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EAN : 9791097594688
140 pages
Serge Safran éditeur (12/01/2024)
3.23/5   11 notes
Résumé :
Sur une aire de repos à la hauteur de Montélimar, Gabriel Bernier est pris d'un malaise. Quand il revient à lui, sa voiture et sa femme ont disparu. Cet homme de la soixantaine, frustré, atrabilaire, conservateur dans un petit musée de province, se retrouve piégé pendant 24 heures sur l'aire d'autoroute. Il essaie de comprendre pourquoi sa femme l'a abandonné. Les personnages qu'il rencontre sur place semblent d'étranges incarnations contemporaines de la collection,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Dans un décor qui ne suscite pas le rêve, une aire de repos au bord de l'autoroute, Dominique Paravel met en scène un personnage qui va vivre un épisode très perturbant. Après une brève dispute avec sa compagne, et un bref instant de malaise, il perd tout repère et toute trace de sa voiture. Quant à Ania, sa compagne, elle ne répond plus au téléphone. On apprend alors l'objet de leur divergence de point de vue, et la fameuse existence de la collection dont il doit devenir le conservateur dans une petite ville de province éloignée des grands centres où les cotes d'artistes se font et se défont au gré des modes et du pouvoir des finances.



Il a fini par accepter cet enterrement de première classe, elle n'a pas apprécié la démarche. Mais pourquoi tout à coup l'abandonner sur cette aire glauque ? Sa quête lui permettra de rencontrer de nombreux personnages hauts en couleur !


Un récit original et bien pensé, qui laisse le lecteur dans même doute que Gabriel, le narrateur. On apprend beaucoup sur les oeuvres fictives, dont la description plus vraie que nature fait illusion, de peintres mineurs qui, eux ont réellement existé.

Lecture dont le ton léger contraste avec la grisaille du décor, qui permet de passer un bon moment.


140 pages Serge Safran 12 janvier 2024
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Perdue sur une aire d'autoroute

Dans son nouveau roman Dominique Paravel a choisi une aire d'autoroute pour raconter notre société. Elle y suit Gabriel Bernier à la recherche de son épouse qui a disparue. Au fil de ses rencontres, il va tenter de comprendre ce qui s'est passé. Et découvrir un monde effrayant, le nôtre.

Il y a quelques années, Dominique Paravel nous avait déjà offert, avec Alice, disparue, l'histoire d'une femme partant à la recherche d'une amie perdue de vue à Venise. Cette fois, elle réduit la focale, mais son enquête n'en reste pas moins mystérieuse. Nous sommes sur une banale aire d'autoroute, à l'heure des migrations estivales. Gabriel Bernier a pris la direction de Villefranche-sur-Mer en compagnie de son épouse Ania et décide de faire une halte à hauteur de Montélimar. Quelques secondes après être sorti de sa voiture, il se voit mourir. Mais fort heureusement, son malaise n'est que passager. Sauf qu'il ne retrouve ni da femme, bi sa voiture. A-t-elle voulu lui jouer un mauvais tour parce qu'avant leur pause il s'était agacé du projet dont elle voulait lui parler? Toujours est-il que son téléphone était sur répondeur et que son désarroi allait croissant. D'autant que ce voyage n'était pas vraiment son choix, lui préférant les mers froides du côté de la Baltique. Mais, il s'était laissé convaincre.
"Ania avait vingt ans de moins que lui, un visage encore indemne, un sexe lisse et frais, une grâce venue de la danse inconsciente qu'elle menait avec le monde. Directrice d'une agence d'événementiel, activité en parfait accord avec son esprit créatif, téméraire et comptable, en désaccord total avec celui de Gabriel, docteur en histoire de l'art, front large et visage carré, une sorte de boeuf de labour obstiné dans son sillon, résistant aux compromis, aux assemblages hasardeux de genres, attitude qui lui avait coûté son poste de conservateur du musée Poule de Pontoise."
Désormais en charge d'un projet de musée dans un château médiéval à Trèves, en Saône-et-Loire, il ne va pas tarder à retrouver dans les scènes dont il est témoin sur cette aire d'autoroute des similitudes avec les tableaux qu'il est désormais chargé de mettre en valeur et de faire découvrir au public. "Après Mademoiselle Rubin, Les Trois mendiants sur un trottoir de Paris, la famille du Pique-nique en Franche-Comté et le Moine camaldule, La Fugitive se dissimulait peut-être, elle aussi, au milieu de la foule indifférente qui peuplait cette aire d'autoroute."
Mais, on s'égare. Revenons à la recherche de Gabriel, à cette employée de l'aire d'arrêt qui lui confie avoir vu sa femme converser avec un homme. Une première piste. Mais qui ne mènera pas très loin. Pas davantage que les quelques bières prises avec des chauffeurs routiers albanais. Ni avec cette famille qui a perdu son chat. Décidément, retrouver Ania sur un périmètre de quinze hectares entouré de hauts grillages s'avère bien plus difficile que prévu.
Dominique Paravel parvient parfaitement à rendre cette ambiance oppressante, à décrire ce microcosme où se croisent des destins particuliers, des histoires singulières. Ces tranches de vie rassemblées ici, un peu comme dans Kérozène d'Adeline Dieudonné, donnent une image de la France d'aujourd'hui. Un pays déboussolé, qui se cherche et qui ne sait plus trop vers qui ou quoi se tourner pour reprendre espoir.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.


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"La collection" de Dominique Paravel (édition Serge Safran) raconte l'histoire de Gabriel, docteur en histoire de l'art. Il est le conservateur du musée Poule de Pantoise. Sa femme, Ania, bien plus jeune, est directrice d'une agence d'événementiel.

Pour d'obscures raisons, visiblement en relation avec le caractère particulier de Gabriel, celui-ci est muté conservateur d'un petit musée de Trêves en Saône et Loire.

Les époux, vivant séparés pour causes professionnelles, décident de partir, quelques jours en vacances sur la côte d'Azur. Mais lors d'une escale sur une aire d'autoroute à Montelimard, Gabriel est pris d'un malaise. C'est alors qu'il constate la disparition de sa femme et leur véhicule. Gaspard déambule ainsi dans cet étrange espace où il rencontre d'insolites et curieux personnages.

Le roman se veut une satire de la société de consommation, mais il tombe dans la facilité et le cliché. L'écriture est plate, sans relief et empreinte d'un pseudo intellecualisme déplaisant et sans intérêt.

Le héros, Gabriel est antipathique, ses aventures sont invraisemblables et, parfois, incompréhensibles (au sens premier du terme).

Je n'ai pas du tout aimé ce roman, que jai lu jusqu'à son terme en raison de sa longueur très modeste.

Un roman que je déconseille.

Michel.
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Une aire d'autoroute, celle de Montélimar, et tout change au vent de la vie.
Une myriade méticuleuse. Un livre ardent, vertigineux d'intelligence .
Terriblement humain, l'aptitude à la métamorphose. Entre un désespoir révélateur, hypnotique et fondamental.
C'est l'histoire peu banale d'un homme, celle de Gabriel Bernier. Un anti-héros, terne et déçu, dont l'existence semble le musée qu'il dirige en tant que conservateur.
Dans cet endroit emblématique où il s'est arrêté avec sa femme Ania. Il est soudainement pris d'un malaise. Il semble alors son propre anéantissement. La chute d'Icare. L'oubli. Amnésique endormi quelques minutes. Lorsqu'il reprend connaissance, sa femme a disparu. Métaphore, double sens, nous sommes dans une littérature voluptueuse, efficace et subtile. Ania, « vingt ans de moins que lui, un visage encore indemne. Directrice d'une agence d'évènementiel... », lui, docteur en histoire de l'art, mais l'aura en berne.
Un désaccord sur un projet commun, la dualité, le noir et le blanc. Gabriel est l'emblème des vents contraires. Plus de voiture, plus de femme. Il est seul au centre de cette air d'autoroute, dans cette croisée des chemins, où les déambulations sont le côté pile de l'idiosyncrasie sociétale. le récit est décisif et s'étire dans une orée finement politique et sociologique. Gabriel va enquêter. Des rencontres fortuites, devenues des leviers. Les caricatures qui découlent des personnages sont des masques tombés. le reflet contemporain de nos habitus et petites manies et les a priori des catégories sociales. le tableau résurgence de tous les paradoxes et des injustices, le monde d'en haut et d'en bas. « Dans ce Disneyland de l'autoroute, pas de SDF réduits en bouillie par la canicule, pas de migrants cherchant pitance et abri, pas de travailleurs acculés au suicide, rien qu'une hideuse farandole de vacanciers. Rares sont les beaux visages, une bouche tient du miracle. Ce n'est qu'endormis que cette multitude d'essais ratés, accède quelquefois à la beauté, comme s'il leur fallait abandonner la verticalité, la percée du regard. Une femme âgée sur un transat, dont l'ombre d'un cyprès racrait les paupières. Un jeune homme étendu sur l'herbe au visage mêlé d'Orient et d'Occident. »
Il puise en lui les solutions inestimables. La remontée du temps, le corpus familial, son fils, la mise à distance. L'incompréhension commune. Tour remonte à la surface, immanquablement. Gabriel est admirable dans sa quête lumineuse. « Aujourd'hui encore il éprouvait la même impuissance face à sa fils, n'avait jamais trouvé le chemin vers lui, l'un et l'autre toujours à la mauvaise distance. Je l'aime pourtant, se dit-il, le coeur douloureux, le coeur empêché. »
Le récit est bleu nuit, beau à couper le souffle. Tendre comme le bon pain. Sous ses faux airs d'humour, soit joyeux ou cynique, se cache un Gabriel Bernier qui fait saillir le pictural d'une aire d'autoroute dans sa définition la plus triomphante. Des serveuses, aux vacanciers, des routiers aux balayeurs, jusqu'aux petits moineaux qui quêtent des miettes de pain sous les tables en bois délavées.
Les tableaux de son musée sont fructueusement réalisées avec les monde vivant, des pauvres aux nantis, du chat disparu, échappé lui aussi…
Une vue d'ensemble qui lui fait l'effet d'une flèche en plein coeur. On aime cet homme rimbaldien, mystique des vérités. Plus il avance et plus sa vue se brouille. Ania devient subrepticement la brume et son nouveau point de départ. « - Alcool, tu aimes ? Dit- l'un. Gabriel attaqua la côtelette à pleines dents. Qu'est-ce que je fous là, se dit-il, avec ces trois types qui me prennent pour un des leurs ? Quel pays ? demanda-t-il en finissant de ronger son os. -Albanie. Il connaissait pas grand-chose de la peinture albanaise, à part le tableau qu'on désignait comme la Joconde albanaise, peint en 1883 par Kolë Idromeno, une femme en costume traditionnel dans des tons de rose. »
« La Collection » est initiatique, engagé. On s'attache à cet homme qui va faire un premier pas vers son advenir. Ne rien dire de plus. Judicieux, singulier, ce roman contemporain est la splendeur d'un voyageur qui vaincra (peut-être) de ses épreuves. Un livre frénétique et sensible de Dominique Paravel. Les méandres de l'âme humaine. Prodigieux.
Publié par les majeures Éditions Serge Safran éditeur.


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Dominique Paravel, née en 1955, a vécu son enfance à Lyon et plus de vingt ans à Venise. Son oeuvre est mince et La Collection, son nouveau roman, vient de paraître.
Sur une aire de repos d'une autoroute dans la Drôme, Gabriel fait un léger malaise, quand il reprend ses esprits, sa voiture et sa femme Ania ont disparu ! Un huis-clos où durant vingt-quatre heures, Gabriel, la soixantaine, conservateur d'un musée en province, va chercher sa femme Ania, vingt ans plus jeune, directrice d'une agence d'évènementiel.
Si vous êtes capable de mettre de côté, le temps de cette lecture, votre esprit cartésien, il y a de fortes chances pour que vous tombiez sous le charme de ce délicieux roman.
Pour retrouver Ania, Gabriel va interroger ceux qui pourraient l'avoir aperçue, les employés de l'aire de repos comme Hermine, serveuse à la cafétéria, mais aussi les voyageurs stationnés là le temps d'un repas sur le pouce, une pause-pipi ou de détente pour les enfants, à moins que ce ne soient ce camionneur albanais. L'inquiétude va s'accentuer quand les vagues informations recueillies suggèreront qu'elle serait peut-être partie avec un type barbu ? L'imagination de Gabriel s'active, un amant ?
Cette population disparate est joliment croquée par l'écrivaine et nous donne de savoureux portraits (Vacanciers, routiers, prostituées, employés…), même si le constat pour Gabriel se résume à convenir que « tout le monde se ressemble sur une aire d'autoroute, un visage unique que se partagent tous les voyageurs, interminable défilé de duplicatas, à croire que l'unicité de chaque visage humain est une légende. »
A cette collection de tronches se mêle la collection de tableaux que Gabriel gère dans son musée, qui à son plus grand étonnement trouve un écho, une ressemblance avec ces gens qu'il interroge. Gabriel va et vient des parkings à l'air de jeux ou aux bâtiments, interroge et s'interroge, appelle son fils ou sa fille, et surtout laisse son esprit divaguer, revoyant sa vie passée, ses deux femmes, ses maîtresses, sa passion pour l'art et la peinture. Vingt-quatre heures d'un cheminement initiatique qui se ponctuera par une jolie pirouette finale.
Le roman est très bien écrit et si vous acceptez de vous laisser emporter dans cette charmante aventure, vous en retirerez une très grande satisfaction. Une bien belle surprise pour moi.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Il glissa les deux paquets de Marlboro dans une poche de son gilet et céda la place à la cliente suivante, Quarante ans, fine de partout, lèvres, mains, une sorte de trait rapidement exécuté, sans bavures ni grâce. Elle posa trois polars sur le comptoir, Moules meurtrières à Menton, Mamie moisie à Mougins, Mords-moi le nœud à Mandelieu, de quoi occuper sans doute les heures stériles de la plage.
Des pins parasols jaunis ombrageaient maigrement les véhicules. L'herbe avait perdu toute verdeur, au point que la limite entre béton et gazon s'était effacée. Des buissons de petites roses violacées se recroquevillaient au soleil, le bord de leurs pétales décoloré jusqu’à l’évanescence. C'était, pensa-t-il, la première fois qu’il tentait de claquer une portière. La résistance de ladite portière l'avait déconcerté. Un refus mou mais indiscutable de se laisser claquer. Il alluma une cigarette, s'emplit de fumée et rejeta de filets par les narines. Une vague de voyageurs le bouscula, qui déferlaient d’un autocar et s'éparpillaient entre Autogrill, la cafétéria et les toilettes.
D'une chiquenaude il envoya son mégot en direction d’un camping-car, d’où jaillit aussitôt une athlétique jeune femme blonde. Les deux mains sur les hanches, elle lui adressa une bordée d’insultes dans une langue incompréhensible farcie de voyelles. Du finlandais peut-être. Après quoi elle remonta dans son véhicule, dont la portière se laissa complaisamment claquer, un claquement sec et sonore, bien différent du soupir apathique qu'avait émis son Duster quand il lui avait infligé le même traitement. Assis à l'arrière du camping-car, une petite fille blonde et blanche, et un petit garçon du même modèle le regardaient, leurs visages comme un double portrait encadré par la fenêtre.
Paha poika, dit le petit garçon, vilain méchant, tête de nœud, ajouta la petite fille, puis les deux enfants se retournèrent et fixèrent les yeux sur la route qui les conduirait jusqu’à la petite principauté paradisiaque des Asturies, entre la Galice et la Cantabrie.
Quant à lui il filait droit vers Villefranche-sur Mer, ses plages exiguës, ses cafés grillés de soleil, ses touristes bronzés jusqu'à l'os, alors que, depuis années, il ne rêvait que de la mer Baltique. Froide et glauque, impropre à la baignade, idéale. Quelque part entre la Suède et la Lituanie, dan maritime que l'imagination peine à se représenter existait une île dont la beauté spectrale le hantait.
Dures falaises, blanches silhouettes furtives des arbres, paysage effilé par le vent. C'était là, dans ce lieu inhumain, qu'il rêvait de promener sa silhouette alourdie et son ennui.
Ania avait dit: Paterne et Prosper arrivent le 20 à Villefranche et repartent le 23 pour l'Italie, ça nous laisse suffisamment de temps pour discuter du projet.
Ils venaient de pénétrer sur l'aire de repos. La perspective de la chaleur atroce qui allait les saisir dès qu'ils auraient quitté l'habitacle climatisé de la voiture et celle de se taper en mode continu Paterne et Prosper pendant trois jours l’accablèrent. Le parking était saturé car il accueillait non seulement les voyageurs en partance vers le sud mais aussi ceux qui allaient au nord, grâce à un savant jeu de bretelles de raccordement. Il se vit forcé de prendre un embranchement à droite pour ne pas se retrouver ramené sur l’autoroute, puis contraint de faire le tour d’un rond-point planté de cyprès, pour enfin revenir à son point de départ.
— Je ne veux plus entendre parler de ce projet, avait-il dit.
À quoi Ania avait répliqué :
— C'est ton dernier mot ?
Il avait fini par trouver une place devant deux grandes poubelles jaunes, était descendu du Duster et avait tenté vainement de claquer la portière.
Ania avait vingt ans de moins que lui, un visage encore indemne, un sexe lisse et frais, une grâce venue de la danse inconsciente qu’elle menait avec le monde. Directrice d’une agence d’événementiel, activité en parfait accord avec son esprit créatif, téméraire et comptable, en désaccord total avec celui de Gabriel, docteur en histoire de l’art, front large et visage carré, une sorte de bœuf de labour obstiné dans son sillon, résistant aux compromis, aux assemblages hasardeux de genres, attitude qui lui avait coûté son poste de conservateur du musée Poule de Pontoise.
Médecin légiste passionné d'art moderne, Ferdinand Poule avait légué sa collection à l’État en 1964, une vingtaine de tableaux relevant du constructivisme et du suprématisme. Trois chefs-d'œuvre en faisaient la renommée, bien que peu connus, même des spécialistes. Composition 1000, de Vilmos Huszär (1926) carré rouge, triangle jaune, triangle gris, sur fond blanc. Composition abasourdie (1920) de Theo van Doesburg, puzzle de carrés et rectangles roses, verts, orange et bleus. Composition distante (1922) de Lajos Kassák, qui alliait quatre figures géométriques noires sur fond gris. La représentation, qu'elle soit d’un paysage ou d’un visage, n'offrait aucun intérêt aux yeux de Gabriel. Retrouver dans une œuvre d'art ce qu'on connaît déjà dans le réel témoignait d’une paresse de l’intellect. Seul l'équilibre parfait de couleurs et de formes pures, la beauté abstraite qui n'obéit à aucune contrainte autre que celle de sa propre harmonie, lui paraissait digne d’être regardée. Une œuvre libérée des passions, parfaitement autonome et désintéressée, de haute exigence morale.
— Tu aimes ce genre de peinture parce qu'elle est inoffensive, disait Ania, rien ne se libérera du cadre et te sautera à la gueule.
Il repéra rapidement sur le parking bondé le Duster noir, massif et inévitable comme un corbillard, garé devant les poubelles jaunes.
Sauf que le Duster au cul duquel il se tenait n’était pas le sien. Un siège d'enfant était installé sur la banquette arrière. Tous les parkings de toutes les aires de repos se ressemblent, tous les Duster noirs aussi. Il commença à remonter l'allée. Le Duster noir n’était pas une denrée rare, loin s'en fallait. Le premier qu'il avisa se trouvait à la hauteur de l'enclos des jeux.
Posé sur le bord de la fenêtre, un bras d'homme velu, terminé par une main baguée d'or. Il lui fallut marcher pas mal avant d'atteindre un deuxième Duster noir, Cette fois c'était le bon, le feu arrière était légèrement endommagé. Il pressa le pas. À l’intérieur un caniche était enfermé, dont les aboiements furieux se trouvaient réduits à néant par l’épaisseur des vitres.
Dans la chaleur de midi, son gilet multipoche noir s'était transformé en cilice. Il se faisait un point d'honneur à porter ce cadeau d’adieu offert par les employés du musée Poule, malgré son incommodité et le fait qu'au dos se détachait en grandes lettres jaunes le mot POULE. Il fit quelques pas, soudain saisi d'une douleur perforante comme un clou enfoncé dans la tête. Titubant, soulevé de nausées, il alla jusqu’à un pin d’Alep à l'écorce grise, y posa d’abord sa main, puis son front, puis se laissa glisser. Il n'était soudain plus aussi dense qu'avant, dans l'obscurité du corps les parties se dissociaient, revendiquaient une identité séparée et rebelle, il se découvrait constitué d'organes, de viscères, de tendons, d’os, un conglomérat mal ficelé qui, tout doucement, foutait le camp.
L'aire occupe une superficie de trente hectares et dispose de 1500 places de parking. La végétation est constituée pour l'essentiel de pins d’Alep, cèdres et cyprès. En été, près de 40 000 voyageurs s’y arrêtent chaque jour, 232 personnes y travaillent, dont ls moitié en contrat précaire. Entre juin et septembre se réalise 50% du chiffre d’affaires. Enchâssée dans la région, l’aire en est cependant totalement isolée.
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Après Mademoiselle Rubin, Les Trois mendiants sur un trottoir de Paris, la famille du Pique-nique en Franche-Comté et le Moine camaldule, La Fugitive se dissimulait peut-être, elle aussi, au milieu de la foule indifférente qui peuplait cette aire d'autoroute. p. 102-103
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Les choses n'existent que par ce qu'il y a des mots pour les dire.
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Et maintenant il devait expliquer au jeune homme assis derrière une vitre et chargé de résoudre les problèmes des voyageurs que soudain, de cette vie mal vécue, avaient disparu deux éléments fondamentaux : sa femme et sa voiture. Le jeune homme nota le nom et par l’intermédiaire d’un micro tonitruant annonça à l’aire de repos dans sa tonalité qu’Ania Revers était attendue par son époux à l’accueil à côté de la Maison des Nougats. L’époux attendit.
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Les conseils de Dominique Paravel aux apprentis écrivains .Lors de la rentrée littéraire de septembre 2013, Dominique Paravel a publié son premier roman Uniques (éd. Serge Safran), le récit de personnages qui cohabitent et se croisent dans une rue de Lyon. Dans cette vidéo, Dominique Paravel donne des conseils aux apprentis écrivains.
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