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Citations de David Malouf (52)


Une vie n'est pas faite pour quelque chose. Elle est, simplement.
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ils étaient tombés, lui est ses contemporains, dans une poche obscure du temps d'où il était impossible de s'échapper.

p.142
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Voilà ce que signifiait la vie, une présence unique, et elle était essentielle en toute créature. Placer quoi que ce soit au-dessus, naissance, condition ou même talent, revenait à dénier à tous sauf quelques-uns parmi les millions infinis ce qui était commun et réel, et ce qui était aussi , en fin de compte, le plus émouvant. Une vie n'était pas faite pour quelque chose. Elle était, simplement.
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Par le biais de leur nom, et aussi de sa main tandis qu’il en traçait soigneusement les lettres, ils sortaient de l’air et de l’eau pour entrer dans le Livre. Leur faire une place là, c’était leur donner vie sous une autre forme, reconnaître leur présence dans le paysage, du moins sa part de paysage à lui : leur offrir un « sanctuaire ».
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Cela l’émerveillait. Une chose pareille. De pouvoir, par une chaude journée de novembre, avec le soleil lui brûlant le dos, la terre fourmillant sous lui et le paysage tout entier étincelant et stridulant, observer une créature qui, à peine quelques semaines plus tôt, se trouvait de l’autre côté de la Terre et avait trouvé sa route jusqu’ici en traversant toutes les cités d’Asie, franchissant des lacs, des déserts, des vallées encaissées entre de hautes chaînes montagneuses, survolant des océans sans le moindre point de repère, pour se poser précisément sur cette berge et entrer dans le cadre rond de ses jumelles : complètement contenue là dans sa petite vie – poitrine et flancs rayés, ventre blanc, pattes jaunes, le long bec explorant une flaque d’eau en quête de nourriture, soulevant la tête de temps à autre pour émettre ce cri singulier sur trois notes – et contenant complètement, invisible quelque part au-dedans, ce monde blanc virginal de la calotte glaciaire du Nord et la connaissance, profondément inscrite dans la cervelle minuscule, des voies aériennes et des trajectoires qui l’avaient amenée ici. Savait-elle où, sur la surface du globe, elle était arrivée ?
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La terre était chaude et grasse, elle fleurait tout ce qui est bon, et il n'avait pas mal au dos, contrairement à ce qu'il avait imaginé. Ni aux genoux. Et c'était vrai, après tout, ils avaient le temps, si loin que ça puisse être.
La route directe - tout droit à travers.
Il leva les yeux, croisa le regard plein d'humour de Clancy, et tous deux se sourirent. C'était peut-être bien ce pour quoi des mains étaient faites, songea Jim, ce creusement continu de la terre, tout comme des ailes étaient faites pour voler au-dessus de la courbure de la Terre vers une nouvelle saison.
Il s'agenouilla et creusa.

P°177
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Cela l'émerveillait. Une chose pareille. De pouvoir, par une chaude journée de novembre, avec le soleil lui brûlant le dos, la terre fourmillant sous lui et le paysage tout entier étincelant et stridulant, observer une créature qui, à peine quelques semaines plus tôt, se trouvait de l'autre côté de la Terre et avait trouvé sa route jusqu'ici en traversant toutes les cités d'Asie, franchissant des lacs, des déserts, des vallées encaissées entre de hautes chaînes de montagnes, survolant des océans sans le moindre point de repère, pour se poser précisément sur cette berge et entrer dans le cadre rond de ses jumelles : complètement contenue là dans sa petite vie - poitrine et flancs rayés, ventre blanc, pattes jaunes, le long bec explorant une flaque d'eau en quête de nourriture, soulevant la tête de temps à autre pour émettre ce cri singulier sur trois notes- et contenant complètement, invisible quelque part au-dedans, ce monde blanc et virginal de la calotte glaciaire du Nord et la connaissance, profondément inscrite dans la cervelle minuscule, des voies aériennes et des trajectoires qui l'avaient amenée ici.

Page 36 du livre de poche
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La terre là-bas s'élevait progressivement en direction de montagnes lointaines, d'un bleu intense, qui à cette heure de la journée étaient bleu pâle mais se rapprocheraient plus tard du pourpre. Les marais étaient bordés d'arbres à thé dont certains se dressaient en eau peu profonde, qu'ils teintaient d'un brun tabac. Leur lumière était ternie par l'ombre des nuages; puis comme une main invisible les eût essuyés d'un linge, ils s'illuminèrent, flamboyèrent, et l'argent disparut.

Page 11 du livre de poche
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Il n'y avait aucune honte - aucune au moins qui fut assez forte pour le condamner à mort - à avoir eu dix-huit ans un jour et à avoir presque tout ignoré de ce que le monde pouvait vous infliger.
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Sous ces railleries, il le sentait bien, il était des tensions que seul l'humour, le bon vieil humour tout à la fois doux et cruel, était capable d'apaiser.
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Ce qu'il avait vécu dans les camps lui avait appris à déceler toutes les formes que sait prendre la haine de soi.
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L'ennui, se dit-il, c'est qu'on ne vous apprend jamais rien de vraiment utile. Même pas dans les livres. Même pas dans les plus grands. Il faut toujours tout apprendre par soi-même au fur et à mesure.
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L'enfer... n'était-ce pas, tout simplement, le mot qu'ils avaient trouvé pour écrire tout ce qu'on pouvait imaginer de pire, pour dire le pire qui puisse jamais vous arriver? Eh bien oui : le pire arrive toujours, un point c'est tout. Et personne ne le mérite. Et ça, fiston, tu ferais mieux d'y croire tout de suite parce que tout ce que tu pourrais croire d'autre ne serait que folie.
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C’est ainsi que la guerre la toucha pour la première fois. C’était un mois après leur arrivée, un samedi de février. Il ne put jamais en parler. Et jamais, dans son esprit, le nettoyage au jet ne lui rendit sa propreté. Il faisait des cauchemars et se réveillait trempé d’une humidité collante qui était bien plus que sa propre sueur.
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La vérité le frappa alors avec une force plus énorme encore que le souffle de la Minnie. Il voulut hurler, mais aucun son ne sorti. Son cri lui fut renfoncé droit dans les poumons par un coup de masse et il cru qu’il allait étouffer.
Clancy, dans l’explosion, avait été rayé de l’existence. C’était le sang de Clancy qui le recouvrait, et l’étrange viscosité dont il était enduit n’avait rien à voir avec sa renaissance dans une autre vie ; c’était ce qui avait été dispersé lorsque Clancy avait été retourné comme un gant.
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Il entra au Land Office Hotel pour boire une bière au calme : c’était là qu’il avait coutume d’aller ; c’était le pub le moins bruyant de Brisbane.
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C’était curieux, cette façon qu’avait le lieu de s’imposer à eux et de les subjuguer. Même Ashley Crowther, qui préférait la musique, était ici silencieux et posé. Il demeurait assis sans bouger, sous le charme. Et peut-être, songeait Jim, que c’est aussi de la musique, cette sorte de silence.
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A la fin de l’été et tout l’automne, Jim avait vu la plaine de Salisbury peuplée de milliers d’oiseaux. Et plus tôt dans l’année, après le long trajet en train depuis Marseille, quand pour la première fois ils avaient traversé la Manche, il avait aperçu depuis le bastingage tout un vol de chevaliers guignettes, avec leurs ailes étrangement arquées vers le bas, évoluant au ras de l’eau huileuse, et, clairement identifiables parmi eux car beaucoup plus gros, des bécasseaux maubèches, certainement descendus de l’Arctique, le corps rougeâtre en cette saison – les mêmes bécasseaux qu’il aurait pu voir le long des bancs de sable sur les côtes australiennes, arrivant au printemps et repartant au début de l’automne, exactement comme ils le faisaient ici. Il était réconfortant de voir ces créatures familières, capables de venir d’un bout à l’autre du globe dans le cours naturel de leur vie, et de constater qu’elles étaient à peine touchées par l’activité déployée autour d’elles : les ferries crachant de la fumée, le déchargement des gros cuirassés, les cris, les coups de sifflet, les hommes débarquant le long des passerelles et se formant en rang sur le quai, les moteurs vrombissant des camions, les chevaux paniqués, descendus ruant et hennissant par des treuils, le son des cornemuses écossaises. Il enregistra le cri de ces chevaliers locaux – kitty wiper, kitty wiper -, qui était nouveau pour lui, et, plus étouffé, celui du bécasseau maubèche, si familier qu’il sentit son cœur se retourner et aurait pu se croire de retour dans les dunes chaudes, pieds nus, les yeux posés sur un long déroulement de lame. Ça faisait thu thu, un doux sifflement sur deux notes. Puis, encore plus doucement, wut. Très bas, mais son oreille le capta.
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La dernière fois qu'il était venu ici, il y avait des paysans dans les champs. A présent, la zone derrière les lignes était entièrement dévastée. La terre y était un vaste étal de chiffonnier, jonchée des restes épars des deux camps : des éclats d'obus et des obus entiers de toute taille, dangereusement intacts, de vieux sacs de sable piétinés et enfoncés dans la boue, une boucle avec sa longueur de sangle, le fer d'un outil de fortification, des photographies écorchés, des cartes à jouer, des paquets de cigarettes, des pages de romans à quatre sous et des dépliants imprimés en anglais, allemand, français, des débris de papier d'emballage, des fourchettes et des cuillères tordues, des lambeaux d'étoffe dépareillés qui auraient pu être vert-de-gris, bleu horizon ou kaki - il n'était plus possible de les distinguer ; des bidons fracassés, des timbales cabossés, et partout des fragments d'humanité adhérant encore au bois, au métal, au tissu, ou flottant dans l'écume verte des trous d'obus, ou vomis de la gueule des rats. Ils se frayèrent un chemin à travers tout ça. Une fois encore, ils creusèrent.
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Mais à Armentières, cette toute première fois-là, c'était depuis le centre-ville qu'on arrivait à la guerre. Après avoir traversé la Place de Onze-heures-et-demie (on l'appelait ainsi parce que c'était l'heure à laquelle l'horloge de l'hôtel de ville s'était arrêtée lors d'un des premiers bombardements ; tout ici avait été renommé, et puis nommé encore tandis que lieux et rues, un bosquet, un corps de ferme renonçaient à leur histoire ancienne et entraient dans la nouvelle), vous tourniez à gauche puis traversiez la Place des Barbelés jusqu'à vous trouver devant un grand bâtiment rouge appelé le Magasin des Cuissardes. Là, après avoir été équipé de bottes en caoutchouc qui vous arrivaient à mi-cuisse, et avoir piétiné quelques minutes pour vous habituer à les porter, vous étiez emmenés dans les sous-sols d'un autre bâtiment plus grand, en brique celui-là, qui était un asile d'aliénés ; à partir de là, empruntant l'Allée des Fous, vous rejoignez les lignes. L'Allée des Fous commençait comme une rue pavée, puis devenait un chemin de terre, et, avant d'avoir pleinement réalisé ce qui vous arrivait, vous vous retrouviez sur des planches. A partir de là, en dépit de tous leurs tours et détours, les caillebotis conduisaient tout droit à la guerre.
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