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Citations de David Malouf (52)


Par le biais de leur nom, et aussi de sa main tandis qu’il en traçait soigneusement les lettres, ils sortaient de l’air et de l’eau pour entrer dans le Livre. Leur faire une place là, c’était leur donner vie sous une autre forme, reconnaître leur présence dans le paysage, du moins sa part de paysage à lui : leur offrir un « sanctuaire ».
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D'abord les hirondelles des arbres, mais celles-ci venaient toutes des îles alentour et uniquement pour se reproduire ; du jour au lendemain elles étaient là, en grands vols, déjà occupées à rebâtir d'anciens nids ; puis les pluviers à face noire et les bécasseaux maubèches ; les divers chevaliers - dont, un jour, un chevalier aboyeur solitaire ; et puis les bécasseaux à queue pointue, les chevaliers sylvains des Balkans, les courlis de Sibérie, les courlis corlieux, les pluviers argentés, les bécassines du Japon, les martinets de Sibérie ; et, bien plus tard, vers la fin de l'année, les bargettes de Térek et les glaréoles, individus étrangers mêlés, dans le même vol, aux autochtones, mais clairement identifiables.
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A quelques kilomètres de là, dans des nids en béton, les mitrailleuses, déjà installées, attendaient. Les machines à coudre de la mort étaient en train de piquer leurs linceuls.
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Cela l’émerveillait. Une chose pareille. De pouvoir, par une chaude journée de novembre, avec le soleil lui brûlant le dos, la terre fourmillant sous lui et le paysage tout entier étincelant et stridulant, observer une créature qui, à peine quelques semaines plus tôt, se trouvait de l’autre côté de la Terre et avait trouvé sa route jusqu’ici en traversant toutes les cités d’Asie, franchissant des lacs, des déserts, des vallées encaissées entre de hautes chaînes montagneuses, survolant des océans sans le moindre point de repère, pour se poser précisément sur cette berge et entrer dans le cadre rond de ses jumelles : complètement contenue là dans sa petite vie – poitrine et flancs rayés, ventre blanc, pattes jaunes, le long bec explorant une flaque d’eau en quête de nourriture, soulevant la tête de temps à autre pour émettre ce cri singulier sur trois notes – et contenant complètement, invisible quelque part au-dedans, ce monde blanc virginal de la calotte glaciaire du Nord et la connaissance, profondément inscrite dans la cervelle minuscule, des voies aériennes et des trajectoires qui l’avaient amenée ici. Savait-elle où, sur la surface du globe, elle était arrivée ?
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«  Quoi qu’il puisse être par ailleurs, l’homme est une exception .S’il est inexact qu’une créature divine a déchu , alors nous pouvons seulement dire qu’un des animaux a complètement perdu la tête » .
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Il n’y avait aucun moyen d’exister dans ce pays, aucun moyen de s’y ouvrir une voie, hormis à ingérer les sons qui, donnés avec le souffle , en reliaient ensemble toutes les parties et les faisaient une.
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La mer a de nombreuses voix. Celle que cet homme cherche à entendre est la voix de sa mère. Il lève la tête, tend son visage à l'air glacial qui arrive du golfe, et goûte l'âcreté du sel sur ses lèvres. Le ventre de l'eau s'enfle et scintille, bleu-argent moiré, membrane étirée jusqu'à la claire transparence où naguère, durant neuf changements de lune, il a flotté, recroquevillé dans un rêve de préexistence, été bercé et réconforté. Il s'accroupit maintenant sur les galets en pente douce du rivage, ramène les pans de son manteau entre ses genoux. Menton baissé, épaules voûtées, attentif.
Premier paragraphes d'Une rançon
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C’était curieux, cette façon qu’avait le lieu de s’imposer à eux et de les subjuguer. Même Ashley Crowther, qui préférait la musique, était ici silencieux et posé. Il demeurait assis sans bouger, sous le charme. Et peut-être, songeait Jim, que c’est aussi de la musique, cette sorte de silence.
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A la fin de l’été et tout l’automne, Jim avait vu la plaine de Salisbury peuplée de milliers d’oiseaux. Et plus tôt dans l’année, après le long trajet en train depuis Marseille, quand pour la première fois ils avaient traversé la Manche, il avait aperçu depuis le bastingage tout un vol de chevaliers guignettes, avec leurs ailes étrangement arquées vers le bas, évoluant au ras de l’eau huileuse, et, clairement identifiables parmi eux car beaucoup plus gros, des bécasseaux maubèches, certainement descendus de l’Arctique, le corps rougeâtre en cette saison – les mêmes bécasseaux qu’il aurait pu voir le long des bancs de sable sur les côtes australiennes, arrivant au printemps et repartant au début de l’automne, exactement comme ils le faisaient ici. Il était réconfortant de voir ces créatures familières, capables de venir d’un bout à l’autre du globe dans le cours naturel de leur vie, et de constater qu’elles étaient à peine touchées par l’activité déployée autour d’elles : les ferries crachant de la fumée, le déchargement des gros cuirassés, les cris, les coups de sifflet, les hommes débarquant le long des passerelles et se formant en rang sur le quai, les moteurs vrombissant des camions, les chevaux paniqués, descendus ruant et hennissant par des treuils, le son des cornemuses écossaises. Il enregistra le cri de ces chevaliers locaux – kitty wiper, kitty wiper -, qui était nouveau pour lui, et, plus étouffé, celui du bécasseau maubèche, si familier qu’il sentit son cœur se retourner et aurait pu se croire de retour dans les dunes chaudes, pieds nus, les yeux posés sur un long déroulement de lame. Ça faisait thu thu, un doux sifflement sur deux notes. Puis, encore plus doucement, wut. Très bas, mais son oreille le capta.
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La dernière fois qu'il était venu ici, il y avait des paysans dans les champs. A présent, la zone derrière les lignes était entièrement dévastée. La terre y était un vaste étal de chiffonnier, jonchée des restes épars des deux camps : des éclats d'obus et des obus entiers de toute taille, dangereusement intacts, de vieux sacs de sable piétinés et enfoncés dans la boue, une boucle avec sa longueur de sangle, le fer d'un outil de fortification, des photographies écorchés, des cartes à jouer, des paquets de cigarettes, des pages de romans à quatre sous et des dépliants imprimés en anglais, allemand, français, des débris de papier d'emballage, des fourchettes et des cuillères tordues, des lambeaux d'étoffe dépareillés qui auraient pu être vert-de-gris, bleu horizon ou kaki - il n'était plus possible de les distinguer ; des bidons fracassés, des timbales cabossés, et partout des fragments d'humanité adhérant encore au bois, au métal, au tissu, ou flottant dans l'écume verte des trous d'obus, ou vomis de la gueule des rats. Ils se frayèrent un chemin à travers tout ça. Une fois encore, ils creusèrent.
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Mais à Armentières, cette toute première fois-là, c'était depuis le centre-ville qu'on arrivait à la guerre. Après avoir traversé la Place de Onze-heures-et-demie (on l'appelait ainsi parce que c'était l'heure à laquelle l'horloge de l'hôtel de ville s'était arrêtée lors d'un des premiers bombardements ; tout ici avait été renommé, et puis nommé encore tandis que lieux et rues, un bosquet, un corps de ferme renonçaient à leur histoire ancienne et entraient dans la nouvelle), vous tourniez à gauche puis traversiez la Place des Barbelés jusqu'à vous trouver devant un grand bâtiment rouge appelé le Magasin des Cuissardes. Là, après avoir été équipé de bottes en caoutchouc qui vous arrivaient à mi-cuisse, et avoir piétiné quelques minutes pour vous habituer à les porter, vous étiez emmenés dans les sous-sols d'un autre bâtiment plus grand, en brique celui-là, qui était un asile d'aliénés ; à partir de là, empruntant l'Allée des Fous, vous rejoignez les lignes. L'Allée des Fous commençait comme une rue pavée, puis devenait un chemin de terre, et, avant d'avoir pleinement réalisé ce qui vous arrivait, vous vous retrouviez sur des planches. A partir de là, en dépit de tous leurs tours et détours, les caillebotis conduisaient tout droit à la guerre.
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Cette créature que j'ai pu prendre si facilement dans mes mains, dont j'ai pu sentir le cœur battre et les fortes ailes palpiter contre mes paumes, a volé plus loin et même plus haut que cet aéroplane disgracieux. Elle a été jusque en Sibérie. Son minuscule œil vif a vu quelque chose de vaste. Toute une moitié de la Terre.
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Il entra au Land Office Hotel pour boire une bière au calme : c’était là qu’il avait coutume d’aller ; c’était le pub le moins bruyant de Brisbane.
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ils étaient tombés, lui est ses contemporains, dans une poche obscure du temps d'où il était impossible de s'échapper.

p.142
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La terre était chaude et grasse, elle fleurait tout ce qui est bon, et il n'avait pas mal au dos, contrairement à ce qu'il avait imaginé. Ni aux genoux. Et c'était vrai, après tout, ils avaient le temps, si loin que ça puisse être.
La route directe - tout droit à travers.
Il leva les yeux, croisa le regard plein d'humour de Clancy, et tous deux se sourirent. C'était peut-être bien ce pour quoi des mains étaient faites, songea Jim, ce creusement continu de la terre, tout comme des ailes étaient faites pour voler au-dessus de la courbure de la Terre vers une nouvelle saison.
Il s'agenouilla et creusa.

P°177
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Une vie n'est pas faite pour quelque chose. Elle est, simplement.
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«  La terre plate avait été transportée en une autre forme et rendue accessible à un autre sens.
Une exubérante psalmodie dont le vrombissement , le palpitement, le sifflement exalté par tant de gorges distendues avaient constitué la basse obstinée , s’apercevait- il , de toutes les musiques qu’il avait jamais connues .
C’était le son auquel le mouvement de son être tout entier s’accordait .
Debout pieds nus sur les planches rugueuses, il les laissa emplir son
oreille » .
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Une nuit, pendant plusieurs heures, il y eut un bombardement sous lequel ils se tinrent blottis, les bras autour de la tête, non pas seulement pour se protéger du bruit mais pour feindre, comme l'auraient fait des enfants, d'être invisibles.

p. 133
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Dehors, pour la première fois depuis qu'il était gosse, Jim pleura, enfonçant durement ses poings dans ses yeux, tâchant de contrôler sa respiration, choqué — c'était comme si quelque force impersonnelle avait pris possession de son corps et pleurait à travers lui — par la violence de ses propres sanglots.
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C'est ma chair que l'on traîne dans la poussière là-bas. Par sept fois déjà j'ai pleuré un fils dans cette guerre. Et de chacun, ce que je me rappelle, ce sont les petits coups de pied qu'ils me donnaient sous le cœur – ici, juste ici –, et le premier cri qu'ils ont poussé quand je les ai mis au monde, et leurs premiers pas.
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