Citations de Don DeLillo (448)
Un d’eux pour chacun de nous. Clic clac. Cette pensée ennivre légèrement les couples. Ils sentent que l’espace est contagieux. Ils sont ici mais aussi là-bas, déjà dans les albums et les projecteurs de diapositives, emplissant les cadres de leurs corps microcosmiques, des minuscules êtres qu’ils essaient de devenir.
Le plus terrible, c'est qu’ils suivent cet homme parce qu’il leur donne ce qui leur manque. Il répond à leurs aspirations, les décharge de leur libre arbitre et de leur pensée indépendante. Voyez comme ils ont l’air heureux.
Rodge voit les mariées soulever leurs voiles et il braque vite ses jumelles, sentant au même moment croître une distance avec les évènements, une détresse.
Il porte une tunique de soie blanche et une haute couronne d’iris stylisés. Il le connaissent au niveau moléculaire. Il vit en eux comme des chaînes de matière déterminant qui ils sont. C'est un homme de stature massive qui a vu Jésus sur une montagne. Il a passé neuf ans en prière et il a pleuré si longtemps que ses larmes ont formé des mares, imbibé le sol, coulé dans la pièce du dessous et traversé les fondations de la maison jusque dans la terre.
Ils prennent un événement consacré par l’usage et le répètent, le répètent, le répètent, jusqu’à ce qu’un élément neuf fasse son entrée dans le monde.
Des thèmes et des personnages qui s’efforçaient de se rapprocher, reliés par des gribouillages et des traits étirés, un besoin obsessionnel de se rencontrer et de tenir bon. Le livre d’interminable souffrance de Bill. Et la voix éraillée de Bill dans un de ses moments lucides de demi-ivresse, quelques années auparavant, qui disait, Les récits n’ont pas d’intérêt s’ils n’absorbent pas notre terreur.
N’oubliez pas que dès l’instant où votre image apparaîtra, on s’attendra à ce que vous lui ressembliez. Et si vous rencontrez des gens quelque part, ils remettront en cause votre droit à différer de votre image.
Poser pour une photo est une affaire morbide. Un portrait ne commence à signifier quelque chose que lorsque le sujet est mort. Nous faisons cela pour créer un genre de passé sentimental à l’intention des gens des décennies à venir. C’est leur passé, leur histoire que nous inventons là. Et ce qui compte ce n’est pas l’allure que je puis avoir maintenant. C’est l’allure que j’aurai dans 25 ans, quand l’habillement et les visages auront changé, quand la photographie aura changé. Plus je passe profondément dans la mort, plus mon image devient forte. N’est-ce pas pour cette raison que prendre des photos s’entoure d’un tel cérémonial ? C’est comme une veillée. Et je suis l’acteur grimé pour la scène.
L’œil de la foule flotte au-dessus d’eux, tel l’œil en triangle sur les dollars.
Papa s’efforçant d’appliquer la vieille logique universitaire pour y comprendre quelque chose. Maman avec ce regard fixe et hagard qui signifie qu’elle a été mise sur terre exclusivement pour souffrir. Ils sont tout autour de nous, des parents par milliers, effrayés par notre intensité.
Elle attend son tour de défiler devant le maître et voit l’œil unique et flottant de la foule, inséparable de son propre organe de vision, mais plus clairvoyant, capable de percevoir plus profondément. Elle se sent intacte, envahie de bien-être.
Se concentrer sur les choses physiques les plus simples. Toucher, sentir, mordre, mâcher. Le corps n’en fait qu’à sa tête.
“J’en ai ma dose de tout ça. De ce dimanche, à moins qu’on soit lundi ? Février, je sais même plus le combien. J’ai atteint ma date de péremption.”
A la faveur d’un second silence, toutes les têtes se tournent vers Martin. Il parle de satellites en orbites qui sont capables de voir absolument tout. La rue que nous habitons, le bâtiment dans lequel nous travaillons, les chaussettes que nous avons aux pieds. Une pluie d’astéroïdes. Le ciel en regorge. Ca pourrait se produire n’importe quand. Des astéroïdes qui se muent en météorites à l’approche d’une planète. Des exoplanètes entières pulvérisées. Pourquoi pas nous. Pourquoi pas maintenant.
Also too much travel simply isolates people. It narrows them. It makes them boring. (Mais aussi de voyager trop isole les gens. Ça appauvrit leur esprit. Ça les rend pénibles.)
Einstein qui voit plus loin que notre situation actuelle, que j'ai qualifiée de troisième guerre mondiale. Einstein n'avait aucune prémonition quant à la manière dont cette guerre se déroulerait, en revanche, il a clairement précisé que le conflit de grande ampleur qui suivrait, la Quatrième Guerre mondiale, se ferait à coups de bâtons et de pierres.
J'écris, je réfléchis, dispense des conseils, scrute l'horizon. Est il naturel, dans un moment pareil, de penser et de s'exprimer en termes philosophiques, comme certains d'entre nous l'ont fait ? Ou est-ce qu'on devrait s'en tenir au pratique ? De la nourriture, un refuge, des amis, tirer la chasse d'eau si c'est possible ? Se concentrer sur les choses physiques les plus simples. Toucher, sentir, mordre, mâcher. Le corps n'en fait qu'à sa tête.
« L’objectif c’était de dormir. Il avait besoin de dormir. Mais les mots et les chiffres continuaient à tomber.
« Heure d’arrivée seize heures trente-deux. Vitesse quatre cent soixante et onze miles/h. Durée de vol restante trois heures trente-quatre.
— Je repensais au plat principal, dit-elle. Et aussi à ce champagne au jus d’airelles.
— Mais tu n’en as pas pris.
— Ça avait l’air prétentieux. Mais j’ai hâte que les scones arrivent, tout à l’heure. »
Elle écrivait et parlait en même temps.
« J’aime bien prononcer le mot correctement, dit-elle. Un o bref ? Comme dans « bloc » ou « forte ». À moins que ça ne soit scone comme dans dôme » ? »
« Mots, phrases, chiffres, distance restante.
L’homme toucha le bouton et son siège abandonna la position verticale. Il se retrouva les yeux levés vers le plus proche des petits écrans situés juste sous les coffres à bagages, face à des mots et des chiffres qui se modifiaient au fil du vol. »
... un autre printemps ou un début d'été, une journée au cœur tendre...