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Citations de Didier Fassin (112)


Le pouvoir donne (...) aux forces de l'ordre les moyens de leur politique, attendant en retour qu'elles la mettent en œuvre. Les effets se mesurent en termes d'interpellations, de gardes à vue, de mises sous écrou, de condamnations pénales et de population carcérale dont les statistiques connaissent une progression sans précédent dans l'histoire française. Bien plus que des transformations subjectives, difficilement saisissables, ce sont ces évolutions objectives qui attestent l'empire de cette fusion de la demande politique et de l'attente policière.
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A côté des études qui établissent de manière chiffrée le risque supplémentaire d'être contrôlé lorsqu'on appartient à une minorité, il est tout aussi essentiel de considérer la manière d'être traité à l'occasion de ces interactions. L'observation est un complément indispensable de la statistique. La discrimination doit s'appréhender qualitativement aussi bien que quantitativement. Probablement les individus concernés souffrent-ils au moins autant de l'humiliation qu'ils ont subie, de l'injustice qu'ils ont ressentie, du mépris qu'on leur a manifesté, de la menace qu'on a fait peser sur eux que simplement du contrôle ou même de l'interpellation en tant que tels.
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Tel que cette fonctionnaire le décrit et tel que je l'ai vu faire, le contrôle d'identité est un pur rapport de force qui fonctionne comme un rappel à l'ordre - non pas à l'ordre public, qui n'est pas menacé, mais à l'ordre social. Cet ordre social est celui d'une inégalité (entre le policier et le jeune) et d'une injustice (au regard du droit et simplement de la dignité) qu'il faut apprendre dans son corps. La répétition des mêmes expériences dans une routine mortifiante est une véritable éducation physique au cours de laquelle on intériorise sa place sociale. L'habitude de l'humiliation doit produire l'habitus de l'humilié. Apprendre l'inégalité et apprendre l'injustice n'est d'ailleurs pas tout à fait la même chose. On inculque, dans le premier cas, un rapport de domination (la découverte du pouvoir de la police), et dans le second, une relation de sujétion (l'acceptation de sa propre impuissance). L'inégalité est objective, l'injustice subjective. Les contrôles d'identité, non seulement par leur fréquence mais aussi par leurs modalités, établissent une distinction entre des citoyens et des sujets. Les citoyens sont rarement contrôlés mais pensent pouvoir se plaindre s'ils considèrent l'être abusivement. Les sujets sont souvent contrôlés mais savent qu'ils n'ont le droit que de se taire. On comprend dès lors comment cette pratique, que beaucoup croient anodine, définit le rapport de certaines catégories de population à l'État et, plus largement, au politique. D'ordinaire, c'est une relation de méfiance à l'égard des institutions publiques qui se constitue, ce dont témoignent les taux particulièrement élevés d'abstention lors des élections. À certains moments, des explosions se produisent et donnent lieu à des révoltes.
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Une nation qui ne demande à son gouvernement que le maintien de l'ordre est déjà esclave au fond de son cœur. Elle est esclave de son bien-être, et l'homme qui doit l’enchaîner peut paraître.
Alexis de Tocqueville (cité en fin d'ouvrage)
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Les policiers identifient au sein de la société des catégories plus ou moins bien délimitées de délinquants potentiels, notamment parmi les minorités. Cette catégorisation leur permet de considérer l’individu qu’ils interpellent comme coupable a priori.
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Les policiers s’imaginent que la société dans son ensemble leur est devenue hostile. Ce sentiment contribue à fortifier leur esprit de corps et la cohésion de leurs équipes dans une relation de seuls contre tous et il légitime leur agressivité en retour.
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Privé d’actions en rapport avec leur mission, les policiers se rabattent ainsi sur des incidents mineurs qu’ils transforment en expéditions punitives se terminant par des arrestations aléatoires.
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Dans ce contexte de désoeuvrement involontaire, des faits souvent anodins peuvent donner lieu à des réponses disproportionnées qui génèrent de l’action.
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Les contrôles d’identité et les fouilles corporelles sont réglementés par le code de procédure pénale, mais les policiers prennent souvent des libertés avec la loi dans les quartiers populaires, surtout vis-à-vis des jeunes.
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C'est que le dispositif français de sécurité publique a été progressivement détourné de ses objectifs originaux. National, il devait assurer l'égalité de tous devant la loi de la république et la neutralité des forces de l'ordre placées au seul service de l'état.
Mais lorsque les questions de sécurité ont été politisées à partir des années 1970, la police est elle-même devenue un instrument du pouvoir.
Putôt qu'au service des citoyens, elle se met au service du gouvernement qui, en retour, a besoin d'elle.
Ainsi la police s'est-elle vue accorder des prérogatives toujours plus larges, par exemple en termes de contrôles d'identité, et une autonomie toujours plus grande, en particulier par rapport à l'institution judiciaire.
Son pouvoir discrétionnaire peut ainsi se concentrer sur certains publics... en fonction de leur classe sociale, de leur lieu de résidence, de leur couleur de peau, parfois de leur religion.
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Le contrôle d'identité est un pur rapport de force qui fonctionne comme un rappel à l'ordre - non pas à l'ordre public, qui n'est pas menacé, mais l'ordre social. Cet ordre social est celui d'une inégalité (entre le policier et le jeune) et d'une injustice (au regard du droit et simplement de la dignité) qu'il faut apprendre dans son corps. La répétition des mêmes expériences dans une routine mortifiante est une véritable éducation physique au cours de laquelle on intériorise sa place sociale. L'habitude de l'humiliation doit produire l'habitude de l'humilité. Apprendre l'inégalité et apprendre l'injustice n'est d'ailleurs pas tout à fait la même chose. On inculque, dans le premier cas, un rapport de domination (la découverte du pouvoir de la police), et dans le second, un rapport du sujétion (l'acceptation de sa propre impuissance). L'inégalité est objective, l'injustice subjective. Les contrôles d'identité, non seulement par leur fréquence mais aussi par leurs modalités, établissent une distinction entre des citoyens et des sujets. Les citoyens sont rarement contrôlés mais pensent pouvoir se plaindre s'ils pensent l'être abusivement. Les sujets sont souvent contrôlés mais savent qu'il n'ont le droit que de se taire. On comprend dès lors comment cette pratique, que beaucoup croient anodine, définit le rapport de certaines catégories de population à l'État et, plus largement, au politique.
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Le sociologue Richard Ericson a observé minutieusement le travail de la police dans une ville moyenne de l'Ontario au cours de plusieurs centaines de patrouilles. Il confirme lui aussi le faible temps consacré à l'ensemble des interactions avec des personnes, qu'il s'agisse de réponse à des appels ou de contrôles d'identité, soit en moyenne 76 minutes sur 8 heures, et conclut : "Au -delà de la vision étroite qui assimile le travail de la police à la lutte contre le crime, il faut considérer la présence des policiers comme une fin en soi, qu'on les voie simplement circulant dans les rues ou qu'ils interviennent proactivement ou réactivement dans la vie des autres. Ils sont la loi, il représentent l'ordre, ils incarnent la loi et l'ordre." Cependant, l'enquête canadienne montre que la loi est subsidiaire par rapport à l'ordre : d'une part, la loi vient généralement donner une former acceptable à des décisions prises au regard d'une certaine vision de l'ordre dans le monde social ; d'autre part, la loi s'applique inégalement selon les individus de façon à respecter un certain ordre de la société. Ainsi, plutôt que le maintien de l'ordre public, est-ce finalement la "reproduction de l'ordre social" qu'assure la présence des patrouilles policières, autrement dit une manière de rappeler à chacun sa place, et notamment sa place face à l'État et à ceux chargés de mettre en oeuvre sa politique répressive.
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