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Citations de Elena Gianini Belotti (34)


Les personnages féminins des légendes appartiennent à deux catégories fondamentales : les bonnes et incapables, et les malveillantes. "On a calculé que dans les contes de Grimm, 80% des personnages négatifs sont des femmes."
Pour autant qu'on prenne la peine de le chercher, il n'existe pas de personnage féminin intelligent, courageux, actif et loyal. Même les bonnes fées n'ont pas recours à leurs ressources personnelles, mais à un pouvoir magique qui leur a été conféré et qui est positif sans raison logique, de même qu'il est malfaisant pour les sorcières. Un personnage féminin doué de qualités humaines altruistes, qui choisit son comportement courageusement et en tout lucidité, n'existe pas.
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On continue à considérer l'enfant comme un petit idiot innocent, perpétuellement étonné et par ce qui se passe autour de lui. "Il est petit, il ne comprend rien de toute manière". Spectateur de la vie, on ne lui permettra pas d'en être le protagoniste tant qu'il n'aura pas atteint l'âge adulte.
Mais l'enfant est une personne sérieuse. C'est un étonnant travailleur, acharné, intatigable, attentif, lucide et précis. Dès l'instant où il vient au monde, c'est un explorateur insatiable, téméraire, curieux, qui se sert de ses sens et de son intelligence comme un scientifique, toute son énergie est tendue vers la connaissance. II essaie et essaie à nouveau, échoue et recommence avec une patience infinie, tant qu'il n'atteint pas ce qu'il considère comme la perfection, toujours prêt à s'exposer, à se risquer dans un monde d'adultes fait pour les adultes, alors que ce monde l'entrave au lieu de le favoriser, toujours en butte à la dérision, à la commisération, au paternalisme protecteur ou à l'indifférence, toujours proche du découragement ou de la faillite, toujours conscient de sa propre faiblesse, de son impuissance, toujours aux prises avec des personnes, des objets, des situations difficiles, écrasantes, effrayantes.
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Quelle opération massive de répression faudra-t-il pour qu'un tel individu, débordant de vitalité, d'énergie et d'amour pour la vie, donne une petite femme disposée à rester enfermée entre les quatre murs opprimants de son petit intérieur, prête à consacrer son énergie débordante à la misère obsédante des tâches domestiques? Et cela admis, combien de ténacité, d'efforts, de persévérance et combien d'hostilité faudra-t-il déployer pour réduire un être aussi riche à ce carcan rigide qui passe pour être la féminité?
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Cendrillon est le prototype des vertus domestiques, de l'humilité, de la patience, de la servilité, du "sous-développement de la conscience", elle n'est pas très différente des types féminins décrits dans les livres de lecture aujourd'hui en usage dans les classes primaires et dans la littérature enfantine en général. Elle non plus ne bouge pas le petit doigt pour sortir d'une situation intolérable, elle ravale les humiliations et les vexations, elle est sans dignité ni courage. Elle aussi accepte que ce soit un homme qui la sauve, c'est son unique recours, mais rien ne dit que ce dernier la traitera mieux qu'elle ne l'était jusqu'alors.
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Elle se sentait exilée dans un désert, et dans cette solitude irrémédiable, dont rien ne pouvait la soulager, elle errait éperdue en se torturant à chercher vainement une issue. Elle ne se décidait pas à parler à Italiano, par cette retenue invincible d'une femme devant un homme, fût-il même son frère, par la terreur qu'il ne la comprît pas et la jugeât. C'est à ton honneur que tu dois penser, I'avait-il prévenue, et elle n'en avait pas été capable. Elle se répétait en elle-même les difficiles paroles a prononcer, les atténuait, les rendait vagues et allusives, mais, même retournées dans tous les sens, elles lui brûlaient les lèvres comme un fer rouge. Elle finissait donc par garder le silence et remettre à plus tard.
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A cinq ans, tout est donc joué, l'adéquation aux stéréotypes masculins et féminins est déjà réalisée. Le gargon agressif, actif et dominateur est déjà modelé. Il en va de même pour la fille, soumise, passive et dominée. Mais alors que le garçon s'est trouvé contraint de s'adapter à un modèle qui non seulement lui permet, mais l'oblige à se manifester et à se réaliser le plus possible, ne serait-ce que dans le sens de la compétition, du succès, de la victoire, la fille, elle, a été contrainte à prendre la direction opposée, autrement dit celle de la non-réalisation de soi. Du fait de ce conditionnement réducteur, la plus grande part de son énergie vitale se trouve freinée, bloquée, puis déviée vers un "masochisme féminin" malsain, processus qui, selon Hélène Deutsch, est indispensable pour que se réalise une "véritable féminité". Les femmes ont détruit leur propre créativité, dissimulé et mutilé leur intelligence, elles se sont enfermées dans la misère de la répétition quotidienne d'événements mesquins, se détruisant elles-mêmes pour le "plaisir" de se mettre au service du mâle.
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La première catégorie [de caractérisation], la plus fondamentale, est celle de sexe : elle est une forme de racisme, mais elle a un telle apparence de naturel qu'elle ne permet aucun soupçon sur son injustice et sa fausseté.
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« Il est essentiel que la personnalité sociale de chaque individu évolue de manière à correspondre à son sexe biologique, c’est-à-dire que le garçon doit avoir des habitudes de garçons et les filles des habitudes de filles. La normalisation des sexes tend à préparer les enfants à leur rôle de futurs parents. Cette normalisation, bien que biologiquement déterminée de toute évidence, se développe en fonction de comportements indifférenciés de la prime enfance. Par exemple, les garçons apprendront qu’ils n’ont pas à se battre avec leur sœur, mais doivent se battre avec les autres garçons de leur âge s’ils ne veulent pas qu’on les traite de femmelettes. Les filles doivent apprendre qu’une jeune fille comme il faut ne grimpe pas aux arbres, même si les garçons le font ; les garçons doivent comprendre qu’après un certain âge, les hommes ne jouent pas à la poupée, même s’ils y jouaient avant. Les garçons doivent apprendre que les larmes ne sont pas une réaction convenable dans une situation conflictuelle, alors qu’on n’insiste guère pour que les filles renoncent à ce même comportement. Les filles doivent aussi apprendre à croiser les jambes en s’asseyant, alors que de telles précautions ne seront pas nécessaires pour les garçons. Et cette liste pourrait se prolonger à l’infini ; il suffira d’avoir évoqué ces modifications progressives dans les comportements imposés afin de réaliser la normalisation des sexes, modifications qui sont à considérer comme des frustrations plus ou moins grandes. Dans certains cas, chez les adultes, les tendances à se rebeller contre la répression des formes de comportement originel restent encore visibles. » (John Dollard, « Frustration and agression »)
Dollard semble un peu hâtif dans son analyse qui appelle certaines objections : la normalisation des sexes n’a pas pour but de préparer les enfants à leur rôle de futurs parents, mais de préparer les petites filles à leur rôle d’épouse et de mère, et les petits garçons à leur avenir de détenteurs du pouvoir. La normalisation, biologiquement déterminée, ne l’est qu’en fonction de la procréation ; tout le reste est culturel, jusqu’à preuve du contraire.
Dans le bref répertoire relevé par Dollard, il est clair que la balance de la frustration issue de la contrainte à se conformer au modèle sexuel exigé, penche décidément en défaveur des petites filles. Quelle frustration occasionne, par exemple, pour les garçons, le fait de ne pas se battre avec les filles, au regard de la défense absolue d’en venir aux mains ? Si la frustration, comme le soutien Dollard, engendre l’agressivité, les petites filles, bien plus frustrées que les garçons, devraient en développer davantage. Il en est probablement ainsi, à ceci près qu’un obstacle s’ajoute à l’autre puisque même la libre expression de l’agressivité leur est interdite. Leur condition serait insupportable si elles ne trouvaient pas le moyen de l’exprimer par des formes différentes, telles que l’agressivité dirigée contre soi, l’agressivité verbale (insultes, médisance, commérage), ou encore, les réactions somatique négatives, inhibitions, stéréotypes (dont font partie également les jeux ritualisés et contraignants que nous avons examinés), perfectionnisme anxieux et ambivalence.
Mais cela ne suffit pas : en échange de la maîtrise d’elles-mêmes, on offre aux petites filles des compensations extrêmement attrayantes en apparence, mais qui se ramènent à de véritables limitations de la réalisation de soi en tant qu’individu : la valorisation de la beauté, le soin attentif et excessif de l’aspect extérieur, l’encouragement au narcissisme, des possibilités accrues de manifester leur propre émotivité, tout cela manque d’authenticité. Toutes les petites filles restent au fond des rebelles impuissantes, contraintes à calculer à chaque moment s’il vaut mieux se livrer à la rébellion ou se soumettre à la dépendance. Celles qui ont plus de vitalité combattent plus longtemps et douloureusement que les autres, mais le dilemme sera le même toute la vie, à chaque occasion de faire un choix, et les maintiendra en permanence dans un état de désengagement et d’attente.
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Les préjugés sont profondément enracinés dans les coutumes : ils défient le temps, les changements, les démentis, parce qu’ils présentent une utilité sociale. L’insécurité humaine a besoin de certitudes, et les préjugés en fournissent. Leur force stupéfiante réside justement dans le fait qu’ils ne sont pas transmis à des adultes qui, tout conditionnés qu’ils soient, pourraient avoir conservé assez de leur sens critique bien appauvri pour les analyser et les refuser, mais qu’ils sont présentés comme vérité indiscutables depuis l’enfance et ne sont plus jamais remis en question par la suite. […] Pour les réfuter et les détruire, il faut non seulement une prise de conscience très aiguë, mais aussi le courage de la rébellion qui n’est pas le fait de tous.
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J'ai en tête l'unique portrait d'Italia, qui dégage de la gentillesse et de la réserve, de la sensibilité et de la timidité. Elle porte un chemisier orné d'un volant, au cou un camée pendant à une chaîne, ses épais cheveux sont arrangés à la mode de l'époque. Elle appartenait à une famille analphabète - seul son frère savait lire et écrire - mais elle avait réussi à se hisser à la condition d'enseignante, aussi modeste fût-elle. Et bien que son attachement à ses racines et à ceux qui lui étaient chers restât inaltéré, d'autres horizons s'étaient déployés à ses yeux, d'autres objets de curiosité, d'autres désirs avaient éclairé son esprit, enflammé ses pensées. Ainsi, je la vois se dresser à mes côtés et contempler avec extase le soleil qui s'enfonce derrière les Monti Pisani et l'eau des étangs qui se teinte de lilas et de violet. (page 21)
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Je regarde autour de moi et j'essaie de me représenter la désolation de ces lieux pendant les années où Italia y vivait, I'isolement de ces maisons misérables, les distances qu'il fallait parcourir à pied pour rejoindre le moindre endroit, ce que coûtait de temps et d'énergie la simple survie. Tout devait être conquis et payé au prix d'un effort continuel et exténuant. Et l'instruction devait apparaitre comme un luxe inconcevable, une prétention scandaleuse, une ambition coupable qui ne provoquait que le blâme. Et sous le blâme couvait la jalousie.
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Un conditionnement sexuel ne se maintient que si l'on suscite un conditionnement opposé chez l'autre sexe. la supériorité et la force d'un sexe se fondent exclusivement sur l'infériorité et la faiblesse de l'autre. Si le garçon ne se considère comme un petit homme qu'à la condition de dominer, il faut inévitablement que quelqu'un accepte d'être dominé.
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C'est également le conditionnement des femmes, auquel bien peu d'entre elles se soustraient, qui impose qu'on donne au garçon la meilleure part, et que la femme, qu'elle soit fille ou épouse, mère aussi bien sur, a le devoir de se mettre à son service et de ne faillir à aucun de ses devoirs, et cela depuis le début. Les petites filles, au contraire, sont habituées dès l'enfance à se "sacrifier", sinon "comment feraient-elles une fois grandes?"; par conséquent, s'il ne leur est pas donné la meilleure part dès la prime enfance, c'est "pour leur bien".
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Il lui revient à l'esprit que le maître Baronti, quand elle lui a annoncé triomphante avoir été nommée instítutrice à Porciano, s'est exclamé presque en criant: N'y allez pas seule ! Étonnée, elle lui a demandé pourquoi, et lui a hésité puis répondu : Le monde est plein de loups. Il a fait une pause, comme pour peser sil était opportun d'en dire davantage, puis a ajouté en hésitant que Torrigiani est un tyran, rien moins qu'un seigneur médiéval, un de ces hobereaux qui se croient maîtres du monde et n'ont aucun respect de l'honneur d'autrui. Il faudra qu'elle fasse très attention. Attention à quoi? aurait-elle voulu insister, mais par pudeur elle n'a pas osé.
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Leopoldo n'assista pas aux funérailles, répugnant à l'idée de rencontrer ces abjects villageois qui, après l'avoir insultée, injuriée et repoussée à qui mieux mieux et l'avoir poussée dans la tombe de leurs mains crasseuses, parlaient maintenant d'elle comme d'une sainte, se mettaient en quatre pour lui rendre honneur et avaient, de ces mêmes mains dégoûtantes, confectionné guirlandes et rubans de deuil. Il resta enfermé chez lui, morne et amer, torturé par le remords de n'avoir pas su la sauver, pendant que de la rue lui parvenaient le piétinement des gens qui se regroupaient, le murmure des prières des morts, le pas cadencé des sabots des chevaux et le crissement des roues de la voiture qui l'emportait.
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[...] en échange de la maîtrise d'elles-mêmes, on offre aux petites filles des compensations extrêmement attrayantes en apparence, mais qui se ramènent à de véritables limitations de la réalisation de soi en tant qu'individu: la valorisation de la beauté, le soin attentif et excessif de l'aspect extérieur, l'encouragement au narcissisme, des possibilités accrues de manifester leur propre émotivité, tout cela manque d'authenticité. Toutes les petites filles restent au fond des rebelles impuissantes, contraintes à calculer à chaque moment s'il vaut mieux se livrer à la rébellion ou se soumettre à la dépendance. Celles qui ont plus de vitalité combattent plus longtemps et douloureusement que les autres, mais le dilemme sera le même toute la vie, à chaque occasion de faire un choix, et les maintiendra en permanence dans un un état de désengagement et d'attente.
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La psychanalyse est parvenue à faire que la femme se sente coupable d'une "féminité" non accomplie si elle s'obstine à ne pas vouloir qu'on la considère comme un individu de seconde classe. L'absence de "l'envie du pénis" distinguerait en fait, selon la psychanalyse, les femmes vraiment "féminines", c'est-à-dire parfaitement adaptées et satisfaites de leur condition. Ce qui reviendrait à dire que seules celles qui ont accepté de gaieté de coeur leur condition d'infériorité seraient authentiquement des femmes. C'est là un point de vue décidément masculin.
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Ce n'est pas en poussant les petites filles à entrer en compétition et à imiter le garçon qu'on leur offrira quelque chose de plus, mais en respectant, en favorisant le choix de chacun, indépendamment de son sexe, et en offrant aux enfants des modèles plus variés, permettant davantage de s'exprimer et plus libérés de stéréotypes dominants ils pourront ainsi se réaliser plus complètement sans être contraints de sacrifier des aspects d'eux-mêmes qui ont une valeur précieuse.
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La tension de l'enfant peut devenir aiguë; des exigences de ce genre, adressées à un adulte, seraient immanquablement taxées de sadisme, mais le sadisme appliqué aux enfants est très commun et laisse tout le monde indifférent.
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Qu'est-ce qu'un garçon peut tirer de positif de l'arrogante présomption d'appartenir à une caste supérieure, du seul fait qu'il est né garçon? La mutilation qu'il subit est tout aussi catastrophique que celle de la petite fille persuadée de son infériorité du fait même d'appartenir au sexe féminin, et son développement à lui en tant qu'individu en est déformé, sa personnalité appauvrie, ce qui rend difficiles les rapports entre les deux sexes.
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