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Citations de Dominique Paravel (47)


Les choses n'existent que par ce qu'il y a des mots pour les dire.
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Et maintenant il devait expliquer au jeune homme assis derrière une vitre et chargé de résoudre les problèmes des voyageurs que soudain, de cette vie mal vécue, avaient disparu deux éléments fondamentaux : sa femme et sa voiture. Le jeune homme nota le nom et par l’intermédiaire d’un micro tonitruant annonça à l’aire de repos dans sa tonalité qu’Ania Revers était attendue par son époux à l’accueil à côté de la Maison des Nougats. L’époux attendit.
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Après Mademoiselle Rubin, Les Trois mendiants sur un trottoir de Paris, la famille du Pique-nique en Franche-Comté et le Moine camaldule, La Fugitive se dissimulait peut-être, elle aussi, au milieu de la foule indifférente qui peuplait cette aire d'autoroute. p. 102-103
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(Les premières pages du livre)
Il glissa les deux paquets de Marlboro dans une poche de son gilet et céda la place à la cliente suivante, Quarante ans, fine de partout, lèvres, mains, une sorte de trait rapidement exécuté, sans bavures ni grâce. Elle posa trois polars sur le comptoir, Moules meurtrières à Menton, Mamie moisie à Mougins, Mords-moi le nœud à Mandelieu, de quoi occuper sans doute les heures stériles de la plage.
Des pins parasols jaunis ombrageaient maigrement les véhicules. L'herbe avait perdu toute verdeur, au point que la limite entre béton et gazon s'était effacée. Des buissons de petites roses violacées se recroquevillaient au soleil, le bord de leurs pétales décoloré jusqu’à l’évanescence. C'était, pensa-t-il, la première fois qu’il tentait de claquer une portière. La résistance de ladite portière l'avait déconcerté. Un refus mou mais indiscutable de se laisser claquer. Il alluma une cigarette, s'emplit de fumée et rejeta de filets par les narines. Une vague de voyageurs le bouscula, qui déferlaient d’un autocar et s'éparpillaient entre Autogrill, la cafétéria et les toilettes.
D'une chiquenaude il envoya son mégot en direction d’un camping-car, d’où jaillit aussitôt une athlétique jeune femme blonde. Les deux mains sur les hanches, elle lui adressa une bordée d’insultes dans une langue incompréhensible farcie de voyelles. Du finlandais peut-être. Après quoi elle remonta dans son véhicule, dont la portière se laissa complaisamment claquer, un claquement sec et sonore, bien différent du soupir apathique qu'avait émis son Duster quand il lui avait infligé le même traitement. Assis à l'arrière du camping-car, une petite fille blonde et blanche, et un petit garçon du même modèle le regardaient, leurs visages comme un double portrait encadré par la fenêtre.
Paha poika, dit le petit garçon, vilain méchant, tête de nœud, ajouta la petite fille, puis les deux enfants se retournèrent et fixèrent les yeux sur la route qui les conduirait jusqu’à la petite principauté paradisiaque des Asturies, entre la Galice et la Cantabrie.
Quant à lui il filait droit vers Villefranche-sur Mer, ses plages exiguës, ses cafés grillés de soleil, ses touristes bronzés jusqu'à l'os, alors que, depuis années, il ne rêvait que de la mer Baltique. Froide et glauque, impropre à la baignade, idéale. Quelque part entre la Suède et la Lituanie, dan maritime que l'imagination peine à se représenter existait une île dont la beauté spectrale le hantait.
Dures falaises, blanches silhouettes furtives des arbres, paysage effilé par le vent. C'était là, dans ce lieu inhumain, qu'il rêvait de promener sa silhouette alourdie et son ennui.
Ania avait dit: Paterne et Prosper arrivent le 20 à Villefranche et repartent le 23 pour l'Italie, ça nous laisse suffisamment de temps pour discuter du projet.
Ils venaient de pénétrer sur l'aire de repos. La perspective de la chaleur atroce qui allait les saisir dès qu'ils auraient quitté l'habitacle climatisé de la voiture et celle de se taper en mode continu Paterne et Prosper pendant trois jours l’accablèrent. Le parking était saturé car il accueillait non seulement les voyageurs en partance vers le sud mais aussi ceux qui allaient au nord, grâce à un savant jeu de bretelles de raccordement. Il se vit forcé de prendre un embranchement à droite pour ne pas se retrouver ramené sur l’autoroute, puis contraint de faire le tour d’un rond-point planté de cyprès, pour enfin revenir à son point de départ.
— Je ne veux plus entendre parler de ce projet, avait-il dit.
À quoi Ania avait répliqué :
— C'est ton dernier mot ?
Il avait fini par trouver une place devant deux grandes poubelles jaunes, était descendu du Duster et avait tenté vainement de claquer la portière.
Ania avait vingt ans de moins que lui, un visage encore indemne, un sexe lisse et frais, une grâce venue de la danse inconsciente qu’elle menait avec le monde. Directrice d’une agence d’événementiel, activité en parfait accord avec son esprit créatif, téméraire et comptable, en désaccord total avec celui de Gabriel, docteur en histoire de l’art, front large et visage carré, une sorte de bœuf de labour obstiné dans son sillon, résistant aux compromis, aux assemblages hasardeux de genres, attitude qui lui avait coûté son poste de conservateur du musée Poule de Pontoise.
Médecin légiste passionné d'art moderne, Ferdinand Poule avait légué sa collection à l’État en 1964, une vingtaine de tableaux relevant du constructivisme et du suprématisme. Trois chefs-d'œuvre en faisaient la renommée, bien que peu connus, même des spécialistes. Composition 1000, de Vilmos Huszär (1926) carré rouge, triangle jaune, triangle gris, sur fond blanc. Composition abasourdie (1920) de Theo van Doesburg, puzzle de carrés et rectangles roses, verts, orange et bleus. Composition distante (1922) de Lajos Kassák, qui alliait quatre figures géométriques noires sur fond gris. La représentation, qu'elle soit d’un paysage ou d’un visage, n'offrait aucun intérêt aux yeux de Gabriel. Retrouver dans une œuvre d'art ce qu'on connaît déjà dans le réel témoignait d’une paresse de l’intellect. Seul l'équilibre parfait de couleurs et de formes pures, la beauté abstraite qui n'obéit à aucune contrainte autre que celle de sa propre harmonie, lui paraissait digne d’être regardée. Une œuvre libérée des passions, parfaitement autonome et désintéressée, de haute exigence morale.
— Tu aimes ce genre de peinture parce qu'elle est inoffensive, disait Ania, rien ne se libérera du cadre et te sautera à la gueule.
Il repéra rapidement sur le parking bondé le Duster noir, massif et inévitable comme un corbillard, garé devant les poubelles jaunes.
Sauf que le Duster au cul duquel il se tenait n’était pas le sien. Un siège d'enfant était installé sur la banquette arrière. Tous les parkings de toutes les aires de repos se ressemblent, tous les Duster noirs aussi. Il commença à remonter l'allée. Le Duster noir n’était pas une denrée rare, loin s'en fallait. Le premier qu'il avisa se trouvait à la hauteur de l'enclos des jeux.
Posé sur le bord de la fenêtre, un bras d'homme velu, terminé par une main baguée d'or. Il lui fallut marcher pas mal avant d'atteindre un deuxième Duster noir, Cette fois c'était le bon, le feu arrière était légèrement endommagé. Il pressa le pas. À l’intérieur un caniche était enfermé, dont les aboiements furieux se trouvaient réduits à néant par l’épaisseur des vitres.
Dans la chaleur de midi, son gilet multipoche noir s'était transformé en cilice. Il se faisait un point d'honneur à porter ce cadeau d’adieu offert par les employés du musée Poule, malgré son incommodité et le fait qu'au dos se détachait en grandes lettres jaunes le mot POULE. Il fit quelques pas, soudain saisi d'une douleur perforante comme un clou enfoncé dans la tête. Titubant, soulevé de nausées, il alla jusqu’à un pin d’Alep à l'écorce grise, y posa d’abord sa main, puis son front, puis se laissa glisser. Il n'était soudain plus aussi dense qu'avant, dans l'obscurité du corps les parties se dissociaient, revendiquaient une identité séparée et rebelle, il se découvrait constitué d'organes, de viscères, de tendons, d’os, un conglomérat mal ficelé qui, tout doucement, foutait le camp.
L'aire occupe une superficie de trente hectares et dispose de 1500 places de parking. La végétation est constituée pour l'essentiel de pins d’Alep, cèdres et cyprès. En été, près de 40 000 voyageurs s’y arrêtent chaque jour, 232 personnes y travaillent, dont ls moitié en contrat précaire. Entre juin et septembre se réalise 50% du chiffre d’affaires. Enchâssée dans la région, l’aire en est cependant totalement isolée.
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Nunc stans, m'écrit-il, l'éternel présent, est au centre de la roue du temps, la succession des instants n'est qu'une illusion fabriquée par notre pensée incapable d'envisager l'éternité.
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Venise est une utopie, dit Cosimo, elle a été inventée par des rêveurs, si le monde ne rêve plus, elle disparaîtra.
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J'échafaude des histoires d'amour à deux sous, sans doute le prix exact des histoires d'amour.
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Une brume s’accroche à la nuit, le Grand Canal se distingue à peine. Un vaporetto blanc s’approche, heurte le bois de l’embarcadère,… Alice ne parle pas, ne nomme par les lieux, elle me laisse seule face à l’inconnu. Je ne demande rien, j’accueille ce qui m’est offert, cette succession d’apparitions fantasmagoriques, vagues palais, fenêtre en ogives éclairées, statues montant la garde des des jardins invisibles, toute une ville naissant peu à peu de l’eau noire.
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Si Alice et moi nous nous croisions dans la foule, nous ne nous reconnaîtrions pas, nous nous frôlerions mais ce bref contact ne susciterait rien. Il faudrait une puissante volonté, indépendante de nous, pour que les yeux de l‘autre se rencontrent enfin.
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Je ne veux plus écrire, dis-je, j'ai peur de la fausse vie que créent les mots.
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L'eau verdâtre creusée par le sillage des bateaux. Les mouettes arrogantes perchées sur les pieux cerclés de rouge. Le doux marbre usé des parapets. Les lions emperruqués, bas du cul, qui traînent des ailes de pélican. Un pigeon descendant les marches d'un pont, mal assuré sur des pattes rongées par l'eau ou les rats. Les roquets furieux à la proue des bateaux. Une grosse dame en pantoufles appuyée contre le mur. Des groupes d'écoliers en tabliers noirs ornés de rubans bleus. Un marchand de fleurs ambulant qui chante à tue-tête. Les reflets mouvants sous l'arche des ponts, le goût du café, le goût du sel, l’odeur qui monte à la tête, au cœur.
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Nous avions vingt ans, Venise nous appartenait, était notre terrain de jeu. On marchait sur les toits. On écrivait des romans sur les murs. On volait le pain et le vin. On était à l'autre bout de tout.
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Je ne suis jamais retournée à Venise.
Chaque fois que j’ai failli l’apercevoir, dans un film où dans un livre, j’ai détourné les yeux.
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Saul se raidit. (...) Il redoute la rencontre avec les parents de cette femme qui partage sa vie. Il faut beaucoup d'amour pour accepter le passé de l'autre et il n'est pas sûr d'éprouver un tel amour. (p.109)
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Nous ne sommes bons qu'au rêve, le reste n'est que grossière couture de temps. (p.80)
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- Au jour du Jugement ce n'est pas la Créature qui sera jugée. C'est le Créateur. Tu m'entends ? Le Créateur. (p.71)
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Je sors, épuisée par l'effort qu'exige la vie quand elle n'est pas apprivoisée par le Lexomil. (p.69)
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- Pourquoi on est des pauvres ? On n'est pas en Afrique. Pourquoi nous on n'a pas d'argent ? Pourquoi les autres à l'école ils en ont ? C'est pas juste.
- Les autres, dit sa mère, ils n'ont pas plus d'argent que nous. Ils font semblant.
- Pourquoi on fait pas semblant nous aussi ?
- Parce que ça ne sert à rien. L'argent qu'on emprunte pour faire semblant il faut le rembourser un jour et c'est encore pire. (p.37-38)
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Les gros mots, c'est comme les gros bonbons, ça remplit toute la bouche, les petits mots ça glisse trop vite, on les avale sans s'en rendre compte. (p.34)
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Venise est une utopie nécessaire au monde. Un lieu invisible à l'intérieur du monde et de nous-mêmes. un lieu impossible qui les contient tous.
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