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Critiques de Denis Nuñez (27)
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Ils ont abattu l'orme de la place

Nous avons peut-être perdu l'habitude d'entendre le chant des oiseaux, mais la lecture est en mesure de supplanter la tristesse ainsi engendrée.



Je poétise avec l'auteur qu'il n'y a pas d'humain sans une émotion vive et je vous invite à découvrir ce journal de bord d'un flâneur invétéré à travers des rues ouvertes à tous, pour revivre précisément des émotions variées.



J'ai été saisie par la poésie (voire les rimes internes) de ce livre : « je suis sorti très tôt dans la ville bousculée par un petit jour clairet » (p. 9).



Des citations très intéressantes et autant d'invitations à d'autres découvertes littéraires sont placées avec délicatesse en exergue de chaque texte. Autant de « relais tangibles de [la] mémoire fragile » de l'écrivain qui œuvre pour la pérennité et qui, plutôt que de se lamenter de la perte de l'orme, observe lucidement « le baliveau » (mot que je découvre pour la première fois) qui « le remplace ».



Je me suis laissée emporter par le « bruissement léger du vent » et par cette douce musique nostalgique qui accompagne la lecture de ces « papiers collées ». D'ailleurs, on retrouve Georges Perros à la page 135, au sujet de l'indifférence, et ce livre de « souvenirs dormants » se termine par « cette chanson des cœurs heureux » (p. 146).

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Le chemin de l'oued

Pour moi, l’Algérie appartient aux trésors du paradis de mon enfance. J’y ai, en effet, vécu pendant deux petites années (1982 à 1984) et surtout j’y ai appris le français. Aussi, c’est avec grande curiosité que je me suis plongée dans ce livre que l’éditeur qualifie dès la couverture de « récit autobiographique ».



Au sens large l’autobiographie se caractérise au moins par l’identité de l’auteur, du narrateur et du personnage. Le prologue nous renseigne utilement sur la démarche de l’auteur : « Ce travail de mémoire n’a pas la prétention de proposer une analyse de la situation des Français en Algérie. Il a pour unique ambition de figer pour les miens et pour ceux qui le liront, l’histoire d’une Algérie, celle que j’ai vécu. »



C’est précisément ce vécu qui m’intéresse chez Denis Nuñez, vécu écrit « par un enfant de 9 ans dont j’ai voulu restituer la naïveté et la candeur ». Je trouve le résultat fort réussi.



Qu’elle est belle cette déclaration d’amour : « Ma conscience d’Aïn-El-Arba se traduisait également par la couleur particulière du ciel, le vent sur mon visage, les images et les odeurs. Elle devenait réelle lorsque ce ciel, ce vent, ces images, ces odeurs venaient à ma rencontre » !



Une image (à peine idéalisée ?!) d’une enfance heureuse, un exode douloureux et surtout une écriture que j’ai vraiment beaucoup aimée. La scène des « piroulis », comme tant d’autres, dénote pour moi un réel talent d’écrivain et un grand raffinement dans la restitution si sensorielle de la mémoire. L’auteur a réussi brillamment son « travail de mémoire » au prix d’un travail littéraire que je soupçonne considérable, tant la construction et le style me semblent cohérents. J’ai également beaucoup aimé la fin (les deux derniers paragraphes).



Un excellent moment de lecture pour moi !
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Le rock aux trousses

J’en ai pris plein les mirettes et surtout plein mes oreilles, car j’ai lu en écoutant simultanément la playlist (70 références dit la quatrième de couverture).



Je ne sais pas si Denis me donnera tort ou raison, mais son livre me fait penser à la chanson de Jacques Dutronc, Entrez m’sieur dans l’humanité, sur des paroles géniales de Linda Lê.



Que de « passages stabilobossés » dans mon exemplaire de ce roman qui se veut un « travail de mémoire », mais qui n’est ni plus ni moins un livre au rythme endiablé, un récit fictif, mais si réaliste de cette « putain de vie qui te retient dans ses filets » (p. 159, The Rolling Stones), avec comme fil rouge « les 1 500 francs par mois » (de salaire) et l’année 1972 comme cadre temporel !



« Dans cette chambre de 9 mètres carrés pleine de fumée et de musique, il sont loin des projets de Pompidou, des angoisses parentales et si le narrateur venait à les interroger sur leur futur poste et son salaire à 1 500 francs, ils lui riraient au nez » (p. 121)



Dans sa dédicace, Denis évoque une « image fantasmée de la France des années 1970 dans une province magnifiée par la musique rock déclencheur des rêves d’adolescents attardés », et j’ai pris énormément de plaisir à lire un livre aux aspects sociologiques criant de réalisme, aussi bien dans la description de ce centre de la France (Bourges et sa région), mais dans la psychologie fine de personnages (assez multiples) vite, mais si bien croqués.



Il y a au centre du récit le narrateur Jules Lopez (fils de Danny) qui décède début août 2022 et qui grâce au journaliste de « La République du Centre », à Maxime Tamarin, à la « haute technologie » et à sa fille aussi, part à la recherche du passé rock de son père, ancien de la bande de Paul Primal, comprenant aussi les dénommés Ludovic Simon, et Pierre Desormeaux (conteur hors pair). Très jolie et malicieuse, mise en abîme page 53, quand Denis établit le lien avec ces amis et son propre roman « Hors de portée, le Musicien Silencieux », que j’ai d’ailleurs décidé de lire dans la foulée.



Le sarcasme de l’auteur est à la fois évident et subtilement instillé, avec ce leitmotiv de « l’IUT façon Pompidou » ; « deux ans d’études et boulot à 1 500 balles par moi. Basta ! » Mais vont-ils tous y arriver ? Je n’en dirai pas plus si ce n’est qu’une fois commencé, je n’ai plus posé le livre, autrement que pour me sustenter et assouvir d’autres besoins urgentissimes.



« Le tandem études courtes/boulot avait le vent en poupe sous Pompidou. […] tout ça pour des clopinettes et des tours de reins. Drôle d’époque. » (p. 56). « Selon la volonté pompidolienne, un avenir inodore et sans saveur les attend. Un poste de cadre moyen à 1 500 francs par mois. »



Autour de cette année particulière 1972 la question est « faut-il écouter du rock » ? De « All Right Now » des Free (« Tube planétaire ! L’essence du rock, sa substantifique moelle ! », p. 58), en passant par la « désespérance » de mon idole Leonard Cohen, la boucle semble se boucler avec Bob Dylan, et son symbole de Pâques.



Si déjà j’ai « stabilobossé », encore quelques citations pour la route et surtout pour vous convaincre de laisser le rock vous poursuivre « aux trousses » :



Amour : « Leurs corps se comprenaient et c’était déjà beaucoup » (p. 60)



Kent (bakchich omniprésent en Roumanie sous le communisme) : « […] cartouches de Kent qui accompagnaient les armes et les munitions dans les containers parachutés par Londres » (p. 63)



Musique : « Le rock c’est 10 % de technique et 90 % d’énergie ! » (p. 78).



Dans les 10 % de technique d’écriture exquise de Denis il faut rappeler d’autres petits fils brodés dans cette fresque : le bus « modèle U 23 utilisé par la compagnie des Transports Citroën entre 1935 et 1969 » (p. 21), les cerisiers (« sauvages ») de cette époque où « le temps n’était pas au repli sur soi » et où le printemps existe encore, avec cet « air [qui] est à la fête, les hormones chahutent les étudiants comme de jeunes abeilles enivrées par leur premier butinage de pistils. » (p. 159) et d’où les paradoxes (éternels balanciers de la pensée) ne manquent pas.







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Le chemin de l'oued

Voici l'histoire d'une enfance arrêtée dans son élan d'insouciance.



En 1962, la guerre d'Algérie oblige quantité de « pieds-noirs » à quitter le pays où ils vivaient, souvent depuis plusieurs générations, pour s'établir dans cette « autre France » qui leur est étrangère.



Les préparatifs du départ autant que l'ignorance des événements pour un petit garçon de neuf ans, accélèrent le processus de maturité et font remonter les souvenirs d'une époque heureuse : la mémoire sémantique de Denis nous offre les visages et expressions familières, la place des objets dans la maison, la description scrupuleuse du village, des arbres du jardin, mais aussi cette mémoire épisodique qui retrace les rigolades en classe, les courses de vélos, les petits larcins, l'écoute aux portes, l'inspection des tiroirs, etc.



La famille espagnole de Denis (maternelle et paternelle) est marquée par l'exil, qu'il a tellement bien raconté dans son deuxième livre « Les Golondrinas ». Que ce soit en Argentine ou en Algérie, il y a eu tôt ou tard regroupement familial, de celui qui fonde des liens d'entraide et de solidarité, et aussi l'acceptation de l'abandon de biens acquis et cette détermination inébranlable à en créer d'autres. Cette force et cette confiance dans la vie ont, semble-t-il, été imprimées dans les gènes de l'enfant.



Quatre garçons, un père maçon qui travaillait le béton comme personne, une mère comptable de la petite entreprise familiale et couturière à l'occasion, des oncles, tantes et cousins pour rendre les dimanches familiaux pleins de chants et de gaieté. Tout ce petit monde vivait heureux, confiant dans l'avenir, en bonne intelligence avec la communauté arabe du village, jusqu'au jour où des rumeurs de plus en plus persistantes achevèrent de convaincre les Européens de partir sous peine de représailles des « Arabes de la montagne » pervertis par les idées du FLN.



A Oran, l'armée omniprésente endiguait le flux des exilés prêt à l'embarquement tandis que les enfants se regroupaient par affinités et échangeaient les innombrables souvenirs de leur jeune vie pour tromper l'attente interminable.



Après le bateau, le train jusqu'à Bourges, destination finale où une nouvelle tranche de vie allait succéder à l'enfance déracinée.



Premier essai d'écriture que je me plais à saluer et grâce auquel je me rends compte des progrès considérables réalisés dans « Les Golondrinas ». Bravo Szramowo et bon vent à ta plume alerte et attendrissante.

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Ils ont abattu l'orme de la place

Où part-il, Denis Nunez, vers quel autre lieu à décrire lorsqu'il a réussi à photographier tout ce ciel, ces pans de nature, où s'enfuit-il quand il a arraché au paysage ces fragments de vécu - de notre vie - pour les coucher de façon si vive et fugace dans ses courts récits ?



L'auteur nous y rapporte, en peintre impressionniste de la nature et surtout la nature humaine, en quelques paragraphes, le déclic initiateur de multiples pans de vie. Tout commence et ne fait que commencer à chaque narration de ce recueil.



Comme de primesautiers débuts de romans, les récits à chaque fois nous laissent, dubitatifs, rêver à la suite, la bâtir, la formuler; l'auteur lui nous a livré l'essentiel, la lumière d'un bout de pays, le caractère vite brossé d'un personnage... Pas besoin qu'une intrigue se forme, elle est toute entière là, comme un bourgeon, recroquevillée dans les mots expressifs et les descriptions imagées du narrateur, prête à éclore dans votre imagination de lecteur créatifs.



"Il imagine des personnages et les baptise des noms lus sur les panneaux routier"



C'est aussi un monde de solitaires, emplis de vie et de sens mais sobres dans leurs gestes et leurs dialogues - aux lecteurs de développer :



" La litanie habituelle de la rue. Chacun des fidèles est absorbé par sa propre prière."



C'est enfin une suite sans cesse renouvelée d'ascensions vers une certaine lumière: celle du soir, qui termine nombre des récits ou celle d'une épiphanie où tout entier un être se révèle. Denis Nunez nous offre la vie habillée de ciel !





C'est une agréable promenade à travers le "temps qui passe" que nous offre ce livre!



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Golondrinas

Combien parmi nous connaissent et sont capables de raconter par le menu la vie de leur famille sur quatre générations ? Parmi eux, combien l'ont fait ?

Ce livre, rempli de respect et d'émotion, est un hommage rendu par Denis Nunez à sa famille. Il est construit comme un roman, se lit comme on écoute une histoire à la veillée.

Pour pallier le ralentissement économique qu'entraîne la mécanisation du labeur minier, qui, lui, épuise les hommes et les rend vieux prématurément, ces travailleurs persévérants tentent l'aventure lointaine. Qui en Argentine, une fuite plus qu'une quête d'Eldorado. Qui en Algérie, où deux soeurs vont se retrouver et faire souche, la troisième étant décédée dans la fleur de l'âge.

Malgré l'âpreté de la vie et l'absence des hommes, ces soeurs prennent leur quotidien à bras-le-corps, s'occupent de leurs nombreux enfants et veillent au grain qui s'invite régulièrement. Elles sont soutenues par leur foi inaltérable en Dieu, membre à part entière des familles.

Bien ficelé, riche en vocabulaire et en précision, cette oeuvre m'a fait penser à plusieurs reprises au style de Gabriel Garcia Marquez.

Vie lente et dure, secrète mais aussi joyeuse, pour ces "golondrinas" acharnés à donner une vie meilleure à leurs descendants. Ces "hirondelles" saisonnières sont empreintes d'une dignité infinie qui force le respect.

Chapeau à l'auteur (5e génération) pour cette saga familiale enrichissante et tous ces détails sur la vie en Espagne et en Algérie dans ce XXe s. qui frémissait sous les conflits (Cuba, décolonisation de l'Algérie) annonçant des lendemains plus optimistes.
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Hors de Portée : Le musicien silencieux

Mon dernier roman Hors de portée vient d'être publié aux éditions l'Harmattan.

Le billet qui suit n'est pas une critique mais une présentation du roman, de la façon dont je l'ai écrit et du ressenti des premiers lecteurs.

Hors de Portée raconte l'histoire de Marc Montaine et Jean Esposito, deux adolescents qui se retrouvent aux alentours de 1966 en classe de 4ème au Lycée Alain Fournier de Bourges.

Marc et sa mère Micheline, issus d'une famille d'agriculteurs ont quittés le sud du Cher pour la capitale du département. Jean et sa famille sont des rapatriés d'Algérie échoués à Bourges.

La ville connait un développement sans précédent. Entre 1954 et 1975, sa population passe de soixante à soixante-dix-sept mille habitants.

Au nord de la commune, sur d'anciens terrains agricoles, de nouveaux quartiers accueillent des employés de la nouvelle usine Michelin, des fonctionnaires, des employés de la SNCF, des artisans, mais aussi des immigrés d'origine portugaise, polonaise, italienne, espagnole, des rapatriés d'Algérie. Une véritable petite ville de plus de dix-mille habitants, émerge au milieu des champs, avec son Église, son centre commercial, ses logements vastes et bien éclairés, ses zones de parkings, ses rues rectilignes faites pour la voiture.

Le centre historique de la ville est déserté, jugé peu fonctionnel comparé aux nouveaux quartiers. le vieux lycée Alain Fournier hébergé dans l'Hôtel des Echevins, un bâtiment de la fin du XVème siècle, déménage au Nord consacrant la vocation centrale de ces quartiers excentrés.

Marc et Jean vivront à leur façon cette période d'euphorie où tout semble possible. Au lycée, Marc plutôt rebelle, subit les avanies d'un prof revanchard au passé peu clair sous l'occupation, Rodolphe Courchamps. Heureusement, Julien Ménitré, le censeur et le surgé Mulot, d'anciens résistants, s'ils ne renoncent pas à exercer leur autorité veillent au grain. Jean, bon élève, lui, amènera Marc à prendre plus de recul sur l'école et l'éducation.

Mais c'est en dehors du lycée qu'ils s'épanouiront. La MJC qui est aussi le lieu où répète un groupe de rock local, les Médiator's devient très vite leur quartier général. Avec le centre social et la troupe de scouts dont l'aumônier est l'abbé Henri Boursay, la MJC constitue l'ossature des loisirs offerts aux jeunes du quartier.

Régine Denizard et Marc Montaine vivent en couple, avec Jean, ils forment un trio dont la réputation n'est plus à faire dans la cité.

Amelia la mère de Jean et Micheline se rencontrent, deviennent amies et jouent un rôle important pour l'évolution de la relation de leurs enfants. Marc a travaillé durant l'été aux côtés de José le père de Jean, maçon dans l'entreprise le Palestel qui construit la majeure partie des immeubles du nouveau quartier. Ces liens croisés renforcent l'amitié des deux garçons.

Déterminés à suivre l'exemple des Mediator's, Marc et Jean vont suivre des voies différentes pour parvenir à réaliser leur rêve. Jean en poursuivant des études universitaires et en publiant trois ouvrages fondateurs du courant de l'electro rock. Marc en devenant leader des Mediator's, puis après leur dissolution, en formant deux groupes devenus cultes, Protocole à Rome et Détente Politique.

La séparation des deux jeunes hommes est vécue comme une trahison par Jean comme un simple avatar de la vie par Marc.

A la mort de Jean, Marc revient à Bourges pour recueillir les témoignages des survivants de l'épopée du groupe les Médiator's, notamment ceux du batteur Ludovic Simon et décide d'écrire Hors de Portée, le musicien silencieux ou la véritable histoire de Jean Esposito. La boucle est ainsi bouclée.



Livre de souvenirs, plus biographique qu'autobiographique, l'écriture de Hors de Portée renonce à la chronologie des faits et à l'utilisation du « Je ».

La construction du roman peut sembler décousue voire artificielle et le lecteur peut parfois se retrouver perdu dans ce labyrinthe de témoignages sans parvenir à recoller les morceaux.

Les lecteurs du manuscrit original ont toutefois souligné la justesse et la précision de certains chapitres comme ceux consacrés à José Esposito et au travail des maçons, à l'histoire de Rose Lecoigneux et de sa lutte pour acquérir son indépendance, à l'histoire de la création de l'entreprise le Palestel.

Un roman témoignant d'une époque passée, à découvrir.


Lien : https://camalonga.wordpress...
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Hors de Portée : Le musicien silencieux

Je remercie Babelio et les éditions L'Harmattan pour ce livre reçu dans cadre de Masse Critique et qui m'a permis de découvrir Denis Núñez, auteur et babeliote.



Contrairement à d'autres avis, j'ai personnellement éprouvé quelques difficultés à entrer dans ce roman à la construction particulière.

Le fait que l'auteur ait renoncé à la chronologie a rendu ma lecture incertaine me laissant comme au bord du chemin.

J'ai vu défiler devant moi beaucoup de personnages sans parvenir à leur emboiter le pas.

Et pourtant l'histoire de ces jeunes gens des années '60-'70 qui, pour trouver leur identité dans une ville de Bourges en pleine essor, se tournent vers la musique rock, nous apprend beaucoup de choses sur l'époque tout en réveillant quelques souvenirs.

De nombreux sujets sont abordés, tels l'enseignement, l'immigration, l'urbanisation, le compagnonnage ou la contraception.

L'amitié improbable entre Jean Esposito et Marc Montaine est le reflet d'une génération qui se cherche et veut renverser les codes.

L'auteur fait preuve d'une grande justesse lorsqu'il aborde des sujets comme la maçonnerie, l'actualité ou la variété de l'époque.

Un beau travail de documentation qui fait de ce livre la chronique d'un passé pas si lointain pour certains d'entre nous.



La plume est belle, précise; les chapitres sont courts, la lecture aisée.

La volonte de l'auteur de s'attarder sur le contexte social provoque quelques longueurs dont je me suis parfois impatientée.

Denis Núñez signe ici un roman-témoin non dénué d'intérêt, bien écrit mais où il manque, selon moi, un peu d'émotion.

Je souhaite bonne continuation à cet auteur talentueux !

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Ils ont abattu l'orme de la place

« Ils ont abattu l'orme de la place » est un recueil composé de 45 récits courts (entre 2 et 5 pages) écrits pendant le premier confinement.



Le narrateur, je - il - elle, rend compte de ses déambulations dans la ville et dans la vie. le temps qu'il fait, le ciel, le soleil, les nuages, la pluie, la neige, le silence, les bruits, les odeurs, le chant des oiseaux, la chute régulières des marrons, des personnages familiers ou de rencontre accompagnent ces errances et donnent corps à ses impressions.



En exergue de chaque récit, une citation en souligne le propos ou s'en démarque.



On y trouve pêle-mêle, « la lune large et pâle » De Maupassant ; les « roseaux aquatiques, les herbes de la berge, les petits bosquets de saule » de Dino Buzzati ; le ciel de Philippe Djian « ni rose ni honnête pour la peine », ; « Le ciel lisse comme une pierre de lavoir » de Giono et sa route qui « sait généralement ce qu'elle fait » et qu'il « n'y a qu'à suivre ».



Sur les arbres sont perchés, le chardonneret de l'Evangile selon Saint Marc de Jorge Luis Borgès ; le chardonneret qui chante de Eduardo Mendoza ; Adèle le passereau « trempé comme une soupe » de Andréa Camilleri.



Dans les villes on retrouve ces foules qu'évoquent « Les tramways lourdement chargés » de Joseph Roth ; mais aussi l'envie de fuir comme Julien Gracq « Il y a un grand charme à quitter au petit matin une ville familière pour une destination ignorée » ; et « Les cafés qui éclatent d'atmosphère » de Léon Paul Fargue.



Le narrateur a également rencontré la femme de trente ans du XXème siècle, la même que celle décrite par Balzac ; et ses propres Bouvard et Pécuchet…



La musique est un lien fort entre certains des récits, comme ces « mystérieuses résonances » empruntées à Miguel Torga ou à la voix de Joséphine la cantatrice de Kafka.



Les souvenirs permettent de conserver ces choses familières bientôt disparues, qu'il est parfois impossible de garder en mémoire, comme ces « quelques mesures très connues qu'il n'arrive pas à identifier, justement parce qu'il les a trop entendues » de Bernard Pingaud.



Ces différents récits rappellent, comme le dit Michele Mari, que nous sommes qu'on le veuille ou non, « dilapidateur » de notre enfance…et responsables de la disparition de tous les signes qui constituent notre quotidien. Ces signes dans lesquels se réfugie notre âme et dont nous mesurons la disparition sans pouvoir rien y faire.



Espoir, fuite, nostalgie, regrets…et après ?
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Ils ont abattu l'orme de la place

J’ai mis longtemps à lire ce minuscule livre (mois de 150 pages). C’est qu’il est le contraire d’un page-turner : un recueil de brèves, assez inclassables car ce ne sont pas non plus des nouvelles ; des poèmes en prose, peut-être, des « tableaux » dit la quatrième de couverture, les instantanés, impressions fugaces d’un monde qui semble d'autant plus destiné à se déliter que ce recueil a été écrit au bord d’un monde en train de basculer, pendant le premier confinement. Paysages urbains, comme dans le texte d’ouverture, cette place dont l’orme abattu donne son titre à l’ouvrage, paysage ruraux comme celui de « La chute régulière des marrons » : une promenade en automne sur un sentier givré, et les nuages. Car dans ces tableaux impressionnistes, les nuages, « les merveilleux nuages » de Baudelaire occupent une place privilégiée, emblématiques de ce que Denis Nunez s’efforce de transmettre, le fugace, l’impression, le temps qui fuit. « Un escalier irrégulier de nuages monte jusqu’au soleil. Un géant invisible l’a emprunté et déformé de ses pieds balourds. Les marches s’étalent maintenant en une masse informe et cachent la lumière vers laquelle elles formaient un chemin ». Tout passe et « le vent abuse ». Brèves de souvenir, aussi« Pourquoi sont-ils partis avant moi ?» dit une vieille dame touchante, « Il se souvient du patronage le jeudi après-midi et du curé qui levait sa soutane pour jouer au foot. La honte ! » Portraits d’hommes ou de femmes à un instant T, minuscules souvenirs, pensées d’un instant, humour léger de qui a toujours confondu Simon et Garfunkel !

Denis Nunez nous avait habitué à une écriture plus «terrestre », saga familiale de migrants en quête d’une vie meilleurs, comme « Les Golondrinas », ou saveur charnelle d’une enfance algérienne ("Le Chemin de l’oued"), il nous étonne ici d’un recueil immatériel et poétique.

Aussi ces textes se savourent-ils un par un, le livre glissé dans une poche pendant quelques instants de loisirs ou d’attente, il faut leur laisser le temps de résonner et ils sont si courts, si légers, qu’on y revient avec délice et qu’il en subsiste une sensation prégnante d’un temps trop vite disparu.

« Les silhouettes de la forêt s’estompent maintenant dans le soir »…

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Le chemin de l'oued

J'ai vraiment aimé ce livre tendre, plein d'humour et de fraîcheur. Il s'agit d'une enfance algérienne, celle d'un petit pied-noir qui quittera sa terre d'enfance à l'âge de neuf ans. L'enfant vit dans un village agricole de l'ouest algérien, sur la frange littorale, Aïn-el-Arbaa (La quatrième source). Il est issu d'une paisible famille espagnole émigrée du temps de sa grand-mère, son père est maçon, tantôt à son compte, dans les temps de prospérité, et tantôt employé par des entrepreneurs, sa mère est couturière. A travers son regard, c'est tout un petit village qui revit, avec ses commerçant, son école son curé. Mais un village multiculturel, comme l'étaient ces communautés d'Algérie, avec aussi d'autres coutumes religieuses, d‘autres mausolées (un marabout est même enclos dans la cour de la maison de l'enfant).

Sans aucune acrimonie, l'auteur décrit cette vie simple et heureuse, tellement ensoleillée, fêtes religieuses, fêtes de famille, inventions d'enfants (j'ai particulièrement aimé le rite d'initiation qui consiste à oser manger une de ses crottes de nez !) Personne ne roule sur l'or, mais on compense par de la dignité et des rapports de solidarité avec les voisins. Et l'on s'exprime avec ce parler coloré, espagnol populaire ou bien français d'Algérie, ou pataouète, mélange d'espagnol, d'arabe et de français, mais déformés déviés de leur sens propre : « Qu'il est gracieux, ce gosse », « Traga la soupe, traga la soupe, le soldat » « Çuila ? il est maigre comme un stokofish », souvenirs d'une langue morte (enfin, n'exagérons pas, d'un parler oublié).

L'observation de ce petit garçon sage est très fine, on retrouve avec plaisir ces phrases charmantes pour ceux qui les ont connues, mais aussi, des comportements, des attitudes, des notations comme celle du silence pesant d'Oran se préparant à l'exode.

Moments de joie, moments de peine scandent une très intéressante description des moeurs des petits villages de cette Algérie rurale et coloniale.

Nostalgérie ? Peut-être pas vraiment. Car voyez la fin du livre : « Notre voisin, un paysan du sud du Cher contraint à l'exode rural avec se famille, vivait un déclassement social et professionnel équivalent à celui de mon père… Nous retrouvions dans ses récits des nostalgies comparables à la notre. Il racontait a façon dont vivaient les habitants du village qu'il avait quitté. Cela ressemblait trait pour trait à ce que nous avions vécu à Aïn-el-Arbaa… Il regrettait son village aussi fort que nous regrettions Aïn-el-Arbaa. »

« Toute enfance est une patrie perdue » disait J. Frémeaux dans un récent recueil .sur l'Enfance des français d'Algérie, justement.

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Golondrinas

Les Golondrinas de Denis Nunez n'ont pas d'ailes ni de nids perchés sous les poutres des toits, elles ne dessinent pas une partition de notes noires et blanches sur les fils télégraphiques, elles n'annoncent pas non plus le printemps: on appelle ainsi en Espagne les migrants saisonniers qui, poussés par la misère et le manque de travail, quittent leurs terres et leurs villages pour aller louer leurs bras de l'autre côté de la Méditerranée, en Algérie, à la saison des récoltes ou des vendanges...Ces "golondrinas"-là finissent souvent par ne plus revenir au village natal...



C'est un livre touchant et intéressant.



Touchant, parce qu'on y sent toute la force d'un clan familial que les malheurs, les morts, les séparations ont cimenté au fil des générations, touchant parce que l'auteur a voulu l'écrire pour sa mère, très âgée, mais encore vivante au moment de la parution du livre, et que la petite Denise a dû recevoir comme un magnifique cadeau cette saga du courage et de la solidarité familiale sur 4 générations.



Intéressant parce qu'il fait revivre à hauteur d'homme des événements marquants: le pillage et la désertification des sols miniers, devenus impropres à la culture, la guerre coloniale tragique et cruelle de Cuba, la conscription fatale aux pauvres gens, la pesanteur -et la force aussi - de la religion dans cette Espagne paysanne de la fin du XIXème siècle, et surtout, surtout, la magnifique opiniâtreté, la tendre solidarité des femmes dans un monde machiste et rude, où elles sont le lien, la solidité, la présence et la douceur qui permettent souvent aux hommes de supporter la dureté de leur existence et aux enfants de faire reculer la frontière de leurs craintes.



Une femme surtout se distingue: la superbe Damiana, grand-mère de l'auteur, cheville ouvrière du regroupement familial, femme de ménage, brodeuse, tenancière d'une boutique de bois et charbons, couturière , douce, intelligente, obstinée, courageuse...elle éclaire vraiment tout le récit!



L'histoire des trois sœurs d'Alméria est exemplaire de la tendresse, de la fidélité et de la patience de trois femmes -trois sœurs- qui ont lutté contre vents et marées.



Contre la misère, la mort et la guerre qui leur ont enlevé leurs hommes. Contre leurs hommes eux-mêmes, avec leur appât du gain, leur envie d'ailleurs, leur orgueil de travailleurs humiliés.



Elles ont réussi à rassembler leurs forces, à refonder leur famille sous des cieux plus cléments, et à donner à leurs propres enfants l'éducation et les chances qu'elles n'avaient pas eues..



Un petit bémol: on se perd un peu, surtout au début, dans une famille espagnole où les fils reprennent souvent les prénoms paternels, où le nom de famille se compose de celui du père et de celui de la mère...et où les enfants, nombreux, viennent encore corser la difficulté!! Un petit arbre généalogique aurait été le bienvenu!



Sinon, le récit est vivant, coloré, chaleureux et plein d’enseignements sociologiques et historiques, dépassant largement l'intérêt, plus limité, d'une simple chronique familiale.

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Le rock aux trousses

J'ai rencontré l'auteur que je devais interviewer pour le fameux Fanzine Suisse

« Tant qu'il y aura du Rock !»

À peine étais-je assis qu'il me lance :

« T'as déjà eu le Rock aux trousses ?»

Je ne pouvais répondre NON ! au risque de voir cet entretien tourner court. J'ai tourné 7 fois ma langue dans ma bouche avant de lancer :

« Ma relation au rock est plus nuancée, plus complexe oserais-je dire, j'ai couru à ses côtés dès mon plus jeune âge, quelquefois il me dépassait, j'étais à ses trousses, et d'autres fois je le dépassais, il était à mes trousses...»

« J'ignorai qu'à Tant qu'il y aura du rock il y avait des critiques affutés comme tu sembles l'être.»

L'auteur se détendit et esquissa même un sourire, lui dont on disait qu'il en était avare.

J'eus le droit à la version détaillée de l'histoire de l'écriture du roman.

Aux alentours de 2017, un vieux pote de fac perdu de vue depuis 30 ans surgit hors de la nuit tel un Zorro vengeur pour rappeler à son vieux camarade leur épopée 1972, épopée qu'il qualifie d'Instant Karma sans rougir de la référence à Lennon. ils se rencontrent une fois deux fois trois fois, rameutant les souvenirs que l'auteur transcrit sans les enjoliver, en leur donnant la couleur de l'espoir qu'il avaient alors, sans parler de celle de la désillusion qui les recouvrirait plus tard. le projet prenait forme. Jusqu'au décès du vieux poteau, un jour de juillet 2023 où l'orage l'emportait sur la canicule.

L'ouvrage devait être mené au bout. Jusqu'à sa publication. Obligation morale.

L'auteur me donne ses clefs de lecture. Explique les allers retours entre 2022 et 1972 ; la double filiation Danny Lopez - Bob Dylan et Danny Lopez Jules Lopez et sa fille. le choix de faire mourir Danny Lopez lui apparaît comme prémonitoire, presqu'une malédiction.

Il raconte comment son personnage est passé de Dylan aux Stones en passant par la case Bowie pour finir déguisé en employé modèle.

J'ose une question :

« Sur la couverture figure un ampli Fender alors que l'ampli de référence dans la période que vous évoquez était le VOX AC 30»

Il me regarde de ses yeux fatigués, sans relever, terrassé et fourbu.

Il poursuit.

« Si tu veux comprendre ce roman branche toi sur la play list. Écoute Kick out the jam sans broncher, laisse-toi aller sur Little Wing et scrute l'horizon du haut de la Watchtower, tu verras peut-être les chats sauvages hurler, qui sait ?»

Une fois tentée l'expérience m'avait réussie, j'avais compris « Les Who créent une filiation entre My Génération et Summertime blues. Frustration et colère.»

L'esprit du rock malgré les années séparant ces deux chansons !...

L'entretien se poursuit et l'auteur, son ouvrage en main lit les passages qu'il a lui même surlignés :

« Pour sa bande, il était Paulo jusqu'à sa prime adolescence. Puis devint PP lorsque la mode des acronymes gagna le milieu. Enfin, lorsque le vent souffla d'Angleterre, portant en France les accents de tout ce que le royaume comptait de groupes, de chanteurs et de fans électrisés par la pop music, il se transforma en Double P. (prononcez Dabeule Pi). Transposition hasardeuse de la publicité du Whisky JB.

« Je lis JB, mais, comme mon ami anglais, je dis Ji Bi. »

Ou encore

« Les vacances d'été sont-elles le triangle des Bermudes des amours étudiantes ? »

Et surtout

« Après quelques crachotements, j'entendis la voix de mon père scander 1, 2, 3 en battant la mesure sur ses baguettes et frappant aussitôt ses caisses pour reproduire tant bien que mal le beat caractéristique de All Right Now des Free.

J'entendais ses propres mots lorsqu'il en parlait les rares fois où il le faisait, avec des collègues, le plus souvent. Il s'échauffait :

« Tube planétaire ! L'essence du rock, sa substantifique moelle ! »



Alors si vous aussi vous voulez courir devant le rock, le sentir à vos trousses, souffler sur vos reins le contretemps subtil d'un rythme binaire et primaire, lisez le rock aux trousses !









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Le chemin de l'oued

La Nouvelle République du Centre-Ouest


actualité, jeudi, 24 avril 2008,

Souvenirs d'enfance d'Oran à Bourges



« Bourges n'était pas Oran, notre ville de référence. Alors qu'Oran, tournée vers la mer, était une ville portuaire toujours en effervescence quel que soit le moment de la journée, Bourges nous montrait son calme, son silence, ses rues désertes dès la fin de l'après-midi. »

Cette découverte d'une ville de métropole, c'est celle d'un jeune garçon qui, en 1962, a quitté l'Algérie pour arriver avec sa famille à Bourges, logée à l'époque dans la cité du Beugnon, rue du Champ-Dur, dans le val d'Auron.

C'est Denis Nunez qui signe ce récite autobiographique d'un jeune pied noir confronté à l'émigration vers la mère patrie. Du port d'Oran à Bourges, il raconte ses sensations, ses souvenirs, les étapes de ce voyage, les personnages qui ont marqué son enfance de chaque côté de la Méditerranée.

Issu d'une famille d'origine espagnole devenue française en Algérie, l'auteur du livre « Le Chemin de l'oued » relate son quotidien et celui de ses proches sous le soleil d'Oran.

La dernière partie de ce livre de souvenirs se déroule à Bourges où le petit Denis apprend une nouvelle vie. Au travers de cette chronique, le lecteur suit aussi l'exemple d'une famille rapatriée d'Algérie et sa démarche d'intégration dans la société métropolitaine : le premier logement, puis les petits travaux, la première voiture et le premier emploi dans une société qui ne connaissait pas le chômage... « La recherche de logement ne posa guère de problèmes non plus. La construction déjà bien avancée des quartiers nord de Bourges " Le Moulon " et " La Chancellerie " permettait d'accueillir les nouveaux arrivants. Ces nouvelles populations venaient, comme nous, de l'extérieur... » Et c'est au numéro 4 de la rue Gustave-Eiffel que la famille de l'auteur se loge alors que son frère, marié à une institutrice, s'installe à Mehun-sur-Yèvre.

Aujourd'hui, Denis Nunez est installé à Paris et travaille à l'histoire de ses grands parents qui, en quittant l'Espagne pour l'Algérie en 1909, ont débuté ce chemin migratoire qui passe par Bourges et qui donne, 53 ans plus tard, ce livre intitulé « Le Chemin de l'oued ».

«Le Chemin de l'oued», Denis Nunez, 15 E, éditions Persée.

© 2008 La Nouvelle République du Centre-Ouest. Tous droits réservés.

Numéro de document : news·20080424·NR·5621607
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Golondrinas

Si loin, si proche. L'histoire commence à la fin du XIXe siècle, dans une petite ville au sud-est de l'Espagne, à quelques kilomètres de la mer, cernée au nord par une rangée de collines. Avant de plonger dans ce récit biographique, j'ai cherché à le situer sur la carte et dans le temps. Vera, au climat semi-désertique, a un passé mouvementé : les Carthaginois, les Romains, les musulmans puis les catholiques, un tremblement de terre qui l'a totalement détruite et, dans les siècles suivants, guerre, répression, famines, épidémies… Au moment où commence notre histoire, la petite ville ne sait pas qu'après le déclin de l'exploitation minière et les siècles de misère, elle finira par devenir un centre touristique et balnéaire.



Nous entrons dans l'intimité de deux familles, celle de Pedro et Dionisia, et leurs cinq enfants, et celle de José et Antonia et leurs six enfants. Nous entrons aussi dans la vie quotidienne de la petite ville, son bistrot, sa boulangerie, son dénuement. Les évocations sensorielles nous font ressentir ses murs, sa chaleur, sa matière :



« Le pas traînant, un baluchon en bandoulière, José Haro Léon avançait sans se hâter vers la Plaza del sol, l'entrée sud-est de Vera. le soleil, au zénith, ruisselait sur les maisons blanches et la chaux vive des façades vibrait derrière le mur de chaleur. Il cligna des yeux pour essayer de stabiliser les images tremblantes de lumière. »



« Le jour s'amenuisait. le soleil se cachait lentement derrière les flancs de la sierra Almagrera et ses derniers rayons coloraient de gris-rose et de bleu la montagne aux multiples filons. le pays vivait de ses ressources depuis presque soixante années. La richesse de ses pentes scintillait au couchant et n'en finissait pas d'étirer la lumière de cette journée. »



J'ai parfois ressenti comme une ambiance de western, tant dans le climat que dans la vie rude, pour apprendre ensuite que des westerns ont effectivement été tournés tout près (dans le désert de Tabernas). Au fil du récit, les scènes de la vie quotidienne nous décrivent le caractère et les préoccupations des différents membres de la famille. Ceux-ci sont confrontés à des problèmes de survie face à l'industrialisation qui prive certains de leur travail, les obligeant à en changer.

Comment vont-ils s'en sortir ? Comment chacun, avec son tempérament, son âge, son imagination, sa foi, va-t-il réagir au changement imposé ? le récit met en valeur la volonté et la patience des femmes, qui travaillent et font vivre les enfants quoi qu'il arrive. Après bien des détours et des questionnements, une longue absence de l'un et une prospection de l'autre, la famille sera enfin regroupée en Algérie, où chacun trouvera sa place.

Cette saga familiale est contée avec respect et délicatesse par un de leurs héritiers, qui retrace leurs joies et leurs peines, leurs errements et leurs efforts, dans une langue riche et évocatrice.
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Golondrinas

Hommes et femmes font ici en sorte que la vie gagne, entre crise économique et lâcheté, larmes et ténacité, illusions et regrets. Leur histoire personnelle croise celle de la province d’Almeria, au sud-est de l’Espagne : entre 1902 et 1909, de nombreux hommes quittent la région, en perte de vitesse économique, pour aller s’embaucher une saison ou plus en Afrique du Nord. On les baptise les golondrinas (hirondelles). Pendant leur absence, l’énergie des femmes, restées au pays mais délibérément actrices de leur vie, fait le reste…

D’où vient le nomadisme viscéral de ces hommes qui tissent un nid qu’ils n’habitent pas et qui émigrent loin et longtemps ? Juan Manuel, le grand-père maternel de l’auteur, part deux ans avec son frère en Algérie ; Bartolomé, son grand-père paternel, choisit l’Argentine où il reste quatre ans. Lorsque son épouse décède, il rentre, épouse sa belle-sœur et repart en lui laissant la charge des trois enfants de son premier mariage. Il ne reviendra pas pendant huit ans…Mais comme les autres golondrinas, il porte son pays à même la peau et c’est avec lui qu’il transpire, fort d’une incroyable capacité de rebondir et de repartir à zéro quand cela est nécessaire.

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Ils ont abattu l'orme de la place

Denis Nunez, avec sa sensibilité habituelle, son souci du détail, de la description, nous dépeint en 45 tableaux une nature bouleversée par l’homme, entraînant avec lui certains symboles de la cité, d’où ce titre emblématique « Ils ont abattu l’orme de la place. »

L’auteur nous décrit des paysages urbains ou campagnards, nous offre avec une grande acuité une palette de couleurs, dans un ciel évoluant en fonction des aléas climatiques ou des saisons. « Le ciel est dégagé, noyé dans un soleil froid, les bruits flottent, perdus dans un mélange glacé d’air et de lumières. »

Et puis, il y a aussi les rencontres inattendues avec une jeune princesse nubienne, qui après avoir utilisé le portable de Denis lui dit : « Tu ne dois pas être complètement blanc toi ! » ou la remarque humoristique d’un voisin de stage à propos du formateur. « Les cons pètent en souliers ! »

Au fil des pages, on passe du sourire, au traumatisme de la disparition d’un être cher, la vie et ses aléas… La vie, la nature reprennent leurs « droits. » La vie est plus forte, dans une note d’optimisme telle que « La chanson des cœurs heureux. »

Le narrateur nous entraîne quelquefois dans un passé teinté de mélancolie, passé qui s’enfuit trop vite, où les souvenirs ressurgissent ou parfois s’envolent comme « Le bruissement léger du vent »

Lecteurs de « belle » écriture, de mots justes, de délicatesse de style, je vous recommande « Ils ont abattu l’orme de la place. »

Moi j’ai aimé…



Jean Pierre Yvorra
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Les Légendes familiales : La maison des bords..

Par le biais de cette histoire, Denis Nunez fait allusion, avec beaucoup de subtilité, au ressentiment que certains réfugiés nourrissaient contre l'administration française de l'époque qui les soumettaient à un dur labeur, mal rémunéré. Gabriel, originaire d'Espagne, est un des leurs. Il revendique le droit à son indépendance en faisant l'acquisition de terre dont personne ne voulait plus. Pour lui, le défi à relever est immense car gérer un domaine, alors qu'on est un étranger, n'est pas facile dans l'Algérie française ; mais c'est sans compter sur son audace, sa ténacité et son incontestable talent !



Au point où j'en suis de la lecture des nouvelles de ce recueil, c'est pour l'instant le seul récit qui aborde le thème de la colonisation sous cet angle.

Je remercie l'auteur de nous rappeler le caractère fort des Espagnols, courageux et téméraires, qui n'ont jamais baissé les bras face à l'adversité…



Je suis tout de même un peu déçue par le manque de relief de son récit et l'absence de la nature des liens familiaux qui l'unissent au protagoniste de l'histoire : s'agit-il du viticulteur Gabriel Soria ou du maçon José Lopez de Jativa ? Je préférais les émouvants souvenirs de ses ancêtres qu'il évoquait dans votre précédent ouvrage « Les Golondrinas ».

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Le rock aux trousses

Voilà une lecture bien agréable qui déménage un peu, tant est originale l'idée de départ de ce roman dont on est curieux de savoir la part d'autobiographie qu'il peut recouvrer.

En revenant ainsi un demi-siècle en arrière, Denis Nunez nous replonge dans l'après 68. Cette époque où la musique, et le rock en particulier, occupait une place majeure dans le quotidien de la jeunesse.

L'originalité ne tient pas à ce retour arrière, mais au fait qu'il prend le parti de faire relater cette époque, non pas directement par l'un des protagonistes, mais par le fils de l'un d'entre eux aujourd'hui disparu. Ce positionnement particulier met de la distance entre les faits et le narrateur, comme s'il impliquait un regard critique intergénérationnel.

Denis Nunez maîtrise parfaitement sa plume particulièrement alerte et s'aventure avec bonheur dans un style qui peut s'affranchir de règles trop conventionnelles.

Cerise sur le gâteau, pour les amateurs de rock dont je ne suis pas, chaque chapitre est introduit par un extrait de chanson anglo-saxonne. Cela donne un rythme particulier à cette histoire teintée au final de beaucoup de mélancolie.

En conclusion : un très agréable moment de lecture

l
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Le mélèze et l'acacia

Ce recueil rassemble treize nouvelles originales qui associe plusieurs courants littéraires, dont l’onirisme, le fantastique, l’humanisme et le naturalisme. Avec une certaine élégance, l’auteur prend de la hauteur pour faire entrer en communion les êtres humains avec la nature, avec leur vie, leurs rêves et leurs fantasmes mais également avec leur conscience.

En observateur avisé et en fin psychologue, Denis Nunez décortique des morceaux choisis de l’existence de Jérémie, Dimitri, Jean, Maryse, Johanna, Jean-Charles, Cécilia, Fabienne, Mireille, Louis, Antonio et Viktor, mêlant judicieusement le rationnel à l’irrationnel, le rêve à la réalité, le sérieux à l’ironie et la joie au drame de leurs destinées.



A la faveur d’une belle écriture, sensible et poétique, il dépeint de manière talentueuse des clichés de vies, qu’il teinte parfois de quelques touches d’humour assaisonné d’une bonne dose de bienveillance et d’espoir.

J’ai beaucoup apprécié la lecture de cet ouvrage dont le style littéraire se rapproche de celui d’Alberto Velasco dans « Le Quantique des Quantiques » mais également de celui de Boris Vian pour le côté onirique et surréaliste, de Jean Giono pour l’humanisme, de Balzac et de Zola pour le naturalisme et de Marcel Aymé pour le fantastique ludique.

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