Dolorès Prato ( 1892- 1983 ) est une écrivaine, poétesse italienne.
Ce court récit de 44 pages, inspiré de l’enfance malheureuse de l’auteure, qui abandonnée par sa mère, non reconnue par son père et laissée aux bons soins d’un oncle dans les ordres, se voit confier à un couvent de religieuses cloîtrées.
Dans la fiction la mère est morte, la jeune fille a une sœur, et la vie dans le couvent est devenue une épreuve pour l’adolescente qui reçoit une lettre de l’oncle, immigré en Amérique du Sud.......
Les religieuses la menace de « Brûlures »,si elle décide de partir du couvent et explorer les mystères terrestres, abandonnant les mystères célestes.....
Une nouvelle pleine de poésie, une première approche à une grande écrivaine méconnue du grand public.
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Une brûlure, vive, de celles qui réveillent, vous rappellent que vous êtes vivante, quand on veut vous confiner, vous enfermer, vous écraser sous le poids d'une reconnaissance humiliante, d'une dévotion de commande, d'une contrition malsaine.
Une brûlure joyeuse, comme celle d'un coup de soleil, une brulure énergique comme celle de la vague qui claque sur la peau, une brûlure passionnée, parfois brutale, comme celle de l'amour...
Cette petite nouvelle impertinente et frondeuse de Dolores Prato m'a remplie d'aise! Elle fut un des rares écrits de l'auteur à connaître prix et succès.
En 80 pages, d'une plume alerte, aiguë, sans mâcher ses mots, Dolores raconte son émancipation du couvent qui l'a recueillie et élevée en tablant sur la reconnaissance de cette jeune pupille et la peur savamment distillée des "brûlures" du monde extérieur pour la garder, recluse, entre ses murs.
Mais on n'enferme pas un feu follet, on ne retient pas un papillon, on n'empêche pas une rose de s'ouvrir sous la brûlure chaude du soleil...
Un régal.Et, pour moi, la découverte d'un grand écrivain.. .
C'est aussi ce que semble penser la critique, maintenant que vient d'être traduit et publié , enfin, dans sa version originale -loin des coupes scandaleuses pratiquées dans le manuscrit par Natalia Ginzburg à qui Dolores Prato l'avait malencontreusement confié - son grand livre- testament Bas la place, y'a personne.
Il ne s'agit plus de 80 pages, cette fois, mais de près de
900...
Si elles sont de la même veine que ce petit bijou, voilà de grandes joies en perspective!
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Etrange, envoûtante, pleine comme un oeuf, voici une autobiographie qui ne ressemble à aucune autre.
Aiguës, minutieuses, sans structure visible ni chapitres, les neuf cent pages de Bas la place, y'a personne couvrent douze ans à peine d'existence.
Mais c'est un récit d'enfance qui est tout sauf un récit et parle de tout sauf d'une enfance.
Sans trame, sans chronologie , à la façon d' une araignée qui tisserait sa toile en brodant ses fils de soie côté par côté avant d'en toucher le centre, la narratrice lance, sur les douze premières années de son enfance, fondatrices et décisives, le réseau serré de ses observations, en épuisant un à un, comme autant de litanies magiques qui les font surgir du passé, les thèmes qui font revivre Treja, petite ville des Marches.
Les objets, les gens, la ville, les coutumes sont le filet de protection, le cocon où peut enfin se blottir cette existence qu'elle sent si insignifiante, invisible et menacée.
La ville de Treja avec ses placettes, son dédale de ruelles escarpées et tortueuses, ses églises, ses couvents, ses Murailles en balcon étirées sur la colline, finit , page après page, par trouver une vraie densité, on la revisite tant de fois, par des biais successifs, qu'on a le sentiment de la connaître intimement. Dans cet espace s'inscrivent les trois Maisons successives de la Narratrice et de ses "oncles"- la Maison du Bénéfice, la Maison Nobiliaire et la Maison du Cancer
Dans la petite ville, oubliée par le temps et toute inscrite encore dans le XIXe siècle, dans ces Maisons qui s'y dressent comme des repères - ou des repaires?- revit aussi son foyer d'adoption, chez ceux qu'elle appelle "les oncles", un oncle prêtre et sa soeur, vieille fille .
C'est chez eux qu' elle, la petite bâtarde, rejetée par une mère légère , lointaine et froide, -qu'on devine riche et de bonne famille-, a trouvé sécurité, confort et une sorte d'amour implicite et discret.
Mais si loin des tendresses et des baisers dont elle est affamée et qu'elle n'aura jamais! Frustration affective et fringale sensorielle qui se muent en une perception hypertrophiée du monde visible et matériel qui l'entoure. Pourtant, elle entend et voit mal, et se fracasse le nez lors d'une chute ...ses sens exacerbés mais meurtris retrouvent leur puissance dans l'extraordinaire exutoire de l'écriture.
Dolores Prato se plaint d'avoir une mémoire défaillante. On en doute, au vu de la minutie incroyable de cette recherche du temps perdu qui prend le parti pris des choses..
Les métiers, les noms, les rues, les rites, les fêtes, les objets du quotidien, tissent lentement une toile rassurante, familière, où viennent se prendre les petites mouches fuyantes du souvenir, jamais reconstitué ou romancé, et d'une incomplétude assumée ..
Tant pis si on n'a pas le fin mot de la "tempête " qui ravage un jour le foyer "des oncles", bouleversant leur vie à tous les trois et poussant le vieil oncle chéri sur le chemin de l'exil...
Tant pis si on ignore, comme la petite Lola, l'identité de son père ou ce qui a rendu la tante si étrangement incapable de toute affection, ni ce qui a interdit toute carrière ecclésiastique au vieil oncle si brillant et cultivé ...
Restent quelques souvenirs clés. Ainsi, cette pépite brillante ramenée dans le tamis du chercheur d'or: une jeune tante, vue une seule fois , la prend sur ses genoux, la câline -enfin!- et l'embrasse, dans un jeu qui fait penser à notre "à dada sur mon bidet " , la propulsant en haut puis en bas. Ce jeu fait rire et vibrer la petite Lola, et déclenche en elle un remuement émotionnel si intense qu'il donnera au livre son titre étrange : " Bas la Place y'a personne" - né de la comptine qui ponctuait ce jeu, que la mémoire rétive se refuse à livrer dans son intégralité et qui achoppe sur cette "place" où, décidément," ' y a personne" ...
Emblématique d'une enfance esseulée et d'une écriture qui refuse la facilité romanesque d'inventer quand on ne retrouve pas.
Je ne peux pas dire que j'ai "dévoré" ce livre car il est d'une lecture ardue et exigeante. Mais je ne regrette pas mes efforts. Il m'a nourrie, émue et fascinée.
Il a fait revivre mieux qu'une étude sociologique ou historique la vie d'un village du sud italien, provincial et rural, et comme hors du temps. Il a été, aussi, l'occasion de retrouvailles inattendues avec des objets, des gestes ou des métiers perdus dans les limbes de ma propre enfance, dans les maisons de mes grands mères.
J'ai été bouleversée par ce portrait en négatif d'une petite fille sensible et forte, toute en observation et toute en construction, dans un monde qu'elle tente de comprendre et d'apprivoiser.
Et surtout j'ai été séduite par cette approche originale- délibérément hors des sentiers battus- dans l'exercice difficile de l'autobiographie- et spécifiquement du récit d'enfance-
Dolores Prato a inventé une méthode et une écriture nouvelles, une capture sensible et tellement juste du sacro saint "souvenir d'enfance" , elle s'y est jetée avec une telle détermination et un tel talent qu'on a du mal à croire qu'elle ait été si longtemps ignorée, bafouée, censurée.
Petite Lola de Treja, petite silhouette obstinée dans l'ombre de tes oncles, tu trottines déjà aux côtés des plus grands .
Un jour, on entendra ton pas particulier...
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Une jeune italienne très tôt abandonnée par sa mère et son oncle parvient à échapper à l'ambiance mortifère du couvent dans lequel elle a effectué sa scolarité. Elle s'ouvre peu à peu à la liberté et à la vie, représentées par la mer et une rose rouge.
Une nouvelle douce et poétique qui relate le combat entre la culpabilité et la soif d'exister.
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🔥 « Tu joues avec le feu, ma fille, et tu te brûleras. Va donc dans le monde, vas-y, brûle toi, ensuite tu te tourneras vers le Seigneur pour qu’il guérisse tes plaies. Mais souviens-toi que lorsque Dieu a posé les yeux sur une créature, il rend vaine sa révolte. C’est lui qui te reprendra. Dieu est un créancier inflexible. Et souviens-toi encore d’autre chose :Dieu est jaloux des créatures qu’il aime ! » (p.16-17)
🔥 Avez-vous déjà ressenti cet élan qui vous fait vivre, ce je-ne-sais-quoi qui vous pousse à agir, cette flamme qui brûle à l’intérieur ? La narratrice est de celles qui les ressentent. Abandonnée par sa mère, elle se retrouve sous la coupe de trois bonnes sœurs dans un couvent ; et au creux d’elle-même, ce désir ardent de s’enfuir et d’échapper aux “brûlures” dont la menacent ses tutrices. Attisée par une lettre reçue un jour par son oncle dont elle n’avait pas de nouvelles, et qui a fui vers l’Amérique por lui proposer un mari et une vie meilleure, la jeune protagoniste rêve d’abandonner ses malheurs célestes pour enfin connaître le bonheur terrestre... Et renoncer enfin au double enfermement que sont sa vie monacale et le “refoulement” de son tempérament.
🔥Osera-t-elle seulement ? Si l’idée la gagne peu à peu, le sentiment écrasant de la reconnaissance (dont les sœurs profitent avec largesse) l’empêche de prendre son envol ; éternellement dévouée à ces âmes pieuses, partir semble hors de portée ... Mais s’enfuir un temps, goûter les plaisirs sensuels, voir la mer, le soleil, se laisser brûler par lui... brûler au dehors, sentir la douleur, les maux de l’extérieur, ne faudrait-il pas revenir et entretenir la flamme de la Foi, à l’ombre des murs épais du couvent ...?
🔥 Écrit en 1967 et largement inspiré de l’histoire de l’autrice, “Scottature” est une courte nouvelle impertinente et, si je puis dire, incandescente. Très métaphorique et fabuleusement poétique, cette histoire est pourtant d’une parfaite complétude. Les brûlures sont autant de menaces que d’espoirs, elles attisent la curiosité, le doute, le courage ou au contraire la crainte, l’avilissement et l’obéissance absolue. Quoiqu’il en soit, et comme le dit l’autrice : « Nous les humains, sommes enclos entre la beauté de la terre et celle du ciel. Pour avoir eu droit à un si précieux écrin, il est peut-être vrai que la douleur humaine est précieuse ». À méditer !
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Au cours de sa vie, Dolores Prato (1892-1983) a tenté de se faire publier à maintes reprises, longtemps sans succès. À 73 ans, elle a gagné un prix littéraire avec cette nouvelle, Brûlures.
La nouvelle, inspirée de la jeunesse de l'autrice, raconte le profond désir d’émancipation d’une jeune fille. Orpheline et pensionnaire dans un couvent, la narratrice ne connaît rien du monde extérieur, mais elle sait que sa place est ailleurs. La religiosité des nonnes et de ses pairs l’étouffe. Ses brûlures sont celles de l’âme, mais également celles du corps.
Ce court texte, poétique, se révèle être une très belle découverte. Il est parsemé d’images prégnantes, comme celle des nids d’oiseaux sous le plafond de la galerie du cloître, « il y en avait tellement que ce n’étaient que pépiements d’oiseaux et battements d’ailes, comme un morceau de ciel concentré sous ces vénérables poutres ».
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Ce livre beau et poignant est le récit d’une enfance italienne dans un petit village des Marches (Tréja) entre le XIXe et le XXe siècle. L’auteure Dolorès Prato abandonnée par sa mère est confiée à un oncle et une tante sur lesquels plane un voile de mystère. Tous les deux à leur manière aiment bien l’enfant mais le montre peu ou pas du tout surtout la tante… pas de câlins ni de caresses qui manquent cruellement à l’enfant .
Il n’y a pas d’intrigue juste une histoire d’enfance qui se déroule au travers d’un très long monologue. La solitude et le sentiment d'abandon sont ici des thèmes récurrents. Dolorès souffre de ce manque, manque de reconnaissance de sa mère, de sa famille et de presque tout un village. Quoi de pire que l’indifférence..
Mais Dolorès a su transcender ce manque. Décuplant son regard elle nous offre une observation minutieuse de Treja . Elle nous parle des maisons, des meubles, des rues, des noms des gens, des fleurs, des animaux, des rites religieux, des rituels domestiques de la succession des saisons, des ustensiles de cuisine, des différents types de pâtes faites à la main, des bonbons, des légumes. Bref de la Vie dans toute sa simplicité.
L’originalité de ce récit tient aussi dans sa construction elle-même. Pas de chronologie linéaire mais un va-et-vient continu dans le temps à travers une série d’images ressuscitées de la mémoire .
J’ai été happée , dévorée par cette histoire .
Une pépite à découvrir.
Je ne regrette pas les conseils de mon libraire.
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"Alors que la double clôture de mon existence monacale et du refoulement de mon tempérament jugulait ma vie, cette lettre m'ouvrait tout grand un espace aussi vaste que l'océan et me poussait dehors." tiré de Brûlures, de Dolores Prato (aux éditions Allia, traduit de l'italien par Monique Bacelli).
"(...) écrire un roman, c'est mettre en relief, dans une vie, tout ce qui est sans commune mesure", disait Walter Benjamin, c'est ce qu'a fait, avec délicatesse et intelligence l'auteure italienne Dolores Prato dans cette intrigante et extraordinaire nouvelle s'inspirant de sa vie et qui, en bref et pour ne rien divulgacher, explique qu'on n'enferme pas un feu follet, ni un papillon. Sublime.
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ce gros livre conte l’ histoire d’ une petite fille, abandonnée par sa mère et recueillie par son oncle, prêtre et sa sœur, dans le village italien de Treja, au début du XX ième siècle.
le couple l’ aime, veille à son éducation, mais, maladroit, il ne sait témoigner ni tendresse, ni douceur à l’ enfant.
Après une existence chaotique et conflictuelle, l’ auteur revisite son enfance et comprend l’ affection que lui portait sa tante et les liens passionnels qui l’ unissaient à son oncle.
Avec une précision scrupuleuse, une minutie ethnographique, elle décrit la vie intime de Treja. Les objets, les métiers, les personnages, tout s’ entrelace, s’ enchevêtre, se noue.
Sans ordre chronologique, le récit est long, trop long, trop détaillé.
J ‘ ai sauté des pages, me suis, souvent, ennuyée.
La vivacité de l’ écriture, la poésie des paysages, le charme du vieux village m’ ont , parfois, envoûtée.
J’ imaginais ces tableaux d’ un monde oublié, filmaient par Bertolucci ou Visconti, au sommet de leur art.
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