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Citations de Didier Fassin (112)


Dès l'été 2020, le retour des exilés à la rue sous des tentes et l'intensification des condamnations à la prison rappelaient brutalement l'inégalité de la valeur des vies.
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Le langage de la crise met ainsi à l'épreuve la démocratie. Il diffère la réflexion. Il permet d'agir sur les conséquences, ce qui est légitime, mais en éludant les causes, qui sont généralement structurelles. Nommer la crise, c'est ainsi souvent s'exposer au risque de se priver de la penser.
L'exemple le plus récent en est la pandémie de COVID, pour laquelle le lexique martial utilisé au début en France contribuait au phénomène de sidération collective, permettait la déclaration d'un état d'urgence sanitaire et justifiait des mesures coercitives quand, par contraste, on tenait en Allemagne un discours moins angoissant, on s'abstenait de dispositions d'exception et on en appelait à la responsabilité des citoyens, avec des résultats meilleurs en termes de mortalité pendant les premiers mois de la pandémie.
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[...] parler de crise, c'est produire à la fois une affectivité et une temporalité particulières qui ont pour but, ou au minimum pour effet, de produire du consensus autour d'une forme plus ou moins ouverte de décisionisme.
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Pour les sciences sociales, une autre forme de critique de la crise consiste donc à analyser ce que sa reconnaissance ou son déni autorise ou, au contraire, entrave, voire censure, les enjeux de pouvoir et les logiques structurelles qu'elle révèle ou qu'elle masque, les stratégies que déploient les agents qui détiennent cette autorité pour imposer leur vocabulaire et leur interprétation des faits et les tactiques par lesquelles celles et ceux qui en sont dépourvus tentent d'y résister.
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Pour les sciences sociales, une critique de la crise consiste donc, d'une part, à mettre en cause les usages abusifs de l'autorité pour décréter des crises sans réalité objective, comme le font nombre de responsables politiques à propos des exilés en Europe, et d'autre part, à identifier ces privations d'autorité qui conduisent à ce que des situations critiques, celles des demandeurs d'asile en Afrique du Sud ou des minorités incarcérées aux États-Unis, ne soient pas reconnues. Non pour parler à la place des groupes concernés, ni pour s'en faire les porte-parole, ce qui reviendrait à les priver une seconde fois de cette autorité, mais en faisant mieux entendre leur voix.
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Ce qu'on appelle "crise" est toujours une construction sociale. Qu'elle repose ou non sur des faits, elle a besoin d'agents qui la légitiment.
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La guerre à la drogue avait été conçue pour punir les jeunes noirs à une époque où les victoires du mouvement des droits civiques suscitaient des craintes au sein de la majorité blanche. Lorsqu'elle s'est retournée contre des jeunes femmes et des jeunes hommes blancs des classes moyennes et supérieures, des allègements de peine ont soudain paru souhaitables.
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S'agissant des sociétés non occidentales, Edward Said a montré comment, des romans humanistes britanniques du XIXe siècle aux films engagés contemporains, le regard, même quand il est critique du colonialisme et de l'impérialisme, demeure celui de personnages occidentaux qui luttent contre l'oppression et libèrent les opprimés.
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Comment donc comprendre cette ubiquité de la notion de crise dans le monde moderne et quel lien a-t-elle avec le déploiement croissant de la pensée critique dans les sociétés européennes ?
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Résoudre une crise suppose un travail critique. Cette connexion est essentielle du point de vue des sciences sociales. Il leur revient de mener une telle opération critique pour appréhender ce que signifie et ce qu'implique la caractérisation d'un fait comme "crise", alors même que cette désignation tend à suspendre le sens critique, voire à le disqualifier, au nom de la nécessité d'intervenir sans délai. À cet égard, l'extension historique du domaine de la crise incite à la circonspection.
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Certes, j'ai choisi, pour introduire mon propos, d'évoquer une situation résultant d'une conjoncture extrême, heureusement unique : celle de la Seconde Guerre mondiale, de sa brutalisation et de ses génocides. [...]
Que le contexte présent soit moins tragique et bien différent ne nous prive cependant pas d'une réflexion sur un ensemble de conjonctures inquiétantes, qu'il est usuel de nommer, avec une certaine facilité, des "crises", et face auxquelles se pose, avec insistance, la question de la place et du rôle des sciences sociales.
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Venant de perdre, à cause de la loi sur le statut des juifs, son poste de professeur de lycée à Montpellier où il avait été démobilisé après l'armistice, Claude Lévi-Strauss, auquel on avait expliqué, alors qu'il demandait un poste à Paris, qu'avec son nom ce n'était pas une bonne idée, comprend, comme il l'écrit quatorze ans plus tard, qu'il est devenu un "gibier de camp de concentration".
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Afin de transformer I'émotion en pensée et la paralysie en action, la considération, qui mêle attention, estime et respect, est nécessaire pour connaitre autant que reconnaitre les femmes et les hommes exposés à ces épreuves sans les enfermer dans un statut de victimes, sans négliger non plus les formes multiples de solidarité qu'ils permettent de faire naitre.
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jdpdj
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S'il est vrai que les données qualitatives peuvent et doivent être discutées, comme c'est également le cas des données quantitatives, les mises en cause de l'ethnographie ne tiennent pas compte de ce qu'elle seule permet d'accéder à des réalités qui resteraient, sinon, méconnues. En effet, l'observation découvre, parfois de manière inopinée, des faits que les approches hypothético-déductives, souvent présentées comme le 'gold standard' de la recherche, ne peuvent pas identifier puisqu'elles impliquent de savoir à l'avance ce que l'on cherche et ce que l'on veut démontrer. A l'inverse, les approches inductives tâtonnent, explorent différentes pistes, révisent leurs idées préconçues, et finalement trouvent ce qu'elles ne cherchaient pas.
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En mettant [...] l'individu seul face à son acte, la société s'exonère elle-même de sa responsabilité dans la production et la construction sociales des illégalismes, si l'on entend par production la façon dont les contextes et les situations les favorisent et par construction la manière de les distinguer et de les réprimer. Que la répartition des richesses, des ressources et des populations dans l'espace social contribue à une différenciation des délits et des crimes, que la reconnaissance et la sanction sélectives de ces délits et de ces crimes participent d'une inégale distribution des peines, qu'enfin ces processus débouchent sur la détermination d'infractions condamnables et de sujets punissables se trouve non seulement ignoré mais également nié. (p. 145)
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Si elle permet théoriquement au juge d'apprécier la situation personnelle de l'accusé, l'individualisation de la peine, telle qu'elle est concrètement mise en œuvre dans les tribunaux, tend à accentuer les disparités des décisions de justice, non seulement parce que, par définition, elle singularise chaque cas, mais surtout parce que les éléments du contexte social qui sont présentés lors du procès sont, le plus souvent, utilisés à charge. En particulier, l'enquête sociale rapide, qui complète le dossier pénal et les divers procès-verbaux, sert surtout aux magistrats à évaluer le risque de récidive ou, en cas de report d'audience, la garantie de représentation, plutôt qu'à fournir des circonstances atténuantes en fonction, par exemple, d'une histoire familiale troublée ou de conditions de vie difficiles. (p. 142-143)
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La présence de la police et son mode opératoire ne sont pas distribués aléatoirement. Les forces de l'ordre se focalisent sur certains territoires et certaines populations, et cette concentration tient moins à l'incidence des infractions qu'à des logiques de contrôle et de performance qui déterminent certaines pratiques qu'elles ne se permettraient pas ailleurs : vis-à-vis des habitants des quartiers populaires, il s'agit avant tout d'imposer et de manifester un ordre social, les vérifications d'identité et les fouilles au corps servant avant tout à "leur rappeler leur place" dans la société en testant leur docilité, ainsi que l'écrit Richard Ericson. (p. 138-139)
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Punir n'est pas simplement rendre un mal pour un mal ; c'est produire une souffrance gratuite, qui s'ajoute à la sanction, pour la seule satisfaction de savoir que le coupable souffre. Il y a donc dans l'acte de punir quelque chose qui résiste à l'examen rationnel ou, plus exactement, qui résiste à sa description comme un fait rationnel : une pulsion, plus ou moins refoulée, dont la société délègue les effets à certaines institutions et professions. (p. 106)
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Dans la mesure où les policiers, dans leur ensemble, estiment que justice n'est pas rendue par les juges, ils tendent à se considérer habilités à la rendre eux-mêmes sur le terrain. Bien entendu, ce principe de substitution n'est jamais énoncé comme tel publiquement et peut-être même demeure-t-il souvent inconscient : le reconnaître serait admettre une forme d'illégalité du travail de la police.
(...) [Les gardiens de la paix] sont entrés dans les forces de l'ordre pour arrêter des "délinquants". Si les juges ne prononcent pas les condamnations attendues, qu'au moins ces délinquants reçoivent leur châtiment de ceux qui les interpellent. Du point de vue de ces derniers, ce n'est là que justice. Toutefois, leur justification s'avère doublement problématique, y compris en adoptant la perspective des forces de l'ordre. D'une part, la punition procède bien moins de la justice (châtier un coupable), voire de la pédagogie (donner une bonne leçon) que de la simple vengeance (...). D'autre part, l'application en est non pas ciblée (sur un coupable présumé) mais aveugle (à l'encontre de celui qu'on a réussi à prendre) (...)
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