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Citations de Didier Fassin (112)


Didier Fassin
Même s’il ne faut aucunement en minimiser la gravité, le Covid-19 n’est exceptionnel ni par son infectiosité ni par sa létalité. La rougeole, par exemple, est plus contagieuse et fut, avant la vaccination, plus mortelle. Le caractère unique de la situation actuelle ne tient donc pas tant à la maladie elle-même qu’à la réponse qui lui a été apportée.

Source journal du CNRS


https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-pandemie-a-montre-que-toutes-les-vies-nont-pas-la-meme-valeur
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Que la police doive mesurer son efficacité en termes de faits constatés et de faits élucidés au regard d'un but chiffré est, après tout, raisonnable. Le problème est moins théorique (comment faire une bonne évaluation d'une politique ?) que pratique (comment augmenter le nombre de délits et de crimes constatés et élucidés lorsqu'ils sont de fait en diminution et souvent commis dans des conditions laissant peu la possibilité de trouver les coupables ?). (...)
La solution logiquement trouvée par les policiers, c'est de compléter leurs prises en rapport avec des atteintes aux biens et aux personnes, qui sont la raison d'être principale de leur métier, par des faits à la fois aisés à réaliser et faciles à élucider, mais éloignés de leur mission première. Il s'agit essentiellement de deux types de délits : les infractions à la législation sur les stupéfiants (ILS), et les infractions à la législation sur les étrangers (ILE), autrement dit des "shiteux" et des "sans-papiers". Un agent de la BAC m'expliqua : "En principe, on est censé faire trente interpellations. C'est ce que le major nous demande. Le mois dernier, mon équipage en a fait seulement vingt-quatre. Alors on a fait des ILS et des ILE pour compléter. C'est le commissaire lui-même qui nous l'a dit." (...) Les fonctionnaires considèrent les ILS et les ILE comme des "situations intéressantes", car non seulement elles sont aisées à "faire", mais elles sont par définition élucidées puisque la découverte du délit suppose l'identification du coupable.
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Deux grands modèles de police se sont longtemps opposés.
En Grande-Bretagne, c'était le 'Bobby', non armé, circulant souvent à pied, bien implanté dans son environnement et respecté pour son sens civique.
Aux Etats-Unis, c'était le 'Cop', toujours armé, patrouillant en voiture, entretenant peu de relations avec les habitants et redouté pour sa brutalité et son racisme.
C'est ce modèle qui s'est imposé presque partout dans le monde.
Cette évolution a un coût humain.
En Grande-Bretagne, trois personnes sont tuées par la police chaque année.
Aux Etats-Unis, trois meurent chaque jour dans les mêmes circonstances.
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[ même en rapportant ces chiffres (de 2007) à la population de chaque pays, la différence reste considérable :
GB : 63.7 millions - USA : 316.1 millions en 2013 ]
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Souvent, [mes compagnons de patrouille de la BAC] me confiaient avec satisfaction que, lorsqu'une opération de la police en tenue se passait mal, leur arrivée calmait immédiatement les individus concernés. Ils n'hésitaient pas à user de la force bien plus que ne le faisaient leurs collègues, mais en général leur présence était suffisamment menaçante et leur réputation suffisamment établie pour couper court à toute velléité de réaction de la part de leur public (...).
Leur dureté faisait peur : ils le savaient et s'en flattaient. Il y avait d'ailleurs, dans leurs interventions, une performance plus ou moins consciente, une façon de jouer un rôle de méchant comme au cinéma ou à la télévision. Si les gardiens de la paix avaient un point commun avec les adolescents des quartiers, c'était leur fascination pour les sites d'hébergement de films amateurs de poursuites et de rodéos, pour les jeux vidéo de guerre et de violence, enfin pour les séries et les films policiers.
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L'action judiciaire engagée contre les forces de l'ordre pour des faits de violence (...) est le résultat d'une conjoncture qui n'est que très rarement réalisée puisqu'il faut que la victime porte plainte, que la doléance soit enregistrée, que le parquet soit saisi, qu'une instruction soit diligentée, qu'un non-lieu soit évité et qu'une condamnation soit prononcée. À chaque étape de cet enchaînement de faits improbables, le nombre d'affaires diminue jusqu'à ne donner que quelques dizaines de sanctions dont on a vu qu'elles n'étaient même pas nécessairement exécutées.
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La relation ethnographique, c'est-à-dire le lien qui se constitue en situation d'enquête entre l'enquêteur et les enquêtés, met en effet toujours en tension complicité et duplicité : d'un côté, on cherche à induire une proximité artificielle qui finit cependant par devenir réelle ; de l'autre, on s'efforce de maintenir une certaine réserve sur un projet intellectuel qui se constitue du reste au fur et à mesure que la recherche progresse. Généralement, la complicité prévaut, ne serait-ce que pour des raisons pratiques de meilleur rendement scientifique (on dit plus de choses à un chercheur avec lequel une certaine connivence est établie), mais aussi par un biais misérabiliste assez répandu dans les sciences sociales (la plupart des recherches portent sur des groupes dominés [...]).
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Une légitime défense dont en 2017 la législation a élargi les critères pour rendre son invocation plus facile, entraînant dès l’année suivante une augmentation de plus de la moitié du nombre des ouvertures de feu par la police. 
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Les policiers sont convaincus que les juges sont trop cléments. “On arrête des délinquants et le lendemain ils sont remis en liberté“, répètent-ils sans cesse. Punir dans la rue leur apparaît donc comme une manière de se substituer à une justice qu’ils pensent défaillante.
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Didier Fassin
De l'assimilation entre immigration et délinquance, nous sommes passés dans les années 2000 à l'assimilation entre immigration et terrorisme.
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Les sympathies pour le leader de l'extrême-droite [JM Le Pen] m'étaient déjà apparues à plusieurs reprises.
A l'approche de l'élection présidentielle [2007], les indices de la xénophobie se firent toutefois plus manifestes sur les murs du bureau de la BAC.
(...)
Les tenues de certains policiers se modifièrent, et ils parcouraient les cités vêtus d'un tee-shirt noir arborant sans ambiguïté des signes de leurs affinités.
A côté du mot PATRIOT et du casque franc à l'intention explicite, les trois chiffres [732] évoquant la date de la défaite de l'armée arabe à Poitiers étaient devenus le symbole de ralliement de l'extrême-droite.
L'institution policière, qui avait saisi la justice et fait condamner pour outrage un fabricant de tee-shirts détournant ironiquement le sigle des brigades anti-criminalité [B.A.K. - Brigade Anti Keuf] se montrait au contraire très indulgente à l'égard de ses agents qui livraient au regard des habitants leurs opinions hostiles aux immigrants et aux minorités.
(p. 85)

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https://www.liberation.fr/societe/2003/02/14/bak-93-des-vetements-qui-froissent-la-police_430917
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La vie publique d'un livre se développe en large part indépendamment de ce dernier - à travers ce qui en est dit bien plus qu'à partir de ce qu'on en lit.
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Paradoxe que cette inversion des rôles : contrairement à l'opinion répandue, selon laquelle les jeunes provoquent les policiers qui ne peuvent que répondre pour manifester l'autorité de la force publique, ce sont souvent, dans certains quartiers, les policiers qui provoquent les jeunes en anticipant une réaction qui pourra justifier leur riposte musclée. Ainsi, lors d'une patrouille dans une cité, le véhicule de la BAC roule au pas derrière un adolescent d'origine africaine âgé d'une quinzaine d'années qui, à considérer le sac qu'il porte en bandoulière, rentre du collège. Les gardiens de la paix baissent la vitre du véhicule et lui lancent en riant des insultes racistes. Au bout d'une vingtaine de secondes, excédé, les larmes aux yeux, l'adolescent, qui avait pu se contenir jusqu'alors, éclate : "Mais laissez-moi tranquille!" Immédiatement, la voiture s'arrête, les trois policiers en sortent et entourent le garçon, menaçants. L'ayant contrôlé et fouillé avec rudesse, ils se préparent à l'emmener au poste, mais l'intervention d'une passante qui assure qu'il est un garçon sans problème et supplie les policiers de le laisser rentrer chez lui permet in extremis d'éviter l'interpellation. Heureusement pour le collégien, l'affaire se termine donc par une simple intimidation, qui lui aura inculqué, à moindres frais, la leçon que ne cessent de lui rappeler ses parents et ses aînés : il faut toujours se taire face aux forces de l'ordre.
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Que la police ne puisse plus faire l'objet d'observations et d'analyses indépendantes conduit à s'interroger sur ce qu'elle aurait à cacher ou sur ce que le pouvoir ne voudrait pas qu'on en dise. (...)
L'étude que j'ai conduite il y a quelques années, je ne serais plus en mesure de la mener aujourd'hui.
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La violence de la police, qu'elle soit physique ou morale, s'exerce de façon radicalement et institutionnellement inégale : d'un côté, des individus qui ont non seulement le monopole de l'usage légitime de la force, mais également l'exclusivité de son utilisation effective compte tenu des circonstances ; de l'autre, des individus doublement captifs, en raison à la fois de la coercition physique qu'ils subissent et de la menace latente qui pèse sur eux au cas où ils auraient la mauvaise idée de répondre. (...) Mais elle est également ciblée. Elle ne s'applique pas à toutes et à tous. Elle affecte presque exclusivement les individus de sexe masculin, principalement jeunes, appartenant aux milieux populaires, résidant dans des quartiers défavorisés, le plus souvent d'origine immigrée ou faisant partie des minorités. Elle concerne de façon exceptionnelle les femmes, les personnes d'âge mûr, celles et ceux qui appartiennent aux classes moyennes, habitent des zones résidentielles ou sont d'apparence européenne.
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Les BAC occupent (...) une place singulière au sein de l'institution policière. (...) D'un côté, elles sont presque un corps d'élite, puisqu'on ne les intègre qu'après des épreuves, certes peu sélectives, et qu'on fait théoriquement appel à elles dans les cas difficiles, en réalité assez rares. De l'autre, elles sont vues comme volontiers brutales et incontrôlables, mal formées au regard des attentes administratives du métier et créant souvent autant de problèmes qu'elles sont censées en régler. (...)
Par une sorte de prophétie auto-réalisatrice, en déployant ce dispositif, on a mis en place les conditions permettant la confirmation du bien-fondé de sa présence. Depuis trente ans, en effet, toutes les émeutes urbaines ont été consécutives à des décès de jeunes dans le cadre d'interactions avec la police et plus spécifiquement, pour ce qui concerne les plus récentes et les plus graves, avec ces unités spéciales.
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(...) Les forces de l'ordre doivent le plus souvent se contenter de quelques contrôles d'identité, pour animer des patrouilles monotones et espérer atteindre leurs quotas.
Mais ces contrôles sont manifestement ciblés.
[ membres de la BAC, dans une voiture : ]
- C'est des étudiants de l'Ecole de Commerce. Ils fêtent probablement la fin du semestre. Et ça fume du shit, et ça boit !
- Qui peut se payer des études à 10 000 euros ?
- Ils se promènent avec leurs tout nouveaux portables et ils téléphonent en public : pas étonnant qu'ils se les fassent voler !
- Allez, on bouge.
La Police se donne parfois pour mission de protéger la jeunesse dorée de l'éventualité d'un vol ou d'une agression par la jeunesse des quartiers.
(p. 58-59)
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[ témoignage d'un ancien membre de la BAC ]
Cette nuit-là était l'une des plus glaciales. Il devait faire dans les moins trente. Enfin, c'est la température qu'ils avaient annoncée dans l'Est.
A un moment, on patrouillait, on est passés devant la gare. Il y avait un Africain dehors.
Je ne sais pas comment il était arrivé là. Juste avec un pantalon, un tee-shirt et des sandalettes.
Il grelottait de froid. Toutes les portes de la gare étaient fermées. Le gars errait à la recherche d'un abri.
J'ai dit : 'Allez, on l'embarque au poste, au moins il passera la nuit au chaud.'
Mes collègues ont refusé. Je suis certain qu'en temps normal, on l'aurait contrôlé. Et comme il ne devait pas avoir ses papiers, il aurait fini au commissariat.
Il faisait tellement froid cette nuit-là, mais ils ont préféré le laisser geler.
Je me demande si ce pauvre gars a survécu.
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L'interprétation de la discrimination raciale doit (...) dépasser la question de l'intention raciste. C'est l'institution policière et, plus largement, la société qui produisent les catégories racialisées que mettent en œuvre les fonctionnaires sur le terrain, transformant en suspects les jeunes des minorités, tout comme le fait le discours politique lorsqu'il associe, de plus en plus fréquemment, immigration et délinquance. Plutôt que de focaliser l'attention sur la discrimination raciale en tant qu'acte individuel, c'est donc bien aussi au racisme institutionnel en tant que pratique collective qu'il faut s'intéresser.
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D'un côté, les individus s'avèrent de moins en moins tolérants à ce qui trouble leur existence. [...] Cette tendance [...] épargne [toutefois] volontiers les catégories dominantes et touche durement les classes populaires. La fraude fiscale est généralement mieux tolérée que le vol à l'étalage. En fait, cette hiérarchie des désordres et la modulation correspondante des sanctions manifestent à la fois un durcissement des rapports sociaux et une différenciation des jugements moraux.
Mais, d'un autre côté, les élites politiques renforcent et même anticipent les inquiétudes sécuritaires des citoyens. [...]
L'intolérance sélective de la société et le populisme pénal des politiques se répondent donc. [...] C'est la combinaison des deux phénomènes qui produit l'emballement constaté. (p. 10-12)
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Le quotidien paisible de la BAC (...) n'était objectivement pas très différent de celui de la police en tenue affectée à des missions voisines de sécurité publique dans les mêmes quartiers. Contrairement à leurs héros de télévision, il leur fallait bien admettre que leur lot à eux, c'était le plus souvent l'inaction.
(...) Car, même dans une banlieue réputée difficile, la délinquance et la criminalité ne sont pas telles - c'est-à-dire pas assez fréquentes et accessibles - qu'il y ait de quoi alimenter le travail des cinq ou six équipages (...). Les équipages de la sécurité publique sont ainsi occupés par défaut à tourner à petite vitesse dans les quartiers, à la recherche d'éléments suspects qu'ils ne trouvent que rarement lors de leurs rondes sans but et auxquels ils substituent des contrôles ciblés sur les jeunes des cités et les gens du voyage.
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