ironie avec un clin d’œil à la psychanalyse : l'homme n'est pas maître en la demeure, c'est la bête qui mène le monde. Puis, l'épilogue conclut par une boutade, peut-être aussi une forme d'aveu de l'auteur : « Que ferais-je si une part de ce roman prenait racine dans le réel ? ». L'auteur a peut-être un peu chargé son premier roman, roman d'idées plutôt que d'images, qui laisse parfois une impression de trop plein. Mais il rend un bel hommage à la fiction littéraire pour démonter les rouages d'une autre forme de fiction : le mensonge populiste. David A. Lombard n'a heureusement pas laissé se tarir les flots de son écriture.



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Vienne la paix

La mémoire et l'identité ne sont peut-être pas ce que l'on croit.



Bien que situant son histoire au coeur d'une région plongée dans un conflit sans fin et cristallisant tous les affres de la géopolitique mondiale, David L. Lombard fait le choix d'une histoire à taille humaine. De la rencontre de ses deux échelles nait un livre dont la singularité, et l'intérêt pour le lecteur, est de tisser sa trame entre souffle romanesque, enquête festonnée de fantastique, analyse politique et ambition philosophique. Dans la grande marmite que sa plume remue, la recette prend car il nous maintient au plus près de ses personnages, de leurs désirs comme de leurs limites dans un monde qui ne sait plus être autrement qu'hostile.



En suivant le parcours d'un homme amnésique, N., cheminant sur une terre depuis trop longtemps revendiquée par les armes, nous sommes conduits à questionner notre propre rapport à la mémoire, aux souvenirs qui nous constituent et sur lesquels repose, nous le croyons, l'essentiel de notre identité. Et si l'identité se jouait et se réalisait ailleurs ? Si elle relevait plus de nos actes présents et de nos souhaits pour l'avenir ? C'est peut-être ce que tente de nous dire N. au fil de son vagabondage et de ses tentatives de faire le bien.



Toutes les réponses ne nous sont pas fournies et c'est tant mieux. À chacun.e d'y prendre, ou plutôt d'y recevoir, ce qu'il/elle peut. En tous cas, nul doute que l'on ressort de cette lecture rempli, mûri et, surprenamment, plus confiant.



Avec "Vienne la paix", David L. Lombard signe un livre ambitieux qui plaira autant aux accros de l'aventure qu'aux érudits en quête de profondeur. Définitivement un auteur à suivre !



PS : avis aux rageux du conflit israélo-palestinien, passez votre chemin. Ce livre n'est pas pour vous.
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Vienne la paix

Dans cette tragédie que nous vivons, propice à toute forme de fanatisme, de bêtise humaine qui inspire le mépris, la haine et dénuée de tout courage et de dignité humaine, on se demande si, finalement, la perte de la mémoire et de son passé ne serait pas la panacée, le remède universel. C'est l'histoire de N. qui nous ramène à nous questionner sur notre propre conception de la vie, du rapport aux autres, du poids de nos origines, de l'absurdité des conflits et de notre faible propension à l'indignation.

Ce roman devrait être posé sur toutes les tables d'école, érigé dans l'hémicycle de l'assemblée nationale et sa lecture rendue obligatoire aux chroniqueurs de pacotille qui aboient de la haine sur les plateaux Tv. Car, au-delà de sa dimension historique, il pousse à réfléchir et à nous remettre en question. Et au final, ne sommes-nous pas tous égaux, dans la fraternité et la paix?

Une vraie leçon de vie, magistralement écrite à travers une intrigue qui, à force de nous questionner et de nous bousculer, nous réduit à nous perdre et ne plus savoir. Sauf l'essentiel! Tout est là.

Bravo David Lombard

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Vienne la paix

Une lecture indispensable en ces temps déchirés. Plonger dans la dualité équivoque, dans ces territoires nus où l'auteur nous transporte. Merci à l'auteur d'aborder ce sujet si difficile, si complexe sans nous juger du chemin que nous prendrons. A lire donc.
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La tamanoir

Ce roman répond intelligemment aux codes des œuvres à succès pour se faire critique du populisme. Tout semble calibré pour maximiser le plaisir du lecteur à découvrir comment se recoupent les récits parallèles des différents protagonistes. Leurs parcours d'initiation respectifs permettent au lecteur d'évoluer à travers sa lecture d'un ouvrage dont on oublie parfois qu'il est une fiction tant l'histoire qui se découvre à lui est tangible; comme tirée d'un journal du jour tant elle saurait se substituer à la réalité.
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La tamanoir

Avec humour et brio, l'auteur nous emmène sur les terres du Brésil, suivre les catastrophes écologiques et politiques engendrées par le grotesque personnage de Contente, alias de Jair Bolsonaro.

Populiste, sexiste, véreux et ridicule, celui-ci n'a aucune limite dans le mal qu'il cause au plus haut échelon de l'état. Déforestation, exécutions, arrestations et mensonges télévisés sont son quotidien sous l'oeil amusé de sa tamanoir.

Heureusement, Léthé, autre personnage principal du roman vient apporter une touche d'espoir et de sagesse.

Pour tous les fans d'aventure, de fables modernes, et de belles plumes !

Un auteur à suivre.
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La tamanoir

merci à Babelio et aux éditions le Poisson Volant m’avoir envoyé ce livre.



À le lecture de j’ai été très partagée… à la fois j’ai beaucoup aimé l’histoire, la critique qui y est faite, les personnages étaient bien construits, on y apprend par ailleurs beaucoup de choses.



Ce qui est dommage c’est que j’ai été trop souvent interrompue dans ma lecture par des termes alambiqués que je devais chercher dans le dictionnaire (je ne pense pas être particulièrement inculte pourtant) et que je ne trouvais parfois même pas. Il y avait des passages où je devais m’interrompre 6 ou 7 fois par pages… et d’autres passages où tout était très limpide.



J’en ai déduis que l’effet était voulu mais un peu trop forcé car cela m’a empêché d’apprécier l’histoire à sa juste valeur. C’était une lecture tout de même très intéressante.
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Vienne la paix

Faut-il avoir tout oublié pour être en capacité de pardonner, de voir le monde qui nous entoure sans la haine accumulée entre les peuples et transmise de génération en génération ? C'est l'une des questions soulevées dans ce roman qui flirte parfois avec le conte philosophique. L'auteur nous emmène dans les trois territoires qui sont le creuset du conflit israelo palestinien et nous ne pouvons que nous attacher à ces personnages que le héros N rencontre au gré de ses voyages. Bravo!
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La tamanoir

Le nouveau roman de D. Lombard, comme le précédent, raconte une histoire passionnante, qui fait étrangement écho à la dramatique actualité en Israël (il l'a pourtant écrit sans doute bien avant le 7 octobre 2023). On retrouve son écriture léchée, son vocabulaire riche et précis, et ses multiples références historiques, scientifiques ou culturelles. Histoire à tiroirs, se déroulant sur plusieurs plans, comme dans "la Tamanoir". La complexité des personnages évite le manichéisme, et pointe bien les diversités de points de vue qui opposent les deux communautés, tout autant que celles qui déchirent chaque communauté, entre les modérés et les extrémistes.

Une belle réflexion sur la tolérance, le poids de l'histoire que nous lèguent nos ancêtres et le pays où l'on a eu le hasard de naitre, l'absurdité des dogmes religieux pris au pied de la lettre, et le rôle primordial de l'amour.
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Vienne la paix

Le nouveau roman de D. Lombard, comme le précédent, raconte une histoire passionnante, qui fait étrangement écho à la dramatique actualité en Israël (il l'a pourtant écrit sans doute bien avant le 7 octobre 2023). On retrouve son écriture léchée, son vocabulaire riche et précis, et ses multiples références historiques, scientifiques ou culturelles. Histoire à tiroirs, se déroulant sur plusieurs plans, comme dans "la Tamanoir". La complexité des personnages évite le manichéisme, et pointe bien les diversités de points de vue qui opposent les deux communautés, tout autant que celles qui déchirent chaque communauté, entre les modérés et les extrémistes.

Une belle réflexion sur la tolérance, le poids de l'histoire que nous lèguent nos ancêtres et le pays où l'on a eu le hasard de naitre, l'absurdité des dogmes religieux pris au pied de la lettre, et le rôle primordial de l'amour.
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